Chapitre 40 :
J'attends que la nuit tombe et sors sous un ciel plus dégagé que la nuit dernière. Je retrouve rapidement le chemin du QG. J'ai trouvé un plan. Je tue un pigeon qui piquait une sieste en hauteur, cisaille son ventre et répand son sang et ses entrailles derrière moi, puis je le cache près du garage avec la camionnette.
Les premiers aboiements ne tardent pas à éclater. Leurs flancs sont si maigres qu'ils n'ont pas du manger depuis plusieurs semaines, ils deviennent fous en sentant l'odeur du sang. Ils se ruent sur la piste en claquant des dents et déboulent devant l'immeuble du QG. Un coup de feu retentit. Le garde fait face aux chiens et me tourne le dos.
Je me coule dans les ombres et me glisse jusqu'à l'arrière de la camionnette. Je m'accroupis et soulève la bâche. Des packs d'eau, que des packs d'eau, d'armes, des bacs de nourritures et d'essentiel de survie. Ma déception est vite détournée par le bruit d'autres voix qui s'élèvent. Le garde revient !
- Revenez à vos postes ! Il cri. C'est juste des clébards affamés.
Je me jette sous la camionnette. Il se retourne en grommelant pendant que les chiens se partagent la prise. Le souffle court, je vois le bas de ses bottes se découper dans mon champ de vision. Il n'a pas pu me voir, j'ai été trop rapide. J'ai beau me répéter cela, je suis pétrifiée. Le chien qu'il a abattu d'un tir git sur le sol à quelques mètres de moi.
De l'eau. Je suis dégoûtée. J'ai fait tout ça pour de l'eau. Logique, s'il ont l'intention de rester ici.
Je me redresse brusquement. Sauf que non.
Ces provisions sont pour quand ils vont bouger, justement ! Et apparemment, dans pas longtemps. Il faut que j'en avertisse Akan où on va les perdre de vue !
Le bruit d'un véhicule se rapproche rapidement. Les bottes du garde bougent légèrement et je devine à la tension soudaine dans ses muscles qu'il pointe son arme sur l'engin.
Mon coeur cogne contre mes côtes. C'est le moment ! J'ai peur, soudain, que tout cela soit un piège, que le destinataire ne soit pas vraiment M. Jamal et qu'on essaye de m'attraper.
Je ralentis mon rythme cardiaque, me rapproche du bord de la camionnette et glisse un œil à l'extérieur. Une voiture grise sombre sort d'une rue adjacente et se gare devant l'immeuble.
Aussitôt, quatre militaires sortent de l'ombre et encerclent le véhicule. La portière s'ouvre et un homme grand aux cheveux noir sort de la voiture et lève les mains pour signifier qu'il n'a pas d'armes. Je tique à la façon dont il bouge. Je connais ce dos, ces cheveux.
- Suivez-moi, ordonne le militaire.
Il se retourne et j'ai un choc.
Quoi ? Est-ce lui que... non. Pourtant, pour quelle autre raison serait-il là ? Et pour quelle autres raison les militaires l'autoriseraient-ils à entrer à l'intérieur ? Mais dans ce cas là, pourquoi m'as-t-il lui-même écrit cette lettre ?
J'amorce un mouvement, mais me rappelle à temps qu'un garde est debout à moins de trente centimètres de moi. Je dois sortir de là. Voir ce qu'il se passe à l'intérieur. Je savais déjà que c'était une ordure, mais le serait-t-il au point de s'être allié avec nos ennemis ? Non, ça ne fait aucun sens. Il ne m'aurait pas indiqué l'heure et le lieu de son arrivée sinon !
Un courant électrique traverse mes veines. Je balaye rapidement les alentours du regard, mais même en assommant le garde, l'attaque des chiens m'a montré qu'il y a des gardes postés aux fenêtres, du rez-de-chaussée en tout cas. Je n'ai détectée aucun mouvement au troisième étage, par contre, comme il l'a indiqué sur la lettre. Je balaye longuement la façade Nord avec mes jumelles. Il avait raison.
Je décide que c'est par là que je vais monter.
Reste la question du garde. Si je le tue, le bruit attirera l'attention des autres et je me ferais tirer dessus comme un lapin. Je peux créer une diversion avec mes fumigènes, mais ce ne sont pas des novices, je suis sûr qu'ils ont prévus un plan pour ce cas de figure - plan
où le garde ne bougerait pas d'un iota. Cpe qu'il faudrait, c'est le neutraliser très vite et très silencieusement.
Le temps va être chaud à gérer mais la rapidité, c'est mon affaire.
Je roule silencieusement sous le camion jusqu'à avoir la tête à quelques centimètres du talon de ses bottes - beau cuir, d'ailleurs. Il n'émet qu'un petit bruit étranglé quand ma seringue s'enfonce dans sa gorge. J'attache ma veste autour de sa bouche pour le bâillonner au cas où et l'assomme en le soutenant par la taille. Son corps s'affale contre moi avec un dernier spasme.
Vraiment efficace, ce truc.
Je ne bouge plus pendant plusieurs secondes, puis le pose doucement contre la portière du camion. De près, le résultat est catastrophique mais de loin, on ne verra pas la différence. Bon, peut-être pas totalement, mais c'est de l'art abstrait.
Je rampe au sol en me servant de l'ombre d'un grand arbre dont les branches s'étendent jusqu'à l'immeuble. Arrivée contre le mur, je m'accroupis et fais le tour du bâtiment pour arriver par l'arrière.
Heureusement, même si l'immeuble n'a pas été directement victime d'obus, les tremblements ont du agiter ses fondations car des pierres se sont par endroit détachés où décalés, ce qui m'offre des bonnes prises. Je teste une prise... qui s'effrite et me reste en morceaux dans la main.
J'inspire à fond, prie n'importe qui du moment qu'il m'aide et m'élève en silence sur le mur. Je passe de prise en prise sans m'arrêter de peur que l'une d'elle cède brusquement sous mon poids et me perche sur le rebord du troisième étage.
Je vérifie quand même que personne n'est dans la pièce en basculant mes lunettes en vision thermique, puis me glisse sur le cadre la troisième fenêtre - qui n'est pas si solide que ça et se fissure sous mes pieds. Je plonge aussitôt dans la pièce et roule souplement au sol en amortissant l'impact avant de me relever. J'inspecte la pièce du regard.
Cela devait être une chambre avant, parce que des restes de tapisserie violette et de rideaux bleu sont restés accrochés désespérément aux murs, comme sous l'effet d'une explosion. Des éclats de verre et de bois jonchent le sol, quelques jouets sont décapités, aussi.
Définitivement une explosion.
Je pénètre dans un couloir avec une cage d'escalier au bout et un autre couloir perpendiculaire qui le traverse, sans doute le fameux couloir principal. Au bout, je perçois trois respirations légères et plus loin, le bruit étouffé d'une conversation me parvient. Les respirations doivent être des gardes.
Je reviens dans la pièce précédente et ramasse au sol deux gros bouts de miroirs brisés que j'attache au pommeau de mes dagues avec du fil trouvé sur un rideau déchiré. Revenu dans le couloir, je plante doucement une dague dans chaque mur. Je me fige, m'attendant que les gardes perçoivent un mouvement ou un bruit, mais leurs respirations ne bougent pas.
Je m'autorise à nouveau à bouger et regarde dans les miroirs improvisés. Il y a bien trois gardes, un à l'extrémité droite, un autre à l'extrémité gauche et le dernier presque devant moi, mais plus vers la droite si bien que collée au mur comme je le suis, il ne me voit pas.
Il va falloir que j'en neutralise plusieurs le plus rapidement possible avant qu'ils ne se ressaisissent, ce qui ne va pas être facile dans la position triangulaire dans laquelle ils sont. Je fais l'inventaire des armes qu'il me reste. Deux de mes dagues sont bloqués dans le mur, il m'en reste donc une et deux Namaki.
Je leur jette un coup d'oeil. Quelque chose dans la posture des gardes, dans leur façon de surveiller le couloir, de respirer, je comprends qu'ils n'ont rien à voir avec les gardes que j'ai connus au complexe. C'est sans doute pourquoi ils ont étés assignés à garder le couloir où la réunion avec M. Jamal a lieu. Ça veut aussi dire qu'ils vont très bientôt voir les miroirs.
Je me relève.
Dès que je me penche légèrement, le premier garde à droite tourne la tête. Ma Namaki l'atteint à la tempe. Il s'écroule. Je bondis dans le couloir alors que les gardes crient dans leur oreillettes. Leurs balles vise ma dernière position. Ma Namaki frappe au menton le deuxième garde.
Efficace, cette arme.
Une balle me frôle la hanche en arrachant un bout de chair au passage. J'étouffe un grognement et fait de son compagnon dans les vapes un bouclier. Je me jette contre la porte pour la forcer mais elle est bien verrouillée. Les balles s'encastrent dans la porte et j'apprête à lancer ma dague quand la porte s'ouvre en grand et un homme me tient en joue.
Je me fige.
Il se fige.
- Cessez-le-feu feu ! Hurle-t-il dans son oreillette.
Les gardes ont dû avoir mal aux oreilles, mais c'est efficace.
Mes doigts ne lâchent pourtant pas le garde, tout mou à présent. J'en suis incapable. Incapable de penser. D'appréhender ce qu'il y a devant moi. Tout mon être est tourné vers ce jeune homme, dont le bras qui tiennent cette arme tremblent, puis s'abaissent.
Des gardes arrivent dans l'escalier, mais s'immobilisent.
Qui est-il ? Mes yeux dorés fixés dans ses yeux dorés. Les mêmes que les miens. Les mêmes que ceux de mon rêve.
Il se redresse et lance ses mots qui me stupéfient :
- Vous voudriez bien du thé, mademoiselle ? Il ironise.
Il s'efface pour me laisser entrer. Du thé ? Du putain de thé ? Un inconnu avec l'exact même visage que moi se tient devant moi et la première chose qui lui vient à l'esprit, c'est faire de l'humour ?
J'hésite. C'est un piège ? Qui a mis ce clone de moi ici ? C'est lorsque M. Jamal apparait et se met entre nous deux que je me rends compte qu'on se fixe en silence. J'ai envie de le pousser de là, alors qu'il fait comme une barrière entre nous. Il n'y a pas de barrière entre ce garçon et moi. Je le sens dans mes tripes.
Mr. Jamal me tire brusquement dans la pièce et je me dégage brusquement. Je crois entrapercevoir un éclair de douleur dans ses yeux, mais il se détourne et ferme la porte. Il relève la tête et plante ses yeux dans les nôtres, à tour de rôle.
- Maintenant que la première impression a été faite, je dois clarifier certaine chose, il commence.
Face à lui, le jeune homme plisse les yeux et soudain, une aura autoritaire nous prend a la gorge.
- J'ai l'impression, oui... il grogne. Le plus rapidement sera le mieux !
Maintenant que mes yeux sont tombés à nouveau sur lui, je n'arrive plus à le détacher.
Quelle est cette sorcellerie ? Sa bouche est la même que la mienne. Son nez, ses sourcils, ses pommettes sont les répliques exactes des miennes, et nos cheveux courts ont la même couleur châtain. Seul sa peau diffère, non pas parce qu'elle n'a pas la même couleur, mais parce qu'il y a moins de cicatrices. Il y en a, néanmoins, et une haine farouche s'allume en moi pour ses responsables.
Je recule sans le quitter des yeux, mais je me méfie de ce qu'il m'arrive. Le sent-il ? Cette attirance qui me pousse vers lui ? J'ai envie de le toucher, de sentir la douceur de sa peau. Un tel lien avec quelqu'un, c'est pas normal.
Surtout avec son ennemi.
Mr. Jamal se retourne.
- Shari (je tressaille et m'arrache à mes pensées. Il grimace.) Bon, autant arracher le pansement vite fait. (Il inspire un grand coup et ferme les yeux en se raclant la gorge.) Pendez-moi. Hum, Nathanael, je te présente Shari. Shari, je te présente Nathanael.
- Appelle-moi Nael, rectifie ce dernier en me regardant. Qui est-elle, Julien ?
Mr. Jamal me jette un regard gêné. Je grince des dents. Encore un faux nom - franchement, Julien ? Il aurait pu faire mieux.
- Je... oui. C'était mon élève, et...
- Va droit au but, je l'interrompt.
Il se gratte un sourcil.
- Sûr ?
- Sûr. Répondons nous d'une même voix.
Il grogne.
- Shari est une Alfar comme toi, Nathanael. Ses parents l'ont abandonnés et elle a été élevée par des Guépards avant d'être recueillit dans un refuge pour orphelin où elle a appris à se battre. (Je fronce les sourcils. Pourquoi raconte-t-il tout ça ?) Ce n'est que récemment qu'elle est arrivée ici.
- Abrège ! Je lance, exaspérée. Pourquoi tu m'as fait venir ici ? Et quel est le lien avec lui ?
Nael fronce les sourcils.
- Tu m'as parlés des miens. Tous les Guépards se ressemblent-ils autant qu'elle et moi ?
Je tourne brusquement la tête. Ça paraissait évident, mais la réalité me percute brusquement. C'est un autre Guépard ! Je ne suis pas la dernière, il en existe un autre ! Mr. Jamal me jette un regard.
- Non, c'est parce que ... vous avez la même mère.
Il tousse dans son poing.
- Votre mère attendait des jumeaux.
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