12. Le gouffre de la Mort
Je me blottis contre Jimmy. J'enfouis mon visage dans son cou, comme pour lui demander de se relever. Il sourit faiblement. Quelque chose que je ne distingue pas déplace mon ami. En me concentrant, je finis par voir comme en plein jour. Une main faite de poussière le tient par le col. Elle le jette dans un immense trou sans fond qui se trouve au milieu. Je hurle et me jette presque sur le bord du gouffre. Alors c'est bel et bien fini. La prophétie chante dans ma tête, comme hystérique. Alors l'ALPHA crie de la voix la plus démoniaque qui soit :" Le Mal va enfin triompher sur le Bien ! Depuis le temps qu'on attendait ça !" Cela m'interpelle presque aussitôt : je sais ce que veut dire la prophétie !!! Enfin, je crois... Je demande :" Jim', ça va ?
- Oui, je me suis juste un peu fait mal à la tête. Bon courage, Margot, moi je pense que je vais finir mes jours ici...
- Peut-être pas, j'ai un plan. Si je tombais, est-ce que tu me rattraperais ?
- Toujours. Mais pourquoi tu me demandes ça maintenant ?
- Je suis désolée pour ce que je vais faire, dis-je en sautant dans le gouffre.
La descente me semble interminable. Enfin, les bras de mon ami m'attrapent de justesse. Je sourit, puis il me pose sur le sol. Je me demande comment il a réussi à me voir, dans cette obscurité. Il demande :" Es-tu devenue folle ? Qui va battre l'ALPHA, maintenant ?
- Nous deux." Il me regarde sans comprendre. Je lui chuchote :" J'ai compris ce que veut dire la prophétie ! On est d'accord, le Mal et le Bien se détestent depuis toujours, mais comme ils sont de forces égales, aucun des deux n'a jamais gagné sur l'autre ?
- Exactement.
- Mais, si ils étaient alliés, ils seraient plus forts, et pourraient vaincre un ennemi commun.
- Margot, tu n'es quand même pas en train de dire qu'on devrait..." Je ne le laisse pas finir, je dépose doucement mes lèvres sur les siennes. Il ferme les yeux, puis moi aussi. Je me sens si bien que je passe une main dans ses cheveux, et lui autour de ma taille.
Je sens sa chaleur contre moi, et je ne pense plus au reste. Peu importe si je dois mourir par la suite, ce baiser est pour moi le plus beau cadeau du monde. Comme cela est doux. J'ouvre les yeux, sans briser le lien qui unit nos lèvres : des millions d'étincelles jaunes et noires volent autour de nous et redonne des couleurs au monde. Je vois l'ALPHA redevenir le jeune homme qu'il aurait dû être. Une fois terminé, les étincelles viennent vers Jimmy et moi, et transforment chaque centimètre de nos corps : mon ami porte une cape de velours rouge, un costume sur lequel est brodé un soleil scintillant, il tient un sceptre de lumière et porte une couronne de rubis dans les cheveux. Moi, en revanche, j'ai une longue robe bleue retenue par une petite ceinture, un sceptre de nuit et une couronne de diamants dans mes cheveux ( qui se sont détachés ). Nous nous écartons l'un de l'autre en souriant. Nous nous regardons en silence, puis finalement, je dis :" N'aurais-je pas été idiote dans tout ça ?
- Jamais je ne dirais ça de toi. On pourrait plutôt utiliser " têtue ". Et, à mon avis, tu aurais mieux fait de ne pas traiter Mlle Leggins de folle, alors qu'elle avait raison...
- Ça va, hein, je ne savais pas, moi !
- Et sinon, pourquoi on porte ces habits ?
- Vous les portez car vous êtes à présent les Souverains du Pouvoir Ultime, s'exclama Mlle Leggins qui s'était relevée. Elle se trouvait à présent dans les bras de l'ALPHA, alias, Alfy. Nous nous regardons puis nous disons à l'unisson :" Vous nous devez une petite explication ! Et vous parlez tous les deux !
- Bon, d'accord. Mais avant rentrons à la m..., elle est coupée par mon ami.
- Certainement pas, on a attendu assez longtemps ! " Elle soupire, mais s'assit tout de même par terre, à côté de son ami; nous les imitons. Elle commence :" Pour que vous compreniez bien, je vais tourner cela comme une histoire. Ce sera plus facile pour que je réussisse à en parler. C'est douloureux.
- Tu veux que je le fasse, Ma Lee ? demande l'homme.
- Je fais le début et toi la fin, OK ?
- Oui.
- Bon, alors, c'est parti !
Cela s'est passé il y a environ trente ans. Une petite fille nommée Martha se trouvait à la maternelle et avait trois ans. Elle était toute seule pendant la récréation, personne ne voulait jouer avec elle. Alors, triste, elle s'était assise contre un sapin. Elle sursauta lorsqu'elle se rendit compte qu'il y avait quelqu'un de l'autre côté du tronc. Elle sourit timidement, et lui, le lui rendit. Il lui dit :" Bonjou' , je m'appelle Alf'ed " . Il avait cette drôle de façon de parler, sans prononcer les "r". Ils parlèrent durant tout le reste de la récréation. Un seul jour avait suffit pour que deux destins se croisent et ne se séparent plus. Pendant neuf ans, ils ne se quittèrent pas, parlant de tout, partageant tout...Des inséparables. Enfin, en principe ils l'étaient. Mais, lorsqu'ils atteignirent leurs douze ans, tout bascula. La vérité éclata au moment où les pouvoirs du garçon s'éveillèrent. C'était un brûleur de vies étonnamment puissant. Au départ, cela ne changeait pas grand-chose, à part qu'il devait faire attention à ne pas blesser son amie. Il fut soulagé lorsque quelques mois plus tard, les pouvoirs de la fille se réveillèrent. Elle était, elle aussi, une brûleuse de vie; au plus grand réjouissement de l'autre. A deux, ils créaient des choses incroyables, mais surtout, ces jeux étaient très dangereux. Mais plus l'année passait, plus le garçon semblait regarder la fille autrement. Quelques mois plus tard, lors d'une soirée particulière, il lui avoua qu'il était tombé amoureux de quelqu'un. La fille sourit en le félicitant, visiblement réjouie pour lui, mais au fond d'elle, quelque chose s'éteignit. Comme un espoir qui s'évanouirait. Elle demanda le nom de la personne. Il soupira, et lui glissa :" Toi, bien sûr ! " Ses yeux s'étaient exorbités. Elle avait baissé la tête pour qu'il ne voit pas son sourire et ses joues rouges. Dans son cœur, c'était la fête, la joie, le soulagement, et je ne sais quels autres sentiments. Malgré tout cela, elle répondit qu'elle, elle ne l'aimait pas. Pourquoi mentait-elle ? En vrai, je n'en sais rien. Le visage du garçon s'assombrit. D'une vraie ombre qui vous glace le sang dans les veines. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras et l'embrasser, mais elle resta paralysée. Il s'excusa, confus, et rentra chez lui en courant. De son côté, Martha prit le chemin du retour la tête basse, les yeux brouillés de larmes. Le lendemain, ils se parlèrent à peine, évitant leurs regards, mais ce n'était pas aussi simple ! Ils faisaient et disaient les mêmes choses au même moment, ce qui ne facilitait pas la tâche. Comment faire pour se disputer avec son âme sœur ? Le soir, pourtant, ils se retrouvèrent au parc. Ils s'assirent sur un banc, les joues rouges, le regard ailleurs. Ils finirent par engager une discussion quelque peu...intime. Mais à la fin, la fille embrassa le garçon. Les lèvres scellées, ils ne formaient plus qu'un. Le jour suivant, ils ne se lâchaient pas des yeux. Malheureusement, à l'heure de manger, le midi, Martha rencontra un garçon ( le visage d'Alfred se crispe ), qui s'appelait Diego. Il était très beau, mais il adorait se vanter. Deux jours suffirent pour qu'il demande à la fille de l'aimer jusqu'à la fin, et le pire, c'est qu'elle fut d'accord. Pendant qu'elle vivait le paradis, Alfred, lui, s'enfonçait dans l'enfer. Un jour, il lui donna rendez-vous au parc. Il demanda à sa meilleure amie pourquoi est-ce qu'ils ne passaient plus autant de temps ensemble et si elle ne l'aimait plus. Elle lui dit que ce n'était qu'un jeu, qu'avec Diego c'était du sérieux, qu'il ne fallait pas s'inquiéter...Mais il commença à se fâcher. Un jeu ? Non, pour lui, c'était le grand amour, la femme de sa vie et il ne voulait pas la perdre. Et là, il fit la plus grosse erreur de sa vie, il cria :" Bravo que diraient tes...tes
Mlle leggins s'arrête et se met à pleurer. Alfred la prend dans ses bras en murmurant :" Tu veux que je continue ?" Elle hoche la tête en reniflant. Il poursuit.
Il cria :" Bravo, que diraient tes parents s'ils étaient là ?" Le garçon plaqua une main sur sa bouche, il commença à reculer, terrifié, en gémissant :" Ma Lee...Je ne voulais pas dire ça....Je te demande pardon !" Il se mit à pleurer. Les parents de Martha étaient morts dans un crash d'avion lorsqu'elle avait sept ans. Depuis, c'était son oncle qui s'occupait d'elle. Tout l'entourage de la petite fille savait qu'il ne fallait jamais parler d'eux, autrement les conséquences étaient...désastreuses. Elle hurla :" NE PARLE PLUS JAMAIS DE MES PARENTS, C'EST CLAIR ? JE NE VEUX PLUS JAMAIS TE REVOIR, JE TE HAIS ! PLUS TARD, JE ME MARIERAIS AVEC DIEGO ET TOI TU SERAS SEUL, OUBLIÉ DE TOUS ! VA-T-EN !" Elle l'avait poussé contre un arbre. Il tomba sur le sol en tremblant, la tête dans les mains. Il sentait que c'était terminé, qu'elle lui en voudrait pour toujours. Il se releva tant bien que mal et s'éloigna en pleurant. A partir de là, tout alla de travers pour le garçon. Il voyait évoluer la relation de Diego et l'amour de sa vie. Il se sentait mal. Très mal. Un jour, à bout de forces, il vit que son ennemi donnait une bague à Martha. Son cœur explosa. C'était la faille de trop. Il marcha d'un pas furibond et douloureux vers le couple. Une fois devant le garçon, il élança son poing dans sa figure. Ce que ça faisait du bien. A peine satisfait, il reçut une baffe dans la figure. Sa lèvre se mit à saigner et son visage le brûler. La bague roula sur le sol et tomba dans la grille d'égout. Diego se trouvait sur le sol, se tenant l'œil, Alfred, lui s'était enfui en courant avant de chuchoter à Martha :" Je t'aime, mais dans quelques minutes, je ne serais plus moi ". Il l'avait dit sèchement. La douleur de la blessure s'ajoutant à celle de son cœur brisé, s'était finalement transformée en haine. En soif de vengeance. Il s'enfuit hors du collège. Sur la route, il hurla. Il faisait une crise. Ses pouvoirs se libérèrent, et il commença à détruire tout le paysage. Seulement, il n'arrivait pas à se calmer. Il savait ce qui l'attendait si il redevenait Alfred Hikkle. Il resta trop longtemps dans cet état et contracta ce que l'on appelle : le syndrome de l'âme rancunière. Son être se transforma en ce que vous avez, connu, à savoir l'ALPHA. Depuis vingt-cinq ans, il cherche à trouver Martha pour l'aimer et détruire le bien dans le monde. Il n'est plus lui-même.
Mlle Leggins écoute avec attention ses moindres mots. Elle pleure un peu. Alfred dépose un baiser sur sa joue et, tout à coup relève la tête. Il demande :" D'ailleurs, qu'est-ce qui est arrivé à D...D..., oh non, je ne peux pas dire son prénom !
- Diego ? Il m'a laissée pour une autre. Tant mieux !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Alfy, voyons !
- Ben quoi ?
- C'est toi que j'aime !" Jimmy me demande silencieusement de leur laisser un peu d'intimité. Nous nous éloignons, en évitant nos regards. Mon œil s'accroche deux secondes à Martha et Alfred. Ils s'embrassent tendrement. Je sourie, heureuse que tout se termine aussi bien. Mon ami m'attrape la main. Je ne le repousse pas, je ne fais rien. Il dit :" Après tout ça, je ne pourrais pas redevenir ton meilleur ami, simplement comme avant.
- N'en profite pas, toi ! je réponds malicieusement.
- Je n'oserais jamais ! " Je sourie.
- Maintenant, tu vas me laisser t'aimer un peu ?
- Non. Comme je l'ai dit, on a douze ans. Et ce n'est pas assez solide. Je veux attendre d'être plus vieille. Mais j'ai peut-être une bonne nouvelle à annoncer à ma mère !
- Laquelle ?
- Elle peut compter sur ses petits enfants ! " Nous éclatons de rire.
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