Chapitre 36

Les armées de Lombal étant en déroute, Nilcalar remporta une victoire incontestable.

Le moral de ses hommes était au beau fixe et les pertes lourdes avaient été évitées grâce à Dorgon. Il lui devait une fière chandelle.

Dans sa tente, le roi restait au chevet du blessé.

— Je savais que tu réussirais, déclara-t-il satisfait.

L'elfe gémit de douleur : les sortilèges accélérés des mages le faisaient souffrir.

— Je suis heureux de te voir bientôt rétabli, je comptais fêter la victoire avec toi.

— Majesté...

— Tout Atalantë célèbre tes exploits, tu as frappé fort pour un premier champ de bataille. Tu es admiré de tous nos guerriers.

Dorgon hocha la tête, pour l'instant plus préoccupé par sa santé. Il leva le bras pour constater que les brûlures disparaissaient à une vitesse surprenante.

Un bref regard vers le roi lui indiqua que ce dernier ne le lâchait pas des yeux.

— Vous vous êtes inquiété pour moi, Majesté ? demanda-t-il d'une voix adoucie.

— Bien évidemment ! Imagine un instant si je t'avais perdu ! Mon plus grand trésor envolé !

— Ça ne vous a pas empêché de m'envoyer au suicide...

Nilcalar secoua la tête avant de donner une pichenette dans le crâne de son esclave :

— Je savais que tu vaincrais.

Il se pencha au-dessus du lit de camp et l'embrassa :

— En revanche, je ne suis pas certain d'attendre ta rémission avant de remettre le couvert.

Dorgon se pinça les lèvres pour réprimer une exclamation de mécontentement. Il était fort malvenu d'avoir un rapport dans son état mais sans doute peinait-il à retenir ses phéromones avec un Vala tant sollicité.

Le roi bascula au-dessus de lui dans l'optique de commencer les festivités. Heureusement pour l'elfe, Ninkë intervint.

— Majesté, nous avons des nouvelles préoccupantes de la capitale.

Nilcalar stoppa dans son élan et foudroya son amant du regard :

— Est-ce vraiment le moment de jouer les oiseaux de mauvais augure ? Je comptais me vider la tête.

Le Caprice s'enfonça dans ses traversins, les oreilles baissés. Le roi était toujours au-dessus de lui et il résistait fort à l'envie de le pousser.

— Le chambellan a disparu depuis trois jours, Nilcalar, la cour est inquiète.

— Encore une farce de Polcamitraï...

Dorgon se redressa. Le chambellan ? Il était arrivé malheur à Talvy ?

— Que faisons-nous ? le clergé a affirmé que Talvy s'était enfui. Des rumeurs sur sa loyauté circulent à la capitale. On le soupçonne de collaborer avec les sectes.

— Balivernes ! Si mon chambellan est coupable alors n'importe qui de mon entourage peut l'être. Il était là à la naissance même de mon régime.

— J'envoie un escadron ?

Un long soufflement s'échappa des lèvres du roi, soulevant les mèches blondes de l'esclave.

— Nous verrons ça demain. J'ai un elfe sur le feu.

Le regard du concerné se fit fuyant. Pour une fois, Ninkë aurait pu le sortir d'une mauvaise passe... L'irresponsabilité du roi le surprendrait toujours. Dorgon ne souhaitait pas que le chambellan risque sa vie. Il était bien le seul astre qu'il appréciait un tant soit peu. Il serait regrettable qu'il décède à cause de ce maudit Grand-Prêtre.

En attendant, il devait supporter la présence du roi dans sa couche alors que son corps entier le lançait.

— Majesté, vous allez me faire mal, se plaignit-il en le repoussant légèrement.

— C'est possible mais je ne résiste pas à tes charmes. Tu ne peux pas savoir à quel point tu me manquais après chaque bataille sans toi.

Le Caprice eut un sourire amer et laissa le souverain le caresser. Pourquoi espérait-il que son consentement importe ?

— Je pense que tu mérites un nouveau cadeau, Dorgon. Tu dois être récompensé pour ta bravoure.

— Vous vouliez aussi me punir...

— En effet. Mais je n'ai pas encore l'idée de la sanction.

— Ah ? Je pourrais... Retrouver votre chambellan.

Nilcalar s'arrêta dans ses préliminaires, surpris. Même son partenaire semblait étonné par sa propre proposition.

— Dis-moi, il t'a vraiment tapé à l'œil.

— Non... Je l'aime bien, c'est vrai. Mais pas pour ce genre de raisons.

— Ah oui ? Je suis certain que tu ne regretterais pas qu'il vienne jouer par ici, petit pervers.

— Majesté, doucement.

— Navré mais je n'ai guère envie d'être tendre avec toi, cher Caprice. Tu passes ton temps à soupirer auprès d'autres personnes que moi.

Nilcalar attacha les poignets de son esclave dans le dos et ignora ses suppliques. Il n'attendit guère avant de lui enfoncer le visage dans les coussins pour accentuer l'humiliation et le pénétra sans pitié.

Dorgon n'eut d'autre choix que de se contenter de son amertume et de la brutalité qu'il endurait. Il rongeait son frein, pressé que le roi finisse. Ce qu'il ne tarda pas à faire, trop enivré par le parfum elfique.

Nilcalar conclut la chose en venant sucer son partenaire. L'initiative fut plutôt bien reçue par Dorgon puisqu'il parvenait la plupart du temps à trouver son compte. Avec le temps, il avait réussi à juste se concentrer sur les sensations tout en laissant l'imagination faire le reste.

Une fois les poignets déliés, l'elfe quitta sa couche tant bien que mal pour trouver de l'aide auprès de son mage.

Avec un peu de chances, Nilcalar accepterait de l'envoyer secourir Talvy.

— Dorgon ! chuchota nerveusement Wimal, pourquoi marches-tu ! Tu es blessé !

L'esclave se laissa choir sur la chaise de l'astre, parmi les parchemins et les potions empilées.

— J'ai faim, donne-moi à manger.

— Ton foie est encore trop faible, stupide gnome. Tu n'avaleras rien.

— C'est de la torture.

Wimal grogna et força l'elfe à rejoindre une bassine suffisamment large pour l'y asseoir et verser de l'eau chaude sur le convalescent. Ce dernier se retint un cri lorsque ses plaies subirent la chaleur de cette averse inopinée.

— Te prélasse pas dans mes fauteuils quand tu es crasseux de la sorte. Ça se sent à des mètres que tu viens de forniquer.

— Au lieu de m'enfoncer, dis-moi quand je serai rétabli.

— Dans une semaine.

— Où est Topaze ?

— En cage.

— Quoi ?

— Je plaisante, il est à l'entrée principale de la tente. C'est devenu une mascotte, tu sais ?

— Je dois repartir au plus vite. Il parait que le chambellan a disparu.

Le mage haussa les épaules :

— Cela ne m'étonnerait guère qu'il ait quitté le navire avec toutes les dérives économiques de notre souverain.

— Et si Polcamitraï l'avait enlevé ?

— Il l'aurait déjà fait depuis longtemps. Ils ne se sont jamais supportés tous les deux.

— Je dois convaincre le roi...

— Il sera plus difficile à amadouer si tu avoues aussi facilement tes sentiments pour notre petit Talvy.

Dorgon roula des yeux :

— Je ne suis pas attiré par les hommes.

— Peu importe, le chambellan occupe une certaine place dans ton cœur.

Ces répétitions lassaient le Caprice. Non, il n'allait pas soupirer après le haut-fonctionnaire. Il était tellement habitué à contenter des hommes qu'il détestait que lorsque l'un d'entre eux se comportait normalement, il ne savait comment interpréter ses émotions. Tous les abus subis avaient simplement brouillé ses repères.

Dans les jours qui suivirent, Dorgon se rétablit au mieux. Ses journées gardaient le même rythme. Comme il ne pouvait pas aller explorer le front du fait de son état, il restait confiné dans la tente royale à satisfaire le roi ou l'intendant. Fayra ne repassa pas, sûrement envoyée à Lombal pour continuer sa mission d'espionnage. D'après Wimal, elle se portait plutôt bien lors de son départ.

L'eunuque s'ennuyait ferme durant cette campagne, aussi s'occupait-il à trouver de nouveaux ornements pour le Caprice ou marquaient ses idées dans les carnets de cuir qui pendaient à sa ceinture. Il finit par capituler après les demandes prolongées de son détenu et lui apporta enfin du surplus de nourriture. La boulimie de l'elfe empirait. Wimal ne s'en inquiétait pas plus puisqu'aucun effet secondaire n'impactait le corps de son protégé.

Dorgon fut aussi chargé de plaire à l'état-major, chose qui malgré son aspect rebutant lui semblait plutôt utile. En quelques nuits, il séduisit tous les officiers. Dodam et Gelavon, les deux généraux de Nilcalar, étaient déjà des habitués, mais le Caprice mit un point d'honneur à les contenter puisqu'ils étaient la tête pensante de l'armée.

L'elfe avait toujours envie de vomir en sortant de leur suite ; le couple avait des pratiques libertines assez poussées et l'esclave devait toujours satisfaire les deux en même temps. Cela le menait à supporter une sodomie tout en devant effectuer une fellation, ce qui niveau humiliation continuait de blesser son orgueil.

Avec toute cette bonne volonté mise en œuvre, Dorgon convainquit le roi de retrouver le chambellan.

— Reviens dans quinze jours à la capitale, ordonna Nilcalar alors que son Caprice montait en selle, si tu échoues, je peux te garantir que tu seras surpris de mon inventivité pour te punir.

L'elfe resserra son foulard et hocha la tête. Mieux valait réussir et échapper à la torture.

— Prends soin de Topaze, lança-t-il à l'eunuque.

— Ne t'en fais pas pour lui. Il sera traité comme un roi.

Comme pour exprimer ses adieux, l'énorme tigre posa les deux pattes avant sur la selle afin de recevoir les caresses de son maître. Après de longs ronronnements, et quelques hennissements angoissés, l'esclave tira sur ses rênes pour sortir sa monture du camp.

Sous son bâillon, il se permit de grimacer d'inconfort : avec toute les activités nocturnes, et diurnes, qu'il avait entretenues, il souffrait à chaque secousse.

D'ailleurs, les conséquences de ses ébats enflammés se lisaient dans les yeux interrogateurs des soldats. Il était certain qu'ils avaient entendu leurs officiers prendre du bon temps en compagnie du Caprice. La curiosité et la convoitise les animaient mais aucun n'aurait tenté la moindre avance. Mine de rien, ils nourrissaient une admiration proche de la dévotion pour celui qui les avait sauvés sur le champ de bataille.

Dorgon se pencha vers les sacs attachés aux flancs de sa monture et s'octroya une première collation en s'éloignant des contrées du Lacron.

L'aura de Talvy semblait à peine perceptible, mais il la sentait, bien plus au sud. Au moins était-il toujours vivant. Mais dans quel état, Dorgon allait rapidement le savoir après avoir traversé les vastes étendues désertiques.

L'avantage de ce voyage résidait dans la solitude.Enfin allait-il ne plus se préoccuper de la perversité des astres.

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