Souvenirs cendrés
Merci à nos auteures : _hypnose, Em_esse, lAbyssel et Mayarahnee
En gras, la phrase de lancement :
Je me réveillai brutalement. En sueur, assis au milieu de mon lit, je repensai à mon rêve. Pourquoi fallut-il revivre ce moment fatidique?
Les draps dépareillés, je me relevai lentement, le verre d'eau toujours à mon chevet en main. Mon corps était courbaturé et ma tête me lançait.
C'est la cinquième nuit que je fais ce maudit rêve!
Je pris le verre et le bus en totalité. Enfin les battements de mon corps avaient repris un rythme normal.
J'ouvris les rideaux, la lumière m'éblouissant puis j'allai dans la salle de bain me rafraîchir le visage mais je ne pus m'arrêter de fixer mon reflet dans le miroir
Un regard dénué de toute expression me contemplait. La fatigue creusait mes joues, le doute se lisait sur mon visage. Ce n'était pas moi.
Je me sentais beaucoup trop épuisé, les nuits qui se succédaient depuis quelque temps ne faisant que raccourcir de plus en plus. Mais je ne comprenais pas : à quoi rimaient ces voix ? Je devenais peut-être fou.
— Mais qu'est-ce que tu fous Martin?
J'allai dans la cuisine et partis la machine espresso. Un corsé ne serait pas de trop.
Aide-moi, je suis enfermé, aide-moi !
J'entendais sans cesse leurs appels à l'aide, ils résonnaient en moi si fort et pourtant je ne connaissais pas ces personnes. Comment voulaient-elles que je les aide ? Où étaient-elles ? Je n'y comprenais rien.
Si les cauchemars hantaient mes nuits, il semblait que les fantômes prenaient le relais en journée. Le premier appel à l'aide m'avait paniqué, mais depuis la veille, leurs voix n'étaient plus qu'une sourde énigme que je devais résoudre.
Je me demandais si ça ne venait que de moi parfois, mais les timbres ne m'étaient pas inconnus. Au fond de moi, je connaissais ces voix. Et si ma panique me laissait croire que des fantômes me chuchotaient à l'oreille, la logique, elle, me disait que c'était peut-être mon subconscient qui parlait.
Avec raison en plus... Le souvenir de cette nuit-là remonta à la surface, menaçant de faire basculer l'équilibre précaire que j'avais réussi à mettre en place.
Je suis orphelin et j'ai vécu une grande partie de mon enfance dans l'orphelinat du village jusqu'à cette fameuse nuit du 14 janvier.. Cet incendie...
Piégé par les flammes, j'étais resté évanoui de longues minutes avant de me réveiller, nauséeux, derrière la bâtisse. Un moment d'inconscience, durant lequel la toute première voix s'était faite entendre. Avant de disparaître pendant des années.
D'un coup, je réalisai que c'étaient eux qui me parlaient. Tous ces enfants perdus, alors que moi, je m'en étais sorti. Voilà la source de ma souffrance.
— Martin !! cria ma femme
— O-oui ? Ai-je dit en sursautant.
J'étais tellement dans mes pensées que son rappel à la réalité me fit prendre conscience de ce qu'il se passait autour de moi..
— Tu penseras aux poubelles !
Je hochai la tête, déjà reparti. Plusieurs de mes camarades ont péri, cette nuit-là. J'aurai dû y rester, moi aussi, mais quelque chose m'a tiré de là.
Je n'ai jamais raconté ça à qui que ce soit, personne n'est au courant de cet épisode de ma vie. Il projetait pourtant son ombre sur moi, en arrière-plan, toujours là, même si j'essayais de l'oublier. Et, en ce 14 Janvier, une étrange envie me tirailla ; celle d'aller visiter cet orphelinat.
Je pris donc mon manteau et après avoir sorti les poubelles, je me dirigeai vers le lieu fatidique. Ma femme ne s'apercevrait même pas de mon absence.
Lorsque j'arrivai sur les lieux, la nostalgie me frappa. Le bâtiment était toujours là bien qu'il soit en piteux état depuis son abandon. Après avoir pris une grande inspiration, j'ouvris le portail grinçant et écartai des mauvaises herbes qui avait pris possession du lieu
À l'intérieur, une aura particulière, moite, lourde, âcre, m'enveloppa aussitôt. Le silence dont j'étais privé depuis plusieurs jours régnait, insupportable. J'avais eu raison de venir.
La force quitta mes genoux, me forçant à me mettre à terre. Les larmes perlaient aux coins de mes yeux, mais n'essayaient pas de dépasser cette barrière. J'avais eu raison de venir, pour enfin réaliser que la blessure avait suffisamment cicatrisé, que je n'avais plus besoin d'essayer de chasser le souvenir.
Ceux-ci m'emplirent et je laissai toutes les voix se manifester. C'est à ce moment-là que les larmes se mirent à couler et que la douleur commença à lentement me quitter.
Mais je me relevai et avançai en essuyant mes larmes. J'avais peur mais c'était du passé, il fallait que je retrace les évènements de cette nuit-là dans l'ordre. Il devait y avoir un indice parmi mes souvenirs..
Je me souvins que cette nuit-là, mon estomac me tiraillant, j'avais quitté le dortoir pour chiper une pomme en douce. Les cris des surveillants m'avaient surpris alors que j'étais dans le garde-manger.
La réponse se trouvait-elle dans cette pièce ?
Mes pas me menèrent directement et sans hésitation vers cette dernière. Tout était en cendres, mais à mes yeux, tout était là.
Je revis les moments passés avec les autres à rigoler et à m'amuser et mon coeur s'apaisa. Je pus poursuivre ma visite vers les dortoirs situés un peu plus loin dans l'aile Sud.
À mesure que mes pas me rapprochaient des dortoirs, les voix dans ma tête s'intensifièrent. C'était bon signe, ça l'était forcément ! Impatient, je hâtai le pas.
Les quelques murs encore debout me permettaient de me repérer. Je me souvenais partager ma chambre avec un autre enfant dont le visage me revint tout d'un coup. Mais, à ma grande surprise, le souvenir n'avait rien de douloureux, un léger sourire florissant sur mes lèvres. Les fantômes semblaient vouloir la paix.
Et j'étais enfin prêt à les laisser repartir. Inspirant lentement, je les sentis quitter un à un.
L'intensité des voix diminua, leur nombre se raréfia. Le phénomène dura quelques secondes, avant que le silence ne retombe enfin dans ma tête.
Empli d'une quiétude nouvelle, libéré d'un traumatisme enfoui au plus profond de moi, je tournai les talons. Et, lorsqu'au moment de franchir pour la dernière fois de ma vie le seuil de mon ancien "chez-moi", le froid de l'hiver saisit mon corps, une pointe de chaleur enveloppa doucement mon âme.
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