Chapitre 1
100 ans plus tard :
L'immense portail qui se dressait devant Léna abordait le nom "Société de Conseil en Gestion Atmosphérique (SCGA)". Un léger rire s'échappa de ses lèvres ; ce nom fictif lui avait toujours semblé ironique. Elle replaça une mèche rebelle derrière son oreille avant d'ouvrir le portail d'un léger coup de pied. Elle traversa la propriété d'un pas déterminé. La porte automatique s'ouvrit sur son passage et elle pénétra dans les locaux. Lorsqu'elle aperçut Léna, le visage de la jeune femme à la réception s'illumina.
— Ah ! Bonjour Léna, Sandrine vous cherchait justement !, lui dit-elle.
— Bonjour Paula, très bien, c'est noté, je passerais la voir, lui répondit furtivement Léna en poursuivant sa route ; elle avait autre chose en tête pour le moment.
Elle se dirigea vers l'ascenseur, appuya sur le bouton et attendit patiemment que ce dernier arrive à son étage. Ce dernier arriva avec le cliquetis sonore habituel et Léna pénétra dans la cage d'un pas assuré.
Alors que la porte était sur le point de se refermer, la jeune femme aperçue du coin de l'œil un homme à la carrure imposante, la mâchoire carrée et de longs cheveux bruns. Mais ce qui frappa surtout Léna, c'était l'immense cicatrice qui lui barrait la moitié de la joue droite. Elle se rappela avoir déjà croisé cet homme, mais ses souvenirs étaient flous. Alors que les portes de l'ascenseur étaient en train de se refermer, l'homme esquissa un geste dans cette direction. Léna retenue les portes afin de laisser à l'homme le temps de s'engouffrer dans l'ascenseur à ses côtés.
La présence de l'homme était pesante, et Léna se surprit à se recroqueviller légèrement. Lorsqu'elle s'en aperçut, elle se redressa ; ce n'était pas dans ses habitudes de se laisser piétiner. Discrètement, elle laissa son regard couler vers l'inconnu. Vu de plus près, il semblait davantage effrayant. Il devait avoir une trentaine d'années, ses yeux étaient d'un bleu perçant, ses cheveux lui arrivaient au niveau des oreilles, et de légères ridules commençaient à naître sur le coin de ses yeux. Léna ne pouvait cesser de penser qu'elle l'avait déjà vu quelque part.
Le cliquetis qui indiquait que l'ascenseur était arrivé au bon étage sorti Léna de ses pensées. Elle quitta la cage et se dirigea vers les bureaux. Elle ne put cependant s'empêcher de jeter un coup d'œil derrière elle, et vit l'inconnu descendre au même étage qu'elle. Cela ne fit que confirmer l'idée qu'elle l'avait déjà croisé.
Léna secoua légèrement sa tête pour tenter de se concentrer de nouveau sur son objectif. Elle traversa le couloir mal éclairé, et se dirigea vers la pièce la plus éloignée de l'étage : le bureau de son ami Gabriel.
Lorsqu'elle arriva en face de la porte en bois, elle toqua deux coups secs et un plus lent.
— Entre Léna ! Lui parvient la voix étouffée de son ami.
Sans se faire prier, la jeune femme ouvrit la porte à la volée. Les feuilles éparpillées un peu partout sur le sol s'envolèrent. Le bureau de son ami Gabriel avait toujours été en bazar. Le moindre centimètre carré du parquet était recouvert par des feuilles portant des formules et des calculs mathématiques, plusieurs ouvrages sur des théories de l'occulte étaient ouverts et éparpillés sur le sol.
— Bon sang Léna ! Je t'ai déjà dit de ne pas faire ça ! S'exclama Gabriel. Au milieu de la pièce trônait un bureau derrière lequel l'interlocuteur de Léna se trouvait. Gabriel était un jeune homme de petite taille, ses cheveux blond cendré étaient coupés court et étaient souvent sales, des taches de rousseur piquetaient son nez, et des lunettes proéminentes agrandissaient ses yeux marron d'une façon presque comique. Comme toujours, son ami abordait sa blouse de scientifique sur laquelle ses initiales étaient gravées. Le bureau de l'intéressé était dans le même état que le reste de la pièce : des brouillons et des boulettes de papier étaient éparpillés partout et une immense machine trônait sur le centre du meuble, émettant un vrombissement continu.
— Je sais, mais je le fais quand même, lui répondit Léna avec un sourire taquin. Un soupir exaspéré passa les lèvres de son ami pour seule réponse.
— Que veux-tu ? Lui demanda Gabriel, je suis un peu occupé là, ajouta-t-il en désignant la machine sur laquelle il était en train de travailler.
— Rien, je me demandais seulement s'il y avait du nouveau ? Répondit Léna. Gabriel haussa les sourcils, presque agacé.
— Oui, il y a du nouveau et Sandrine m'a fait promettre de ne pas t'en dire plus.
— Et pourquoi ça ? Demanda à Léna en fronçant le nez d'un air exaspéré
— Léna, la dernière fois, tu es parti en mission seule, comme à chaque fois. Sandrine t'a déjà dit qu'il fallait que tu fasses équipe avec quelqu'un, c'est un des principes de l'Ordre, toi aussi tu dois le respecter. La jeune femme roula des yeux en entendant la nouvelle.
— J'ai toujours fait équipe seule, je ne vois pas pourquoi cela changerait, râla Léna.
— Tu vois bien que ça fait plusieurs mois que des portails ne cessent de s'ouvrir, Sandrine s'inquiète, elle pense que quelque chose se trame.
— Et donc ? Demanda Léna en haussant un sourcil. Je ne vois pas en quoi ça me concerne.
— C'est une demande de Sandrine, elle m'a dit de te prévenir qu'il fallait absolument que pour ta prochaine mission tu fasses équipe avec quelqu'un, sans quoi elle te licenciera. Lui dit Gabriel en continuant de taper des codes complexes dans la machine. Un soupir agacé passa les lèvres de la jeune femme.
— Mais je n'ai jamais réussi à faire équipe avec qui que ce soit auparavant, je ne vois pas pourquoi ça changerait ni pourquoi quelqu'un voudrait enfin faire équipe avec moi ! S'exclama Léna, dont la colère était palpable.
— Ah ça ! S'exclama Gabriel avec un léger rire. Pour ça il faudrait peut-être que tu sois plus aimable ! Lui dit-il en riant pour de bon.
— Ce n'est pas ma faute si personne ne veut faire équipe avec moi, rétorqua la jeune femme en lui assénant une bousculade amicale.
— Hé ! S'écria Gabriel en riant. Sérieusement, il faut vraiment que tu composes une équipe, tu es une des meilleures chasseuses de spectre de l'Ordre, ne gâche pas ton talent en te faisant virer bêtement. Son ami lui avait dit cela en quittant la machine des yeux pour la regarder.
Léna soupira, elle ne voyait pas qui elle pourrait inclure dans cette équipe.
— Gabriel, tu es le seul qui me supporte un tant soit peu ici, soupira-t-elle.
— Oui, mais je ne peux pas faire équipe avec toi, je ne suis pas chasseur, je suis seulement ingénieur !
— Et donc ? Je ne vois pas en quoi ça t'empêche de faire équipe avec moi, dit la jeune femme avec un air malicieux.
— Arrête de plaisanter Léna, il faut sérieusement que tu trouves quelqu'un avec qui t'associer.
La jeune femme se tue un instant, et plongea dans ses pensées. Elle connaissait absolument tous les chasseurs de spectre qui faisaient partie de l'Ordre, et tous étaient âgés d'une quarantaine d'années, souvent des hommes présomptueux qu'elle ne supportait pas.
Elle se rappela alors l'homme qu'elle avait croisé dans l'ascenseur, il lui avait semblé coriace et moins imbu de lui-même que ses congénères. Mais elle laissa échapper un soupir, car il y avait peu de chance que ce dernier soit un chasseur de spectre.
En y repensant, elle se rappela enfin où est-ce qu'elle l'avait vu. Elle l'avait croisé une fois au cours des années passées dans le bureau de la directrice. On lui avait dit alors qu'il s'agissait d'un chasseur de prime qui agissait seul et qui demandait simplement de l'argent à l'ordre lorsqu'il parvenait à capturer un fantôme. Personne ne connaissait les raisons qui le poussaient à faire cela ni qu'il était réellement.
— J'ai peut-être une idée ! S'exclama Léna avant de quitter le bureau de Gabriel.
— Attends, mais où vas-tu ? Lui demanda ce dernier.
— Ne t'inquiète pas, je reviens vite, lui dit-elle avant de refermer la porte derrière elle.
La jeune femme traversa le bâtiment en sens inverse, elle arrive à de nouveau à l'ascenseur et appuya sur le bouton du rez-de-chaussée. Lorsqu'elle arriva devant le comptoir de l'accueil, elle s'exclama :
— Paula, sais-tu où est parti l'homme qui est entré avec moi dans l'ascenseur tout à l'heure ? Lui demanda-t-elle
— Je crois qu'il est parti au service de retrait des Spectres, répondit Paula, déboussolée.
— Super, merci ! Dit Léna avant de tourner les talons et de repartir aussi vite qu'elle était venue, laissant la pauvre Paula incrédule.
Léna reprit l'ascenseur en direction du premier étage, mais plutôt de continuer tout droit vers le bureau de Gabriel, elle tourna à gauche.
La jeune femme marchait d'un pas assuré. Finalement, elle arriva devant une porte en bois sur laquelle un écriteau en acier indiquait : "retrait des Spectres". Un frisson parcourra l'échine de Léna. C'est dans ce service que l'on amenait les spectres que les chasseurs avaient réussi à capturer afin de les renvoyer de l'autre côté. Elle n'avait jamais bien compris comment ils s'y prenaient, en vérité, personne n'avait jamais compris. À travers la porte, Léna pouvait entendre des bribes de conversations. Elle leva la main et s'apprêta à frapper, mais son geste resta suspendu. Elle hésita un instant avant de se raviser. Elle décida qu'il était plus judicieux d'attendre l'homme qu'elle cherchait dans le couloir plutôt que de frapper et de faire irruption dans un service qu'elle ne connaissait pas bien.
Léna s'adossa contre le mur en croisant les bras. Elle tapait nerveusement du pied ; la patience n'avait jamais été son fort.
Finalement, après quelques minutes à attendre, la porte du bureau s'ouvrit. Léna se redressa. L'homme qu'elle cherchait passa alors la porte.
— La chasse a été bonne ? Demanda Léna. L'homme surpris se retourna pour lui faire face, c'est seulement alors qu'elle remarqua ses yeux d'un vert perçant et à la lueur inquiétante. La jeune femme eut envie de se gifler ; elle avait parlé sans réfléchir et c'était la seule chose qu'elle avait trouvé à dire.
— J'ai connu pire, rétorqua l'individu après un silence pesant. Il s'apprêtait à faire demi-tour, mais Léna n'en avait pas fini.
— Rejoins mon équipe, dit-elle avec aplomb. Le regard de l'homme se fit encore plus surpris. Pendant un instant, Léna pensa qu'il allait l'agripper par le col pour avoir dit ça. Après quelques secondes, l'inconnu éclata d'un rire rauque. Léna resta coite, elle se redressa et croisa les bras sur sa poitrine en adressant un regard sérieux à l'homme. Comprenant qu'elle ne plaisantait pas, l'inconnu cessa de rire.
— Désolé, mais je ne travaille pas avec l'Ordre. Lui dit-il, avant de faire mine de partir. Léna paniqua, elle sentait qu'elle devait absolument le convaincre de faire équipe avec elle : elle ne faisait confiance à aucun des chasseurs de l'Ordre.
— Non attends ! Dit-elle en retenant l'inconnu par le bras. L'Ordre a besoin de quelqu'un comme toi, ajouta-t-elle.
— Je te l'ai dit, je travaille seul. Répondit fermement le chasseur.
— D'accord, j'ai bien compris, mais réfléchis, tu pourrais avoir l'équipement et l'expertise de l'ordre. Voyant l'air dubitatif de son interlocuteur, elle poursuivit : tu ne seras pas obligé de faire partie de l'ordre pour être dans mon équipe, je m'en assurais. Imagine : tu pourrais continuer à opérer selon tes propres règles, tout en bénéficiant du soutien et des compétences de l'Ordre, qu'en penses-tu ? En disant cela, Léna leva un sourcil provocateur. Elle voyait que son discours avait eu un peu d'effet sur l'inconnu ; le doute s'était installé sur son visage.
— Je peux y réfléchir, finit par dire l'homme, néanmoins dubitatif. Quel est ton nom ? Lui demanda-t-il.
— Léna, lui répondit-elle. Et toi ?
— Lucius, répondit-il.
— Eh bien Lucius, commença la jeune femme, si jamais tu changes d'avis, tu sais où me trouver. Et si jamais c'est le cas, je t'en serais très reconnaissante.
— Pourquoi ne pas faire équipe avec des chasseurs de l'Ordre ? Demanda Lucius, un brin agacé.
— Je ne fais confiance à aucun d'entre eux, en plus ils font déjà partie d'une équipe pour la plupart, expliqua-t-elle avec un haussement d'épaules.
— Et tu préfères faire confiance à un inconnu, s'amusa l'homme.
— Oui, affirma Léna avec conviction. Lucius émit un petit rire ironique, puis sans saluer Léna, il tourna les talons pour faire demi-tour.
Léna poussa un soupir en regardant Lucius s'éloigner. Elle ignorait si elle avait réellement réussi à convaincre le colosse de la rejoindre, mais elle savait qu'elle ne lâcherait pas : elle avait entendu tous les exploits qu'il avait accomplis, et elle voulait absolument un élément comme ça dans son équipe.
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