Chapitre 31 :
La voix de Kaya résonne soudain dans mon oreille :
- On est repérés.
Je tourne brusquement la tête. Mes poils se dressent sur ma peau. Une longue alarme retentit. Kaya, Pearson, et Kan-Wu déboulent dans le couloir. Une tache de sang rougit le bras du renard. Piquée par la peur, je me précipite vers eux, mais la Commandante Lynx m'ordonne :
- Montre-nous le chemin !
Je m'exécute, les mains moites. Déjà, j'entends des bruits de pas marteler le sol derrière nous. Je jette un rapide coup d'œil derrière nous. Arriverons-nous à les semer ? La peur vibre dans ma gorge. Je file à toutes vitesse dans les couloirs, dérape dans les virages, le reste du groupe derrière moi. Mes yeux mitraillent les moindres recoins. Si je me trompe de chemin une seule fois, nous allons mourir.
- Numéro 5, ordonne la commandante à son oreillette d'une voix tendue, coupe toutes leurs communications. Ils ne doivent pas avoir le temps de diffuser le lieu de l'agression.
- Reçu.
Pearson jure soudain.
- Ils nous ont retrouvés, ils sont sur notre trace !
De l'acide me remonte dans les tripes. J'entends les pas se rapprocher, de plus en plus. Je bifurque à droite. A gauche. Mes yeux balayent tous les recoins. J'enchaine les virages, les couloirs, mes poumons en hyperventilation. Des voix glapissent à droite, puis à gauche.
- Ils comptent nous bloquer, ahane Kan-Wu.
La commandante grogne.
- Nous allons les prendre à revers. Numéro 2 et 4, arrêtez-vous au carrefour. Numéro 3, avec moi !
Le Renard et l'Elephant s'arrêtent net et se retournent. Les poumons en feu, je traverse le carrefour en flèche. De la transpiration coule sur mes tempes. La commandante s'arrête au virage et plisse les yeux.
- Numéro 4. Combien sont-ils ?
- Six à droite, vingt secondes du carrefour... huit à gauche, trente seconde de notre position.
Kaya me désigne le côté opposé en silence. Je me colle contre l'autre mur en chargeant mon arme et elle pose un genoux à terre en levant son pistolet. Mon souffle se bloque. Mes yeux sont ancrés sur le carrefour. Les premiers gardes débarquent dans le carrefour. Kaya me fait brusquement signe d'attendre. Je respire lentement. Deux. Quatre. Six. Mes doigts se crispent sur la gâchette.
- Maintenant.
Je fais feu avec Kaya. Je carre les épaules pour contrer le recul et tire trois fois d'affilés. Je me plaque contre le mur. Ma poitrine se soulève avec irrégularité. Des corps tombent en arrière, les soldats se protègent, reculent, mais Pearson et Kan-Wu prennent le relais de derrière. Pris entre les deux côtés, ils succombent presque tous. Deux réussissent à se mettre à couvert dans le couloir, mais les blessés aux sols sont achevés de deux tirs par Kaya.
Je reprends mon souffle et me penche en avant. Nous devons être prêts pour la seconde vague. Ma poitrine se contracte. Les cadavres font une masse compact au centre du carrefour, leur sang rouge sombre coule sur le sol lisse. L'odeur métallique du fer rend l'atmosphère pesante. J'avale ma salive.
Les gardes de l'autre couloir s'arrêtent avant de pénétrer dans le repaire du lion et communiquent avec les survivants de l'autre côté par radio. J'échange un regard avec Kaya. Elle fait sauter quelque chose dans sa main. D'un geste fluide, elle le lance au milieu du carrefour. Mes yeux s'ouvrent en grand. Une grenade ! Les gardes plongent tous à terre et Kaya disparait d'un coup de ma vision.
Elle réapparait au centre du carrefour et tire en rafale dans les deux couloirs. Des gémissements et des cris s'élèvent aussitôt dans l'air parmi les gardes, tous vulnérables en position allongée. Certains arrivent à riposter et elle bondit en arrière dans le virage, mais ils ne restent plus beaucoup d'entre eux.
- Numéro 2 et 4, à vous, elle chuchote. Deux à gauche. Un à droite.
Kan-Wu et Pearson plongent d'une roulade dans le couloir de gauche et de droite. Deux minutes après, plus aucun bruit ne filtre. Kan-Wu ressort, suivit de Pearson. Kaya ramasse sa grenade et se retourne.
- On doit se dépêcher d'atteindre les cellules des prisonniers. Presque tous les gardes sont aux prises avec nos troupes dehors, mais l'alarme a tenu tous ceux à l'intérieur au courant qu'on avait réussit à s'infiltrer. Ils vont rappliquer en moins de deux'.
Nous nous élançons dans la direction opposée au carrefour et j'essaye de mettre de la distance avec les images dans ma tête, mais elles me collent à la tête comme du miel aux doigts. Comment Kaya fait-elle pour tuer d'une manière si insensible ? Elle a tiré sans ciller sur une dizaine de soldats. Aucun ne s'en est tiré vivant.
- Pourquoi la grenade n'a pas explosé ? Je souffle.
La Lynx me jette un regard.
- Je ne l'ai pas dégoupillée, elle répond. La peur est une arme aussi puissante qu'un fusil, si on sait s'en servir.
Dans l'action, personne n'a prit le temps de vérifier si elle était dégoupillée... c'était risqué. Le moindre garde qui l'aurait remarqué et elle se serait jetée droit dans la gueule de la mort.
Je relève la tête d'un coup. Le bruit de la bataille a attiré d'autres gardes. Ils arrivent par la droite, puis par derrière. Ils viennent de toutes les directions par deux ou trois. On s'échange un regard. On se divise en silence. L'adrénaline rugit dans mes veines, c'est la seule chose qui va me garder vivante ici.
Je me tourne brusquement et un choc dans la poitrine me coupe le souffle, mais la balle a été stoppé par le gilet de protection. Je plonge derrière le mur et entends des échanges de tirs provenant du couloir - je devine que Kaya et Kan-Wu tirent de leur côté.
Des bruits sur ma gauche. Je m'accroupis, recharge mon Magnum et vise les gardes aux jambes. Une balle sur ma droite m'atteint au bras. Je plonge en avant dans un autre couloir, me plaque au mur et compresse d'une main la blessure en criant. La balle a déchiqueté mon biceps sur plusieurs centimètres. Au moins, mon bras de tir est toujours intact. J'ai le visage trempé de sueur. Ils sont à droite et à gauche. Je tire brusquement, me recule. J'ai eu celui de droite. Des balles de gauche me frôle.
Je recharge mon magnum et Kaya tire de la gauche en renfort. Je me jette au sol au moment où elle lance une bombe flash. Même de dos avec les bras sur les yeux, la lumière me donne l'impression de brûler mes rétines. Des grognements et des râles explosent derrière le mur. Je me redresse et regarde derrière le mur. Les gardes essayent de se diriger à tâtons à couvert à toutes vitesse. Ils savent.
Mon doigt tremble sur la gâchette, mais la Lynx les a déjà abattu un par un avant que je ne me décide. Mon bras se baisse et je fixe les corps retomber au sol avec une froideur pesante. La main de la commandante se pose sur mon épaule. Je sursaute et tourne la tête, mais elle m'adresse un regard impitoyable.
- C'est pour ton petit ami que nous sommes là, ressaisit-toi bordel ! La faiblesse n'est pas permise ! (Son regard me transperce) C'est un ordre !
Je serre les dents, mais je ne dois avoir qu'un but : Ash. Tout le reste sert à le sortir d'ici. Des atrocités qu'ils font. Ces gardes protègent des pratiques inhumaines. Je ravale la bile, mes larmes, mon dégoût, mon horreur. Je dois écarter tout sentiment, tout doute. Les doutes n'ont pas leur place sur le champ de bataille. La moindre hésitation risque de me coûter plus cher que la mort.
Pearson et Kan-Wu courent avec nous quelques secondes après et j'en profite pour enrouler mon biceps blessé dans un bandage. Nous progressons rapidement vers le secteur des prisonniers. Nous tirons nos fléchettes de détections dans les murs jusqu'à ce qu'une d'elle se plante dans le mur d'une cellule. Mon rythme cardiaque s'accélère. Ash n'est pas là. Une farouche énergie s'enflamme en moi.
Elle guide mes mains quand dix gardes nous font feu dessus en tournant à droite. Je réplique, mais je suis touchée au mollet, plonge à couvert et enroule un bandage autour de mes plaies avec précipitation, les jours rouges et la respiration courte. Les cris explosent partout autour de moi. Ils sont trop nombreux, on doit se replier !
Pearson me soutient, mais nous perdons trop de terrain. Ils sont en surnombre !
- C'est dans le couloir dont ils sont sortis qu'il doit y avoir Ash ! S'écrie Kan-Wu d'une voix rauque en crachant un jet de salive et de sang. Il faut qu'on arrive à le leur prendre !
Je grimace. On doit les ralentir. Je m'avance en grognant pour voir les gardes. C'est comme si on y appliquait un fer chauffé à blanc sur ma jambe. Je sue à grosses gouttes et suis obligée de m'appuyer sur mon autre jambe. Je tirs, atteins un des gardes à la cuisse et me plaque contre le mur. Je réitère ces gestes encore et encore, mais ce ne sont pas des amateurs et maintenant, ils sont presque sur nous et il ne me reste plus beaucoup de munitions. Je recule et halète. Ils nous font reculer de plus en plus loin. Nous nous fatiguons, ils veulent nous avoir à l'usure.
- Couvre-moi ! Souffle Kaya à Kan-Wu.
Le Renard embras un torchon avec un briquet qu'il lance en plein milieu du couloir. Kaya roule de l'autre côté du couloir, se relève et dégaine son fusil d'assaut.
- Mettez vos lunettes infrarouge ! Elle grogne en tirant de sa sacoche trois long bâtons. Elle grimace un sourire. Je garantie l'animation.
Je m'exécute et le monde devient aussitôt rouge, noir, vert et jaune. Je fais un geste pour m'avancer, mais le Renard me tire sèchement en arrière.
- Numéro 3 ! Ordonne-t-il d'une voix sèche et claquante. Ce n'est pas le moment de se suicider !
Les fumigènes explosent quand ils rentrent au contact du sol. J'entends les gardes tousser et crier, pris dans le nuage épais. Nous nous décollons du mur et tirons sur eux. Ils s'écroulent, mais certains ont eu le temps de se mettre en sécurité plus loin. Nous plongeons dans le nuage de fumée et faisons feu pour reprendre petit à petit le terrain que nous avons perdu.
S'ensuit une guerre de mouvements, ou nous essayons de les faire reculer alors qu'ils veulent avancer. Nous les harcelons sans relâche, esquivant le plus vite possible leurs répliques et plongeant dans les minuscules temps de recharges pour prendre l'avantage. Je bondis brusquement dans un couloir à gauche pour esquiver une nouvelle vague de balles. Kan-Wu laisse échapper un grognement de douleur, il s'est fait touché à plusieurs endroits.
Je m'appuie au mur. La sueur me coule dans les yeux. Il n'en reste que quatre, maintenant. Je cligne des paupières pour ne pas être aveuglée. Mon corps est en feu. La douleur irradie de partout. Mon sang rejoint le ruisseau de celui des autres qui serpente au sol. Mon gilet de protection est criblé de balle. Kan-Wu respire difficilement. Il crache un jet de sang et grogne :
- A nombre égal, nous allons nous épuiser jusqu'à ce qu'ils aient des renforts et prennent l'avantage. Nos munitions sont presque toutes épuisées. Nous devons savoir si nous pouvons les éviter ou si nous devons aller dans cette direction pour trouver Ash.
La commandante le fixe en compressant son épaule.
- Tu penses pouvoir trouver Ash avec l'Oeil ?
- Si vous me protégez.
L'Ours et la Lynx se mettent en position de tir.
- On te protège.
Il hoche la tête, ferme les yeux et prends une inspiration. Je fronce les sourcils. L'Oeil des Renards n'est pas quelque chose qu'ils peuvent utiliser aisément. Ils doivent être dans un environnement où ils ne sont dérangé par rien, au risque de se faire frapper par tous les sons qui leur tombent dessus et perdre le contrôle de leur propre esprit. Mon front est trempé de transpiration. Je l'essuie d'un coude, haletante. Je n'ai jamais vu un Renard le faire en plein combat ! Kan-Wu rouvre brusquement les yeux et ses pupilles se sont fendues en deux.
"Sssssssssssss".
Je relève brusquement la tête et pousse Kan-Wu. Mon talkie-walkie vole en l'air et percute de plein fouet la grenade. L'explosion fait trembler les murs. Je me redresse et scrute ce que je vois à travers la fumée. Pearson et Kaya se relèvent brusquement. L'écran de fumée se dissipe lentement et du rouge tapisse les murs et le sol. Ma bouche reste close, interdite. Kaya et Pearson se retournent vers moi et leurs yeux expriment un respect profond qui me fait plus mal que des insultes.
Kaya hoche la tête en silence et l'Ours siffle.
- Je n'avais jamais vu les réflexes des Guépards en pleine action.
Je prends une profonde inspiration, enfonce mes ongles dans mes paumes et me redresse péniblement. Je refoule tout sentiment et me tourne vers le Renard.
- Tu vas bien ?
Le Renard se redresse.
- Tu m'as poussé juste avant l'explosion, j'ai pu arrêter l'Oeil avant que le bruit me détruise.
La Lynx presse ses lèvres ensemble.
- Si tu ne l'avais pas retourné contre eux, nous serions tous morts.
- Tu as eu le temps de sonder les alentours ? Je demande à Kan-Wu.
Il relève la tête.
- Suivez-moi.
Mon cœur a des ratés. J'ai honte de l'admettre après la mort de tant de gens, mais être si près d'Ash me remplit d'un espoir fou. Nous ne rencontrons aucun garde jusqu'à une longue impasse. Quatre gardes en uniforme militaires patrouillent dehors et dedans.
- La dernière porte à droite, souffle Kan-Wu. C'est là où est Ash.
Kaya se retourne vers nous. Elle baisse la voix.
- Ils vont faire feu dès qu'on va vouloir entrer. Nous n'avons presque plus de munitions, nous allons donc devoir jouer à l'ancienne. Je m'occupe d'éliminer ceux à l'extérieur. Ce sera à vous de jouer avec les deux gardes à l'intérieur. Vous ne pourrez pas entrer sans être repéré, alors vous allez utiliser les deux fumigènes qu'il me reste pour vous faufiler à l'intérieur. Ils sont deux. Numéro 3 et 2 vous occuperez d'eux, Pearson, court-circuite la cellule d'Ash le plus vite possible pendant ce temps. Numéro 3, ta mission est de prendre ta vitesse et de sortir Ash d'ici aussi vite que tu sais le faire. N'attends aucun de nous. Compris ?
J'oblige mes jambes à rester stable, mais ma cuisse et mon mollet me font un mal de chien. Mon cœur court comme un malade, on aurait dit qu'il savait que c'était peut-être ses derniers instants. Il tombe dans mon ventre, vibre comme une timbale, accélère mon souffle. J'acquiesce. Elle hoche la tête.
- Bien.
Mais elle a prit deux gardes, ce qui veut dire qu'elle ne pense pas s'en sortir. Elle passe les deux fumigènes à Kan-Wu et elle se tourne vers l'entrée du couloir et dégaine deux longs couteaux. Une seconde après, elle disparait dans les ombres, comme seuls les Lynx savent le faire.
Un éclat métallique et un garde se raidit imperceptiblement. Il n'a pas le temps de tomber que la Lynx est déjà derrière le deuxième, qui se retourne juste à temps. Ils engagent un combat violent et nous nous élançons en dégainant nos couteaux et dagues. Les deux gardes à l'intérieur accourent sous les bruits, mais Kan-Wu lance les fumigènes et la fumée bloque aussitôt toute leur visibilité.
Une rafale de balles nous force à nous plaquer contre les murs d'entrée, mais s'ils savent que nous arrivons, ils ne peuvent pas se permettre de gaspiller leurs munitions dans le vide et ils arrêtent, guettant probablement le moindre son. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que l'oreille humaine n'est pas assez fine pour détecter des pas d'Alfars et nous plongeons dans la fumée.
La couleur rouge de nos ennemis se détache sur le noir alentour de mes lunettes et je me rapproche de plus en plus de ma cible. Je lance mes dagues. Il apparaît brusquement devant moi. Il les évite en roulant brusquement au sol, se relève et réplique aussitôt. La vache !
Je bondis au-dessus de sa tête et atterris derrière lui en frappant ses reins. Il cri, s'appuie sur mes épaules, passe derrière moi et me tords le bras dans le dos. Il essaye de me passer un couteau sous la gorge, mais je me baisse et lui envoie un violent coup de coude dans l'estomac en tordant son bras. Je décoche un violent coup de genoux dans son bas ventre et il crache un glaire sanglant. J'attrape son poignet de côté, l'abaisse, le retourne et lui arrache son couteau des mains en l'envoyant valser loin.
Avec un rugissement, il m'attrape les cuisses et me pousse violemment contre un mur. Mes yeux s'écarquillent et je hoquette en essayant de reprendre une respiration. J'évite de justesse un autre couteau dans la gorge - il en a combien ? et roule hors de portée en toussant. Un sentiment d'urgence me pousse à me relever aussitôt, mais sa main agrippe mon bras blessé. Je hurle en lui donnant un coup de boule dans le nez. Il cri et se redresse péniblement en compressant sa blessure. Je lance mon pied dans sa tête et elle part brusquement en arrière. Je retombe accroupis et replie brusquement son bras derrière son dos, sa lame pointée sur sa nuque. Groggy, il mord violemment mon bras et j'aperçois brusquement le couteau dans sa main. Je le bloque de justesse de ma deuxième main, retourne son couteau et l'enfonce dans sa propre aine. Il hurle. Une giclée de sang rougit ma main. Je lâche le couteau et recule.
Le garde tombe à genoux en essayant en vain d'endiguer le sang un peu partout de ses mains. Ma respiration est sifflante. J'ai touché un point vital. Je fixe la vie qui s'écoule de lui avec une rapidité horrifiante. Il halète, tombe au sol, essaye de se relever. Bientôt, il arrête de bouger. Le liquide sombre coule de ses intérieurs, empeste l'air et s'étend sur le sol.
De la sueur coule le long de mon dos. Le bruit de ma dague entrant dans sa chair tourne en boucle dans ma tête. Son sang est partout dans l'air, partout sur mes mains. Je les essuie brusquement sur ma tunique et laisse deux marques sombres dessus. Ses yeux vitreux me fixent. Je me relève précipitamment.
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