3. Mark (ou le début des ennuis)
Samedi 2 juillet
Cher Kyle,
Aujourd'hui, c'était le jour du départ.
Et, j'attendais impatiemment Morgane.
Elle m'avait dit qu'elle serait un peu en retard, car elle avait un petit imprévu, une sorte de surprise de dernière minute.
Alors, ce matin, je tournais en rond dans mon salon en me demandant ce que pouvait bien être cette surprise.
On sonna à ma porte.
J'étais toute contente et plus prête que jamais.
Pour te donner une vague idée, j'avais laissé mes longs cheveux noirs onduler en vagues dans mon dos.
Je portais mon short taille haute, mon fameux débardeur jaune et mes grosses lunettes de soleil qui cachaient mes yeux, eux-aussi noirs comme tu le sais.
Oui, je suis au courant que l'Écosse n'est pas réputé pour son soleil éclatant, mais je démarre toujours l'été avec une tenue estivale, beau temps ou non.
C'est une question de principe.
Je me suis donc précipitée à la porte.
Et, là, je suis tombée nez à nez avec un garçon vraiment, mais alors vraiment, très beau.
Il était grand avec des cheveux châtains presque blonds, des yeux d'un bleu magnifique et une paire de lunette de soleil d'aviateur au sommet de son front. L'archétype du parfait surfeur.
Ça ne me gêne pas de te le raconter, Kyle, puisque même quand nous étions ensemble, nous nous parlions de ce genre de choses. On sait, toi et moi, que l'on peut reconnaître la beauté chez quelqu'un d'extérieur et être toujours irrémédiablement amoureux l'un de l'autre. Du moins, on le savait.
Bref, tu n'as pas de souci à te faire de ce côté là.
Mais, il est important que tu saches qu'il était beau. Parce que, vois-tu, ça m'a tout de suite sauté aux yeux.
Et, comme à mon habitude dès que je vois un garçon mignon, je deviens totalement stupide. Quelque chose dans mon cerveau doit, tout à coup, être déconcentré de son travail et, pouf, il y a un court-circuit.
C'est à peu près ce qui s'est produit à ce moment là.
J'ai tout de même réussi à conserver ma dignité en lui disant bonjour et je me suis tournée vers Morgane.
- C'est qui ?
- Je te présente Mark, mon cousin, et voici Dylan, son meilleur ami, dit-elle en m'indiquant de la tête un garçon brun plutôt mignon lui-aussi qui se tenait à côté d'elle. Ils viennent avec nous, ajouta-t-elle.
À ce moment là, le court-circuit provoqué par ce Mark fut remplacé par un autre causé par une pure incompréhension.
- Hein ? m'écriai-je.
Mark passa alors à côté de moi sans m'adresser une parole, et il rentra dans la maison que je partageais avec mes parents.
- Je t'en prie, entre, fais comme chez toi surtout, maugréai-je.
Il sourit en s'installant tranquillement dans mon canapé.
Je pris alors Morgane par le bras et l'entraîna un peu plus loin à l'extérieur sur le côté de la maison.
- Morgane, tu peux m'expliquer ?
- Mon cousin m'a présenté son ami, Dylan, avant-hier. Et, j'ai totalement flashé sur lui !
- Mo', nan... commençai-je.
- Laisse-moi finir ! Et, donc, j'ai un peu eu le temps de parler avec lui, il a l'air vraiment cool, tu sais. Ensuite, j'ai appris que lui et Mark voulaient partir en road trip ensemble pendant les vacances, mais ils s'y prenaient à la dernière minute, ils n'avaient rien organisé. Et là, je leur ai dit « Hé, mais moi j'ai une meilleure pote qui a planifié tout un voyage en Écosse, vous n'avez qu'à venir avec nous ! ». Et, ils ont dit oui !
On est arrivé en retard, le temps de réserver quelques billets supplémentaires. Tout est arrangé, je t'en prie, dis oui !
- Mais, Mo', je ne les connais pas, je ne sais vraiment pas là...
- Mais si, tu connais Mark !
- Alors là, pas du tout. Je me souviens d'avoir rencontré ton cousin une fois à l'anniversaire de tes dix ans. Je l'ai vu trois secondes, il avait treize ans et un appareil dentaire. Je ne dirais pas que je le connais.
- Bon, ben, moi, je le connais et il est très sympa. Ça ne nous fera pas de mal d'avoir mon cousin pour veiller sur nous, au cas où. Et puis, il vient d'avoir 21 ans, il est majeur en Écosse, il pourra nous payer des bières. Oh, allez Mel', fais ça pour moi, je le sens bien avec Dylan. Et puis tu m'avais dit que tu étais prête pour sortir et t'amuser de nouveau !
Je réfléchis quelques instants.
Morgane et moi n'avions que 17 ans. Elle n'avait pas tout à fait tort dans ses arguments.
Ma meilleure amie me regarda avec ses deux grands yeux noisettes implorant ma pitié, ses cheveux fraîchement teints en violet flottaient au vent.
Oh, et puis zut.
Elle avait raison. Il fallait vivre !
Qu'est-ce qui pouvait arriver de mal ?
- C'est ok, Mo', mais tu paieras la première bière.
- Merci, merci, merci !
- Bon, les filles, on s'arrache ou quoi ? intervint Mark.
Lui et Dylan étaient revenus vers nous.
- Je vais chercher ma valise, répondis-je.
Dylan m'offrit immédiatement son aide et je vis Morgane, au comble de la joie, qui bavait presque devant lui.
J'allais quasiment éclater de rire en voyant son air béat, quand Mark se tourna vers Dylan.
- Je pense qu'elle est capable de porter sa valise toute seule, nan ? lui dit-il avec un petit sourire suffisant que, j'avoue, je trouvais absolument irrésistible.
Aussitôt, je me sentis rougir. Je me serais giflée si j'avais pu.
Dylan lui-aussi semblait gêné.
- Je vais la porter, oui. Mais, merci Dylan d'avoir proposé ton aide. Toi, tu es gentil, dis-je en regardant Mark droit dans les yeux.
Je commençais à le trouver un peu irritant, ce Mark.
Nous poursuivîmes donc notre petit bout de chemin. Nous allions à pied jusqu'à un arrêt de bus.
Les garçons étaient devant nous, ils discutaient tranquillement, et Morgane et moi étions un peu plus loin derrière eux.
Nous regardions toutes les deux droit devant quand Morgane poussa un long soupir.
- Il est beau, hein ?
- Oui, répondis-je simplement.
- Dylan, hein, pas mon cousin ! s'écria-t-elle hilare.
- Oui, Mo' ! Dylan ! rétorquai-je interloquée.
L'intéressé se retourna, bien-sûr, immédiatement vers moi.
J'étais sûrement rouge comme une tomate et Mark affichait un énième sourire condescendant.
- Non, rien, minauda Morgane.
Mark repris son chemin d'un air moqueur.
En fait, non, je ne le trouvais pas seulement un peu irritant, je le trouvais carrément insupportable.
Je venais à peine de le rencontrer, c'est vrai.
Mais, il avait l'air du genre à avoir parfaitement conscience de sa beauté.
On aurait dit qu'il savait pertinemment que toutes les filles étaient à ses pieds, moi y comprise.
Ce n'était peut-être qu'une mauvaise première impression.
Mais, il renvoyait vraiment l'image du beau gosse infernal et prétentieux dans toute sa splendeur.
J'allais passer trois semaines avec Morgane et son crush du moment, elle allait sûrement être insupportable avec ça et, s'ils finissaient ensemble, ils allaient l'être tous les deux.
Sans oublier Mark que je devais absolument éviter sinon je sentais que j'allais gonfler son ego, et Morgane penserait que je draguais son cousin par dessus le marché.
Je n'étais de toute façon pas du tout prête pour une nouvelle histoire, mais je sentais que j'allais passer les prochaines semaines à essayer d'en convaincre tout le monde.
En bref, je voyais les vacances qui se profilaient à l'horizon et j'avais presque envie de m'enfuir et de retourner à mes bouquins de maths. Presque.
Nous arrivâmes finalement à l'arrêt de bus et, après quelques péripéties que je ne prendrais pas la peine de préciser, à l'aéroport.
J'ai tout de même réussi à me ridiculiser, une nouvelle fois, durant le trajet.
Nous étions à l'entrée de l'aéroport et je m'apprêtais à en franchir le seuil d'un pas décidé quand mon nez fut violemment arrêté par une plaque de Plexiglas.
Oui, je me suis prise la porte vitrée dans la figure.
Dylan et Morgane se sont précipités vers moi, l'air inquiet.
Et, Mark, me regardait toujours comme si j'étais une gamine un peu gauche.
Je ne saurais dire quelle réaction m'a le plus énervée.
Une fois remise de mes émotions, Morgane et moi échangeâmes un vrai fou rire.
J'avais tout de même laissé l'empreinte de mon nez sur la vitre.
Nous parvînmes à rentrer dans l'avion et j'eus une drôle de sensation.
Je n'aimais pas l'idée de quitter la terre ferme en temps normal, mais cette fois, un mauvais pressentiment me tenaillait l'estomac et me donnait presque la nausée.
J'espérais de tout cœur que je n'allais pas me la jouer comme dans Destination Finale.
Je t'en parle, Kyle, mais ce n'était sûrement pas grand chose.
Quoi qu'il en soit, j'ai passé un assez mauvais trajet et j'étais plus soulagée que je ne pourrais l'admettre en atterrissant.
Notre arrivée en Écosse se fit sous une pluie torrentielle.
Néanmoins, la température était assez douce.
Nous débarquâmes à notre hôtel. Il s'agissait en fait d'une chambre d'hôte.
C'était un magnifique château de style médiéval, austère et imposant. L'image parfaite du château hanté.
J'adorais ce style que je trouvais très pittoresque, mais à voir l'expression de Dylan, les fantômes n'étaient pas au goût de tout le monde.
Nous disposions, Morgane et moi, d'une belle chambre, orientée plein sud, meublée à l'ancienne et garnie de jolies tapisseries, ainsi que d'une salle de bain attenante.
Les garçons avaient la même pièce que nous, un peu plus loin, sur la façade nord du bâtiment.
Les repas étaient servis par nos hôtes dans la salle à manger à l'étage du dessous.
J'étais très contente de l'ambiance typiquement écossaise de ce château.
Au vu de la météo, nous n'aurions pas pu nous balader tous les jours, mais, au moins, nous pouvions nous rabattre sur l'exploration du château.
Je déposais mes affaires dans la chambre sans prendre la peine de défaire mes bagages et je filais aussitôt découvrir les longs couloirs sombres de la propriété.
Nous étions à Inverness dans les Highlands.
Le château était situé tout près de la rivière Ness. Il n'était pas non plus très loin de la mer du Nord et des nombreux lochs, ces lacs disséminés dans la campagne écossaise.
La ville n'était pas très touristique, elle nous permettait de découvrir une Écosse plus authentique, et aussi de vrais pubs écossais.
Depuis la façade nord du château, on avait une superbe vue sur la rivière.
On aurait presque pu entendre le roulis de l'eau sur la roche.
Au sud, on pouvait admirer les imposantes montagnes.
Je poursuivais mon exploration de la propriété quand, tout à coup, au détour d'un couloir obscur, je sentis à nouveau cet affreux pressentiment qui m'avait déjà perturbé dans l'avion.
Il était de plus en plus fort.
Je cherchais une explication à mon malaise. J'étais peut-être tombée malade à cause de l'humidité ou j'étais angoissée par l'atmosphère mystique de ce pays.
Pourtant, je sentais que mon mal-être ne venait pas du château ou des légendes écossaises qui, au contraire, me fascinaient.
J'avais le sentiment que quelque chose n'allait pas.
Je me glissais dans une sorte de petit boudoir et passais la tête par la fenêtre pour avaler un bon bol d'air.
Ça ne parvînt pas à me calmer, au contraire, j'étais de plus en plus inquiète.
J'avais l'impression que les nuages noirs au-dessus de ma tête étaient lourds et qu'ils m'étouffaient.
Je devenais peut-être claustrophobe à cause de ce ciel couvert.
Soudain, une forme noire et immense s'abattit sur moi et m'attira en avant.
Je manquai de tomber à la renverse.
En me débattant, je hurlai, j'essayai de m'agripper au rebord de la fenêtre, en vain, j'étais trempée par la pluie.
Mes mains n'accrochaient pas sur les pierres mouillées.
J'attrapai enfin quelque chose. J'essayais de me soulever en m'y agrippant quand ma prise lâcha soudainement et des plumes noires gluantes me restèrent dans les mains.
C'était un oiseau qui essayait de me tuer ? Impossible.
J'entendis des pas dans le couloir.
La force qui m'attirait vers le vide me relâcha d'un seul coup et je m'affalai alors de tout mon long sur l'épais tapis de soie rouge.
Mark et Dylan arrivèrent dans la pièce et me trouvèrent étalée sur le sol.
- Qu'est-ce que t'as encore fait ? me demanda Mark.
- Je... je ne sais pas... bégayai-je encore toute tremblante, je crois qu'un oiseau ou... non... quelque chose de noir et de... J'allais tomber... Je... Avec des plumes...
- Là, calme-toi. Dylan, tu peux aller chercher Morgane, s'il-te-plaît ? intervint Mark.
Dylan partit en courant, trébuchant presque sur les tapis.
Je devais avoir une sacré mine.
Mark se pencha vers moi, inquiet.
- Assieds-toi et raconte-moi ce qui s'est passé.
Je m'assis sur le premier fauteuil à ma portée.
- Ne me donne pas d'ordre, je n'aime pas trop ça.
- Bon, ben, tu n'es pas si traumatisée que ça on dirait, marmonna-t-il.
Je l'ignorai et repris doucement mes esprits.
- Je crois qu'une sorte d'oiseau a essayé de m'attirer dehors. J'ai faillit basculer.
- Un oiseau ? répéta-il.
Il me regardait comme si j'étais dingue.
Morgane déboula dans la pièce, suivi d'un Dylan très essoufflé.
Mark s'éloigna de moi comme s'il s'était brûlé. Je pris conscience seulement à ce moment-là qu'il avait posé sa main sur mon épaule.
Morgane s'assit à côté de moi.
- Alors, Mel', ça va ? Il paraît que tu es livide.
Je regardais Dylan qui se dandinait d'un pied sur l'autre.
Il avait l'air de vouloir regarder dans tous les coins de la pièce, sauf dans ma direction.
- Hum. Non. Je ne suis pas livide, je vais bien. J'ai été attaqué par un oiseau de proie ou un animal du genre. Je vais aller me coucher, d'accord ?
Et, tu vois Kyle, je les ai laissé là, interloqués, et je me suis enfermée dans la salle de bain où je suis en train de t'écrire.
À l'heure qu'il est, ils doivent sûrement parler de moi comme d'une folle ayant des hallucinations.
Kyle, je ne peux le confier qu'à toi, je crois que cet animal était un peu plus qu'un simple oiseau.
Il était plus fort qu'un aigle ou qu'un vautour.
Il aurait pu m'emporter s'il l'avait voulu et, je ne suis pas obèse, mais je ne suis pas non plus un poids plume.
Mais surtout, il n'avait pas l'air de vouloir me manger, comme un rapace attaquerait sa proie. Il voulait me faire tomber.
Dans la panique, je n'ai pas vu à quoi il ressemblait.
Il avait des plumes, c'est vrai.
Mais, il était tellement gros, et il n'avait pas la forme d'un oiseau.
Je ne sais pas ce qui se passe, Kyle, mais je sens que quelque chose de terrible va arriver.
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