Chapitre 30
Les cris d'effroi du courtisan se mêlèrent aux plaintes de l'elfe.
Javar n'avait pas réagi assez vite pour faire appel à son Vala et déjà, le tigre lui dévorait l'épaule dans un rugissement féroce. L'emprise sur Dorgon s'estompa aussitôt alors que l'astre monopolisait tout sa magie sur sa défense.
Contre toute attente, Polcamitraï déboucha par la porte et matérialisa sa crosse pour venir personnellement en aide à son compagnon.
L'esclave comprit aussitôt que le Grand-Prêtre avait permis à Javar de pénétrer dans la tour et sans doute avait-il neutralisé ou corrompu l'escorte grâce à son statut clérical élevé.
— Dorgon ! ordonna-t-il, rappelle ta bête sur le champ !
Forcé par la marque, l'elfe s'exécuta et Topaze rejoignit son maître en feulant.
Le danger désormais écarté, Javar reprit de l'assurance malgré sa vilaine blessure. Sous ses yeux, le Caprice apparaissait pour la première fois sans son maquillage et ses ornements. Les cicatrices profondes ressortaient d'autant plus, preuve concrète de son asservissement.
Dorgon serra la mâchoire, frustré de ne pouvoir agir comme il l'entendait. Sans cette maudite marque sur son poignet, ces deux astres seraient déjà morts sous sa lame.
Après la finalisation d'un soin, le courtisan s'approcha de l'elfe, comme pour le narguer.
— Qu'est-ce que tu croyais, le gnome ? Que ton influence auprès du roi fasse oublier ton statut d'esclave ?
Il garda le silence. Que pouvait-il ajouter, de toute façon ?
— Pour toi, l'aventure se finit ici. Tu seras le premier elfe éliminé.
— Nilcalar saura votre implication, il vous condamnera.
Polcamitraï se fendit d'un rire tonitruant :
— Je me suis débarrassé de tout le genre féminin d'Atalantë ! Crois-tu qu'il me soit impossible d'éradiquer de simples esclaves sexuels ?
— Je croyais que vous vouliez acheter votre propre Caprice, Votre Éminence...
— Je me garderai bien un gnome sous le bras, en effet. Mais le Harem est trop rempli à mon goût et tu es diablement présent auprès de notre souverain.
Javar les interrompit :
— Cet elfe tente de gagner du temps, tranchons-lui la gorge et emmenons sa dépouille chez Talvy.
Topaze hérissa son poil et montra les crocs pour intimider l'astre. Dorgon fut sommé de l'attacher par son lourd collier à un mur.
Aussitôt après, Polcamitraï pointa son sceptre sur le Caprice et le força à s'abaisser, genoux et coudes contre terre. La douleur subie lui soutirait des râles pénibles alors que son cœur tambourinait dans sa poitrine. Le sang jaillit de ses lèvres et vint éclabousser les dalles claires.
Ce spectacle macabre amusa le Grand-Prêtre et lui rappelait ses activités sadiques sur ses esclaves sexuels.
Pourquoi ne pas soumettre le Caprice de Nilcalar à ses envies avant de le supprimer ? Il n'avait jamais eu l'autorisation de le toucher ; le roi n'accordait pas son elfe à qui voulait et les sentiments partagés qu'il vouait au prêtre ne l'avait pas poussé à le gratifier de cette présence dans sa couche.
En attendant, Javar s'était déjà joint à la mise à mort et s'apprêtait à arracher le dernier souffle au condamné.
— Attends, somma le Grand-Prêtre à son sbire, épargnons-le pour l'instant, je souhaiterai comprendre pourquoi Dorgon accapare tant l'esprit de notre souverain.
— Ne craignez-vous pas qu'il vous ensorcelle aussi ? Il en serait capable.
— Vérifions cela ! Peut-être le garderions-nous en vie s'il se révèle tant appétissant.
Javar grinça des dents. Ce n'était pas prévu de s'attarder avec le Caprice ! Mais que pouvait-il faire face à l'excentricité du Grand-Prêtre ? Déjà, il trainait le corps agonisant de l'elfe. Il ne restait plus grand-chose du guerrier redoutable qui avait occis les gladiateurs plus tôt. Là, Dorgon paraissait tellement vulnérable et faible, plus qu'une poupée de chiffons à la merci des concupiscences. Le signe de Démonia révélait ainsi toute sa puissance ; personne ne pouvait s'y soustraire, même celui dont le Vala dépassait l'entendement.
Polcamitraï arracha la tunique de l'esclave d'un geste sec et l'attacha fermement à la tête de lit avant de l'y rejoindre. Le poids conséquent de l'astre fit grincer le bois de la couche mais il s'en moquait pas mal. Sous ses yeux, le Caprice se débattait sans succès, accablé par la souffrance. Le sang ne tarda pas à tâcher les draps et pour empirer son cas, le Grand-Prêtre dégaina un petit poignard pour glisser la lame contre l'oreille effilée de l'elfe :
— Je t'avais promis que je te les trancherais.
Une giclure écarlate après, Dorgon hurla de douleur. La deuxième oreille ne tarda pas à rejoindre la première. Emporté par sa soif de sang, le tortionnaire vint entailler le visage de sa victime pour la défigurer. Le carnage se propagea sur le torse et le ventre où des morceaux de chairs furent arrachés.
L'excitation gagna Polcamitraï, tout ce sang attisait ses pulsions et il déboucla sa ceinture pour violer le Caprice qui lui avait été refusé jusqu'ici. Malgré son état critique, l'elfe continuait de lutter ; ce comportement satisfit le Grand-Prêtre qui ne comptait pas coucher avec un homme inconscient.
Malheureusement pour lui, son corps ne suivit pas ses intentions. Comme il le redoutait, ses nombreux problèmes de santé le rendait souvent impuissant et la chose était bien malvenue pour cette nuit où il pouvait enfin soumettre l'esclave royal.
— Javar ! appela-t-il, donne-moi un antidote immédiatement.
Bien sûr, le courtisan avait ce genre de potion sur lui mais il ne cacha pas son agacement :
— Votre Éminence ! Le roi peut arriver d'un instant à l'autre.
— Et moi je veux baiser le gnome avant alors obtempère !
Javar ne pouvait décevoir son supérieur aussi s'exécuta-t-il. Il frémit en découvrant le corps lacéré du Caprice et au moins trouva-t-il une forme de satisfaction dans ce spectacle malsain. À ce stade, Dorgon avait peu de chances de survivre.
Polcamitraï accomplit sa sombre besogne non sans quelques difficultés dues à son obésité morbide. Si l'astre blond s'impatientait et s'inquiétait, son subalterne religieux ne put rallonger les réjouissances bien longtemps, faute d'énergie.
Javar avait envie de pousser ce tas de graisse encombrant pour enfin trancher la carotide de ce maudit gnome et se débarrasser de Talvy. Mais le Grand-Prêtre suffoquait et peinait à reprendre ses esprits.
Tant pis, Javar entendait déjà les pas précipités de la relève. Les gardes allaient trouver leurs prédécesseurs ensorcelés et mieux valait quitter le pavillon. Sans l'once d'une hésitation, le courtisan s'échappa et abandonna Polcamitraï à son sort.
Pour enfoncer le clou, Nilcalar parut par la porte et traversa la passerelle avant de trouver le Grand-Prêtre sur son Caprice. L'espace d'un instant, le roi crut que son esclave n'était plus qu'un cadavre. L'effroi de perdre son plus grand trésor le confondit. Mais aussitôt, ce sentiment fut remplacé par la rage, tout droit dirigée sur le coupable.
Le souverain ne fit même pas appel à son escorte, il rejoignit le lit et envoya son poing percuter la tempe de son ennemi :
— Tu as osé toucher à mon Caprice ! Tu m'as délibérément provoqué !
Les soldats rappliquèrent et empoignèrent le Grand-Prêtre. Ce dernier ne comprenait toujours pas la situation, il était encore trop hébété par son rapport avec l'elfe.
— Tu as de la chance d'être aussi influent à la cour, continua le roi avec aigreur, sans cela, je t'aurais condamné à une exécution publique, toi et tous tes mages pervers.
— Majesté, bafouilla-t-il le regard dans le vague.
— Enfermez-le dans ses appartements, je me prononcerai sur son sort plus tard. Appelez Wimal ainsi que nos meilleurs médecins, mon Caprice est mourant.
Cela étant dit, Nilcalar s'assit sur les draps rougis et retourna lentement le corps de l'elfe. Il sursauta devant le visage ravagé ainsi que les longues entailles sur la poitrine et le ventre. Son cœur se serra : si Polcamitraï n'avait pas eu la marque noire de Démonia, il n'aurait pu ainsi perpétrer une telle infamie. Sur un coussin, les oreilles gisaient tristement.
— Dorgon, murmura le roi, je... je suis désolé.
Malgré les blessures, il le prit dans ses bras et commença à lui transmettre les premiers soins valiques. Pour la première fois, ses yeux s'humidifièrent. Il éprouvait une véritable peine pour ce garçon issu de Calca. Son Caprice comptait réellement pour lui et son état le chamboulait. La douleur avait beau le submerger, Dorgon ne s'évanouissait pas ; jusqu'ici, il avait enduré consciemment le moindre sévices de la part de son tortionnaire et continuait de souffrir. Pris de compassion, Nilcalar lui jeta un sort pour l'endormir.
Les mages rappliquèrent peu après et demandèrent au souverain de s'écarter afin de panser les blessures. Le travail ne manquerait pas.
Attentif à la moindre opération, le roi ne quitta pas Dorgon de la nuit. Lorsque les médecins eurent fini, il le veilla jusqu'à l'aube.
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