Chapitre 14 :
L'Antilope est remplacé par un homme trapu aux cheveux noirs et aux longues canines typique des loups. Il porte une longue cape blanche avec de la fourrure noire autour de ses épaules. Ses épaisses bottes noires résonnent sur le parquet avec assurance et le soleil fait briller un pendentif blanc à son cou. Il se tourne vers son audience.
- Grand jour à vous, frères et sœurs ! Nous salue-t-il d'une voix chaude.
- Jack Forwell, Hamu de la Lignée des Loups, Àlfars du Foyer, nous chuchote Analya à l'oreille. Il nous vient directement du Canada.
Le Hamu soulève d'un mouvement souple sa cape et s'assied lentement sur une chaise en balayant du regard la foule, comme un plongeur regardant une dernière fois derrière lui avant de sauter.
- Il y a des gels et des dégels de cela, il n'y avait sur Terre que des animaux et des végétaux, prononce le Hamu d'une voix profonde. Les animaux ont évolué, certains se sont transformés... nous inclus. Nous, descendants des singes, qui ont eux-mêmes évolués en bipèdes. Nos ancêtres ont évolué jusqu'à ce que deux branches bipèdes co-existent, dont l'homme de Néandertal. Notre ancêtre commun avec les hommes. Ayant donné deux autres branches distinctes sous l'action de l'évolution qui transforme toute chose en une autre, l'homme de Néandertal fit évoluer le monde et le peupla d'humains et d'Elfes. Les Elfes, guérisseurs et chasseurs des tribus, étaient approvisionnés en outils par les forgerons et en nourriture par les agriculteurs et cueilleurs humains. Une totale cohésion de groupe, utilisant les avantages de chacun au profit du groupe.
Un silence, comme un souffle, un soupir, un voile. Un pli apparaît sur le front du Hamu Loup. Son nez se plisse. Ses pupilles s'assombrissent comme un ciel orageux, menaçant. Je sens la bête grandir en lui comme s'il se dressait derrière lui, grondant.
- Pourtant là où il y a différence, il y a divergence. (Il se lève et fait le tour de la scène en lançant d'une voix grave et froide comme de la lave qui refroidit :) Divergence d'avis, divergence de pensée. Et pensée mène à réflexion, réflexion mène à stratégie, stratégie mène à profit, profit mène à égoïsme... égoïsme mène à peur. La peur de perdre. Des biens, des terrains, des hommes. La pensée a mené l'homme à sa perte. Elle a entraîné les Elfes avec eux. Contre eux. Les frères de la veille furent les ennemis du lendemain. Les outils furent leurs moyens d'actions. De répercussion. Les hommes essayant de s'opposer à la vague de peur et de colère furent fauchés avec les Elfes. Car vague devint houle. Et la houle avait des armes. Qui s'abattirent sur le dos des Elfes et de leurs amis dans leur sommeil.
Une pause, glaciale, sourde. Le vent qui s'engouffre dans la salle semble porter les cris et les gémissements des Elfes massacrés. Le Hamu Loup relève la tête et semble défier le ciel dans l'ouverture au plafond.
- Une année dure 365 jours. Vous savez tous pourquoi. C'est le temps qu'on mit les survivants à errer. Ils marchèrent, marchèrent, marchèrent, le plus loin possible, de l'horreur, du traumatisme, de la douleur, de la fureur, du désespoir. Les uns s'installèrent sur les pics des montagnes, les autres se cachèrent dans les étendues glacées. Tous les rescapés se scindèrent pour trouver une terre suffisamment hostile ou éloignée des humains pour qu'ils ne les y retrouvent jamais. Lécher ses plaies. Pleurer les morts. Essayer de survivre dans ces nouveaux environnements. Combien moururent sous la rudesse des climats ? Combien tombèrent sous les blessures infectées pendant le voyage ? L'extinction. L'extinction a failli nous rafler. Tous. La disparition de notre sang, de nos os. À jamais.
Un silence troublé par aucune respiration gèle l'air. Le regard ardent du Loup balaye les tribunes. Il semble habité d'un feu qui ne s'éteindra jamais. Il me happe, me pend à ses lèvres. Je veux savoir la suite.
- Si vous êtes là, Àlfars, assis devant moi, chacun et chacune, tous et toutes, c'est parce qu'une poignée d'entre eux a survécu. Chaque génération est devenue plus forte, chaque génération est devenue plus adaptée à son environnement, à son mode de vie, jusqu'à devenir un avec lui. Jusqu'à être l'environnement. (Sa tête s'abaisse, creusant des ombres surréels sur son visage.). N'est-il pas vrai ? Un couteau est tranchant parce qu'il a été affûté.
Il avance lentement le long de l'estrade et les ténèbres semblent le suivre à chaque pas.
- Et pourtant, pourtant... alors qu'après tant de pertes, tant de générations de traumatisme et de douleurs, nous avions enfin réussi à replanter nos graines... les hommes... les hommes et leurs désirs d'expansion sont venus marcher jusqu'à nous, nous forçant à nous cacher encore plus loin, dans des endroits encore plus hostiles. Leur nombre s'était multiplié, nous ne pouvions pas lutter face à ce qui arrivait à l'horizon. Mais nous n'avions pas prévu le pire. Nous n'avions pas prévu qu'ils ne se contenteraient pas de planter leur maison, mais qu'ils arracheraient tout autour. Que la nature où nous survivions alors allait être détruite, parcelle par parcelle, à une vitesse frénétique, jusqu'à ce qu'il n'en reste presque rien. Combien de cités avons-nous dû abandonner ? Combien de foyers ? Machu Picchu, Babylone, Caral, Angkor, Petra, Mesa Verde, Tikal... tous, désertés, abandonnés aux mains des hommes avant qu'ils nous attrapent... parfois trop tard.
Mes poils se dressent sur ma peau. Il s'arrête et fixe tour à tour les deux pans de gradins.
- Alors nous nous sommes rapproché des villes. Nous avons caché nos différences comme des symptômes de la peste et nous avons construit nos maisons au plus proche de l'ennemi, là où nous pensions qu'ils ne nous soupçonneraient jamais. Du moins, c'est ce que nous croyons... car alors que nous nous dotions d'internet, du chauffage, de l'électricité... les hommes se dotaient des services secrets. Je ne donnerai pas de nom précis, vous savez tous ici qui sont ceux auxquels je pense. Ceux qui n'ont aucun remord à essayer de « démanteler notre organisation », par des moyens qui transgressent toutes leurs sacro-saintes lois, selon des principes qui vont à l'encontre de toutes leurs sacro-saintes valeurs ! Et tout cela pourquoi ? Parce qu'ils nous soupçonnent d'être dangereux. Nous ! Massacrés ! Persécutés ! Décimés ! Alors nous avons appris à nous défendre. À rendre chaque coup plus fort et plus vite.
Le Hamu Loup fait porter sa voix avec plus de puissance, les yeux brûlants de dizaines d'années de témoin d'horreurs, d'injustices, de morts.
- Furtivité, puissance, rapidité. Nous devons les utiliser tous les jours. Car nous sommes en danger de mort à chaque instant et la torture est la plus efficace de leurs armes. Mais nous avons survécu une année de plus, aujourd'hui. 365 jours. Comme l'errance de nos ancêtres. (Il lève les bras en l'air et rugit :) Et nous allons survivre encore une année de plus !
Applaudissements, hurlements, sifflets. Angela revient sur scène. Elle prend une inspiration et sa voix s'élève encore plus haut dans l'air, dos à dos avec le Hamu Loup. Ses yeux brillent d'une lueur féroce remplie de venin.
- Chaque agent ici présent a juré de protéger notre peuple jusqu'à la dernière goutte de son sang. Car nous sommes un peuple entier, un peuple qui mérite d'exister, un peuple qui se battra pour le rester. Oui, nous avons survécu une année de plus. Et oui, nous allons survivre une année de plus. Car c'est ce que nous sommes. Des survivants ! Et c'est ce que sont nos frères, nos sœurs, nos enfants ! Nous nous sacrifierons pour nos fils et nos aînés. Nous ne dirons rien sous la torture. Unis, nous serons vainqueurs !
Le bruit que soulève alors la foule ressemble au passage du tonnerre, à la fois terrifiant et impressionnant. Angela lève les bras en l'air et semble fixer dans les yeux chaque Àlfar présent dans la salle.
- Voilà bien longtemps maintenant que nous vivons parmi les humains. Longtemps que leurs services secrets essayent de nous éradiquer. Mais ils n'y sont jamais arrivés. Et vous savez pourquoi ? Parce que nous sommes des guerriers !
Des cris puissants soulèvent le Cœur. Le courant qui traverse la salle est si électrique que je le sens vibrer dans mon ventre, tambouriner à mes poignets, crépiter dans ma tête. Alors, brusquement, un fragment aussi clair que de l'eau reflète mon visage dans mes yeux.
Je fais partie de ce peuple.
- Guerriers ! Gronde Angela. Que faisons-nous quand nous sommes attaqués ?
- On se bat ! Rugis la foule.
- Que faisons-nous quand nous sommes envahis ?
- On résiste !
- Et que faisons-nous quand on nous menace ?
- On attaque !
__________________________________________
Hi ! Shari en terrain inconnu, Ash sur qui ont peut pas vraiment compter, l'échange avec l'assemblée risque de ne pas être de tout repos... des deux côtés. Shari est loin de se douter de ce que lui réserve Liban... et des personnes plus proches d'elle qu'elle le pense. Les plans risquent d'être chamboulé avec l'orage qui s'annonce.
A bientôt !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top