Chapitre 27

Comme promis, Nilcalar plaça des bâtons dans les roues de son Caprice. Peut-être le souverain souhaitait-il ardemment assister à une profanation violente de son esclave, par simple curiosité morbide et obscène.

Les eunuques se chargèrent d'enchainer l'elfe dans un réduit, non loin du Harem, et à lui faire boire du poison. Sans doute était-ce là la véritable punition.

Totalement dépouillé de ses habits, Dorgon était suspendu par les poignets, trop bas pour se tenir debout et trop haut pour se mettre à genoux. Les toxines l'abrutissaient, lui donnaient de terribles hallucinations. Au bout d'une journée, les eunuques changèrent la mixture, y glissant de très puissants aphrodisiaques pour traire au maximum l'esclave.

Nilcalar appréciait ce spectacle dégradant où son Caprice, à demi-conscient, jouissait laborieusement tout au long de la journée. Comme pour reprendre ses droits à la suite de la trahison sentimentale, le souverain en profitait souvent pour le prendre vigoureusement et décharger sa colère. C'était comme si les orgasmes de l'elfe venaient de son fait, bien qu'il devinât que son Caprice imaginait une tout autre personne dans son état brumeux.

Au bout d'une semaine, Nilcalar décida que Dorgon se joindrait aux jeux.

Wimal reconduisit le détenu à la Tour Soleil où il le laissa choir sur sa couche.

— Tu as une sale mine, remarqua l'eunuque.

Le concerné émergeait encore de son étrange léthargie.

— La faute à qui... murmura-t-il la bouche pâteuse.

— Je n'ai fait qu'obéir au roi, moi.

Dorgon se redressa difficilement sur les coudes. Il avait été lavé mais on ne l'avait pas encore habillé. Ses parties génitales avaient souffert de la captivité, il ne les sentait même plus, tellement elles avaient été sollicitées et malmenées.

— Tu vas enfiler une jolie armure, assura Wimal, tu as intérêt à retrouver vite ton énergie car les gladiateurs ne te feront pas de cadeau.

— Je suis épuisé...

L'eunuque se montra très pragmatique :

— Nous t'avons empoisonné pendant près d'une semaine et tu es complètement vidé, c'est normal que tu ressembles à un cadavre. Et je ne parle même pas du roi qui est venu te secouer les reins dès qu'il passait non loin.

— Je m'en souviens, inutile de le mentionner.

— Ne râle pas, tu as dû passer une excellente semaine à rêver de toutes les activités les plus lubriques que tu souhaiterais vivre. Certains astres sont devenus addicts à ces aphrodisiaques.

— Sur le moment, peut-être. Mais à chaque fois que ça se terminait j'avais envie de me trancher la gorge.

— Ah, c'est la monnaie de la pièce, haha.

— J'ai faim.

Wimal attrapa un plat d'épice et le tendit à l'elfe.

— Tu es confiant pour l'arène ?

— Je n'ai pas vraiment le choix. Je préfère ne pas finir entre les mains du Grand-Prêtre ou de la caserne.

— Je comprends.

Dorgon avala les premières bouchées de son repas avant de demander, un peu gêné :

— Pourquoi m'avez-vous fait ça, cette semaine ?

L'eunuque gloussa :

— Tu crains que je fasse mauvais usage de ta fertilité ?

— On va dire ça... Je serai heureux de ne pas découvrir des répliques difformes de mon humble personne.

— J'ai déjà tenté ce genre d'expérience. Et pour te rassurer, cela n'a jamais fonctionné. Il me faudrait des femelles elfes pour réussir à obtenir un résultat. Mais votre Vala est si particulier qu'on ne peut vous croiser avec d'autres races ou de créer la vie à partir de votre semence. Enfin... J'ai appris qu'Ozanor achetait des elfes aux Berserks pour des saillies au royaume du Levant. J'imagine que lorsque votre Vala est peu élevé, les accouplements avec les humains portent du fruit...

— J'aurais préféré ignorer ces détails.

— Pour répondre à ta question, tes restes seront consommés par la haute aristocratie de la capitale, surtout par le roi, j'imagine. C'est une drogue comme une autre, après tout.

— Je croyais que ça déréglait vos Valas ?

— C'est le cas. Il est possible que je doive aussi en faire des élixirs pour diverses raisons.

— C'est totalement dénaturé votre affaire. Les astres sont une race totalement décadente.

Wimal lui tendit son armure qui ne relevait d'aucune praticité ou protection. Le contraire l'eût étonné. Bien trop d'organes vitaux étaient accessibles.

C'était plus un habit d'apparat qu'autre chose.

— La morale des elfes ne nous atteint pas. Prépare-toi plutôt à affronter tes adversaires. Nilcalar fait toujours monter les meilleurs bretteurs.

— Je tremble de peur...

— Tu es désobligeant, mon petit soleil.

— Je me suis fait abuser pendant une semaine, je me moque de savoir quel énergumène je vais rencontrer.

— Tu es surtout en piteux état, alors reste sur tes gardes et ne claque pas ; je me suis attaché à toi.

— Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre...

La route jusqu'à l'arène se passa au moins de tentatives d'assassinat. Dorgon sangla son casque et ses épaulettes en acier dorée. Deux longues dagues pendaient à sa ceinture souple.

— C'est ridicule, mon ventre est entièrement exposé.

— Ça plaît davantage.

— C'est parfait. La prochaine fois, je combattrai les fesses à l'air, ce sera encore plus intéressant.

Wimal souffla et préféra clore la conversation en jetant des regards inquiets au-delà du grillage qui les séparait de la rue.

L'ombre écrasante de l'arène ne tarda pas à les surplomber. Dorgon fut lâché à une entrée spéciale. La porte voûtée était couronnée d'un tympan où s'inscrivait le mot « condamnés ».

Le Caprice leva les yeux et pénétra dans le souterrain désert qui ne tarderait pas à le mener jusqu'à la première herse. Après, ce serait le sable chaud, les giclures de sang et les cris assourdissants.

Les hurlements de la foule envahissaient déjà ses oreilles effilées. L'excitation des spectateurs dans les gradins se répercutait jusqu'au tunnel réveillant la fièvre de l'elfe d'acier. Certes, il tenait à peine sur ses jambes, affaibli comme il était mais la cadence des tambours animait son besoin de violence, comme si, durant l'instant où il arracherait des vies, il pourrait reprendre le contrôle de la sienne.

La vengeance demeurait qu'une lointaine lueur inatteignable. Le massacre était à portée de main.

Les herses sur le pourtour de l'arène s'ouvrirent pour laisser entrer les combattants. Seule celle de Dorgon resta baissée pour laisser la voix du héraut annoncer sa venue.

La foule sembla apprécier la surprise. On leur promettait un Caprice, une première depuis l'histoire des jeux. Le peuple d'Atalantë ignorait à peu près tout de l'esclave personnel du roi mis à part qu'il partageait la couche de leur souverain. Des bruits courraient sur sa beauté unique ainsi que sur sa perfidie à ainsi susurrer des idées au gouvernement. Ses actes sanglants de la semaine précédente avaient marqué les esprits. Si les astres ne prenaient pas parti pour les sectaires, ils n'en demeuraient pas moins rebutés par la violence qu'avait montré le Caprice dans leurs rues.

Pour cet instant, leurs regards se pendaient à la dernière grille. La curiosité animait leur intérêt : pourquoi l'esclave leur était-il servi sur un plateau ? Allait-il pouvoir faire face ? L'aimaient-ils ou le rendraient-ils responsables de leurs maux, tel un exutoire à leur colère ?

Les gladiateurs se regroupèrent, mais loin d'entamer les hostilités, ils se concertèrent pour attendre le Caprice et le découper sous les yeux d'un roi oppresseur.

Le héraut souffla dans son corps et la herse se leva sur la silhouette étincelante de l'elfe. Son armure légère était ciselée d'arabesques d'or et des incrustations de diamants reflétaient les rayons du soleil.

Il fit tournoyer ses dagues dans ses mains pour trouver le parfait équilibre puis s'élança dans le cirque, tel un fauve affamé.

Malgré le poison qui coulait encore dans ses veines, ses foulées s'allongèrent, son souffle se bloqua et sous la visière étroite, il perça ses cibles du regard.

Quelques secondes après, l'impact retentit sous les ovations de la foule. Les lames se croisèrent avant d'entamer la chair.

Les spectateurs attendaient du spectacle, Dorgon se promit de leur en servir.

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