Chapitre 2

Après cette conversation étrange, Léna était remontée dans le bureau de Gabriel. Le pauvre ingénieur écoutait son amie se plaindre, sans pour autant cesser son travail sur la machine.

— Je ne comprends vraiment pas pourquoi Sandrine insiste autant pour que je trouve une équipe, se lamente Léna en faisant les cent pas dans la pièce.

— C'est parce qu'elle tient à toi, elle t'a pratiquement élevée, c'est normal qu'elle ne veuille pas que tu risques ta vie, lui répond Gabriel en continuant de déchiffrer les résultats de la machine, ses lunettes aux verres grossissants sur le nez.

Léna souffla.

— Toi aussi, elle t'a quasiment élevée, pourtant elle ne te colle pas aux basques comme ça, rétorqua-t-elle en roulant des yeux.

— C'est peut-être parce que contrairement à toi je ne fonce pas tête baissée en ignorant les règles

— À quoi bon fixer des règles si le moment venu elles nous empêchent de faire notre travail

— Justement pour éviter de faire son travail en mettant sa vie en danger Betty, rétorque Gabriel en levant les yeux vers son ami. Cette dernière lui adressa un regard noir en entendant le surnom qu'il lui donnait lorsqu'ils étaient enfants; Gabriel se moquait souvent de ses cheveux roux et bouclés, et lui avait donné ce surnom en référence au dessin animé Atomic Betty. Un sourire malicieux étira les lèvres du jeune homme en voyant que sa boutade avait fonctionné.

— Ne m'appelle plus comme ça, le prévint Léna.

— Je vais essayer Betty, répliqua-t-il en faisant mine de retourner à ses calculs.

Alors que Léna s'apprêtait à répliquer, quelqu'un toqua. Alors que Léna s'apprêtait à se diriger vers la porte, Gabriel se leva.

— Attends, dit-il. Léna stoppa son geste, se rappelant que ce n'était pas son bureau.

Le jeune homme ouvrit la porte, et Léna prit appui sur son bureau, ignorant les feuilles qui s'y trouvaient. Le dos de Gabriel cachait en partie son interlocuteur, mais Léna reconnut sa voix.

— Je cherche une jeune fille rousse, elle a des taches de rousseurs, ses yeux sont verts je crois et elle est assez agaçante, on m'a dit que je la trouverais ici.

Le sang de Léna ne fit qu'un tour, outrée, elle se leva et traversa le bureau jusqu'à l'entrée. Elle décala Gabriel pour faire face à son interlocuteur.

— Lucius, dit-elle d'une voix agacée.

— Pour quelqu'un qui cherche des coéquipiers, tu n'es pas très avenante, rétorqua ce dernier.

— Tu as changé d'avis ? Demanda la jeune femme, quelque peu calmée après s'être rendu compte que le colosse était peut-être revenu pour ça.

— J'accepte de faire équipe avec toi, confirme-t-il. Je suis revenue pour éviter de devoir faire un aller-retour inutile. Quelle est la mission ? Demande-t-il, d'un air indifférent.

Léna se tourna vers Gabriel d'un air interrogateur.

— Il faut que tu ailles voir Sandrine, c'est elle qui pourra me confirmer que je peux te confier la prochaine mission, lui expliqua son ami.

— On y va alors ! Affirma Léna avec aplomb, déterminée à partir. Elle quitta le bureau, Lucius sur ses talons.

Gabriel resta figé un instant, hésitant à les accompagner. Finalement, il se décida à se replonger dans ses papiers.

Léna et Lucius se dirigèrent vers l'ascenseur, et Léna pressa le bouton du dernier étage, refusant de perdre une seconde de plus à bavarder.

Les portes de la cage se refermèrent avec un cliquetis métallique, et l'ascenseur commença à défiler les étages. Un silence pesant s'installa entre les deux chasseurs de spectres, mais l'un comme l'autre était suffisamment solitaire et borné pour ne pas le briser. Lorsque la machine s'arrêta à l'étage souhaité, Léna fut la première à en sortir pour emprunter des couloirs qu'elle connaissait visiblement comme sa poche. Lucius la suivait en restant coït.

Finalement, les deux compagnons arrivèrent devant une porte sur laquelle une plaquette en métal indiquait "Sandrine Johnson".

Léna prit une grande inspiration. Lucius, qui pourtant ne la connaissait que depuis quelques minutes, remarqua qu'elle était visiblement nerveuse. Mais sans se démonter, la jeune femme leva la main et frappa à la porte de la directrice de l'Ordre avec aplomb.

— Entrez ! Dit la voix étouffée de Sandrine de l'autre côté de la porte.

Sans se faire prier davantage, Léna poussa la porte en bois et pénétra dans le bureau de sa tutrice légale, Lucius sur ses talons. Le bureau de la directrice était conçu et aménagé sensiblement de la même façon que celui de Gabriel et de tous les autres ingénieurs et employés qui travaillaient pour l'ordre. La seule différence notable avec le bureau du jeune ingénieur, était que celui de sa supérieure était impeccablement rangé, les crayons étaient tous parfaitement alignés, et rien ne dépassait.

— Léna ! S'exclama Sandrine en la voyant entrer, puis son sourire s'effaça légèrement en voyant la personne avec qui elle était accompagnée. Sandrine était une femme d'âge mûr, ses cheveux bruns étaient parsemés de stries grisonnantes par endroits. Ses traits étaient tirés par le chignon bas qu'elle portait très serré et quelques rides prenaient naissance aux coins de ses yeux, derrière ses lunettes aux fines montures. Ses lèvres fines étaient étirées d'un sourire chaleureux.

— Je viens te voir en ce qui concerne ta demande pour que je rejoigne une équipe, expliqua Léna.

— Oui ! Alors, quelle équipe souhaites-tu intégrer ? Lui demanda-t-elle, visiblement soulagée que ce soit le motif de sa visite.

— Aucune, lui répondit Léna, elle attendit quelques secondes pour que sa missive fasse l'effet escompté : le sourire de la directrice disparu totalement.

— Je souhaite créer ma propre équipe, affirma la jeune chasseuse avec aplomb. Sandrine se massa les tempes, visiblement exaspérée.

— Évidemment, dit-elle d'un ton las.

— Lucius en fait partie, lui explique la jeune femme. La directrice redressa la tête, visiblement intéressée ; son regard se tourna vers le principal concerné.

— Lucius Williams, le chasseur solitaire, ça alors ! S'étonna-t-elle en regardant par-dessus ses lunettes, comme si elle n'en croyait pas ses yeux. Le principal intéressé émit un grognement affirmatif. Sandrine plissa les yeux, pour tenter de déceler le moindre mensonge chez Léna.

— Bon si tu veux, finit-elle par céder, mais la condition est que vous soyez trois.

— Gabriel est d'accord lui aussi, lança la jeune femme.

Lucius tourna la tête vers Léna, surpris. La jeune femme elle-même semblait étonnée par la vivacité de sa réplique. Sandrine plissa les yeux, regardant avec suspicion la jeune femme.

— Vraiment ?  S'étonna-t-elle. Ça n'est pas vraiment son genre...

— Pourtant, c'est la vérité, affirma Léna.

Elle réprima un frisson, elle s'en voulait de mentir ainsi, mais elle était prête à tout pour obtenir ce qu'elle souhaitait. Sandrine émit un petit rire étouffé ; elle ne croyait visiblement pas Léna, c'était elle qui s'est chargée de son éducation après la mort de ses parents et elle savait déceler lorsque cette dernière mentait.

— Très bien, dans ce cas, je vais te donner les formulaires, il faudra que tes deux coéquipiers en remplissent un et le signe, céda la directrice en fouillant dans les tiroirs de son bureau à la recherche de ces papiers. Lucius, ajouta-t-elle, il faudra que vous remplissiez le formulaire pour faire partie de l'ordre.

— Non, affirma ce dernier d'un ton ne laissant la place à aucune réplique.

— Non ? s'étonna Sandrine en relevant la tête de ses dossiers.

— Je lui ai promis qu'il pourrait faire partie de mon équipe sans pour autant faire partie de l'ordre, expliqua Léna presque timidement. Face a l'air désappointé de sa tutrice, elle avait perdu son assurance caractéristique et semblait presque s'excuser.

La directrice se pinça l'arête du nez sous ses lunettes.

— Léna... Soupira-t-elle. Léna lui adressa un regard suppliant. Bon, d'accord, finit par céder Sandrine. Lucius je vous autorise à faire partie de cette équipe sans pour autant faire partie de l'Ordre.

— Merci ! Lui dit Léna avec un grand sourire.

— Mais il faudra que tes deux coéquipiers remplissent cette fiche, rétorqua Sandrine en lui tendant deux polycopiés avec un regard satisfait. Léna les saisies, elle voyait bien que sa tutrice était persuadée que jamais Gabriel n'accepterait ; c'était d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle elle avait cédé aussi vite.

— D'accord, accepta Léna, un air de défis dans le regard. À bientôt Sandrine ! La salua-t-elle insolemment avant de tourner les talons pour sortir du bureau.

Lorsque la porte se referma derrière elle et Lucius, la jeune femme poussa un soupir.

— Tiens, dit-elle au chasseur de spectre à ses côtés en lui tendant une des fiches. Quand tu l'auras remplie, tu pourras la donner à l'accueil, expliqua-t-elle.

Lucius contracta la mâchoire en la saisissant; cette épreuve ne l'enchantais guère.

Comme lors de leur première rencontre, le chasseur tourna les talons et partit de son côté sans un mot pour Léna, laissant la jeune femme seule dans le couloir.

***

— S'il-te-plait Gabriel ! Supplia Léna.

— C'est hors de question ! rétorqua le jeune ingénieur, toujours concentré sur les résultats du dispositif qui émettait le même vrombissement incessant.

— Tu ne peux pas rester toute ta vie enfermé ici avec tes machines !

— Bien sûr que si, rétorqua le jeune homme sans détacher son attention de sa tâche.

— Ose me dire que tu n'as jamais voulu vivre une aventure, quelque chose d'excitant ! Continua d'arguer Léna. Voyant que son ami ne détachait pas son attention de son travail, elle le saisit par les épaules et le secoua légèrement. S'il te plaît Gabriel, il faut absolument que tu connaisses le frisson du danger, que tu vois de tes propres yeux contre quoi on se bat ! Supplia la jeune femme en continuant de secouer son ami.

— Lâche-moi ! Ria Gabriel, la jeune femme écarta ses mains pour le libérer. Je connais le frisson du danger, commença-t-il, quand je me rends compte que mes calculs sont erronés, finit-il en remontant ses lunettes sur son nez.

Cette remarque fit lever les yeux au ciel à Léna.

— Ça n'a rien à voir !

Gabriel émit un soupir et leva finalement les yeux vers son amie.

— Écoute, commença-t-il. Trouver des portails, combattre des spectres ; c'est pas pour moi tout ça, regarde-moi ! dit-il en désignant son corps. Je ne suis pas un combattant, les spectres ne feraient qu'une bouchée de moi.

— Je te protégerai ! Rétorqua Léna en levant un sourcil provocateur.

— Je suis lâche Léna ! Finit par avouer Gabriel. Les spectres me flanquent une trouille bleue, je serai incapable d'en combattre ! Ma place est ici, soupire-t-il.

Léna resta figée un instant ; elle comprenait mieux les réticences de son ami.

— Tu n'es pas lâche, commença Léna d'une voix adoucie. Quand on était enfant, tu te dénonçais toujours à ma place quand je faisais une bêtise ; je n'ai jamais rencontré quelqu'un de plus courageux.

Cette remarque fit rougir Gabriel jusqu'aux oreilles.

— Ça n'a rien à voir avec le fait d'être courageux... Dit-il en se frottant la nuque d'un air gêné.

— Bien sûr que si ! Allez, accepte s'il te plaît ! J'ai vraiment besoin de toi sur ce coup-là, tu pourras vraiment nous être d'une grande aide, tu trouves toujours des solutions à tout ! Léna lui dit tout cela d'un ton suppliant, elle fixa Gabriel avec son regard le plus mielleux.

Le jeune ingénieur se massa les tempes, visiblement excédé par l'insistance de la jeune femme. Voyant qu'elle ne céderait pas, il poussa un soupir.

— Tu ne lâcheras rien, hein ? lui dit-il d'un air faussement agacé.

— Non, confirma la jeune femme avec un grand sourire.

Les deux amis se fixèrent dans les yeux, attendant qu'un des deux cède. Gabriel fut le premier à détourner le regard.

— Léna... Je ne sais pas. C'est risqué, dit-il en évitant son regard.

— La vie est faite de risques, Gabriel. Et parfois, il faut savoir prendre des risques pour vivre vraiment. Viens avec nous, essaie juste une fois. Si ça ne te plaît pas, je te promets que je ne te forcerai plus jamais à sortir de ce bureau.

Gabriel hésita un moment, pesant les mots de Léna. Finalement, un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

— D'accord, Léna, finit-il par dire avec un soupir exaspéré. Mais je te préviens, si je meurs, je te maudirai depuis l'au-delà !

Sa remarque fit rire Léna.

— Tu ne mourras pas, Gabriel. Je te protégerai, je te le promets. Tu n'auras même pas le temps de me maudire !

— Hum... grogna-t--il, dubitatif

— Merci beaucoup Gabriel ! Le remercia Léna en le serrant dans ses bras. Lorsqu'elle le relâcha, le jeune homme était de nouveau aussi rouge qu'une pivoine. Je te revaudrai ça !

— ça je peux te le garantir !

— Alors, tu me remplis cette fiche ? Demanda Léna d'un air taquin. Gabriel leva les yeux au ciel, avant de se saisir d'un crayon et de commencer à griffonner sur la feuille d'une écriture presque illisible.

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