Chapitre 24
Ça s'est passé assez vite, en fait. Je pensais que San avait terrorisé Lilith et Layla et qu'elles n'essayeraient plus de le contrer. Après tout, les chances que ce soient le cas s'élevaient à 75% ! Mais... mais non. Au final, Layla s'est relevée, elle a recouvert Emira, Adalia et Keily d'eau et là... c'était impressionnant. Les flammes bleues de Lilith en enveloppé San jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui à part de la poussière grise.
À ce moment-là, j'ai cru que le feu allait tous nous brûler vifs, que c'était une sorte de vengeance de Lilith pour... je ne savais pas exactement pourquoi, mais ça n'a pas d'importance puisqu'au final c'est elle qui nous a sauvés.
Et après ça, elle s'est mise à trembler et elle a baissé les yeux. Personne ne semblait vraiment savoir ce qu'il leur arrivait, et ils s'assuraient que tout le monde était en un seul morceau. Je pense être le seul à avoir remarqué qu'elle pleurait ; en tout cas, je fus le seul à aller la voir.
- Heu... bonjour, dis-je en espérant qu'elle ne me planterait pas son poignard dans le cœur comme elle l'avait fait avec Talya
Lilith releva la tête et essuya ses larmes précipitamment.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle d'une voix fatiguée
- Vous pleuriez.
- Absolument pas.
- Je ne présente pas de problème de vision et j'ai vu que vous pleuriez. Avant que vous répondiez quoi que ce soit, je tiens à vous préciser que je veux simplement connaître la raison mais que, quelle qu'elle soit, je serais en incapacité de vous apporter du soutient émotionnel.
Elle me fixa un instant et rit doucement.
- Toi, tu es... Augustus, je crois ?
- En effet, confirmai-je
- Je n'ai pas besoin de soutient émotionnel.
- J'en prends note.
- Et ce n'est certainement pas à toi que je vais raconter ça.
- Pourquoi pas ?
- Parce que tu ne pourrais pas comprendre.
Ah... oui, ça, c'était fréquent. "Tu comprendras quand tu seras plus grand", "Tu ne peux pas comprendre"... les adultes se rendent-ils comptent que ce genre de phrase est plus qu'énervant ?
Je haussai les épaules et m'en allai. Il y avait 0.09% de chances qu'elle change d'avis et qu'elle me raconte tout. Tout quoi ? Je n'en savais rien et je ne le sais toujours pas. Ai-je envie de le savoir ? Oui, j'ai toujours envie de tout savoir. Est-ce que j'aurai envie de l'oublier dès que je le saurais ? Probablement. Lilith reste Lilith.
***
Augustus s'éloigna, retournant auprès d'Edric, qui était toujours inconscient. Keily et Emira rassurant une Adalia terrifiée en lui certifiant que non, les cendres de San ne l'attaqueraient pas. Elaï les observait d'un peu plus loin, ne sachant pas exactement quoi faire.
Layla et Lilith, à l'écart, parlaient doucement, aussi épuisées l'une que l'autre.
- Tu crois que Troy voudra nous tuer, lui aussi ? demanda Layla
- Non. Non, il n'essaiera même pas. San était brutal et peu réfléchit, mais Troy... je pense qu'il se doute déjà que nous ne sommes pas vraiment... comment dire ça gentiment ? Que nous ne sommes pas normales ?
Layla esquissa un sourire.
- Qui l'est vraiment ?
- Sans doute personne. Dis-moi... qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ? Tu veux rester ici ?
- Pas vraiment, non. Mais où veux-tu qu'on aille ? Au cas où tu ne t'en souviendrais pas, on a vécu à l'orphelinat, puis ici, puis on s'est enfuies et on y est revenues. Donc on a pas vraiment d'autre choix que de rester...
Lilith se redressa et sourit pour de vrai.
- En fait, on peut. Je veux aller dans un endroit où il y a plein de monde tout le temps. Je... j'en ai assez d'être seule ou presque. Donc j'ai cherché et... je pense que j'ai trouvé un endroit parfait.
- C'est loin ?
- Pas vraiment, on reste dans le pays.
- Plus précisément ?
- À New York !
***
- Edric... Edric, réveilles-toi maintenant où je te jure que demain, tu seras réveillé par un grand seau d'eau glacée, menaça Emira
- Du calme. Ce serait injuste de le punir alors qu'il est inconscient. Par contre, je suis d'accord pour l'eau gelée, dit Keily avec un sourire en coin
Les deux adolescentes échangèrent un regard complice, visiblement décidées à pousser Edric à bout.
- Les gens, j'ai une bonne, une étrange et une mauvaise nouvelle, fit Augustus
- Commence par la mauvaise, lui lança Adalia dans un soupir
- Comme tu veux. Donc, mauvaise nouvelle : on vient d'assister au meurtre de quelqu'un. Étrange nouvelle : Lilith pleurait... et je ne sais pas comment l'interpréter. Bonne nouvelle : on vient d'assister au meurtre de la seule personne qui cherche à nous tuer, à priori. Après, j'en sais rien, parce qu'il semble que beaucoup de gens cherchent à nous tuer, ces temps-ci !
Un étrange silence s'ensuivit, jusqu'à ce qu'Emira éclate de rire.
- Vrai ! On va enfin pouvoir avoir une vie normale ! Heu... tout compte fait, non, on aura jamais une vie normale, mais au moins elle sera un peu plus tranquille. Seul souci : on est tous mineurs. Et j'ai pas spécialement envie de retourner à Crescent.
Edric se redressa soudainement, les cheveux ébouriffés.
- Moi non plus je veux pas y retourner, déclara-t-il avant de retomber dans l'herbe
Emira passa une main devant ses yeux mais il ne répondit pas.
- Edric, tu es le plus grand des idiots, lui lança-t-elle avant de se reconcentrer sur le sujet qui les préoccupait. Donc... je ne vois pas trop comment on peut faire.
- Ça, c'est facile. On peut rester à Kearney, c'est pas trop loin et c'est un bon début. Ensuite, on parle aux gens des agissements de la Société, et s'ils ne nous croient pas Emira les convaincra avec son pouvoir. Enfin, je pense qu'on peut faire passer les jumeaux et Keily pour les adultes, et même moi si les gens sont aveugles. Ce ne sera pas trop compliqué de trouver un travail décent. Et j'ai vu des immeubles ; on va s'en sortir, assura Augustus
- Donc, en résumé, tu propose de faire arrêter plein de gens, et puis de mentir et d'agir illégalement ? clarifia Keily
- Exactement.
- Ça me paraît très bien, comme plan.
Emira leva les yeux au ciel mais dut bien admettre que Keily avait raison : ils n'étaient plus à un mensonge près.
- Et Elaï ? demanda-t-elle en se rappelant soudain de la jeune fille
- Quoi, Elaï ?
- Ben... je ne sais pas, elle était de mèche avec les gens de la Société depuis le début, et si elle est revenue vers nous c'était juste pour qu'on l'aide à sauver Layla et Lilith... je ne regrette pas du tout de l'avoir fait, mais est-ce qu'elle est dans notre camp ou bien... ?
- Il n'y a plus de camps. Lilith et Layla ne font plus partie de la Société, les informa Augustus
- Comment tu le sais ?
- Ça crève les yeux. Elles sont bien trop calmes pour des gens qui savent qu'ils vont devoir rejouer un rôle à l'opposé de leur personnalisé de base. Ce qui veut dire qu'elles vont aller quelque part, et c'est aussi bien comme ça. Mais oui, Elaï, c'est une bonne question... mais ce n'est pas à nous de décider de son sort. Il faut lui demander à elle...
Le garçon se tourna vers Elaï qui, gênée, restait entre les deux groupes. Emira sourit ; elle n'était pas de nature gentille, douce ou même compréhensive, mais elle savait d'expérience que ne pas savoir où l'on en était soi-même était difficile.
- Eh, lança donc la jeune femme
Elaï sursauta et resta silencieuse. Elle n'avait pas beaucoup parlé à Emira mais elle avait déjà remarqué à quel point elle pouvait s'avérer... dure envers ceux à qui elle ne faisait pas confiance.
- Tu... tu vas bien ? Il t'as fait mal ? demanda l'adolescente en tentant de débuter la conversation
Elaï fit un signe négatif de tête mais aucun mot ne franchit ses lèvres.
- Pourquoi tu ne parles pas ? Je suis certaine que tu as beaucoup de choses à dire.
La jeune fille haussa les épaules et détourna le regard. Emira la prit par les épaules et la secoua, fort.
- Mais-t'es-com-plè-tement-cinglée ! dit Elaï par à-coups
- Je sais, sourit Emira en la relâchant
L'adolescente faillit tomber, se redressa et lui tendit la main. Emira la serra, déconcertée, et Elaï tenta de rester sérieuse mais ne put s'empêcher de rire.
- Tu devrais voir ta tête ! C'est juste pour savoir quel genre de personne tu es, ne t'inquiète pas.
- Tu peux définir quel genre de personne je suis en me serrant la main ? s'enquit la jumelle d'Edric, peu convaincue
- Oui, non, pas vraiment. C'est ta réaction qui m'importe. Si tu me serres la main sans poser de questions, tu ne vas pas être le même type de personne que si tu me tires brusquement le bras pour me faire tomber... un gamin de Crescent, ajouta-t-elle devant l'air hébété de son interlocutrice
Emira leva les yeux au ciel et se souvint de quoi elle voulait lui parler :
- Je voulais te demander quelque chose d'important, Elaï.
- Vas-y.
- Tu vas où ?
Elaï laissa passer un silence, attendant davantage d'informations. Qui ne vinrent pas.
- Comment ça, je vais où ?
- Ce n'est pas une question de camp ou je ne sais pas ce que tu as en tête, mais c'est simplement pour savoir... moi et les autres, on va se rendre à Kearney et vivre à peu près normalement. Lilith et Layla vont sans doute rester toutes les deux, et aller autre part. Mais toi, je ne sais pas.
L'adolescente sourit, mi-triste mi-amusée.
- Je ne fais pas partie de leur monde... et pour cause, j'avais deux ans quand elles se sont fait enlever. Mais je doute que tout le monde dans ton groupe veut bien que je vienne... il me semble que quelques uns ne m'apprécient pas beaucoup.
- C'est vrai ! confirma Augustus en se plantant à côté d'Emira. Mais ça veut pas dire qu'on doit te laisser toute seule sans savoir ce que tu dois faire. J'en déduis que tu viens ?
Elaï hésita quelques secondes, visiblement partagée, avant de répondre d'une toute petite voix :
- Oui...
Augustus sourit largement.
- Les chances que tu acceptes s'élevaient à 93.65% !
Emira lui donna une tape derrière la tête et s'en alla retrouver son frère, qui s'était réveillée entre-temps.
- Tu crois vraiment qu'on aura une vie normale ? finit par demander Elaï
- Quoi ? Oh, non, jamais. Mais c'est ça qui est amusant, non ? lui répondit Augustus
- Amusant ? De se faire pourchasser par des gens qui veulent faire des expériences illégales sur nous ?
- Ben oui ! Sinon, ce serait bien trop ennuyeux ! Allez, tu viens ?
Elaï laissa de l'avance au garçon le temps de réfléchir à ce qu'il avait dit. Était-ce sa définition d'"amusant" ? Quoi qu'elle n'aie pas grand-chose à dire sur le sujet étant donné qu'elle n'avait pas vécu le dixième de ce qu'ils avaient enduré. Peut-être qu'au final, ce n'était pas si mal. Et Augustus avait raison : après ce qu'ils avaient vécu, retomber dans la monotonie serait beaucoup trop... monotone. Et non, ils n'auraient jamais une vie normale.
Et alors ?
Bonsoir ! Voici donc l'un des derniers chapitres des Souvenirs Perdus. C'est bon, c'est décidé quant à la fin de cette histoire : il y aura un dernier chapitre et puis un prologue... intéressant.
La suite dimanche !
Merci pour les 700 lectures, vous êtes les meilleurs ! 💜️
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