Le tas de cendre

Un grand merci à nos auteurs : _hypnose, Dragoness_Blue, Charleza_Vye, lulustef, MysterioShaanmed, Em_esse et Mayarahnee.

En gras, la phrase de lancement.

La messagère se figea, glacée par la myriade de regards hostiles qui l'enveloppaient.

Aux portes de l'immense hall éclairé qui lui faisait face, elle se sentait toute petite, noyée sous les ombres de silhouettes qui semblaient beaucoup trop imposantes.

Elle n'était pas habituée à faire face à une si grande foule. Habituellement, elle délivrait discrètement le message à son destinataire, le plus rapidement possible. Elle n'aimait pas être au centre de l'attention, la peur lui nouait le ventre et lui coupait la respiration.

Inspirant profondément, elle avança d'un pas tremblant. Elle pouvait le faire.

Elle regardait autour d'elle, légèrement inquiète, guettant une ombre ou quelque chose qui surgirait de nulle part. Elle se sentait impuissante face à cela.

Et pourquoi était-elle au centre de l'attention alors qu'elle était une simple messagère ? C'était plutôt simple, elle avait manqué de chance... Elle était juste arrivée au mauvais moment, ou au bon, cela dépend du point de vue...

Souriant, mal à l'aise, elle sursauta en entendant un homme l'interpeller.

— Tu vas où comme ça?

Paradoxalement, le ton abrupt de l'homme lui rappela qu'on lui avait confié une mission de la plus haute importance. Dédaignant celui qui n'était vraisemblablement qu'un pantin, elle se tourna vers l'homme assis sur le seul siège de la pièce et articula :

— Je viens de la part du Duc, pour délivrer cette lettre. Mettant de côté un pan de son manteau, elle laissa découvrir un bout de parchemin enroulé, qu'elle avait attaché à sa ceinture.

Elle leva sa main droite pour s'en saisir. Ses doigts tremblants eurent de la peine à le décrocher, il lui échappa et chut sur le sol de marbre blanc. Bafouillant des excuses, elle se dépêcha de le ramasser avec l'envie de disparaître.

Elle ne put lever les yeux vers Sa Majesté dont elle sentait le regard dédaigneux la pénétrer de toute part. Heureusement, la missive arriva enfin à destination.

Elle se sentait plus légère ayant affronté ce qu'elle craignait le plus au monde : les autres. Elle respirait plus tranquillement à présent.

Sa mission était maintenant presque achevée. Elle n'avait plus qu'à attendre que "Sa Majesté" daigne la renvoyer là d'où elle venait avec la réponse. Elle n'avait pas regardé la missive, si la nouvelle était mauvaise, elle pourrait causer sa mort...

Le roi prit le parchemin, le déroula et lu ce qu'il contenait. Relevant un regard dur sur elle, il prononça les mots suivants :

— Combien de disparus ?

La messagère baissa brièvement la tête avant de répondre.

— Vingt-neuf.

Le parchemin se froissa entre les doigts serrés du Roi. Il était devenu presque rouge et avait l'air très en colère. Les tremblements de la messagère ne firent que s'intensifier d'avantage.

— Il est en train de me défier...

Du coin de l'œil, elle vit deux pieds s'avancer tandis que la voix d'un homme, sans doute un conseiller, résonnait :

— De qui parlez-vous, Majesté ?

La peur s'estompa un court instant tandis qu'elle constatait l'absence de femmes dans l'assemblée, pensée quelque peu impromptue.

— Le Prince de l'Hiver, cracha-t-il. Gardes !

Elle se retourna sur l'homme en question, le toisant de haut en bas se demandant ce qui allait se passer ensuite.

Elle ne connaissait pas cette personne, ni ce nom d'ailleurs. Elle n'eut pas vraiment le temps de s'en soucier très longtemps. En effet, des soldats en armure, portant des armoiries qu'elle n'avait jamais vus, arrivèrent, ce n'étaient certainement pas ceux du roi...

Ils étaient une vingtaine, la mine patibulaire et le port droit, à se présenter devant le roi, qui maugréa :

— Le Prince de l'Hiver a de nouveau lâché ses horribles bêtes sur nos frontières. Cette fois, nous n'avons plus le choix, il faut agir !

Le conseiller à sa droite se baissa vers le trône, les mains croisées devant lui et la mine grave. L'assemblée se tut.

— Êtes-vous sûr qu'il serait sage d'attaquer, Majesté ? Ce serait contraire aux règles...

— Les règles n'ont guère d'importance ! tonna le suzerain, un sourire diabolique aux lèvres et une lueur de folie dans le regard. Préparez nos troupes, nous partons pour la frontière !

La messagère avait l'impression d'avoir été oubliée, pouvait-elle s'en aller ou devait-elle demeurer dans la salle du trône ?

Elle jeta un regard circulaire à travers la salle. Personne ne prêtait attention à elle. C'était le moment ou jamais.

A ce moment-là, derrière elle, des pas se firent entendre. Elle se retourna sur une femme blonde, belle à en mourir, mais dont le regard hostile la frappa. Elle s'avança devant le roi, la frôlant presque et lui dit avec autorité :

— Vous n'en ferez rien !

Elle savait qu'entendre des informations confidentielles pourrait la tuer. Mais, partir sans l'accord du roi était tout autant dangereux... Et puis, elle avait quand même envie de savoir ce que cette belle femme avait à dire pour parler ainsi à un sang-bleu.

— Pardon? rugissa-t-il, qui êtes-vous pour me parler ainsi?

— Je suis Hélèna DeGranbois, rétorqua-t-elle, hautaine.

La messagère hoqueta de surprise. La fameuse magicienne avait donc elle aussi fait le chemin jusqu'ici !

— Le Prince de l'Hiver n'est pas un homme ordinaire, déclara-t-elle avec hauteur. Vous ne l'arrêterez pas avec de simples soldats !

— Ne sous-estimez pas la puissance de mes troupes !

— Ce n'est guère une question de puissance, très cher... c'est une question de magie.

Un rictus étira ses lippes et ses longs et fins doigts s'ouvrirent pour révéler des étincelles bleutées. La messagère hoqueta.

Les yeux vert émeraude d'Hélèna se posèrent sur elle.

— Tiens, tiens, voilà qui est intéressant... tu n'es pas une simple messagère, je me trompe ?

La principale intéressée se raidit. Comment avait-elle pu deviner ? L'illusion était pourtant maîtrisée, jusque dans les moindres détails.

Elle baissa la tête, et voulut disparaître en un éclair mais devant tous, elle ne le pouvait pas. C'était pourtant impossible. Alors elle subit le regard de cette femme sans répondre.

— Cette messagère semble être une magicienne elle aussi. L'amener avec vous pourrait nous être utile, déclara t-elle.

Ne voulant pas faire partie de cette guerre inutile, la messagère prononça une courte incantation, prit feu et disparue, ne laissant derrière elle qu'un amas de cendres.

Estomaquée, l'assemblée resta fixée sur l'endroit où la jeune femme, fluette et mal assurée pendant toute l'audience, s'était désintégrée en une fraction de seconde. Le roi, peu habitué aux démonstrations de magie, balbutia quelques mots avant qu'Hélèna ne pousse un profond soupir et assène, dépitée :

— Le Prince de l'Hiver... Il faudra donc compter une magicienne dans ses rangs.


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