Chapitre 9 - Doryl

Mais que suis-je en train de faire ?! Pourquoi je le fais ? Peut-être pour me donner bonne conscience pendant que le chaos agite tout le château. Je sens que je vais regretter mon action, même si c'est le seul moyen de m'en sortir...

(Un petit saut dans le passé...)

Je ne suis pas très rassuré de son “pas pour l'instant”… Pourquoi n'ai-je pas fui lorsque j'en avais l'occasion ?! Je lève la tête en serrant ma montre dorée dans la main pour me donner du courage. Je vois le Magicien qui essayait de raisonner le monstre s'effondrer. 

Je tourne ma tête vers le capitaine, un taser dans la main (invention humaine, il me semble), qui saute sur le fou avec toute l'énergie qu'il lui reste et le touche avec son arme avant qu'il n'ait le temps de réagir. 

Il s'illumine telle une guirlande magique de Noël et s'effondre. Une petite fumée s'échappe de sa tête… Il est toujours vivant ? Je n'en ai pas l'impression… Je m'approche lentement au cas où.

Le capitaine se relève péniblement et se dépêche de l'attacher avec des menottes, même si je ne vois pas en quoi ça va l'arrêter s'il se réveille, car il nous a prouvé qu'il était capable de s'en défaire. 

Lorsqu'il s'apprête à en faire de même avec le blondinet, je lui touche le bras pour l'arrêter. Ce garçon ne mérite pas d'être attaché comme un criminel : il m'a sauvé la vie, à moi le Prince et a gagné du temps. Il a peut-être même réussi à raisonner le monstre. Il devrait recevoir une médaille à la place !

Le capitaine me regarde pendant un temps. Il a l'air bizarre… Il se tient le ventre. C'est vrai qu'il saigne beaucoup et qu'il a beaucoup de blessures, mais il ne va pas mourir, il a déjà été dans un pire état n'est-ce pas ? Je ne vais pas encore perdre quelqu'un quand même ?

- Ils sont arrivés ensemble, ils repartiront ensemble, me fait-il.

Sur ces mots, il continue ce qu'il avait commencé. Je le connais, il ne changera pas d'avis. J'irai négocier plus tard. Ils seront bien obligés d'accepter : quelle image cela donnerait si le Roi emprisonne le sauveur de son fils ? Je le délivrerai moi-même sinon !

De toute façon, les servantes qui s'étaient cachées sont en train de m'emporter. D'après ce que j'entends, il faut me mettre à l'abri, car des gens du peuple forcent les portes en ce moment même. Bon ben je pense que l'avis du peuple, on s'en passera pour l'instant…

J'entends ce qu'elles me disent, et je comprends à la façon dont elles me parlent qu'elles me prennent encore pour un petit garçon de faible constitution qu'il faut cajoler.

C'est en partie vrai : je suis incapable de me protéger tout seul. Par contre, je suis plutôt robuste et je n'ai plus sept ans. Les servantes m'emmènent auprès du Roi. Je l'appelle ainsi, car je ne le considère même plus comme mon père. 

Il a tellement fait peu pour moi. Il m'a détruit pour mieux me remodeler, à son image. C'est ce que je lui ai fait croire, mais ce n'est clairement pas le cas. Je fomente ma vengeance dans l'ombre. Il va payer pour ce qu'il lui a fait 

À chaque fois qu'il s'adresse à moi, j'ai l'impression qu'il donne un ordre à un vassal :

- Que s'est-il passé ?

Je sais qu'il ne me pose pas la question pour savoir comment je vais. Ce serait trop beau. Il veut la réponse d'un futur roi et nom d'un fils qui vient de subir une attaque.

- Les soldats sont soit morts, soit gravement blessés et les intrus sont portés à la prison.

- Et le capitaine ?

- Je ne sais pas. Il m'a sauvé, mais il s'est évanoui juste après.

- Il est faible, j'aurais dû choisir l'autre, murmure-t-il.

Il commence vraiment à me taper sur le système ! Comment peut-il parler d'un être magique de cette façon ?!

- Tu sais, tes gardes sont morts pour me sauver la vie et toi…

- Justement ! S'ils ne sont pas capables de sauver un pauvre petit garçon, alors ce sont des incapables.

- Donc tu t'en fiches que ton propre fils meurt ?

- Tu n'es plus mon fils depuis bien longtemps. Tu es un Prince, un Roi en devenir. Tu seras comme moi plus tard et pour cela, tu dois te détacher de la quelconque figure paternelle que je représente pour toi. J'aurais dû mieux choisir mes gardes, ceux-ci sont juste bons à jeter…

- Je ne t'ai jamais considéré comme un père, encore moins comme le roi. Ta place serait à l'asi…

La gifle qui me coupe la parole me rappelle comment je dois me comporter face au Roi et que je ne dois pas laisser mes émotions déborder.

Sa force est telle que je suis propulsé au sol. Oui, propulsé ! L'atterrissage est plus dur que prévu et toute la moitié du visage me fait mal.

- N'oublie pas quel est ton rang Prince, il me fait.

Je ne réponds rien et baisse le regard. Je suis allé trop loin. Je ne peux pas encore le battre sur ce terrain. Il faut encore un peu de temps… juste un peu.

Une servante s'approche, mais je lui fais signe de me laisser. Il faut que je me reprenne et que je ne laisse pas une autre raison aux servantes de me prendre en pitié. Il n'y a que face à cet insensible que je perds mon sang-froid. 

Je me relève et m'approche d'un miroir. J'ai la joue gauche qui commence à enfler et un peu de sang qui coule du nez. Je l'essuie avec ma manche.

Quand le peuple va voir cela, ça lui donnera une raison de plus de détester mon père. Un roi qui ne fait ni attention à son pays ni à son fils ne mérite que la mort ! Et pourtant, cela ne s'étend qu'à la capitale et à la ville des Elfes.

Autrefois le peuple était prospère et la terre était abondante. Mais lorsque ma mère mourut assassinée (j'étais très jeune), mon père décida que la confiance était l'une des pires choses. 

J'ai donc été élevé dans cette idée. Les coupables ont été retrouvés, mais mon père continue de faire souffrir son peuple en leur prenant toutes leurs récoltes et en exigeant des taxes trop élevées. 

Quand j'ai appris que les assassins étaient un petit groupe d'humains radicalisés qui voulaient renverser le royaume magique, j'ai tout de suite eu envie de m'excuser auprès du peuple à la place du Roi. 

Donc à chaque fois que j'en ai l'occasion, j'essaie, dans le dos du Roi, de donner les ressources nécessaires au peuple. Ce qui fait que je suis plutôt apprécié de celui-ci. C'est pour eux que je monte sur le trône, mais également pour…  

Quelqu'un enfonce la porte, qui valse au fond de la pièce. Au même moment, une explosion retentit plus loin et fait trembler tout le château. Je me retiens de justesse à un meuble.

Des hommes pénètrent alors dans la chambre où nous nous trouvons. Ils sont armés de fourches, de couteaux et d'épées, sûrement pris au peu de gardes restants et censés nous protéger. 

Le sang dessus me rappelle ce que j'ai vécu tout à l'heure. Je déglutis, est-ce qu'il va m'arriver la même chose que les gardes à l'entrée ? Pourquoi avoir enfermé le camarade du monstre ? Il aurait pu me protéger. C'est le seul à avoir réussi ! Il m'a sauvé la vie alors pourquoi ?! Est-ce que ce serait…

Le Capitaine a peut-être voulu le protéger. Il a dû entendre les cris de protestation de là où il était et la prison est l'endroit où personne ne penserait à aller vu que personne n'y est emprisonné (à part les intrus de tout à l'heure). 

Les servantes se mettent à crier. Et du sang m'éclabousse le visage. Celle à côté de moi s'écroule sans vie dès que l'homme qui se tient devant a enlevé son épée. Je suis saisi d'effroi et n'arrive plus à faire un seul mouvement.

Il lève son épée et prononce ces paroles en me regardant avec de l'hésitation :

- Je suis désolé, tu es vraiment un petit garçon adorable, mais toute la royauté doit mourir pour que nous instaurions une République. Merci pour tout ce que tu as fait pour nous, mais tu dois comprendre, nous avons trop souffert et ne pouvons prendre un seul risque.

Il baisse alors son épée. C'est très ennuyant. Je vais mourir comme ça alors ? Tellement banal. 

Le Prince est assassiné par ses sujets qu'il a gentiment nourris. Ça ne servait donc à rien. Pourquoi je pense au Roi à ce moment-là ? Peut-être parce que je me dis qu'ils mettent du temps à le tuer. Ah non, il est trop puissant pour cela, il va leur donner du fil à retordre. Je ferme les yeux, attendant le coup fatidique. 

Il ne vient d'ailleurs pas et lorsque je les rouvre, le gaillard gît sans vie, avec un trou dans le ventre, en bas du mur. Que s'est-il passé ? D'ailleurs la pièce est beaucoup trop silencieuse. Les autres hommes ne sont plus en train de crier.

- Ta malédiction se réveille enfin, fait la voix du Roi.

Je me retourne vers lui et vois les autres hommes par terre, tués par sa Majesté en personne. J'évite de les regarder trop longtemps. De quoi parle-t-il ? D'une malédiction ? Ce ne serait pas commun.

- J'attendais ce moment depuis longtemps. Tu penses que je vais te dire en quoi elle consiste ? Eh bien, je ne le ferai pas. Elle sera un fardeau toute ta vie, comme Elana a été le mien. Quand tu trouveras comment t'en débarrasser ou t'en servir, tu deviendras comme moi, tu auras ouvert les yeux, et là... et là, tu seras plus fort que moi, plus puissant !!!

Il éclate de rire. Il ne me fait pas peur, je suis capable de tout supporter, les jérémiades de mon géniteur, une rébellion… Tout ! sauf le sang. 

Je n'en peux plus. C'est... c'est trop. Il faut que je parte, que je me lave. Je... j'ai... du mal... à... respirer. Je me précipite dehors. 

L'odeur est un peu plus supportable. La pièce était remplie d'un parfum métallique et les murs et le sol avaient été repeints par les victimes de la cruauté du Roi.

Je déambule dans les couloirs à la recherche d'un endroit où il n'y a pas une seule goutte de ce liquide rouge qui va hanter mes cauchemars pendant un moment. 

La... la prison. Je la rejoins en évitant un maximum les endroits où sont passés les gens du peuple et où j'en croise. 

Je finis finalement par arriver à la prison alors que les bruits de combat et les explosions n'ont cessé. À présent, le mieux à faire pour survivre est de libérer les intrus de tout à l'heure et de m'enfuir avec eux en espérant qu'ils ne tenteront pas de me tuer à leur tour.

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