5 - Les grottes de Castellane




Accompagnés des femmes, Les Rohans parvinrent ainsi à l'entrée des grottes de Castellane, couverts d'une longue cape marine pour cacher les nageoires qui risquaient de les trahir. Ils s'équipèrent d'un masque pour leurrer les gardes ; les Rohans étaient le seul peuple des sept royaumes à ne pas en avoir besoin dans les eaux profondes de l'océan Septentrional. Deux garde-scies leur demandèrent leur blason pour pouvoir entrer en chambre de décompression. Les Rohans, comme leur escorte, disposaient de faux emblèmes Castellans qui leur donnèrent accès à la forteresse. Ils nagèrent dans un long tunnel éclairé de poissons fluorescents puis parvinrent à l'une des chambres de décompression. Gondebaud ferma la porte étanche avec l'aide de son frère et tous s'agrippèrent à la rampe en métal forgé et attendirent que les pompes aspirent l'eau. Les frères retirèrent de suite leur équipement inutile, tandis que les femmes durent attendre que la pièce entière soit à l'air libre, pour pouvoir respirer. Dégoulinants, Évrard et Gondebaud regardaient les trois étrangères qui les avaient sauvés : deux d'entre elles étaient très élancées et athlétiques, tandis que la troisième, ne dépassait pas l'épaule de Gondebaud.

—   Akerys ou Walsh ? lança Évrard, un peu brutalement, tandis que ses nageoires de Rohans se rétractaient.

—   Akerys !  répondit tout haut Gondebond reconnaissant le visage et surtout la chevelure auburn qu'il avait vus sur un portrait de la maison Akerys.

Aussitôt, deux dagues se placèrent sous leur menton. Les deux plus grandes femmes les obligèrent à s'agenouiller devant la troisième.

—   Messieurs de Rohans, nous sommes nous déjà croisés ? Personne ne peut facilement reconnaitre Les Akerys des Walshs... prononça la plus petite, loin d'être déstabilisée.

—   Non, s'étrangla Gondebaud. Et excusez mon frère pour son impolitesse. Nous vous devons la vie et vous en remercions. Nous sommes Évrard et Gondebaud de Rohans. Je me rappelle avoir vu votre portrait lors de l'un de mes passages au domaine d'Amalius. Miss Jessica, si je ne me trompe ?

La jeune Akerys se remémora à son tour les gravures des héritiers des sept royaumes.

—   Enchantée, répondit-elle en faisant signe à ses gardes du corps de les laisser tranquilles. Devant, elle reconnaissait les héritiers de la maison des Rohans.

—   Nous ferez-vous l'honneur de partager le souper avec nous ? se risqua Gondebaud.

Jessica l'étudia, cherchant la moindre trace de duplicité sur son visage, mais elle n'y trouva que des traits droits et souriants.

—   Et bien c'est une affaire conclue, messieurs. 

Un peu de piquant et d'inattendu étaient loin de déplaire à la jeune Akerys qui cherchait à fuir ses pensées par tous les moyens qu'elle trouverait.

Ils se séparèrent vers leurs chambres de rechange respectives. Jessica échangea une bourse pleine de perles pour un lot de trois robes sèches. Elle opta pour des fabriques sobres qui n'attireraient pas trop l'attention. Les hommes quant à eux, achetèrent pour un litre de krill, une tunique passe-partout. Séchée, changée et coiffée, Jessica sortit dans le tunnel sous-marin principal, escortée de ses deux gardes. Elle retrouva Évrard et Gondebaud qui les attendaient un peu plus loin. Sous leur vêtement, personne ne pouvait deviner qu'il s'agissait de Rohans. Elle détailla la mâchoire triangulaire de Gondebaud et son regard croisa le sien. Elle se sentit transpercée par ses yeux clairs et l'espace d'un instant, se sentit déshabillée. Gondebaud s'amusa de ses boucles récalcitrantes, encore un peu humides. Il lui sembla voir des reflets roux sur une ou deux mèches sèches.

Les Rohans escortèrent les Akerys jusqu'au restaurant de la taverne. L'endroit était assez obscur mais il avait été agrémenté de méduses fluorescentes pour tamiser la pièce. Ils échangèrent des banalités pendant le repas et l'alcool aidant, firent rapidement connaissance. À l'aise, Gandebaud se confia :

—   Nous avons trouvé des traces de sassandres au plateau bleu.

Les yeux marron de Jessica s'arrondirent d'inquiétude.

—   Elles auraient réussi à passer le canal d'Avilone, selon vous ?

—   Oui, je ne vois que cette explication, répondit Évrard.

—   Bien, dans ce cas, nous irons inspecter le canal demain !

—   Miss Jessica, je ne pense pas que cela soit prudent. Votre père s'inquiéterait sans doute de vous savoir seule en dehors du domaine, qui plus est à proximité de la mer de Lorimée, intervint le frère.

—   Mon père n'a que faire de mes allées et venues, Sir Gondebaud !

—   Gondebaud, simplement ! Son sourire lui donna des palpitations comme elle n'en avait jamais ressenties auparavant.

—   J'ai du mal à imaginer Turold Akerys ne pas se soucier de son héritière, mais quoi qu'il en soit et quel que soit votre rang, il n'est pas prudent d'aller au canal.

—   Gondebaud... Je n'ai besoin de l'autorisation de personne et il me semble que cet après-midi, vous étiez plus en difficulté que nous, est-ce que je me trompe ?

Un rictus amusé se plaça aux coins des lèvres du Rohan. Il la trouvait délicieuse.

Une serveuse-chat dotée de huit barbillons amena de la liqueur de baleine et en versa dans chacun des verres.

—   Vous pouvez laisser le pichet, lança Évrard en rattrapant le récipient.

À travers le hublot, Gondebaud reconnut un banc d'hommes-clowns de Castellane en train de surveiller les environs.

—   La mer se réchauffe. Les hommes-clowns se reproduisent de plus en plus, constata-t-il.

—   Oui, nous avons aussi observé des changements dans nos populations d'Amalius.

Si les sassandres ont trouvé un passage, il va falloir unir les forces des sept royaumes pour de bon, sinon nous sommes perdus ! Il parait que leur chant peut désincruster les tridents de leur réceptacle ? interrogea Jessica.

—   J'en ai bien peur.

Ils regardèrent à travers le hublot le trident de Castellane soigneusement à l'abri dans son pied de diorite et des frissons les parcoururent.

—   Les castellans sont plutôt neutres ; en cas de guerre avec les sassandres ils nous rejoindraient sans problème, affirma Gondebaud.

—   Oui, les Akerys, les Walsh et les Rohans pour la vie ! ajouta Évrard, en enfilant son verre tout en détaillant les formes de la garde Akerys qui se trouvait proche de lui. Gondebaud désapprouva son frère du regard tandis que la serveuse-chat apportait le plat de résistance.

—   Mais pour les Blonays et les Deminicis, c'est une autre histoire, reprit Gondebaud.

—   Il n'y a plus de problème avec les Deminicis, confia Jessica.

—   Ah bon ? Et pourquoi cela ?

—   Mon père et les prêtresses Manta ont décidé de me marier avec Liétald ! ses yeux s'assombrirent.

—   Cet ignoble... il s'interrompit. La dévisagea. Sentit sa détresse. Une femme de sa qualité ne se comparait en aucune mesure avec une brute sans aucune moralité telle que Liétald...

—   Sur un plan purement politique, je peux comprendre, finit-il par admettre. Mais je doute que les Deminicis puissent conserver une alliance sur le long terme, même avec un tel mariage.

Il approcha sa main de la sienne, effleura ses doigts pour la réconforter et planta ses yeux dans les siens. Ils brillaient d'une intensité bouleversante qui mit Jessica mal à l'aise.

—   Bon, et qu'est-ce que vous faites de ces lézards de Blonays ? lâcha Évrard, complètement ivre.

—   Si nous unissons les Akerys, les Walshs, Les Deminicis, Les Rohans et les Castellans, les Blonays n'hésiteront plus, réfléchit tout haut Gondebaud.

Évrard s'effondra sur son assiette. Gondebaud adressa un regard navré à Jessica.

—   Je vais ramener mon frère à sa chambre. Puis s'adressant aux deux grandes femmes athlétiques : Prenez soin de votre dame. Je reviens.

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