Liban claque la porte avant et démarre la voiture en trombe. Mon souffle se bloque dans ma poitrine et mon dos se plaque brusquement contre le siège.

- Stop ! Je cris en me penchant en avant.

Les pneus crissent et je tombe sur le côté. Le cœur au bord des lèvres, je me redresse au milieu du rugissement du moteur et de l'odeur écœurante de caoutchouc, les sens en ébullition, la vapeur qui monte en moi d'un coup. Je suffoque. Qu'est-ce qu'il se passe ? Ash jure.

- On va où ? Il s'époumone pour couvrir le bruit du moteur ? Pourquoi vous nous emmenez ?

Devant, Liban nous jette un rapide coup d'œil et enfonce la pédale d'accélérateur. La voiture vrombit.

- Mettez vos ceintures, ça va durer un moment !

Quoi ? Je me rue contre la portière pour abaisser précipitamment la poignée, mais elle est verrouillée ! Je me sens de plus en plus oppressée. Je peux pas rester là-dedans !

- Ouvrez !

- C'est une voiture, du calme ! Explique Analya en se tournant vers moi. C'est comme l'hélicoptère, mais au sol. Respire profondément, il n'y a rien à craindre.

Un regard sur le côté me confirme le contraire. Les champs défilent à toute vitesse sur les côtés, trop vite pour que je distingue même le vent balayer les plantations. Et je n'ai aucune contrôle sur cette vitesse. La voiture souffle et grince tout autour de moi, emplit ma tête de milliers de bruits insupportables. Où on va ? Pourquoi je suis là dedans ? On nous a poussé dans cette machine sans aucune explication !

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je grogne en m'accrochant à la portière de toutes mes forces. Vous avez retrouvé Kallol ? Où on va ?

La vitesse augmente encore et mon repas remue désagréablement dans mon estomac. Un haut-le-cœur me prend. Mon dos est trempé. Le soleil ne s'est pas encore levé et des lumières rouges et blanches fusent sur nos côtés dans l'obscurité totale. Les ombres et la vitesse brouillent totalement mes sens, je n'ai aucun repère. Ma souffle s'accélère. Je n'ai plus qu'une pensée, une seule urgence : sortir ! Je me plaque contre la portière, force sur la poignée et la secoue de toutes mes forces.

- Stop ! Accroche-toi à la poignée et tiens-toi tranquille, m'ordonne Liban. Le trajet va durer une petite heure, n'ouvre surtout pas cette porte !

Je m'accroche déjà à la poignée ! On prend un virage et je rassemble tout mon self-control pour ne pas étaler le contenu de mon estomac dans le véhicule. Je donne des coudes d'épaules de plus en plus acharnés dans la porte sous les cris de Liban, mais elle est reste obstinément close. Je me recule et prends mon élan. Soudain, je chute en arrière sur la banquette. Ash me plaque sous lui, ses pupilles dilatés.

- Tu es folle ! Défonce la porte et tu te suicides ! Tu as vu la vitesse à laquelle on va ?!

Groggy par le mal de transport, j' essaye de tirer sur ses mains, mais il me maintient les poignets au-dessus de la tête. Je veux lutter, mais mon estomac est si barbouillé que je sens que chaque mouvement trop brusque risque de me faire vomir aussi sec.

- Lâche-moi, je grogne.

- Tiens-la bien ! Peste Liban.

Le Lion se redresse à califourchon sur moi sans me lâcher les poignets. Ses lèvres se serrent.

- Je te laisserai pas défoncer la porte de ce cheval qui fume de partout. Réfléchis !

- Voiture ! Corrige Analya. Et un peu de respect pour notre Audi, s'il te plait ! Elle ne fume pas autant que ça.

Le ton autoritaire du Lion a le mérite de me faire réagir. De l'eau aussi bouillante que mon agacement clapote dans mon ventre, brûlant mes côtes. Je me redresse à moitié.

- Je vais te dégueuler dessus, lâche-moi !

Il me fixe et se penche vers moi. Je me tends brusquement, mais d'une main, il sort un sac de dessous mon siège et se relève. Je le lui prends brutalement des mains et croise son regard ambré, sombre dans la lumière tenue. Mon cerveau se bloque.

Elle, adossée contre le piano. Lui, collé contre elle.

Un violent mal de tête scinde brusquement mon crâne en deux. J'ai une montée de chaleur. Son odeur si proche empire les choses, m'étouffe, m'empêche de respirer.

- Je peux pas me redresser ! Je tousse. Dégage !

Ses mains se desserrent un peu, mais leur contact me font mal comme s'ils les serraient. Une fièvre déboussolant s'immisce lentement en moi. Je reprends une respiration et mon regard retombe sur lui. Je pourrais le renverser facilement, maintenant. Ses yeux sont dirigés sur moi avec une concentration totale. De la sueur coule de mon front. Un cahot secoue la voiture. Son tee-shirt baille sur sa poitrine. Une mèche retombe sur son front. Ses lèvres fines laissent échapper un souffle qui effleure ma peau. Nos respirations s'accélèrent. Ses mains grillent ma peau.

Elle, adossée contre le piano. Lui, collé contre elle.

Je me dégage brusquement et le fusille du regard en me reculant contre la portière. Il se passe une main dans les cheveux, m'envoie un regard noir et se tourne lentement vers la fenêtre. Je serre les dents et reprends mon souffle.

Frotter un silex contre un silex, ça crée des étincelles.

Ta gueule ! Je me retourne soudain vers Liban.

- Merde, vous allez nous dire où on va ? Je crache.

Je remarque une infime contraction de sa bouche.

- En ville, répond Liban, les yeux concentrés sur la route, malgré un tressautement constant de son pouce sur le volant qui trahit son anxiété.

Il semble avoir l'habitude de gérer ce genre de situation, car rien d'autre sur son visage ne révèle l'ampleur des dégâts que la fuite de Kallol semble avoir engendré.

- Pourquoi vous avez besoin de nous, alors ? Demande Ash d'une voix encore sous tension.

- Pour faire les courses. Réponds Liban. On commence à manquer de lait, de beurre et il faut qu'on achète des légumes et des fruits pour la semaine. Et du poulet.

Quoi ?

- Il rigole, clarifie Analya, on doit aller voir les Voix.

- Nous avons peu de temps, grince Liban, alors nous devons être efficaces. Je ne le pensais pas aussi intelligent, mais il est probable vu notre manque de résultat que Kallol se soit méfié des villes les plus proches et ait décidé de ne pas s'y arrêter.

Je hausse un sourcil. Depuis que Kallol a disparu, Liban a envoyé des équipes écumer les sols et les airs en voiture, à pied ou encore en hélicoptère. Il n'a pas l'air d'avoir eu des résultats concluants. Apparemment, il a décidé de prendre les devants. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Ash se rapproche, les yeux assombris par la colère.

- Vous êtes une centaine à veiller sur cinq personnes et vous arrivez à en perdre une ! Je commence à croire que Kallol a eu raison de s'enfuir...

Analya fronce les sourcils.

- Eh, c'est pas de notre f...

- Si, c'est précisément de votre faute !

- Arrêtez, gronde la voix de Liban. Je n'ai pas besoin de stupides disputes là tout de suite !

Oh, il ne veut pas de dispute ? L'agacement, la frustration et l'incompréhension totale de ces dernières heures pousse un bouchon de plus en plus dur à avaler dans ma gorge.

- Alors dites-nous ce que vous êtes, exactement, pour commencer. Je siffle. Ou plutôt ce que vous nous avez cachés ? Quelque chose qui nous concerne également, ça vous dis quelque chose, non ?

Je n'ai aucune carte en main. Tout de suite après la prise de parole de Liban, nous avons étés consignés dans nos chambres, sans aucun contact entre nous. Nous n'avons pu en sortir que pour être jeté dans cette voiture. Nous n'avons aucune information sur quoi que ce soit.

Et ça commence à me gaver.

________________________________________________________________

Hiiiiii ! So excited to be back ! Ah, je suis trop contente de vous présenter la version finale de ce premier chapitre du tome 3 de Double-âme : Comme la plupart d'entre vous le savent, je travaille beaucoup mes chapitres avant de vous les délivrer et j'ai passé particulièrement de temps à peaufiner celui-là.

Je vous préviens (mais vous devez vous en douter), ce dernier tome est hautement énergique ! Je ne compte pas vous laissez vous ennuyer une seule fois, non non hé hé, ce serait mal me connaitre... ne vous étonnez pas si ça bouge dès les premières lignes de ce livre, c'est un avant-goût de ce qui vous attends, même si bien sûr je vais vous laisser quelques temps de repos (je ménage mes lecteurs !).

Bref, sachez qu'on rentre dans le vif du sujet ! Ce tome est de loin le plus intéressant et profond... ne vous y étonnez pas d'être étonné ! ;)

Allez, au chapitre prochain ! ^^