Quatre ans plus tôt

"-Maman, geignit Kenza, il a recommencé!

Son frère à côté, âgé de quelques années de plus qu'elle, se tordait de rire en voyant sa soeur trébucher sur son Compagnon et s'étaler sur le sol. Ses cousines regardaient la scène avec amusement depuis différents coins de la grande salle de danse.

-Blaise enfin, cela suffit, soupira une belle femme brune, aux yeux bleus si reconnaissables. Tu es le cinquième dans la liste de succession au trône de Kevyt, et le cousin direct de l'héritière, je te demande de mieux te tenir et de laisser ta sœur en paix pendant qu'elle prend ses cours de maintien.

-Mais maman regarde comment elle se dandine, on dirait une poule.

-Blaise! C'en est assez! Je te rappelle qu'il y a à peine quelques années c'était toi qui te trouvais à sa place, je te demanderai de faire preuve d'indulgence, elle débute à peine. Il est normal qu'à dix ans elle peine à garder la tête haute. Tu as quatre ans d'expérience de plus qu'elle Blaise, mais à son âge tu n'étais pas beaucoup mieux.

-Mais elle c'est une fille, moi tout le monde s'en fout de ce que je fais.

-Blaise, dit simplement sa tante. Assise dans un fauteuil en soie dorée, elle lisait tranquillement. Le garçon baissa alors la tête, contrit. Tenir tête à sa tante serait de la folie.

-Désole Télia, tu ne m'y reprendras plus. Sa mère soupira en secouant la tête, à la fois désespérée et amusée par son fils.

-Ma chère sœur, je devrais sans doute te demander de passer plus de temps avec ton neveu si je souhaite qu'il tienne son rang. Continue ma chérie, encouragea-t-elle sa fille.

-Ne t'en fais pas Fina, je suppose que tous les enfants de cet âge tiennent tête à leurs parents puis se rangent après. Regarde Thierry lorsque nous étions jeunes.

-Oh oui je m'en rappelle, sa mère ne faisait que de lui courir après, et pourtant il a tenu son rang d'Empereur à merveille.

-Qui l'eut crû en effet... Murmura Télia, le cœur meurtri. Son mari était mort il y avait à peine quelques mois, la douleur était encore trop forte. Sa petite sœur, ayant saisi ses tourments, lui pressa la main sur l'épaule dans un geste réconfortant. Il était rare que Télia montre ses sentiments.

Ce geste n'échappa pas à Eloane, qui baissa les yeux de chagrin.

-Tu sais Télia, je crois que Thierry ne nous a pas quittés par hasard. J'ai fait un tour à la bibliothèque l'autre jour, j'y ai découvert des choses surprenantes et effroyables.

L'Impératrice se crispa imperceptiblement en jetant un regard vers sa fille aînée. Il fallait qu'elle réussisse à détourner la princesse de cette conversation qui risquait de la précipiter au bord du gouffre.

-Fina, je ne sais pas ce que tu y as vu, mais je te rappelle que la plupart de ces livres sont faux. A part les écrits de Maddalena, tu ne peux te fier à rien.

-Justement. Il s'agit d'un livre de Maddalena.

-La discussion est close Fina, je ne tiens pas à entendre parler de tes découvertes macabres.

-Soit, puisque tu le désires."

La princesse se détourna pour encourager et conseiller sa fille. Pourtant, elle restait consternée. Sa grande sœur lui cachait quelque chose. Et elle avait le sentiment que cela avait à voir avec sa découverte. Il lui fallait s'en assurer au plus vite. Elle commença à monter un plan dans sa tête pour faire avouer la vérité à l'Impératrice. Après tout, elle était la meilleure hypnotiste de l'Empire, et même si sa sœur avait été surentrainée à conserver son esprit impénétrable pour préserver les plus grands secrets, elle la connaissait par cœur. La manipuler ne serait pas bien compliqué même sans avoir recours à ses pouvoirs. Et pour cela, elle devait d'abord s'entretenir avec sa nièce.

*

*

*

"-Eloise, as-tu entendu ce dont maman et tante Fina discutaient il y a quelques minutes.

-Chut, pas si fort Eloane, bien sûr que j'ai entendu et cela ne présage rien de bon. J'ai peur que Fina ne cherche à en savoir plus. Elle est comme Maud, imprévisible et surtout elle a une curiosité insatiable.

-Il nous faut à tout prix l'en dissuader. Il faut lui parler.

-Si nous ne sommes pas certaines qu'elle est au courant alors il vaut mieux ne rien tenter, cela serait trop dangereux.

-Alors demande à Palmyre de se renseigner? Elle saura bien convaincre Ebeyne de lui dire ce qu'elle et tante Fina savent. Eloise pesa le pour et le contre. C'était risqué certes, et Ebeyne devait ne se rendre compte de rien. Mais c'était la meilleure solution qu'elles avaient.

-Soit, acquiesca-t-elle. Elle se tourna vers son Compagnon, qui releva la tête, intriguée.

-Palm, je crois que nous avons besoin de toi.

-J'ai entendu en effet. Ce sera risqué.

-Je sais bien. Et il faut qu'Ebeyne ne se doute de rien. Si elle ou tante Fina l'apprennent alors nous les perdrons toutes les deux. Je te fais confiance.

-Je vais faire de mon mieux.

-Sois prudente surtout.

-Toujours."

La panthère se tourna alors vers le chat noir de la pièce, le Compagnon de Fina. Elle devait prendre des pincette, Ebeyne était une redoutable détective grâce aux pouvoirs d'hypnotisme de son Ihmisen. Un seul faux pas et elle verrait clair dans leur petit jeu, d'autant plus si elles avaient bien découvert les écrits de Maddalena sur Eloise.

Cette dernière et sa jumelle observaient Palmyre se concentrer avec anxiété. L'avenir de leur tante dépendait de cette discussion. Quand enfin la panthère se tourna de nouveau vers elles, les deux jeunes filles retirent leur respiration.

"-Je crois qu'il est trop tard. Palmyre afficha dans la tête d'Eloise qui transmettait à sa sœur des images de Fina ouvrant le livre des Maudites dans la pièce secrète de la bibliothèque.

-Nous devons agir et vite, murmura Eloise, les yeux écarquillés. Si tante Fina a pu pénétrer dans la pièce alors il y a sûrement un petit moment qu'elle se doute de quelque chose. Il faut absolument que je sécurise plus l'endroit lorsque je monterai sur le trône.

-Il faut absolument lui parler maintenant.

-Tu as raison, il n'y a pas une minute à perdre.

Elle se levèrent d'un même mouvement avant de se concerter du regard et de se rasseoir brusquement, attirant le regard interloqué de leur mère.

-Il ne faut pas lui demander maintenant, s'écrièrent-elles d'une même voix, ce qui leur valu un ricanement de leur cousin qui n'avait cesse de les taquiner sur leur gémellité. Paniquées, elles cherchèrent un objet dans pièce qui pourrait les aider à avertir leur tante de leurs intentions.

-Je pourrais créer une illusion? Suggéra la rousse.

-Surtout pas, répliqua sa jumelle, Kenza le sentirait aussi. Elle n'a peut-être que dix ans mais elle n'en reste pas moins une illusionniste.

-Tu as raison, il nous faut quelque chose de plus discret... Une idée émergea dans leurs esprits, et elles se tournèrent d'un même mouvement vers la panthère qui s'était sagement recouchée après son échange avec le chat de leur tante.

"-Laissez-moi devinez, soupira-t-elle, je vais encore jouer les messagères?

-Nous avons besoin de toi Palm, c'est primordial. Pas besoin de discrétion cette fois, nous devons être sûres que tante Fina comprenne nos intentions.

-Reçu cinq sur cinq, à un détail près. Quelles sont vos intentions?

Eloise se tourna vers sa jumelle.

-Il nous faut lui donner rendez-vous.

-Tu as raison. Le palais?

-Ma chambre.

-Dans une demie-heure.

-Nous sortirons les unes après les autres."

L'Héritière se tourna de nouveau vers son Compagnon qui hocha la tête et se chargea de transmettre ces instructions à la princesse. Cette dernière leur jeta un coup d'oeil suspicieux mais se contenta de hocher la tête discrètement.

*

*

*

"-Tante Fina est partie depuis dix minutes maintenant, cela me semble le moment de nous éclipser à notre tour, mumura Eloane.

-Tu as raison, allons-y. Elle se leva, et se tourna vers sa mère. Maman, Eloane et moi souhaiterions nous promener un peu, nous avons les jambes toutes engourdies à force de rester assises.

-Allez-y mes trésors, mais revenez vite, votre cours d'escrime commence dans moins d'une heure.

-Nous y serons maman." Elles s'avancèrent toutes les deux vers la porte, et, d'une révérence, prirent congé de la petite assemblée. Une fois à l'extérieur de la salle, elle se mirent à courir en direction des appartements de l'héritière. Elles poussèrent la porte en grand, prêtes à s'expliquer avec leur tante, lorsque le spectacle devant leurs yeux leur arracha à toutes deux un hurlement d'effroi, attirant la garde impériale et les habitants du palais.

La pièce, normalement d'une propreté exemplaire, était maculée de sang, du sol au plafond. Sur le lit trônait deux jambes fines. Sur les jolis canapés blancs reposait une main tranchée, pleine de sang, tandis que la deuxième semblait avoir été posée soigneusement sur la petite table de sorte à être vue de n'importe quel endroit.

Des morceaux de peau avaient été placés ça et là sur le sol, le tâchant de sang. Dans le pot d'une plante, dans un coin, un pied dépassait et deux yeux étaient accrochés aux rideaux.

Des organes découpés avec soin semblaient servir de décoration au lit et au tapis sur lequel le meuble reposait. Et surtout, une tête, dont manquaient le nez, la bouche, les yeux, les oreilles et les cheveux, pendait, accrochée au lustre de la pièce, et on devinait sans mal que les bouts manquants se trouvaient quelque part, cachés dans la chambre.

Et malgré son apparence méconnaissable tant elle était défigurée, la foule qui s'était amassée devant la chambre de l'héritière reconnu bien vite la victime de cet assassinat sauvage, et nombre de personnes hurlèrent de terreur, tandis que d'autres recrachaient leur déjeuner ou s'évanouissaient devant un tel carnage.

La princesse Fina avait été assassinée.

***

Fina à sa mort en média

Bien bien bien...

Comment allez-vous après cette période de fêtes?

(Je sais ce n'est clairement pas une façon de conclure un chapitre pareil)

Bon.

Je crois que cette fois vous avez un aperçu assez clair de ce que je suis capable d'écrire et de ce à quoi ce livre est censé ressembler.

Oui c'est gore.

Même moi j'ai eu envie de vomir en écrivant je vous assure.

Et pourtant il y a bien pire.

Alors bienvenue dans la tête d'Eloise pour de bon.

J'espère tout de même qu'il vous aura donné envie de lire la suite (je vous en veux pas si vous préférez vous arrêter ici).

A plus!