4 - Le trou aux mérous


Inquiets de leur découverte, les frères Rohan décidèrent de se séparer en deux groupes. Quentin et Raybaud rentreraient à la fosse de Windsor pour prévenir leur père de l'incursion des sassandres dans le royaume, tandis qu'Évrard, l'ainé, et Gondebaud continueraient leur expédition jusqu'au canal d'Avilone.

Ces derniers partirent en papillon en direction du trou aux mérous puis alternèrent avec la brasse, moins rapide mais plus discrète, pour ne pas alerter les Blonays, une peuplade particulièrement belliqueuse. Sans doute paranoïaques, ils avaient ce sentiment désagréable d'être épiés. Ils parvenaient au détour du fameux tombant aux mérous, cette paroi verticale qui plongeait à plus de soixante mètres. Ses récifs étaient réputés pour abriter de nombreux poissons pélagiques comme les raies aigles, les napoléons et les requins marteaux. Alors qu'ils se trouvaient à la verticale du tombant, quatre écuyers attelés sur des orques surgirent en contrebas. Leur peau verte écaillée, caractéristique des citoyens Blonays scintillait comme une armure dans les abysses sombres. Munis de masques à oxygène, les Blonays portaient des tridents particulièrement affutés. Les Rohans esquivèrent de justesse les cétacés qui avaient foncé sur eux et revenaient à la charge. Gondebaud et Évrard bien qu'agiles et forts, n'étaient pas aussi rapides que les mammifères. Lorsque le premier épaulard fut suffisamment proche, Gondebaud lança son kriss en visant le cou de l'écuyer. Touché, le Blonay tomba de la monture et l'orque, libéré du harnais changea de proie et croqua l'écuyer.

Tout se déroula très vite. Évrard rata sa cible. L'animal allait le happer, mais quelque chose le tira par le bas suffisamment promptement pour éviter l'épaulard. Une silhouette, elle aussi munie d'un masque de respiration venait de lui sauver la mise. Évrard n'eût pas le temps de l'observer davantage, car les montures, gigantesques, étaient de retour. À ce moment précis, trois harpons atteignirent les mammifères en plein ventre. Apparemment empoisonnées, les orques succombèrent presque de suite, dans un mouvement de queue qui éjecta leurs cavaliers. Alors trois femmes, aux formes soigneusement enveloppées dans une combinaison noire moulante, se dirigèrent vers les Blonays survivants, armées d'un fusil de chasse sous-marine, et d'un carquois de flèches de rechange. Leur combinaison disposait d'un appendice de respiration intégrée et d'une réserve d'air. Elles se jetèrent sur les trois écuyers, coupèrent leur masque au couteau et les laissèrent se noyer. Les Rohans détaillèrent alors les femmes qui venaient de les secourir. Leurs jambes longues et fines, sans nageoires, évoquaient celles des Akerys ou des Walshs. Sous leur masque, de grands yeux marron les dévisageaient tout autant.

Les frères Rohan les remercièrent en gestuelle des sept royaumes et leur indiquèrent qu'ils se rendaient à l'auberge des Carassins pour renouveler l'air. Qu'elles soient Walsh ou Akerys, comme eux, les femmes auraient besoin d'une halte pour recharger leur réserve d'air. Ils se dirigèrent ainsi tous les cinq, en direction des grottes de Castellane, en terre neutre, où se trouvait l'auberge.

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