8. Serdaigle contre Gryffondor

      Des semaines après ma drôle de discussion avec ma drôle de cousine, nous étions le premier samedi de novembre, et toute l'école était en folie. En effet, c'était le premier match de Quidditch de l'année. Gryffondor contre Serdaigle. Et, pour tout dire, on redoutait ce match depuis le début de l'année. Gryffondor et Serdaigle étaient les deux meilleures équipes de Quidditch de l'école depuis l'année précédente, alors commencer par un match Gryffondor-Serdaigle, c'était envoyer fort.

      Alec, Luke et Kevin étaient sur le qui-vive, toujours aux aguets, et sursautaient au moindre bruit, tellement ils étaient stressés.

      En face d'eux, l'équipe de Gryffondor était rudement constituée. En tant que batteur – et capitaine ! –, on trouvait Noah Williams et ses muscles de fer et d'acier. L'autre batteur était Ethan Jones, un gars de sixième année assez baraqué. En tant que poursuiveurs, Marc Finnigan et Oliver White n'avaient rien à s'envier. Ma cousine Roxanne, elle-aussi poursuiveuse, était connue pour sa forte capacité à ne rien lâcher. Elle était capable de se battre jusqu'à son dernier souffle s'il le fallait. Et la gardienne, Hermione – encore une ! – Jackson, était petite mais très rapide, et il était compliqué de marquer face à elle.

      D'un autre côté, l'équipe de Serdaigle n'était pas mal non plus. En tant que capitaine et batteur, Luke s'en sortait très bien, même si jusqu'à présent il pleurait souvent. L'autre batteur était Sam Smith, un gars de sixième année qui avait pour seul but d'éliminer ses adversaires. Enfin c'était ce que disaient les autres maisons, mais ils ne l'ont jamais vu avec un bonnet rose bonbon sur la tête – longue histoire, une soirée après un match qui a mal tourné. Le gardien, bien sûr, n'était autre que Kevin, avec sa carrure de footballeur américain – c'est Noelia qui dit ça, personnellement je ne connais pas ce sport moldu, mais j'aime bien cette expression. Puis on retrouvait Cassie Thompson, Elena Moore et Catherine Fray, toutes les trois aux postes de poursuiveuses, et toutes aussi combattantes les unes que les autres.

      L'année d'avant, le match que les deux équipes s'étaient livré avait été long et fastidieux, et nous avions perdu de peu – dix points. Mais la pluie, le vent et la neige n'avait rien fait pour arranger, et je me rappelle encore de la chute de Luke et la semaine qu'il a passée à l'infirmerie.

      Voilà pourquoi, en ce premier samedi de novembre, je me disais que le match de l'après-midi allait être mémorable. Et voilà pourquoi, toujours en ce même samedi de novembre, j'ai sursauté violemment quand j'ai entendu Alec derrière moi :

Alexander : Trente minutes ! Il nous reste trente minutes avant de mourir !

      Je me suis tournée vers lui. Il était habillé de sa tenue habituelle de Quidditch, avec ses protections sur les coudes, les genoux et les poignets. Il tenait son balai dans les mains, un des derniers modèles sortis, le Furie 301. C'était l'un des meilleurs balais de l'école, après celui de Matthew Samson, la Comète Ténébreuse, lui-même classé après celui de Noah – un vrai gosse de riche celui-là –, le Coup de Foudre Mortel. Ce dernier était en tête de tous les journaux parlant de Quidditch. C'était le meilleur balais jamais créé pour le moment, et il n'existait qu'en seulement trente exemplaire dans le monde.

Moi : Alec ! C'est bon, respire ! Et arrête de stresser, Luke va nous faire un malaise et vous allez être obligés de le remplacer !

      Je n'aurais jamais, ô grand jamais, dû dire ça. Mon meilleur ami a regardé dans tous les sens, affolé, puis a hurlé :

Alexander : Luke ! Luke ! Bon sang mais il est où ? Kevin !

      Derrière nous, Kevin venait d'arriver. Alec lui a sauté dessus.

Alexander : Où est Luke ? Il va bien ?

      Kevin a hoché la tête en fronçant les sourcils d'un air interrogateur et Alexander a soupiré.

Alexander : Ouf !

      Il a regardé sa montre, accrochée à son poignet.

Alexander : Vingt-cinq minutes ! On devrait aller sur le terrain de...

      Au même moment, Luke est entré dans la Grande Salle et a crié :

Luke : S'il vous plaît ! L'équipe de Serdaigle, en piste !

Il est ressorti aussi rapidement qu'il était entré, suivi des joueurs de Serdaigle.

      Une demi-heure plus tard, toute l'école était réunie sur le terrain de Quidditch, les élèves répartis dans les gradins en fonction de leurs différentes maisons. Dans les gradins des professeurs, là où était affiché le score, Liam Jackson, de Gryffondor, attendait pour commenter le match. C'était lui qui avait était choisi cette année pour cette dangereuse mission. Dangereuse car s'il avait le malheur de dire quelque chose de travers, il se retrouvait avec l'école toute entière – ou presque – sur le dos.

      Madame Bibine a lancé le souafle, puis les cognards, et enfin le vif d'or. Et Liam a hurlé dans son micro :

Liam : Et le souafle, les cognards et le vif d'or sont lancés ! Le souafle passe à Fray ! Elle fait la passe à Thompson... Oui ! Weasley intercepte le souafle ! Elle se dirige vers les buts... Elle fait la passe à Finnigan... Et il MARQUE ! Dix points pour Gryffondor !

      Des hurlements et des applaudissements on retenti dans les gradins, tandis que j'observais la scène. Alec était en vol stationnaire, à cinquante mètres du sol. Vingt mètres plus loin, l'attrapeuse des Gryffondors, Isabella Black, ne bougeait pas non plus. Le vif d'or était introuvable pour le moment. J'adorais cette balle ! Elle savait se cacher quand il fallait, pour ressortir au bon moment.

      J'ai serré mon pendentif vif d'or entre mes doigts et j'ai entendu Liam hurler :

Liam : Trente à dix pour Gryffondor ! Le vif d'or ne semble toujours pas visible ! Et... Oh mon dieu ! Le cognard envoyé par Sloper touche White en plein dans le bras ! Il tombe de son balais ! Quelqu'un, allez l'aider !

      J'ai perdu la notion du temps. Les points s'enchaînaient, nous étions à présent à 60 à 110 pour Gryffondor. Nous ne pouvions pas gagner, sauf si Alec attrapait le vif d'or avant qu'il ne soit trop tard. Mais toujours pas de trace du vif d'or.

Liam : Attendez ! Black a vu quelque chose ! Oui, c'est ça ! Le vif d'or est là !

      Des cris ont retenti dans les tribunes et je me suis redressée, soudain intéressée. 

Liam : Black et Londubat s'engagent dans la poursuite du vif d'or ! Pendant ce temps, Weasley passe le souafle à Jones... Oh non ! Moore s'empare du souafle ! Elle s'approche des buts ! Elle marque ! Dix points de plus pour Serdaigle ! Nous sommes maintenant à un total de soixante-dix points pour Serdaigle...

      Il y a eu des huées dans les gradins, ainsi que des rires moqueurs, qui ont couvert les cris de Serdaigle.

Liam : ... contre cent dix pour Gryffondor !

      Des hurlements joyeux ont retenti.

Liam : Black et Londubat sont toujours derrière le vif d'or ! Black s'en approche, elle tend la main... Non ! C'est Londubat qui lui coupe la route, et qui l'attrape !

      Je suis restée saisie tandis que mon cerveau faisait machinalement le calcul. Deux cent vingt points pour nous, cent dix pour Gryffondor...

      Je me suis mise à hurler au moment même où le reste des tribunes faisait de même. Alec a atterri, levant et secouant son poing dans lequel il tenait le vif d'or. Nous avions gagné ! Nous avions gagné le match contre Gryffondor ! Je n'en croyais pas mes yeux.

      Une heure plus tard, nous étions de retour dans la salle commune, où une fête avait été préparée. La musique sortait de tous les côtés par des sorts d'amplification appliquée à une petite radio. Tous les Serdaigles dansaient, sauf quelques uns qui étaient assis dans les fauteuils.

      J'ai sursauté. Kevin se tenait devant moi, et la musique avait changé. C'était un slow des Little Magic's, une des musiques que j'aimais particulièrement. Je commençais à voir les couples se mettre à danser – comme Catherine Fray et son copain Ronald Peterson –, et d'autres s'écarter prudemment de la piste de danse.

Kevin : Euh... Hum... Lily ?

      J'ai reporté mon attention sur lui.

Moi : Oui ?

Kevin : Tu voudrais bien... euh... m'accorder cette danse ?

      J'ai dû faire une drôle de tête car il a rougi puis bafouillé :

Kevin : Je veux dire... Sans aucun sous-entendu. Juste une danse, en souvenir...

      Je comprenais où il voulait en venir. En cinquième année, nous étions sortis ensemble, lui et moi. Nous avions rompu après un mois et demi de relation, mais nous étions restés amis.

Moi : Je... Ouais, ouais... Bien sûr...

      Je lui ai tendu ma main, qu'il a attrapé dans la sienne. Puis je me suis approchée de lui, et nous avons commencé à danser.

      Je sentais mon cœur battre dans ma poitrine, mais il battait normalement. Je savais que nous étions seulement amis, Kevin et moi, et je n'avais pas à réagir fortement, même si je dansais avec lui. Nous dansions ensemble comme deux vieux amis danseraient ensemble.

      Un cri rauque a soudain déchiré l'atmosphère douce.

Alexander : Kevin ! Tu t'écartes de Lily tout de suite !

      J'ai sursauté et j'ai fusillé Alec du regard. Non mais qu'est-ce qui lui prenait, tout d'un coup ? 

Moi : Alec, ça va pas ? On fait rien de mal, on danse !

Kevin : Alec, calme-toi, je crois que quelque chose te perturbe...

      Kevin a tendu une main conciliante vers mon meilleur ami, mais celui-ci l'a repoussé avec violence.

Alexander : Non ! Tu n'étais pas là, tu ne l'as pas vue s'effondrer quand t'as rompu avec elle !

Kevin : Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

      Je commençais également à me demander pourquoi Alec réagissait de la sorte. Il ne s'était jamais énervé contre personne, encore moins contre Kevin. Et puis, d'accord je m'étais effondrée dans ses bras quand Kevin m'avait plaquée, mais je ne comprenais pas pourquoi il en faisait tout un plat. C'était de l'histoire ancienne !

Alexander : Tu lui as fait du mal une fois, tu ne recommenceras pas !

      Tous les élèves de Serdaigle nous regardaient, à présent. La musique avait cessé, les danseurs se tenaient immobiles, et tous avaient le regard rivé sur nous trois. C'était comme si nous étions à présent les trois acteurs d'une pièce de théâtre. 

      Certains visages exprimaient de la pitié, d'autres de l'incrédulité, et d'autres encore de la moquerie. Nous étions ridicules, ridicules à cause d'Alec. 

Moi : Alec ! Arrête ! On est juste amis, ok ? On danse comme des amis !

Alexander : Et pourquoi tu le protèges tout le temps ? Lily, cette ordure t'a fait du mal !

Kevin : Je ne te permets pas !

      Alec s'est tourné vers lui violemment.

Alexander : Oh, toi, tais-toi ! Je me souviendrai toujours le soir où elle est arrivée en larmes ! Elle s'est effondrée dans mes bras avant de m'expliquer que tu l'avais larguée ! Tu as fait du mal à ma meilleure amie !

      Je me suis placée entre les garçons. Je n'allais pas laisser deux de mes amis se battre, encore moins en public, et encore moins pour une raison qui me semblait réellement stupide.

Moi : Alec, ça suffit ! Il m'a blessée, c'est vrai, mais c'est du passé ! Arrête maintenant !

Alexander : Que j'arrête ?! Que j'arrête ?! Mais Lily il...

      Je l'ai coupé :

Moi : Alec, tu as bu ?

      Alec est resté silencieux et je me suis tournée vers Elsa, qui observait toujours la scène sans bouger. Elle semblait figée, en proie à la confusion.

Moi : Il y avait quoi à boire ?

      Elsa est allée vers la table et a regardé dans les carafes. Puis elle a répondu :

Elsa : De la Bièraubeurre.

      Elle avait dit ça d'une voix blanche, et je me suis aperçue que je devais lancer des éclairs avec les yeux. J'ai essayé de ma calmer, mais je sentais la colère bouillir en moi. 

      Je me suis tournée vers Alec. Je comprenais mieux son attitude. Cet abruti avait bu toute la Bièraubeurre ! Normal qu'avec ça il n'ait plus les idées claires !

Moi : Bon, Alec, t'es complètement ivre. Les garçons, aidez-moi à l'emmener dans le dortoir !

      J'ai fait signe à Kevin, qui s'approchait de nous.

Moi : Non, toi, reste là. On va éviter qu'il ne fasse plus de dégâts qu'il n'en a déjà fait.

      Ma voix était clairement remplie d'amertume, même si j'essayais de laisser le moins possible paraître ma colère et mon désarroi.

      Lorcan et Lysander ont chacun passé un bras sous ceux d'Alexander et l'ont emmené dans les escaliers. Luke et moi les avons suivis.

      Après avoir couché Alec, qui n'arrêtait pas de délirer, je suis redescendue dans la salle commune, qui avait été rangée et nettoyée. La plupart des élèves étaient partis se coucher.

      Je suis alors montée dans le dortoir, où les filles m'attendaient pour se coucher.

      J'ai enfilé mon pyjama sans un mot puis je me suis glissée dans les draps.

Moi : Bonne nuit les filles !

       J'ai éteint la lumière. Je savais pertinemment qu'elles voulaient parler de ce qu'il venait de se passer, mais je n'en avais nullement envie. Je n'avais jamais autant eu honte que cette fois-là, et je n'avais qu'une seule envie : m'endormir au plus vite pour oublier cet incident. 

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