Chapitre 17
"Apparemment, je n'ai plus voix au chapitre. Je dirais simplement qu'avec du recul, je me rends compte que je le savais depuis le début. C'était évident. Oh, et aussi que Talya Griffin, ça sonne plutôt bien."
Ça faisait deux semaines. Deux semaines qu'ils s'étaient enfuis le plus loin qu'ils le pouvaient de la Société. Deux semaines que Tao, Sher et Eckarias étaient morts. Deux semaines que Talya avait été tuée.
"Lilith ferma les yeux une demi-seconde et planta son poignard dans le cœur de Talya. L'adolescente ne réagit pas immédiatement, mais elle finit pas tomber. Et sourire.
Lilith retira le poignard du corps de la jeune fille avant de se mettre à trembler violemment et de lancer la dague loin dans l'herbe. Les autres, figés, osaient à peine respirer tant la scène paraissait improbable. Talya ? Talya, morte ? C'était impensable.
Soudain, la scientifique poussa un cri horrifiée, les yeux écarquillés, et s'agenouilla pour secouer sa fille par les épaules en lui hurlant de se réveiller, mais Talya ne se réveillerait pas, elle ne se réveillerait plus jamais.
Prise d'un accès de colère, Emira repoussa Lilith brutalement et fixa la seule personne, à part les adultes, qui ne semblait ni étonnée ni attristée par la mort de Talya. Eilynn, qui attendait, les bras croisés derrière son dos.
- Tu savais, souffla Emira
- Bien sûr. Comment croit-tu qu'ils ont su, pour les faux captifs ? Pour l'évasion ? Pour le chemin que nous avons pris ? Je n'ai même pas eu besoin d'user de ma télépathie, c'est pitoyable. Vous n'êtes vraiment que des...
Mais ils ne surent pas ce qu'ils étaient, car Emira avait plaqué Eilynn au sol, tâchant de décider si elle devait la tuer ou pas. C'était en partie de sa faute si Talya était morte, alors elle le méritait. Seul problème : contrairement aux sbires de la Société, elle n'était pas une tueuse.
- Je vais te laisser en vie, lança-t-elle. Mais ne croit pas que ça va se terminer maintenant. Reste sur tes gardes : un jour, tu te retrouveras derrière les barreaux.
- Je suis mineure.
- Dans ce cas, ce sera dans un cimetière. Ça te convient mieux ?
Eilynn détourna le regard, contrariée, et Emira la lâcha avant de tirer la manche de son frère qui fixait, tremblant, les yeux éteints de l'adolescente.
- Je sais que c'est dur, mais il faut partir, murmura-t-elle
- Partir ? Vous croyez qu'on va vous laisser partir ? s'insurgea San, qui n'avait toujours pas abaissé le revolver
Layla le força à le faire en lui arracha l'arme des mains.
- Il y a assez de morts comme ça. Éloigne Lilith, au lieu de faire l'idiot.
L'homme hésita un peu et finit par soupirer et entraîner Lilith dans le bâtiment malgré ses protestations.
- Je ne veux pas... c'est de ma faute, tout est de ma faute ! Pourquoi tu ne m'as pas arrêtée ? Je l'ai tuée ! J'ai tué Talya !
Layla attendit que ses collègues soient entrés pour laisser tomber le revolver dans l'herbe.
- J'espère que je ne vais pas le regretter... courez.
- Qu'est-ce que vous faites ?! Ce sont des cobayes, ils ne doivent pas s'échapper ! s'écria Eilynn
- Tais-toi. Tu avais le profil parfait pour faire partie de ces cobayes, Eilynn. Ne l'oublie pas. Et vous, qu'est-ce que vous ne comprenez pas dans "courez" ?
- Talya, dit simplement Edric
Layla le releva de force et effleura la main de la morte, les lèvres pincées.
- Personne ne peut plus rien pour elle. À la seconde où elle s'est faite enlever, personne ne pouvait plus rien faire pour son cas. Lilith était bien décidée à la tuer, même si je crois qu'elle voulait simplement se débarrasser d'elle. Parce que, vous comprenez, elle ne voulait pas que quelqu'un la tue dans le cadre de l'expérience. Alors... elle s'en est chargée.
- C'est stupide, comme raisonnement ! s'énerva Adalia, les mains plus luisantes que d'habitude
- Peut-être mais c'était le sien. Maintenant, partez. Eilynn, je te déconseille de tenter quoi que ce soit. Les conséquences seraient néfastes.
Tout le monde reste immobile pendant un long moment, puis Keily baissa les yeux et prit la main d'Emira, que le contact fit sursauter.
- On doit s'en aller, dit-elle d'une voix si faible qu'elle doutait de l'avoir entendue elle-même
Edric essuya ses yeux, rageur, donna un grand coup dans le vide et commença par marcher, lentement, sans quitter Talya du regard, avant de se retourner d'un coup et de courir plus vite qu'il n'avait jamais couru. Les autres, un peu étonnés, le rattrapèrent avec peine, et ils ne s'arrêtèrent qu'en parvenant dans une forêt peuplée d'immenses arbres."
Et ils étaient tous là, silencieux. Libres. Libres ? Pas exactement. Il y aurait forcément une suite. Même sans Lilith, qui avait eu l'air complètement folle avant leur départ, San et Eilynn étaient assez déterminés et cinglés pour continuer son œuvre.
Après la forêt, ils avaient marché pendant deux bonnes heures avant d'apercevoir une ville. Auparavant, ils ne s'étaient jamais demandé s'ils étaient loin de Crescent. La réponse était oui... ils avaient demandé où ils se trouvaient à un passant, et, apparemment, la Société avait élu domicile près de Kearney, dans le Nebraska... soit à environ 1870 kilomètres de Crescent.
- J'ai fini de calculer, déclara Augustus
- On t'a déjà dit qu'on voulait pas savoir ! grogna Edric
- Je vais le dire quand même. 54,5 %. On a perdue 54,5 % des effectifs originaux.
- Plus de la moitié... constata Emira d'une voix blanche
Elle serra sa tasse de thé entre ses mains. Elle n'avait jamais aimé le thé, mais la boisson avait le mérite d'être chaude.
Ils s'étaient réunis dans un café, pas très loin de l'endroit où ils étaient arrivés. Les habitants les avaient d'abord pris pour une bande de jeunes qui abîmaient les voitures et brisaient les vitres, mais Emira avait rapidement changé leur agacement et leur révulsion au profit d'une sympathie modérée. On leur avait conseillé d'aller voir des policiers et de leur expliquer comment ils étaient arrivés là. Ce qu'ils avaient fait... du moins pour la partie d'aller voir des policiers. Comment ils étaient arrivés là ? Eux-même avaient encore du mal à l'assimiler.
- On va fermer, leur annonça la gérante du café
- Déjà ? s'étonna Augustus en consultant la vieille horloge suspendue au mur
Il constata que, contrairement à ce qu'il avait cru, la nuit était tombée. Et il était plus de vingt-deux heures. Les adolescents désertèrent donc le café, dont les lumières s'éteignirent une par une.
- Et on fait quoi, maintenant ? demanda Adalia en grelottant dans le froid du soir
- Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ? soupira Emira. On a deux choix : marcher deux mille kilomètres pour retourner à Crescent...
- Mille huit-cent soixante-dix, corrigea Augustus
- J'en ai rien à faire. Donc, marcher en espérant ne pas se faire attraper par les timbrés au passage... ou rester ici. Pour je ne sais combien de temps.
Le groupe tomba dans un silence un peu endormi.
- Je me fiche de ce qu'on fait demain, déclara Edric. Mais là, je suis crevé. Je vais dormir.
- Où ça ? On va mourir de froid, si on dors dehors.
- À moins que tu n'aies une autre idée de génie, c'est ce qu'on va faire.
Sa jumelle leva les yeux au ciel.
- On va demander à quelqu'un, c'est tout.
- Et tu crois que es gens vont accepter sans... oh... ton pouvoir.
- Bon, ton cerveau commence à marcher.
Et elle s'en alla, entraînant avec elle le reste du groupe. Sans se douter que bientôt, tout basculerais à nouveau. Que, quelques jours plus tard, le souhait d'une morte serait exhaussé et que, bien après, un nouvel élément viendrait troubler leur vie à tous.
Peut-être la peur les avait-elle quittés, mais il en faut peu pour la provoquer.
Bonjour ! Comment allez-vous ? Je suis certaine que vous croyiez que cette histoire se finissait sur la mort de Talya. Sauf ceux que j'avais prévenu, donc... les deux tiers des lecteurs 😅️. Bref... bonne lecture à ceux qui sont encore là !
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