Segment 14 - Préparatifs
Tochiro lui avait également fourni une semi-armure légère, un bouclier individuel avec « la fréquence du champ de force couplée à celle du cosmodragon », deux grenades et un étui métallique oblong d'une douzaine de centimètres.
— Il y a six micro-charges à l'intérieur, avait-il expliqué. Pour les amorcer il suffit de les tourner d'un quart de tour sur elles-mêmes... Ça perce dix centimètres de blindage standard, et trois à cinq mètres de rocher.
Il avait ensuite ajouté, toujours tout sourire, « et fais gaffe avec le cosmodragon, il est très sensible, le coup peut parfois partir tout seul ». Harlock avait encaissé l'information avec un stoïcisme effaré.
— ... mais je réfléchis à un moyen d'améliorer ça sur les prochaines versions, termina le petit ingénieur.
Ah. Bien bien bien.
Harlock se força à ne pas songer ce que l'arme « très sensible » rangée dans son holster contre sa cuisse ferait comme dégâts si jamais « le coup partait tout seul ». D'un autre côté, relativisa-t-il, avec six micro-charges dans sa poche de poitrine, s'il éternuait trop fort il risquait de se faire sauter et d'emporter toute la montagne avec lui. Il sentait l'étui frotter contre sa peau, le poids du métal peser sur ses côtes. Il lui sembla entendre les charges bourdonner. Mais bon, inutile de s'inquiéter, hmm ?
Il secoua la tête. Ses acouphènes n'avaient pas disparu. La stridulation était devenue plus supportable, mais son intensité augmentait parfois sans crier gare, rendant l'inépuisable babillage de Tochiro brièvement inaudible.
— ... sûreté pour pas que ça pète, entendit-il entre deux séquences de sifflements parasites suraigus.
— Hein ?
— Quand tu ne t'en sers pas, il vaut mieux enlever le générateur en plus de lever le cran de sûreté, répéta Tochiro. Pour pas que ça pète.
Oui ben là il avait l'intention de s'en servir, de tout cet arsenal ! Et sans que ça ne lui pète entre les doigts, si possible !
— Tant qu'il n'explose pas quand je tirerai avec... maugréa-t-il.
— Oh non, t'inquiète ! J'ai tout calculé, normalement il n'y a aucun danger !
Normalement ? Harlock roula des yeux. Il tirait beaucoup de fierté de sa propension à se comporter de manière complètement inconsciente en toutes circonstances, et n'avait jamais pensé atteindre un jour ses limites. Mais il fallait de la pondération dans ce binôme. Et c'était à lui de la mettre.
Ce qui était tout de même un comble, soit dit en passant.
— Où est-ce que je peux le tester ? demanda-t-il.
Tochiro fit la moue, grogna « boah, pas besoin » et « on n'a pas le temps ! », mais Harlock resta inflexible.
— ... et prépare-moi un topo sur la configuration de la station et le meilleur moyen pour rejoindre la surface, ajouta-t-il.
—————
Le vaisseau possédait une salle d'entraînement équipée de cibles holographiques, de mini-drones de défense et de programmes de tir beaucoup trop sophistiqués pour les normes de la Fédération.
— J'ai tout conçu moi-même ! expliqua Tochiro avec une note de fierté non dissimulée dans la voix.
Voyez-vous ça.
— Tout le vaisseau ? répondit Harlock d'un ton acerbe.
Que ce scientifique binoclard n'aille pas le prendre pour un lapin de six semaines non plus, hein... Le cursus de l'Acastro dispensait des cours d'ingénierie spatiale, et s'il ne s'agissait pas de la matière préférée d'Harlock, il en avait malgré tout retenu que la conception d'un vaisseau occupait une équipe conséquente pendant des années.
Tochiro ne se démonta toutefois pas.
— Yep, tout le vaisseau. Je suis parti de travaux déjà existants, bien sûr, mais je les ai améliorés à ma sauce !
Quelle était la part de sincérité et la part de mythomanie là-dedans ? se demanda Harlock.
Il choisit un programme d'entraînement basique, lança la séance, s'imprégna du rythme de déplacement des cibles et ajouta :
— C'est la Fédération qui t'a commandité ?
Tochiro acquiesça. Le scientifique se fendit néanmoins d'une moue embarrassée.
— ... m'ont coupé les vivres l'année dernière, marmonna-t-il. Mais je me suis débrouillé. – Il haussa les épaules – ... 'fin, vu ce qu'il se passe dehors j'aurais peut-être dû mieux vérifier la loyauté de mes contacts.
Oh.
Ça, ça impliquait des financements pas très nets, déduisit Harlock. Et néo-humains, a priori. Ils sont là pour le vaisseau.
— C'était censé être un projet secret, mais j'ai peut-être été un peu trop bavard à un moment, avoua le petit ingénieur.
Bel euphémisme, ricana Harlock in petto.
Il s'abstint cependant de se moquer à haute voix – en particulier parce que sa curiosité était titillée et qu'il préférait donc un interlocuteur « un peu trop bavard » plutôt que vexé.
— Pourquoi ici ? La Fédération possède quand même des bases secrètes plus sécurisées du côté des Planètes Centrales !
Tochiro fronça les sourcils derrière ses lunettes. Harlock n'insista pas même si bon, projet secret ou non t'en as parlé aux néo-humains donc tu peux aussi m'en parler, non ?
Il décela une occurrence dans les oscillations pseudo-erratiques des cibles, visa, tira.
— Joli ! applaudit Tochiro.
Il reconnaît son maître, songea Harlock. Le cosmodragon réagissait de manière impeccable. L'arme était puissante, précise, redoutable. Il n'avait eu aucun mal à la manier. À croire qu'elle avait été conçue pour lui.
Seul contre une armée. La perspective lui parut soudain plus abordable.
À côté de lui, Tochiro fixa les cibles, le tableau de score, se tordit les mains, dansa d'un pied sur l'autre et reprit à brûle-pourpoint :
— À cause du minerai. Le cœur énergétique des réacteurs est alimenté de trinium et d'une variété rare de dilithium... Le 3B. Il y en a un gisement dessous. Extraction automatique.
Le scientifique se lança ensuite dans des explications détaillées sur le forage minier, le raffinage et les performances comparées des réacteurs standards avec son réacteur amélioré. Harlock ne l'écouta (littéralement) que d'une oreille et perdit le fil au moment où Tochiro aborda des formules chimiques. La loquacité débridée du petit ingénieur lui permettait toutefois de bien cerner la genèse des problèmes auxquels Mabrus-B avait été confrontée.
— Faut que tu travailles le côté « discrétion » de ton projet secret, coupa-t-il. En n'en parlant pas de façon exhaustive à n'importe qui, notamment.
— Tu ne te rends pas compte de l'importance de ce projet pour moi ! protesta Tochiro... Et tu n'es pas n'importe qui !
Non en effet, il appartenait à la Fédération donc on pouvait estimer qu'il était « de confiance », mais ils ne s'étaient rencontrés que, allez, deux heures auparavant ? On ne balançait pas des informations sensibles sur des projets secrets à des gens que l'on venait de croiser, c'était la base !
— ... en plus c'est toi qui as posé la question, bouda le scientifique.
Oui ben ce n'était pas une raison pour répondre en détail. Il n'existait pas des protocoles de sécurité, sur cette base ? Quelqu'un s'était-il occupé de briefer ces scientifiques avant de les envoyer à la frontière des Colonies Radioactives ? La Fédération avait-elle réellement laissé Mabrus et son « projet secret » sans protection ? Personne n'avait songé à surveiller les mouvements néo-humains ?
Bordel, leur état-major était vraiment composé d'incapables. Rien à récupérer de cette chienlit, songea Harlock. Il s'en doutait depuis qu'il avait intégré l'armée terrienne, mais le constater in situ – une fois de plus – le rendait d'autant plus amer.
Harlock rengaina le cosmodragon, décida qu'il n'avait pas besoin de tester les micro-charges, se retint à temps de tripoter ses oreilles et croisa les bras. Heureusement qu'il était là pour redresser la barre, hmm ? Que ferait la Fédération sans lui ?
— Montre-moi plutôt le plan de la station, trancha-t-il. On a une opération de sauvetage à monter !
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