Chapitre 4 : le bal
Je ne me retournai pas. J'étais mal à l'aise. S'il me voyait, il repenserait à cette jeune fille sans chapeau qui avait sauvé sa fille. Cette femme pleine d'herbe et qui n'a jamais dit son nom. Je priai pour qu'il ne me voie pas.
Maman me libéra et avec Cécile, on partit vers le buffet, très loin de Basile Dash. J'entrainai ma sœur près des boissons.
- Que se passe-t-il Gabrielle ? Je te sens tendue.
Je devais tout dire à Sissi. Elle ne répéterait rien et me donnerait son avis.
- J'ai déjà rencontré Basile Dash, lui annonçai-je.
Elle plissa des paupières et pour se donner une contenance, but une gorgée de cette boisson sucrée.
- Quand ça ?
Je secouai la tête, dos aux danseurs et à toutes les personnes dans cette salle.
- Ca n'a pas d'importance. J'ai sauvé sa petite fille alors qu'elle était sur un cheval qui s'enfuyait. Je ne lui ai pas dit mon nom. Il ne sait pas qui je suis. Mais je ne veux pas qu'il me voit. Je n'avais pas de chaperon Sissi.
Elle essaya de ne montrer aucun sentiment. Elle mit mon bras sous le sien et ça me rassura quelque peu.
- Tu crois qu'il va te reconnaitre ? Pour que nous nous préparions à une certaine éventualité. Mais après tout, il fera peut-être comme s'il ne t'avait pas croisé, Elle ? Détends toi. Tout va bien se passer. Quelqu'un t'a vu avec lui ?
- Il y avait tous ses cavaliers qui l'accompagnaient.
- Tu étais dans la forêt et pas dans la rue, c'est déjà bien. Respire. Ses hommes n'en parleront pas.
Je fis ce qu'elle me disait. Elle était toujours de nature posé et elle savait très bien calmer les personnes en proie à la panique. Son pouce dessina des ronds sur ma peau.
- Bois un peu. Tu es pâle. Ça va bien se passer. Il est en ce moment même...en train de discuter avec maman, Rose et Mady.
Je fermai un instant les yeux. Maman allait vouloir nous présenter. Bien évidemment. Elle n'allait jamais rater une telle chance.
- Elle nous fait signe, Gabrielle. Tu crois que ça va aller ? Je peux lui dire que tu es indisposée.
Je m'accrochai de toutes mes forces à elle et rouvris mes paupières.
- Non. Il vaut mieux que je le vois maintenant et après, nous serons officiellement présentés. Cette étape sera franchie, lui dis-je presqu'en chuchotant.
- D'accord. Allons-y.
Je me tournai et le vis, là au centre de la pièce. Maman lui parlait en souriant. Elle l'aimait bien, cela se voyait. Toutes les personnes avaient les yeux rivés sur Basile Dash. Je comprenais leur réaction. C'était un bel homme, donc une aubaine pour les jeunes filles.
Il ne nous vit pas arriver. Je m'efforçai de calmer mes battements de cœur.
- Tout le monde m'a dit énormément de bien de vous, madame Wood.
- Merci monsieur Dash. Oh, voici mes deux autres filles. Cécile, mon ainée.
Il se tourna vers nous et avant de croiser ses yeux, je m'inclinai, les yeux baissés. Une parfaite révérence que je maitrisais depuis l'âge de huit ans. Je me redressai et entendis mère me présenter.
- Ma deuxième, Gabrielle. Ne sont-elles pas jolies ?
Lorsque je vis son visage, je distinguai la surprise sur les traits de monsieur Dash. Un profond étonnement qu'il effaça rapidement. Il m'observait, un ride se plissant sur son front.
- Enchanté mesdemoiselles. Vous êtes en effet ravissantes.
- Merci monsieur, le remercia Sissi.
Dommage que j'étais d'une telle blondeur, sans cela, je serais beaucoup plus discrète. Je devais me reprendre et dire quelque chose. Maman me fixait, attendant que j'ouvre la bouche.
- Ravie de vous rencontrer, monsieur Dash.
Ce fut tout ce que je puis dire. J'avais l'impression qu'il ne pouvait pas détacher les yeux de moi, comme si j'étais un phénomène étrange pour lui. Une silhouette nous rejoignit.
- Voici mon jeune frère. Arthur Dash.
Ce dernier adressa un large sourire à Cécile, qui pressa mon bras. J'assistai à l'échange, me doutant qu'ils se plaisaient mutuellement.
- Nous l'avons rencontré il y a quelques minutes, monsieur Dash. Il vous ressemble énormément, déclara maman.
Elle devait être ravie. C'était encore mieux, deux frères au lieu d'un. Le jeune frère prit les devants.
- Puis-je vous proposer, Cécile Wood, de danser avec moi ?
Ma sœur agréablement surprise, répondit spontanément.
- Bien entendu, monsieur.
Elle prit son bras tendu et il l'emmena sur la piste. Nous les regardâmes, ravis. Maman complimenta l'homme à de nombreuses reprises sur ce bal. Un jeune homme proposa une danse à Rose qui ne refusa pas. Nous n'étions plus que quatre à présent. Et j'étais tendue, prête à bondir hors du bal.
Je ne m'attendis certainement pas à la demande de monsieur Dash, qui me présentait déjà son bras.
- Me permettez-vous de danser avec vous, miss Wood ?
Les personnes autour de moi surent avec certitude qu'il ne demandait pas à ma jeune sœur. Il me regardait d'une telle façon, qu'une petite rougeur apparut sur mes joues. J'acceptai après quelques secondes d'hésitation. Quelques seconds de trop.
- Je vous l'accorde, lord.
Il me tendit son bras et je le pris. Il m'entraina sur la piste de danse. Je sentais tous les paires d'yeux sur nous, qui nous observaient. Je me sentais épiée et ça me déplaisait. Alors que je pensais que nous aurions une danse plus rapide, nous eûmes droit à des pas plus lents et ou nous étions plus proches de notre partenaire. Tout ce qui ne fallait pas.
- Lady Gabrielle ?
Me rendant compte que j'avais les yeux baissés, je les relevai. Basile Dash me considérait avec ce même étonnement qu'auparavant. Les gens ne se détournaient pas de nous. Je vis le visage empourpré de colère de Faustina.
- Je me doutais que je tomberais sur vous, ce soir. C'était inévitable. Vous ne pouviez pas être une domestique. Mais...je ne pensais pas que vous seriez la célèbre Gabrielle Wood. Vous ne m'aviez pas dit qui vous étiez ce jour-là.
Je me raclai la gorge, les mains dans celles du lord. J'avais l'impression de sentir leur chaleur malgré les gants.
- Je ne voulais pas que vous vous fassiez directement une image de moi. Je suis connue dans Charleston et pour une fois, je voulais que l'on me voit différemment. Et pas comme Gabrielle Wood.
- Je ne vous aurais pas jugé, Gabrielle. Même si j'ai entendu des centaines de rumeurs sur votre famille depuis que je suis arrivé ici.
Il osait dire mon prénom ? Devant tout le monde ? En le voyant vraiment, je nous revis dans la prairie.
- Pourquoi m'avez-vous embrassé l'autre jour ? osais-je lui demander tout bas.
Il haussa un sourcil, visiblement choqué que j'ose lui reparler de ce geste.
- Je ne vous ai pas embrassée Lady Gabrielle. Je vous ai fait du bouche à bouche. J'ai insufflé de l'air dans notre gorge. Nous n'arriviez plus à respirer après le choc. Je vous remercie encore pour Lénor. La perdre elle...n'aurait pas pu être envisageable. Heureusement que vous étiez là.
Je fus gênée. Pourquoi me regardait-il de cette manière ? Ne pouvait-il pas regarder autre part ? Il avait cette façon de me voir, de me contempler.
- C'est une enfant. Jamais je n'aurai laissé cela se produire. Un cheval peut être extrêmement dangereux.
Je savais de quoi je parlais. Une fois, Rose avait voulu se balader sans que maman le sache. Sa monture s'était cabrée et Rose avait failli se rompre le cou.
- Va-t-elle bien ? m'enquis-je subitement.
Je m'étais attachée à cette petite fille. Je ne comprenais pas comment c'était possible aussi rapidement.
- Merveilleusement bien. Elle se demande quand elle va vous revoir. Elle est tombée sous votre charme.
J'eus un sourire jusqu'aux oreilles.
- On se reverra certainement. J'imagine qu'elle a une gouvernante ?
Il ne répondit pas tout de suite et me fit tourner. Je m'accrochai à ses bras. La danse allait se terminer.
- En effet. C'est sa quatrième en un mois.
Oh. C'était beaucoup. Basile Dash ne m'expliqua pas le pourquoi du comment. Il n'avait certainement pas envie d'en parler avec une inconnue.
- Dites-lui que je viendrai la voir. C'est promis.
Il acquiesça et la mélodie s'arrêta. Il s'inclina devant moi et je le fis à mon tour.
- J'ai été ravi de vous revoir Lady Gabrielle. Amusez-vous bien.
Nous nous séparâmes. Je retournai voir maman. Cécile en était à sa deuxième danse avec Arthur Dash. Mère me donna un verre d'eau que je vidai. J'avais la gorge sèche.
- C'est un très bel homme, comme je m'en doutais. Il te regardait étrangement, Gabi. Le connaissais-tu ?
Elle me regardait, attendant visiblement une vraie réponse et non un mensonge.
- Je ne l'ai qu'aperçu une fois. Il m'a reconnu. Cela s'arrête là.
Elle continua de me sonder, ses yeux acérés sur moi. Elle finit par opiner.
- Il m'avait l'air attiré par toi.
Je me retins de rire. Je ne pensais pas que ce soit le cas. Moi je savais que je ressentais un sentiment inconnu près de lui. Je me tournai pour voir ou il se trouvait. Je palis. Il dansait avec Faustina. Maman le remarqua aussi.
- Je vois, gronda-t-elle. Cette satanée fille ne va jamais laisser tomber.
Maman ne disait rarement quelque chose de négatif en présence de personnes. Thimothé vint m'accoster et me proposa une danse. Mère me poussa dans ses bras. Je dus danser avec lui et ce fut une punition. Il marchait sans cesse sur mes pieds. Je me retins de lui hurler dessus. C'était un piètre danseur. Comparé à un certain gentleman à qui j'avais accordé ma première danse. Je ne dansais d'ordinaire, jamais dans les bals ni dans aucune autre réception.
- Vous êtes splendide Lady Gabrielle.
Je le remerciai, un sourire figé sur les lèvres. Je faisais un énormément effort. Lorsque la musique cessa, je fus soulagée. L'orchestre annonça que c'était aux invités de faire un peu de musique. Madeleine me cherchait déjà du regard. C'était son grand moment.
On l'invita sur scène et je la rejoignis. Elle s'installa devant le piano et moi derrière, sur le petit tabouret, les doigts sur les touches. Il était magnifique. Toutes les conversations cessèrent pour nous écouter. J'avais les mains moites et tremblantes. Je ne voulais surtout pas faire de fausses notes. Ce n'était pas le moment de se ridiculiser.
Je regardai brièvement dans le public. Basile Dash était au coté de son frère, qui était aussi entouré de toutes mes autres sœurs et de mère.
C'était à nous de commencer.
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