LES CHAPITRES SUIVANTS COMPRENDRONT DES SCÈNES DE VIOLENCE, QUI SERONT PRÉCÉDÉES ET TERMINÉES PAR CES SIGNES ⚠️⚠️⚠️.

"Ça peut paraître étrange, quand on se rend compte que quelqu'un qu'on croyait gentil et innocent se révèle être un sadique. La plupart des gens préfèrent se bercer d'illusions, croire que la personne en question est juste incomprise, ce genre d'excuses à la noix. Mais c'est plus difficile de se voiler la face quand elle vous torture avec le sourire."

Cela faisait deux heures. Adalia avait disparu depuis deux heures. Eilynn - la nouvelle - tournait en rond depuis deux heures. Talya pianotait sur le coude d'Edric depuis deux heures. Edric regardait les doigts de l'adolescente voler sur son bras depuis deux heures.

Et elle ne revenait pas.

Pendant la première demi-heure, les adolescents de Crescent avaient posé toutes sortes de questions à Eilynn, curieux. Et impressionnés par sa résistance.

Ils avaient appris à la fois beaucoup et peu de choses à son sujet. Les questions "Quand as-tu été enlevée ?", "Est-ce que tu sais ce qu'ils vont faire ?" et "Comment as-tu pu être exposée aux radiations ?" avaient été évitées, et quelques autres avaient obtenu des réponses bancales et bredouillées à la va-vite.

Au final, ils avaient découvert qu'Eilynn avait quatorze ans, et qu'elle avait perdu ses parents au cours d'un "accident", qu'elle n'avait bien entendu pas voulu préciser. Oh, et elle aimait le violet. Pour une raison ou une autre, Eckarias avait posé la question, ce qui avait au moins pu détendre l'atmosphère.

Mis à part les questions, qui s'étaient taries à mesure que le temps passait, les adolescents s'abandonnaient à des tics nerveux et sursautaient à chaque bruit - c'est-à-dire souvent, étant donné qu'ils étaient neuf dans une seule pièce.

- Vous croyez qu'ils l'ont déjà tuée ? murmura Sher, un rouquin qui ne parlait pratiquement jamais

- Non, décréta Eilynn. Ça ne convient pas à leur mode opératoire. Ils sont plutôt du style affaiblir le corps pour mieux détruire l'esprit puis, quand tout espoir est perdu, tuer devant tout le monde ou obliger un des autres - souvent un ami ou un membre de la famille - à tuer.

Un long silence suivit sa tirade, tous les regards posés sur elle qui, le remarquant, rougit.

- Je ne dis pas ça pour vous inquiéter, c'est juste... enfin, je crois que c'est comme ça qu'ils fonctionnent... c'est comme ça que Layla agit, en tout cas.

- Et c'est ça qui est censé prouver que tu ne dis pas ça pour nous inquiéter ? grinça Tao

- Ce n'est pas le problème, de nous inquiéter. Mais je trouve ça étrange que tu saches autant de choses sur eux, lança Emira en lui jetant un regard lourd de sens

Eilynn cligna des yeux, surprise, puis recula d'un pas pour mettre de la distance entre elle et Emira. Malheureusement pour elle, la jumelle d'Edric ne semblait pas près d'abandonner l'affaire et franchit en deux pas les quelques mètres qui les séparaient avant de l'attraper par les épaules.

- Je ne sais pas qui tu es. Ni d'où tu viens. Mais ça m'est égal. Je sais simplement que je la sens pas, ton histoire. Tu ne réponds pas aux questions. Pourquoi ? Tu as des choses à cacher ? Si c'est oui, tu es une très mauvaise menteuse. Si c'est non, tu joues à un jeu dangereux. Dans les deux cas, je ne t'aime pas, et je ne suis pas la seule, alors je te déconseille de venir fouiner là où tu ne devrais pas. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

L'adolescente hocha la tête, un peu effrayée.

- Je ne comptais pas... commença-t-elle

- Si c'est à moi que tu parles, j'en ai rien à faire. Si c'est aux autres, j'en ai rien à faire non plus, mais ne t'imagine pas que tu vas pouvoir t'en sortir comme ça. Je sais que tu caches un truc. Et je découvrirais ce que c'est.

La porte s'ouvrit à la volée, comme incapable de retenir plus longtemps l'électricité présente dans la pièce, mais elle ne fit qu'en rajouter car Layla entra... accompagnée d'une Adalia quasi-inconsciente et visiblement faible.

-Qu'est-ce que vous lui avez fait ?! s'énerva Edric

Il se précipita pour prendre la jeune fille dans ses bras et l'allonger contre le mur du fond en tâchant de ne pas se concentrer sur sa pâleur. Ou sur la tâche de sang qui s'étendait sur la manche de son tee-shirt. Ou sur l'entaille qu'elle avait au poignet. Ou... sur tout le reste.

- Rien de spécial, à vrai dire. Je pensais qu'elle tiendrait plus longtemps, mais il semble que ce ne soit qu'une gamine fragile. Dommage. Sa capacité est intéressante.

- Elle l'avait déjà débloqué avant vos... expériences. C'était elle, que vous avez vue au début, dit Talya

- Je sais. Mais il faut explorer toutes les possibilités, non ?

- Vous n'avez pas le droit de faire ça à des enfants !

- Et toi, Talya, es-tu une enfant ?

Elle hésita une seconde, comprenant où Layla voulait en venir.

- Non, répondit-elle finalement

- Parfait ! Dans ce cas, nous avons le droit de te tester. Vais-je avoir besoin de venir te chercher ?

Sans répondre, l'adolescente leva les yeux au ciel et se planta devant elle, étrangement détendue.

- À nous deux, alors, souffla-t-elle

- Pas exactement, sourit Layla

- Précisez.

- Je ne vais pas avoir l'honneur de te détruire. Lilith s'en chargera bien mieux que moi. Mais si elle a besoin de quelqu'un, je serais ravie de l'aider.

Talya détailla Layla, sans trouver la moindre trace de plaisanterie.

- Je n'arrive pas à savoir si vous êtes sadique ou folle, lui annonça-t-elle

- Je doutes que tu fasses encore ta maligne dans une vingtaine de minutes.

- On va voir.

- En effet.

Elle lui agrippa le bras et Talya grimaça. Elle ne s'était pas attendue à une telle poigne.

- Il n'y a aucun besoin de serrer si fort ! protesta-t-elle

- Vrai. Ce qui ne veut pas dire que je vais arrêter.

Et elle tint parole. Pendant l'entièreté du trajet, elle maintint son bras comme si sa vie en dépendait avant d'ouvrir une porte en métal clair et de la pousser à l'intérieur, la faisant tomber au passage.

- C'est pas croyable... grommela l'adolescente en frottant son membre engourdi

- Excuse-la, fit une voix étrangement calme

Talya s'immobilisa. Premièrement, elle croyait être seule et était certaine qu'elle n'avait vu personne en entrant. Deuxièmement, elle reconnaissait cette voix.

- Qui êtes-vous ? demanda la jeune fille

- Je... Lilith Griffin. Pourquoi ?

Lilith Griffin. Ça ne lui disait rien, et pourtant elle avait une vague impression de déjà-vu. Lilith semblait l'avoir comprit car elle resta immobile pendant une longue minute à observer Talya.

- Parce que, répondit enfin l'adolescente

La scientifique fronça les sourcils mais n'ajouta rien, pensive, tandis que Talya faisait le tour de la pièce. Qui ne comportait presque aucun meuble : une chaise en bois contre le mur, une table couverte de papiers et d'instruments en tout genre - sur lesquels Talya ne s'attarda pas, les jugeant beaucoup trop pointus et coupants - et une lampe à la lumière aussi blanche que celles de l'autre salle et du couloir. À croire que quatre-vint dix pourcents des objets étaient blancs, ici.

- Assieds-toi, ordonna soudainement Lilith en pointant la chaise

- Non, merci.

- Ce n'était pas une question !

- Moi non plus.

Lilith se pinça l'arête du nez en jurant à voix basse.

- Pour ta gouverne, jeune fille, ce n'est pas pour m'avantager mais parce que tu ne tiendras pas debout très longtemps.

- Ça, ça reste à prouver.

- Tu veux une preuve ? Pas de problème.

⚠️⚠️⚠️

Elle se tourna, saisit un de ses objets tranchant et le planta dans la main de Talya avant de le retirer d'un coup sec. L'adolescente vacilla et ferma les yeux pour se concentrer. Ne pas tomber. Elle ne devait pas tomber.

- Ça ne sert à rien, chuchota Lilith, toute proche. Tu finiras par abandonner la partie. J'ai déjà gagné.