Chapitre 16
Si Atalantë n'entretenait aucune relation belliqueuse avec Calca, il endurait une guerre féroce avec le royaume astral de Lombal. La reine Wendu comptait étendre ses forces sur la mer d'Encre et dominer toute la baie pour contrôler le commerce maritime.
— Les reines n'apportent que les conflits et la misère, soupira le Grand-Prêtre en s'affalant sur un divan.
À son bureau, Nilcalar lui envoya un bref regard. Il se demandait toujours comment Polcamitraï pouvait supporter un tel surpoids avec autant d'aise.
— C'est pourquoi nous avons assassiné ma femme, souffla le roi sans grande conviction.
— La reine Loumi ne prenait jamais parti pour notre race, se plaignit le clerc en se grattant le bas de son ventre énorme, elle préférait les lumbars.
— En effet... Mais peut-être devrais-je penser à me marier à Wendu de Lombal, ça nous éviterait d'affréter de nouveaux navires pour la combattre. Dieu que je déteste la guerre !
— C'est votre intendant qui appréciera l'initiative ! Je vous rappelle que les femmes ont été bannies sous votre initiative.
— C'est toi qui as monté tout ça ! Tu as invoqué tes pseudos augures pour parvenir à tes fins.
Polcamitraï grogna :
— Les femmes sont des créatures sournoises, des vipères agressives. Elles répandent le poison par leurs calomnies, font et défont les réputations...
— Ça va, j'ai compris, Loumi avait lancé une cabale sur ton dos, vous ne vous supportiez pas, tous les deux. Mais pourquoi ne pas lever l'interdit ? J'épouse la Reine Vierge, elle au moins n'a pas éradiqué son roi.
— La reine Luinil est comme Wendu. Elle préfère gouverner seule. Ne traitez pas avec elle.
Nilcalar haussa les épaules ; s'il s'alliait à Arminassë, il pourrait prendre Lombal en tenaille et écraser Wendu. La Reine Vierge n'était pas moins le monarque le plus puissant de la dimension. Le roi Elaglar Fëalocen la concurrençait de près mais sans descendance, il ne pouvait assurer sa position. Une bonne chose que la reine sylvestre Hirilnim ait claqué la porte.
— Au fait, j'ai acheté un nouveau Caprice, Ninkë me déteste.
Le Grand-Prêtre s'emporta dans un rire tonitruant :
— J'ai entendu que ton elfe lui avait vomi dessus ! J'ai hâte de le rencontrer.
Le roi plissa les yeux ; il n'appréciait pas que l'on convoite sa propriété sans son autorisation.
— Il est encore trop sauvage pour être présenté à la cour. Il a beau être jeune, il ne sera pas facile à dresser.
— Ça valait bien la peine de se débarrasser des femmes ! Les elfes sont encore plus retors et manipulateurs qu'elles, quel que soit le sexe. Mieux vaut les enchaîner et ne jamais les sortir du sérail.
— Tu es bien content d'en profiter pendant les orgies.
Ce constat arracha un soufflement pénible au Grand-Prêtre. La fête de Démonia l'avait suffisamment épuisé ; ses lourds vêtements liturgiques et sa tiare de pierres précieuses s'étaient ligués avec la chaleur étouffante de la saison pour l'abattre.
En parfait contraste, le chambellan pénétra dans le bureau. De petite taille, il jouissait de traits gracieux sous ses belles mèches noires, coupées court par derrière pour balayer son front sur le devant.
Il était si mince qu'il aurait pu se glisser dans une seule jambe du pantalon de Polcamitraï. Ce dernier exécrait Talvy car le trouvait trop androgyne. Il lui rappelait l'ombre inquiétante des femmes.
— Majesté, voici le rapport de la journée d'hier, nous avons récolté autant que l'année dernière.
— C'est une bonne chose... Les temps de guerre sont durs.
— Peut-être... Faudrait-il engager quelques restrictions sur les orgies. J'ai noté que les dépenses dans les harems avaient doublé. Sans parler du dernier achat.
— Je n'aime pas cette logique de privation, Talvy.
— Certes, Majesté. Mais sauf mon respect... Les temps de guerre sont durs.
— Tu m'ennuies, va-t-en.
Le chambellan se mordit la joue et s'exécuta sans un regard pour Polcamitraï. Maintenant que le soir tombait, Nilcalar était curieux de retrouver son Caprice. Comment se comporterait-il, cette fois-ci ?
Il quitta le bureau et s'aventura dans les longs corridors frais, à l'abri de sa cour étouffante.
Lorsqu'il rejoignit sa chambre, Dorgon était assis sur le lit, une pomme entamée à la main.
— Quand arrêteras-tu de manger ? Tu as rendu fou mon intendant par ta gourmandise.
L'elfe se leva sans mot dire. Les eunuques l'avaient habillé et maquillé avec grand soin, des petits chaussons de vairs jusqu'aux perles insérées dans les cheveux blonds.
Contrairement aux fois précédentes, le regard de l'esclave ne se détournait pas de celui du roi. Une lueur de provocation luisait dans les yeux dorés et surprit Nilcalar.
— Je pensais que tu me fuirais.
— Vous n'êtes pas effrayant, Majesté.
— C'est vrai ! Je suis diablement beau.
— Mais je le suis davantage.
Le roi resta interdit, soufflé par cette témérité. Jamais un elfe ne s'était adressé à lui de la sorte, encore moins le deuxième jour.
— La beauté est tout ce qu'il te reste, Dorgon. Applique-toi à ne pas la perdre.
— Appliquez-vous aussi à me protéger ; ne vous ai-je pas coûté six mille écus ?
— Tu es malin... Tu crois pouvoir m'échapper par ton effronterie ?
— Je ne sais pas. Je pense que je vous plais trop pour que vous me laissiez partir.
Nilcalar entrouvrit la bouche, désemparé. Quel impertinent ! Il ferait moins le fier d'ici quelques instants.
— Retire tes vêtements.
Pendant une fraction de seconde, Dorgon se tendit. Puis il s'exécuta et se présenta nu devant le roi, uniquement couvert de ses bijoux en or.
Le roi découvrit ainsi le corps de son Caprice pour la première fois.
Au moins Ozanor avait-il fait du bon travail car l'elfe était parfaitement taillé avec des abdominaux et des pectoraux bien dessinés. Ses lèvres noires se tordirent légèrement en découvrant que sa nudité attisait l'excitation de son maître. Il avait beau s'y attendre, il ne parvenait à masquer totalement ses émotions.
Nilcalar l'attrapa par le collier et le rapprocha de lui comme pour sonder son âme au fond de ses prunelles mordorées. Il dut bien reconnaître que l'attitude de l'elfe le troublait mais loin de le repousser, cela entretenait sa fièvre. Lorsqu'il l'embrassa, Dorgon ne le rejeta pas bien qu'il ne participa pas à l'échange.
L'astre traina alors son compagnon jusqu'à sa couche. De nombreux voiles se superposaient depuis le faîte du lit pour dégringoler sur le matelas rond et les dalles lisses du sol.
L'elfe fut attaché contre un des poteaux et couché sur le dos sans opposer la moindre résistance. Son visage restait de marbre même lorsque le roi se dévêtit à son tour.
Nilcalar ne manquait pas de charisme par son corps parfaitement entretenu ou par son assurance dans ses mouvements. Sa peau mate s'uniformisait sous ses bijoux onéreux et laissait refléter la lumière sur les muscles saillants. Cependant, cette beauté ne suscitait pas l'attirance de Dorgon qui ne pouvait s'empêcher d'anticiper la nuit à venir.
— Tu es encore trop jeune pour feinter le désir, s'amusa l'astre en basculant sur lui, mais vu comment tu évolues vite, je ne doute pas un seul instant que tu y parviendras rapidement.
— Douteriez-vous de vos qualités d'amant, Majesté ?
— Que racontes-tu ?
— Je ne suis pas censé simuler si vous êtes doué en la matière.
Nilcalar grimaça : son Caprice commençait à lui prendre la tête. Il allait devoir le remettre à sa place.
— Je me moque de savoir si tu vas apprécier ou non. Tu es là simplement pour moi. Pourquoi me donnerais-je du mal pour un homme qui préfère les femmes ?
Dorgon plissa les yeux avec mépris, faisant comprendre qu'il désapprouvait la solution de facilité du roi.
Ce dernier l'incita à le contenter en engageant les préliminaires. L'elfe ne parvint à cacher sa réticence à caresser maladroitement le roi, ces gestes forcés le dégoûtaient mais il s'obligea à continuer froidement.
En réalité, Nilcalar trouvait du plaisir à pousser ainsi ses partenaires à aller à l'encontre de leur envie. Il avait ce pouvoir de les contraindre et de les forcer à se renier eux-mêmes. Il voulait les voir se pervertir. Exiger à son Caprice de le faire jouir lui semblait si plaisant. Mais il dut reconnaître que le garçon effronté n'aurait pas à déployer toute une stratégie complexe pour le faire basculer dans l'extase ; les phéromones que dégageaient Dorgon jouaient l'effet d'un aphrodisiaque encore jamais goûté et son apparence angélique accaparait tout l'esprit du roi pour éveiller une addiction charnelle dévastatrice.
Dans un élan enflammé, l'astre étreignit son esclave, l'embrassant comme s'il en était affamé. Après une brève lubrification, il le retourna et s'introduisit lentement en lui. Finalement, Dorgon s'était vite soumis mais il n'en restait pas moins exquis. Ainsi attaché au cou et aux poignets, il se contentait de serrer les dents, le regard perdu dans le vague.
Afin de le secouer davantage et pimenter le rapport, Nilcalar saisit la ceinture qui ornait la taille nue de l'elfe et la tira à lui. Par ce simple geste, il s'enfonça entièrement et commença à buter à répétition. À chaque coup de rein, il se sentait pris dans une spirale de plaisir. Le rapport de domination était divin ; il ne s'inquiétait pas du sang coulant sur les draps, c'était bien trop délicieux pour s'arrêter.
Décidément, cet elfe était une splendide découverte. Sa place se trouvait dans ce palais à exaucer les désirs du roi plutôt qu'en Calca à monter des armées et engrosser une épouse pour concevoir de nouveaux guerriers.
Nilcalar se félicita de si bien mener sa barque. Le monde pouvait brûler, le palais des Sables resterait son oasis, un paradis pour les sens et ses fantasmes.
Talvy, chambellan, astre d'Atalantë.
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