14. La Première Leçon (ou ne pas pouvoir échapper à ses cours d'histoire)

Je jetai un coup d'œil à mon emploi du temps.

La première semaine était dédiée aux matières obligatoires uniquement.
Les options et les clubs n'ouvraient qu'au bout de la deuxième semaine.
Le temps nécessaire aux étudiants pour peaufiner leurs choix, j'imagine.

Cinq minutes de course dans les couloirs plus tard, j'arrivai enfin devant la salle C6 où devait se tenir mon premier cours.
J'étais un bon quart d'heure en retard.

Je frappai finalement à la porte et entrai dans la salle de classe.

- Mademoiselle Pearl ! On ne vous attendez plus.

Un peu étonnée d'être appelée par mon nom de famille dans ce lieu inconnu, je découvris en face de moi une femme d'une quarantaine d'année qui me scrutait de la tête au pied au-dessus de fines lunettes en demi-lune.
Elle était plutôt jolie avec ses cheveux châtains attachés en queue de cheval et son tailleur gris strict.
Adossée à son imposant bureau, un livre à la main, face à une salle remplie de jeunes étudiants, elle faisait très... professorale.
Si on exceptait sa queue de phoque, bien sûr.
Ses nageoires tapotaient, en effet, tranquillement le pied droit de son bureau tandis qu'elle parlait.

- Vous pouvez prendre la place à côté de Mademoiselle Welowski. Tous vos livres de cours vous y attendent.

Je m'assis rapidement à l'emplacement indiqué, les yeux de toute la classe braqués sur moi.

J'étais à côté d'une petite blonde très concentrée que j'avais de toute évidence dérangé dans son cours.
Je m'employais alors à ne plus émettre le moindre son, estimant m'être suffisamment faite remarquée pour la journée.

- Bien, je reprend, poursuivis la professeure, je vous ai résumé en quelques mots comment les anciens ont édifié notre superbe cité. Mademoiselle Pearl, vous devrez rattraper ce chapitre. Maintenant, nous allons aborder les premières légendes qui sont à la base de notre société.

Je me rappelai alors que le cours de la salle C6 était celui d'Histoire du Monde Myhtique.
Ça promettait au moins quelques éclaircissements sur ce monde étrange.

- Avela vous a normalement déjà raconté quelques bases à votre arrivée.
Vous savez donc ce que sont les selkies, les sirènes et, bien sûr, les humains.
Mais reprenons rapidement quelques points si vous le voulez bien.
Au commencement des temps, les trois dieux créateurs engendrèrent chacun leurs peuples, n'est-ce pas ?
Ils vécurent alors en paix et en bonne intelligence, certes, mais cela ne dura qu'un temps seulement. Notre monde a connu bien des tourments et bien des conflits.
Dans ce cours, nous détaillerons les différentes périodes de l'Histoire et leurs guerres.
La première période s'appelle l'Eden, les dieux venaient alors de surgir du néant et de créer leurs races. Trois peuples cohabitait en paix et en harmonie. Cette période s'étend sur un siècle entier.
Nous appelons la seconde période la fournaise. Car la guerre était si violente et le chaos si total, que la terre, en sang, était un brasier permanent. Nous ignorons les causes précises de ce départ de feu, mais ce qui est certain c'est que la paix fut rompue définitivement. Plusieurs théoriciens se sont penchés sur les vestiges de cette époque et ont cherché des explications.
L'une des plus plausibles serait que les dieux, las de leurs créations, se seraient retirés du monde, comme endormis. Abandonnés de leurs pères et sans surveillance, les esprits se seraient vite échauffés.
Cette théorie explique aussi pourquoi les dieux ne sont plus présent physiquement sur Terre, mais seulement sous la forme d'une présence intangible, d'une force de la nature visible notamment lorsque nos magiciens selkies utilisent leurs pouvoirs pour contrôler la mer. D'autres scientifiques avancent l'hypothèse d'une baisse des ressources, un manque d'eau ou de nourriture a dû obliger les peuples à partager et on sait à quel point les êtres vivants aiment cela.
Une autre théorie est qu'un accroissement de population engendré par le merveilleux siècle d'Eden aurait conduit la Terre à sa perte. Toujours est-il que la fournaise s'étend sur plus de douze millénaires de famine, de maladie, de bataille et de terreur.
Impossible de tenir une race plus responsable qu'une autre, les trois peuples étaient d'une sauvagerie inconcevable.
Vint ensuite une période intermédiaire appelée la brume. Car comme le voile brumeux qui s'étend sur la mer, elle démontre du calme qui règne avant la tempête.
Durant cinquante ans, la guerre cessa peu à peu. Les morts étaient trop nombreux et, dans leurs haines, les trois races avaient compris qu'elles courraient à leur perte. Elles ne se souvenaient même plus des raisons qui les avaient poussé à la boucherie.
Les selkies, plus vulnérables encore que les autres races, avaient été les plus touchées. Ils ne disposaient que de peu de défenses et n'étaient réellement à l'aise que dans le milieu aquatique.
Les sirènes, elles, étaient armées de leur serres puissantes, elles se déplaçaient dans le ciel et se posaient également à terre.
Les hommes redoublaient d'imagination pour se créer un arsenal et pouvaient atteindre facilement terre, mer et ciel.
Les selkies savaient forger, elles se défendaient bien, mais à la fin de la fournaise, leur race étouffait lentement comme un poisson hors de l'eau.
Voilà pourquoi, nous sommes aujourd'hui le peuple le plus pacifique, nous voulons à tout prix éviter une guerre, nous sommes les mieux placés pour savoir quel en est le prix.
Cependant, après l'accalmie de la brume, la guerre ressurgit.
Cette fois, elle fut provoquée par les humains qui, ne se battant plus contre les sirènes et les selkies, cherchaient d'autres querelles. Orgueilleux, ils s'étaient mis en tête que si tout les peuples de la terre s'alliaient, ils seraient plus puissants que ces dieux qui les avaient abandonné.
Hélas, l'union tant espérée ne déboucha que sur une tragédie.
Les dieux sortirent vainqueurs de cette bataille qu'on nomme le Grand Cataclysme et vous connaissez les malédictions qui nous lient désormais...

La professeure poursuivit ensuite avec des détails qu'Avela avait déjà abordé à mon arrivée, je l'écoutai alors d'une oreille distraite et regardai la salle autour de moi.

Je reconnus Dylan dans le fond qui écoutait attentivement, mais je ne vis ni Mark ni Morgane.
Nous devions sûrement suivre des cursus séparés.

La blonde à côté de moi me jetait de temps à autre un coup d'œil désapprobateur.
Mon talent pour me faire des amis devait être rouillé.

J'écoutais finalement la suite du cours même si un mal de tête commençait doucement à me scier le crâne en deux.

Je n'entendais que des détails sur les différentes manières de faire la guerre au cours des siècles.
Je me dis finalement que le monde humain que j'avais connu jusqu'à maintenant n'était pas si différent du monde que je découvrais.

Des gens déterminés à se battre et des cours d'histoire barbant qui racontent à la nouvelle génération comment les plus anciens s'entretuaient.

La sonnerie retentit enfin, libératrice.

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