Chapitre 18 - Jux
- Allez Jux !
Je reconnais la voix de Doryl. Je peux le faire !
- Ce n'est pas sympa, mon petit Doryl, tu vas voir, je vais gagner, lui répond Elden.
- C'est sûr que c'est toi le plus fort !
Voilà que Vena s'y met aussi ? C'est vrai qu'elle est convaincue qu'Elden est plus puissant, du fait qu'il soit un Survivant. Même s'ils n'avaient pas pris un bon début, ils se sont un peu rapprochés après avoir fait connaissance. Nous sommes actuellement en plein combat pour déterminer lequel est plus fort, même si c'est puéril et digne de gamins, mais ça fait partie de notre “entraînement”.
Effectivement, même si ça ne fait qu'une semaine que nous sommes sur Terre, il ne faut pas que nous abandonnions l'idée de retourner un jour à Sortelia. Et pour cela, quoi de mieux que de développer ses aptitudes ? Fryn nous a en effet bien fait comprendre que comme nous avons été exilés, nos pouvoirs pouvaient disparaître avec le temps, alors nous devons nous entraîner.
Pendant la semaine qui vient de s'écouler, nous avons appris, comment vivaient les humains, et à faire comme eux. Parce qu'évidemment, ce n'est pas en agressant les humains en leur demandant s'ils veulent qu'on les expédie en enfer qu'on va passer inaperçu. Heureusement que Fryn est toujours là pour réparer nos erreurs (surtout celles d'Elden).
En ce moment même, Vena s'entraîne à développer ses sens (elle dit que c'est plus simple dans le monde des humains), moi à ma magie, Elden sa force brute, bien que je n'en voie pas la nécessité, et Doryl à la maîtrise des éléments naturels. Mon manque d'inattention est récompensé par un coup de poing dans le ventre. Pourquoi a-t-il fallu que j'oublie la principale règle que je m'étais fixé en début de match qui était de ne pas me laisser toucher par Elden au risque de perdre un membre de mon corps, voire la vie ?
- Ben alors ? Tu vois qu'il ne faut pas me sous-estimer. Le premier (et dernier) qui s'y est risqué est actuellement entre la vie et la mort.
Je suis projeté dans les airs, avant d'entamer une chute qui me sera, j'en suis certain, très douloureuse. Et j'ai raison. Cette douleur m'empêche d'esquisser un seul mouvement. Je pense qu'Elden peut me rajouter sur la liste de ses personnes aux portes de la mort. Il profite de mon statut de faiblesse pour poser son pied sur mon thorax et lever les bras au ciel, en signe de victoire.
Si je pouvais l'en dégager, je l'aurais fait immédiatement, mais mon corps refuse toujours de m'obéir. Est-ce que je ne connaîtrai pas un sort silencieux ? Ah si ! Je bouge mes lèvres pour le prononcer. D'abord, il ne se passe rien, puis mon adversaire se prend le ventre, se plie en deux et recule.
Un cri strident déchire la salle, mais il ne vient pas d'Elden. C'est Vena ! Elle aussi est pliée en deux. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui lui prend ? J'ai lancé le sort sur Elden, le temps de pouvoir rebouger, ce que je peux à présent faire. J'en profite donc pour me relever et courir auprès de la Vampire pour voir ce qu'elle a. Pendant ce temps, le Survivant s'est relevé à son tour, car mon sort ne fait plus effet à présent. Et comment dire qu'il a l'air en colère... Très en colère.
Sauf que Vena est toujours pliée en deux. Au moins, elle a arrêté de hurler, même si elle est toujours crispée. Je lui pose ma main sur le dos, pour annuler mon sort s'il l'a touchée, et elle a l'air d'aller beaucoup mieux d'un coup.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? lui demande Doryl.
- J'ai oublié de vous dire qu'il m'arrive d'avoir des douleurs comme ça, sans prévenir. Et souvent, c'est au bras. Il n'y a vraiment aucune solution qui existe, j'ai déjà tout essayé, fait-elle.
Qu'est-ce que ça pourrait être ? Je n'ai jamais rien entendu de tel... Soudain, une aura maléfique se dresse à mes côtés. Elle est telle que je suis pétrifié, et Vena qui se relevait, l'est également. Je sens un mouvement dans mon dos. Faites que je ne meure pas aujourd'hui. Je n'ai pas accompli tout ce que je voulais. Pardon Elden, plus jamais je ne tiendrai tête.
- Qu'est-ce que tu fous, Doryl ? Range ton démon tout de suite, c'est pas le moment.
Je reconnais la voix d'Elden. Depuis quand il parle aussi agressivement au prince ? D'habitude, il est plus du genre "mon petit Doryl adoré". Et pas à le menacer. Et qu'est-ce que c'est cette histoire de démon ?
- Je... Je ne sais pas comment on fait, il avoue.
Si seulement mon corps m'obéissait et n'était pas pétrifié par cette aura maléfique. C'est vraiment oppressant.
- Ah bon ? Eh bien, tu ferais mieux d'apprendre très vite ! Parce que sinon, c'est moi qui vais m'en occuper et personne ne va aimer. Surtout pas toi.
- J'aimerais bien faire en sorte qu'il ne se montre plus, mais ce n'est que la deuxième fois que je le vois.
- Je te pardonne !
Sa spontanéité m'étonne. Alors qu'il était à deux doigts de tous nous étrangler, il "pardonne" Doryl pour quelque chose dont il n'est pas le responsable. J'arrive à me retourner vers Elden et ce que je vois me terrifie. Une masse sombre s'est élevé dans le dos du Prince et elle est très... maléfique. Il y en a une également derrière Elden, mais des deux, c'est cette dernière qui me fait le plus peur.
- Je peux savoir ce qui est en train de se passer ? Je ressens une très grande énergie obscure, mais je n'entends rien, fait Vena.
Je déglutis. Comme ni le Prince ni Elden n'ont l'air disposés à lui expliquer quoi que ce soit et que Fryn observe la scène avec "amusement" si je puis dire (étrange d'ailleurs), je me décide à le faire.
- Donc, il y a des masses noires grandissantes derrière Elden et Doryl. Elles sont vraiment... maléfiques. Et comme l'a souligné Elden, ce seraient des démons. Je n'en avais jamais entendu parler.
- Ok, merci. Je pense savoir comment faire. Elden, tu peux contrôler ton démon si j'ai bien compris ?
- Effectivement, affirme celui-ci.
- Alors range-le. Je ne pense pas que le sortir calmera celui de Doryl, surtout si tu le menaces. Vu qu'il est comme un nouveau-né, il ne connait rien autour de lui et il doit déjà apprendre à cohabiter avec un nouveau corps.
- Ok.
Il range son démon à contrecœur.
- Doryl, tu vas parler à ton démon, le calmer et lui dire de nous faire confiance. S'il est sorti, c'est qu'il a senti que soit toi, soit lui était en danger.
Doryl s'exécute avec son habituelle nonchalance. Ah non, on peut déceler dans sa voix une pointe de crainte. Son "démon" l'écoute si on peut dire ça. Il se passe ainsi quelques minutes sans que l'un d'entre nous ose esquisser un seul geste. Puis le démon disparaît d'un coup. Ouf ! Aïe ! Mais que ? La masse noire s'est déplacée derrière moi et m'a mordu l'oreille. Il m'a inoculé un poison ? Une maladie mortelle ? Ou alors, il goûte mon sang pour savoir si je suis comestible ? Non ! Je ne le suis pas !
- Ne bougez pas ! nous ordonne Vena.
Je veux bien, mais si je ne me défends pas un minimum, je vais peut-être y passer.
- Il a mordu quelqu'un, n'est-ce pas ?
Je hoche la tête, car je suis incapable de parler tellement je suis apeuré, mais Elden se charge de répondre à ma place.
- Oui. Jux.
- Ok, donc Jux, tu ne vas pas faire le moindre mouvement jusqu'à ce que le démon aille sur quelqu'un d'autre. Vous le laissez vous mordre, MÊME si vous avez peur, MÊME toi Elden. Peu importe sa réaction après. Il va faire ça pour voir si Doryl ne lui a pas menti et surtout pour connaître son environnement. C'est compris ?
Elle a une telle assurance et autorité que tout le monde acquiesce. Le démon grogne puis s'en va. Ouf ! Tant mieux. Et je suis toujours vivant ! Chose très importante ! Cette fois, il se déplace vers la personne juste derrière moi, c'est-à-dire Vena.
Tiens ? Je peux voir du coin de l'œil qu'elle tremble ? Malgré tout ce qu'elle a dit, elle a peur ? Alors, c'est ça être courageux... Mais, après que le démon l'ait mordue, elle semble étrange. Je veux dire plus étrange qu'il pouvait l'être. Il reste derrière Vena et commence à s'agiter. Qu'est-ce qu'il manigance ? Personne n'ose parler ou faire de gestes brusques. Sauf que plus personne ne va pouvoir respecter les ordres de Vena si elle meurt ! En effet, la grosse masse a commencé à grossir et à envelopper la Vampire.
- Vena ! nous crions simultanément.
Nous plongeons tous les quatre vers elle pour tenter d'attraper la main qu'elle nous tend. Trop tard ! Elle se fait engloutir par tout le démon et il ne reste d'eux qu'un petit cube aussi noir que le vide...
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