Chapitre 6 - Jux
Le Survivant tombe face contre terre. Je n'ai pas pu m'empêcher de le retenir par son pied pour éviter qu'il n'attaque le jeune Prince qui semble terrifié. Le pauvre garçon n'aurait jamais dû assister à un spectacle pareil à son âge, ni même de toute sa vie. Même moi, je me retiens pour ne pas gerber. Comment en est-on arrivé là ? Tout ceci, c'est la faute de ce maudit Survivant…
Quelques heures plus tôt :
" - Nous allons être exilés ? je m'exclame.
- Oui, et vous pouvez remercier ce Survivant. C'est à cause de lui, en partie, que vous allez également être exilé. Vous n'aviez aucune autorisation pour aller dans la dimension terrienne et vous en avez perturbé l'ordre qui y régnait en attaquant des humains.
Je ne trouve rien à redire. Tout ce qu'il affirme est vrai. Heureusement, ils ne paraissent pas avoir remarqué que j'avais volé quelques bijoux. Tant mieux pour moi parce que sinon je risque la peine de mort.
Les gardiens des Dimensions n'auraient sûrement jamais remarqué ma présence si je n'avais pas décidé d'aider ce Survivant à se battre contre les humains. Je suis en effet arrivé par un portail illégal.
Et pendant que ce mec combattait les humains, j'aurais pu me faire la malle par mon portail secret. Mais non ! J'ai décidé de me mêler de ce qui ne me regardait pas et maintenant, je vais être exilé. Alors que je n'ai vraiment plus besoin d'aller sur Terre !
- Bon, par contre, vous allez pouvoir rester encore un peu dans Sortelia, le temps que sa Majesté active le portail, je vous conseille d'envoyer une lettre d'adieux à vos proches, reprend le Capitaine.
- Et vous allez nous garder en cellules, c'est ça ? crache le Survivant.
- Non, vous allez servir le Prince Henflom. Vous serez ses jouets et il verra ce qu'il peut faire de vous.
... »
Et voilà le résumé. Ensuite, on nous a mis les menottes, on nous a enlevé nos pouvoirs et on a été livrés dans la chambre du Prince après que toutes nos possessions nous ont été confisquées. Le Survivant se relève et se tourne lentement vers moi. Je lâche son pied et recule. Je regrette déjà ce que je viens de faire. Je lève les mains en l'air. Il s'avance vers moi tandis que je me relève en titubant.
Tout ça pour retomber 10 secondes après. Je continue de reculer tout en le regardant et en pestant contre ma débilité et mon manque d'instinct de survie. Il n'a plus vraiment rien de l'apparence d'un être humain (ou même d'une créature saine d'esprit) avec ses yeux rouges vifs palpitants et le sang des gardes recouvrant son visage ainsi que son torse. Il a l'air complètement fou.
Je heurte malheureusement le mur le plus éloigné de la sortie, à l'exact opposé de l'endroit où se trouve le Prince. J'ai quelques suées froides en pensant de ce qu'il va faire de mon corps une fois que je serais mort. Actuellement, je prie pour une mort rapide.
Je jette un coup d'œil derrière mon prédateur pour voir si le Prince s'est enfui, mais il est toujours là, tétanisé et les yeux fixés sur le Survivant. Si seulement il pouvait s'enfuir, ma mort ne serait pas vaine. On pourrait se souvenir de moi que le Magicien ayant sauvé sa Majesté le Prince. Le Survivant s'accroupit devant moi et penche la tête sur le côté.
- Alors comment va mon cher petit Jux ? Il n'est pas trop pressé, j'espère ? J'allais m'occuper de son cas juste après celui du môme, mais vu que t'a l'air de vouloir passer avant… J'vais pas me gêner. Les âmes des Magiciens ne se vendent pas très cher et on comprend vite pourquoi.
Je déglutis lorsqu'il éclate de rire. S'il prend mon âme, jamais, je ne pourrais reposer en paix ! Sa main s'approche de ma gorge pour la saisir et je me sens vidé du peu d'énergie qu'il me restait. Déjà que c'était pas fi fou quand on m'a retiré ma magie, mais c'est encore pire maintenant.
C'est alors que je remarque qu'il n'a qu'UN SEUL BRAS. Le droit est coupé au niveau du coude. Par contre, ce qu'il y a à la place ne me fait pas particulièrement plaisir : un couteau. Gé-ni-al. J'espère au moins qu'il le nettoie à la fin de ses carnages.
Alors c'est comme ça que je vais mourir ? Non ! Je dois me débattre un minimum, je veux mourir quand je l'aurai décidé. J'agrippe son avant-bras qui avait commencé à me soulever et serre.
Il rigole. J'ai plus l'impression que je suis en train de le chatouiller. Logique, je m'attendais à quoi ? Les Survivants sont naturellement dotés d'un physique hors pair. Il s'arrête net de rire.
Ses yeux sont baissés sur ma main agrippée à son avant-bras. Il regarde ma collection de bagues ou quoi ? Je sais qu'elle est intéressante, mais à ce point ?! Après si elles peuvent me sauver la vie…
- Ta bague, dit-il simplement, où l'as-tu eu ?
Je tousse, car je n'ai presque plus d'air dans les poumons. J'ai bien peur qu'il n'aura jamais de réponse s'il ne me lâche pas. Il attend un peu puis me laisse enfin prendre de l'air. Il pointe alors son bras droit, armé de son couteau, sur ma poitrine.
- Où as-tu eu cette bague ? répète-t-il en détachant chaque mot.
Son couteau pressé contre ma poitrine me conseille de lui dire la vérité et rapidement !
- C'est une femme qui me l'a donné. Elle… elle a dit qu'en temps voulu, je trouverai mes compagnons. Et lorsqu'on sera tous réunis à un certain endroit, qu'elle arriverait. Ça a l'air complètement fou, je sais, mais je te jure que c'est la vérité !
Je ferme les yeux, certain que jamais, il ne me croira. J'étais sûr que j'aurais dû me débarrasser de cette bague tant qu'il était encore temps, avant qu'elle ne me cause des ennuis !
- Cette femme n'était-elle pas enveloppée dans une cape faite de ténèbres et accompagnée d'une panthère ? fait la petite voix du Prince.
Nous nous retournons simultanément vers lui. Une rumeur circule, disant qu'il parlerait tellement peu, qu'on pourrait le croire muet. Et lorsqu'il décide de parler, il faut l'écouter. Mais pourquoi il s'est fait remarquer et n'a toujours pas déguerpi ?!
- Si ! nous nous exclamons en chœur avec le Survivant.
Ce n'est que maintenant que je remarque que l'attache de cape de celui-ci est du même motif que la bague que m'a donnée la femme.
Le Prince fouille à l'intérieur de sa cape avec des mouvements hésitants et maladroits. Il finit par en sortir une montre à gousset, ornée des armoiries royales. Il nous montre la chaîne. Nous ouvrons grand les yeux : il y a la petite boule étrange que nous avons moi et le Survivant.
- Elle m'a donné ça et… et elle m'a dit d'aller trouver l'Oiseau qui ne voit pas…
Je ne sais pas de qui elle pourrait parler. Je tourne la tête vers le Survivant. Toute lueur meurtrière ou de folie a disparu de ses yeux. On y voit plutôt de la curiosité. Je ne sais pas si c'est mieux, mais au moins son couteau n'est plus appuyé contre ma poitrine…
- Quant à moi, elle m'a seulement dit de ne pas tuer mes camarades, fait-il.
Moi et le Prince, nous regardons. Je suis sûr que nous pensons la même chose : nous sommes ces camarades, il n'y a aucun doute.
Ce n'est pas pour autant que nous allons lui pardonner ce qu'il a fait : et encore plus le Prince que moi. Le pauvre…
- Donc euh… tu ne vas plus nous attaquer ? je demande.
- Pas pour l'instant et tant que vous ne me ferez pas chier, il me répond avec un grand sourire.
Ça ne me rassure pas plus. Un bruit à côté de moi attire mon attention, mais quand je me retourne, une douleur vive et atroce parcourt tout mon corps, puis je m'évanouis.
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