Épilogue

La station de ravitaillement orbitait sans se soucier des multiples cargos, astronefs, caboteurs et autres bâtiments stellaires de toutes formes et de toutes tailles qui accostaient à ses docks. Le va-et-vient incessant évoquait l'activité bourdonnante d'abeilles autour d'une ruche.

Depuis le lit médicalisé de l'hôpital du quartier militaire, le capitaine Warrius Zero observait d'un air absent les manœuvres d'amarrage projetées sur la fenêtre holographique. De l'autre côté de la pièce, un infirmier préparait une perfusion qui, il le savait, lui était destinée.

Warrius se redressa sur ses oreillers et grogna lorsqu'il ne parvint pas à bouger comme il le désirait. La blessure au-dessus de sa hanche était certes sérieuse, mais il avait malgré tout échappé au caisson de régén' (de justesse, et surtout parce qu'il avait protesté sans discontinuer). Il n'avait hélas pas pu esquiver la reconstruction musculaire locale... et se voyait donc gratifié d'un corsetage encombrant bardé de fils et de tuyaux qui le clouait au lit.

Il grogna encore, envisagea de déverser sa mauvaise humeur sur l'infirmier qui trafiquait toujours son matériel, puis s'assombrit. Non, inutile de se répandre en jérémiades imbéciles. Lui ne s'en tirait pas si mal.

— Vous avez des nouvelles d'Erin... du lieutenant Farrell ? demanda-t-il.
— L'implantation cybernétique s'est bien passée. Le chirurgien est confiant, elle devrait retrouver l'usage de son bras d'ici quelques semaines.

Warrius hocha la tête en silence. Un vague sentiment de malaise l'empêchait de se réjouir de la nouvelle comme il se devrait. Il n'avait jamais vraiment été favorable aux modifications cybernétiques, que ce soit pour des améliorations ou dans un but thérapeutique, mais il n'avait jamais non plus vraiment été capable d'y opposer des arguments construits.

Il lui faudrait y réfléchir en profondeur, se promit-il, et ne plus se contenter d'aphorismes sans fondement glanés dans les articles de presse.

— Commandant ! La réponse de l'État-Major à votre rapport est arrivée !

De La Morlaye se découpait dans l'encadrement de la porte et agitait une liasse de plexifeuilles. L'infirmier fronça les sourcils, clairement outré par cette irruption bruyante. Amusé, Warrius assista sans mot dire au duel de regards qui s'ensuivit, jusqu'à ce que l'infirmier déclare forfait et quitte les lieux en maugréant.

Son second eut un sourire triomphant, puis secoua à nouveau les plexifeuilles.

— En substance ils nous félicitent, commandant, reprit-il d'un air mi-satisfait, mi-frustré.

Le « et c'est tout » imprononcé flotta entre eux quelques secondes.

Zero récupéra le message, parcourut les quelques lignes de texte, soupira. Il ne savait pas vraiment ce à quoi il s'était attendu. Des félicitations, bien sûr. Après tout, ils s'étaient sortis d'un affrontement alors que la balance des forces pesait en leur défaveur, ils étaient revenus avec l'Hayabusa en un seul morceau et aucune flotte néo-humaine vengeresse ne les avait poursuivis. Mais le vaisseau qu'ils avaient ramené dans leurs bagages, ce « projet secret » laissait à Warrius un goût amer.

Le message était accompagné d'une directive laconique. « Ramenez le vaisseau et l'équipe de Mabrus à la base de Kerbéros-Psi pour étude approfondie. » Aucune justification, aucune explication, aucune précision sur d'éventuels objectifs futurs. La Flotte ne semblait pas disposée à détailler ses stratégies à l'équipage d'un patrouilleur.

— L'information a été transmise à Harlock ?
— Dès réception, commandant.

Ils étaient tenus d'obéir aux ordres, certes, mais bon... Serait-ce trop demander qu'un peu de considération ? Un peu de confiance ?

— Et il est parti ?
— Oui.

Ça au moins c'était une bonne chose. Inutile de traîner près des frontières avec un prototype secret de dernière génération au risque d'attirer les convoitises.

Kerbéros-Psi, hein...

D'où sortait ce vaisseau ? se demanda encore Warrius. Qui l'avait commandité ? Dans quel but ? Quelles missions la Flotte lui destinait-elle ?

Zero secoua la tête. Il se racontait des tas d'histoires sur Kerbéros-Psi. Tantôt il s'agissait d'un dépôt abandonné, parfois d'un centre d'expérimentation ou d'une base d'entraînement. Certains évoquaient un arsenal entier d'unités spécialisées dans l'expansion humano-centrée : des terraformeurs, des régulateurs climatiques, des convoyeurs d'astéroïdes, des bombardiers... Les plus radicaux parlaient de tueurs de planètes.

« Ramenez le vaisseau à la base de Kerbéros-Psi... » marmonna Warrius entre ses dents. La phrase ne lui plaisait pas. Même si l'Union Fédérale restait très discrète quant à sa politique de conquête, le fait était que les nouveaux territoires qu'elle ouvrait à la colonisation se révélaient quasi systématiquement vierges de toute vie autochtone.

Des tueurs de planètes.

Le vaisseau.

Kerbéros-Psi.

Harlock. Harlock était-il au courant des rumeurs ?

Son second haussa un sourcil. Le coin de ses lèvres se releva en un léger rictus de connivence.

— À votre avis commandant, il le fera ?

Vu le caractère de ce petit voyou ? Warrius inspira, visualisa la scène, le vaisseau, la passerelle, s'imagina Harlock lire le message. Puis il rendit à de La Morlaye son levé de sourcil.

— Non.

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