12 septembre 2018

— D'accord, donc toutes ces filles ont travaillé pour Sweet dreams agency ?

— Oui. Et elles ont rejoint The Blue Angels of UK il y a trois ans, indiqua Nathan.

— Heureusement qu'on a eu ce mandat. C'est quand même plus simple.

— De toute façon, nous n'avons pas menti. Elles sont potentiellement en danger. Pourquoi ont-elles changé d'agence ?

— Aucune idée. J'ai remarqué que la direction avait changé il y a trois ans justement. Peut-être que leur rémunération a diminué et que les nouveaux patrons sont moins sympathiques, supposa Josh.

— Possible. Maintenant, comment Ruardean a-t-il découvert toutes ces informations ? J'ai vérifié, le site web de Sweet dreams renseigne les pseudos et les photos de l'équipe actuelle. Donc celles qui sont parties, ne sont plus mentionnées. Il a bien indiqué qu'il avait enquêté sur le milieu des escorts ?

Josh consulta ses notes et approuva d'un hochement de tête :

— Ouais, c'est ça.

— Donc, il nous a encore menti. Il a forcément des canaux d'information parallèles, pesta Nathan.

— Il invoquera la confidentialité des sources si on lui pose une nouvelle fois la question.

— Elle saute dans le cas où la vie de plusieurs personnes est en danger. Et il a menti, merde. Je vais demander à ce qu'on nous l'amène.

— Tu ne veux pas d'abord parler à son contact ?

— Non, autant le confronter à ses déclarations bancales. Et je vais lui rappeler que je peux l'inculper pour entrave à une enquête criminelle. Parce qu'il nous empêche clairement de faire notre boulot.

Dix minutes plus tard, Henry Ruardean s'agitait sur une chaise face au regard mauvais de Nathan Cromford. Le journaliste n'en menait pas large. Josh, conscient de la colère de son collègue, débuta le nouvel interrogatoire :

— Bon, monsieur Ruardean, il serait temps de nous dire la vérité. Toute la vérité. Votre tableau, votre carte, toutes ces informations au sujet de ces escorts girls, comment les avez-vous eu ? Ce ne sont pas des renseignements que l'on trouve en accès libre sur internet...

— Une amie de mon contact. Qui travaille pour les deux agences les plus cotées de Londres. Sweet dreams agency et The Blue Angels of UK. Elle a obtenu les noms et les adresses via un fichier interne. Je voulais déterminer, si ma théorie est la bonne, quelles filles étaient susceptibles d'être le plus en danger. Ou leurs clients. Vous avez certainement remarqué que deux d'entre elles habitent Henriques Street. Au moment du meurtre d'Elisabeth Stride, il s'agissait de Berner Street. Mais ça, j'imagine que vous le savez déjà. Deux autres filles louent un studio dans Mitre Street, une dans Goulston Street...

— Et donc ?

— J'ai découvert qui étaient les filles qui se trouvaient avec Hugh Tremelling et Bernie Winckworth avant qu'ils ne se fassent tués.

— Celle qui avait un bracelet avec des petits papillons bleus ? interrompit Nathan.

— Oui. Hugh Tremelling la fréquentait depuis deux ans. Elle vit à Durward Street. Mon hypothèse c'est que le meurtrier cherche une double symbolique dans ses assassinats. Il vise non seulement des hommes d'affaires infidèles mais ils doivent surtout fréquenter des escorts qui vivent non loin des lieux où les cinq victimes canoniques de Jack l'Eventreur ont été retrouvées. Je suis convaincu que c'est très important pour lui. Pourquoi, je n'ai pas encore la réponse à cette question.

— Vous avez aussi la liste des clients de toutes les escorts de Sweet dreams agency et The Blue Angels of UK ? demanda Josh.

— Seulement des filles qui ont quitté Sweet dreams. En fait, les hommes qui les fréquentaient les ont suivi chez Blue Angels. Cette agence a été créée il y a trois ans seulement, par un des anciens associés du patron de Sweet Dreams.

— C'est pour ça que de nombreuses escorts ont changé d'agence au même moment ?

— Oui. Le gars voulait causer le plus de tort possible aux affaires de ses anciens partenaires, répondit Henry.

— D'accord. Vous avez déjà analysé la liste des clients ?

— Non. Enfin, à peine. J'attendais de voir ce que donnerait ma participation à la soirée d'hier.

— Eh bien à partir de maintenant, vous allez abandonner vos recherches. Demandez à votre patron de vous mettre sur une autre affaire. Comme, je ne sais pas moi, le taux de mortalité des écureuils dans Hyde Park. Vous savez que si on parvient à choper le meurtrier, son avocat pourrait obtenir sa libération pour vice de procédure ? Peut-être que vos renseignements vont nous mener à lui, mais ils ont été obtenus de manière illégales, pesta Nathan.

— Sans compter que la fille qui a fourni les informations pourrait être virée si son patron apprend qu'elle a tuyauté un journaliste, renchérit Josh.

— Vous allez me garder en cellule ? s'inquiéta Henry Ruardean.

— Non. Mais selon le déroulement de l'enquête, nous pourrions peut-être vous coller une plainte sur le dos.

Lorsque le journaliste eut quitté le bureau, Nathan soupira :

— Bon, on va demander un autre mandat pour avoir la liste des clients de Blue Angels. En espérant que ce soit accepté.

— Pas de l'autre agence ? s'étonna son collègue.

— Ouais, si, quand même. Mais je pense que les plus riches ont fichu le camp de chez Sweet dreams. Et je crois que notre criminel cible également de très grosses fortunes.

— Résumons. Les prochaines victimes seraient des clients des filles qui habitent non loin des lieux où ont été découverts les corps des victimes de Jack l'Eventreur. Ce sont des hommes riches, tous clients à priori de the Blue Angels agency.

— Et pour le meurtrier, nous recherchons un homme qui bosse, ou a bossé, dans le milieu médical et qui a sans doute un diplôme de chirurgien. Est-ce que tu as une idée du nombre de gars âgés entre vingt-cinq et quarante ans, qui vivent à Londres et qui ont fait de telles études ?

— Beaucoup trop, maugréa Josh.

— C'est pourquoi j'ai une idée. On va se focaliser sur les potentielles futures victimes. Donc les clients qui fréquentent les filles qui vivent à Henriques Street, Mitre Street, Goulston Street, Crispin Street et Commercial street. Franchement, quelle idée d'aller louer un studio, quand on exerce comme escort, dans les rues où a sévi l'Eventreur ? Faut être con quand même. C'est provoquer le destin comme dirait ma grand-mère, déclara Nathan.

Contrairement à ce qu'ils croyaient, le mandat arriva dans la demi-heure suivant leur demande. Et une heure et demie plus tard, les deux enquêteurs reçurent les listings tant désirés.

Après un examen attentif, ils déterminèrent douze victimes potentielles. Mais si le meurtrier suivait à la lettre les actes commis par Jack l'Eventreur, seuls trois hommes subiraient le même sort que les prostituées du dix-neuvième siècle. Nathan et Josh devaient à présent trouver des liens entre Hugh Tremelling, Bernie Winckworth et les douze nouveaux noms qu'ils avaient sélectionnés.

— Compter les cygnes sur la Tamise serait plus simple ! pesta Nathan deux heures plus tard.

Il contempla l'écran de son ordinateur puis son carnet de notes. Internet était peut-être une mine d'or d'informations, il n'avait jusqu'à présent rien trouvé qui puissent relier entre eux les clients de l'agence d'escorts girls.

Josh fixait le mur en face de lui d'un air absent, visiblement aussi découragé que son collègue. Un silence pesant envahit leur bureau jusqu'à ce que Nathan le rompe avec un énième juron :

— Putain, il doit bien y avoir une manière de les relier entre eux tous ces gigolos ?

Le second enquêteur se leva d'un bond, une expression triomphante sur le visage :

— J'ai trouvé !

Puis il croisa le regard sombre de Nathan et se rembrunit aussitôt :

— Non, en fait...laisse tomber.

— Dis toujours. On ne sait jamais.

— Henry Ruardean. Il a sérieusement réfléchis à ces meurtres.

— Tu ne m'apprends rien...maugréa Nathan.

— Ta gueule et écoute-moi. Je pensais qu'on pourrait éventuellement demander à Henry Ruardean d'être notre consultant. Mais...y a toi.

Nathan Cromford dévisagea son collègue, déconcerté :

— Quoi, moi ?

— Henry Ruardean. Tu en as quand même déjà entendu parlé ?

— Euh...non, désolé. Je ne le connaissais pas avant de l'obliger à venir ici.

— T'es sérieux ? Ce gars essaie de faire tout ce qu'il peut pour rendre l'Angleterre plus « gay friendly » que ce qu'elle est actuellement, expliqua Josh.

— Hein ?

— Bordel, tu le fais exprès ? Nathan, ce mec est gay.

— Oh, je vois. Et donc tu penses que je pourrais en profiter pour m'envoyer en l'air avec lui ?

— Ah non, justement. Vu la manière dont tu le fixais, j'aurais trop peur que tu ne cherches à l'assassiner et à balancer son corps dans la flotte depuis le Tower Bridge.

Nathan s'esclaffa :

— Eh bien je vois que tu as une haute opinion de moi ! Depuis le temps qu'on se connait. Plus sérieusement, je pense que c'est une bonne idée. Le gars a l'air d'en avoir dans le cerveau. Putain Josh, j'ai dit dans le cerveau ! Me regarde pas comme ça bon sang !

Josh leva les mains pour protester :

— Oui ça va je ne dirais plus rien. Tu ne le trouves pas mignon, toi ?

— Un mot de plus et je t'étrangle pour de bon.

La dispute des deux amis fut interrompue par l'arrivée de leur supérieur. Ce dernier désigna le bureau couvert de feuilles de papier :

— Alors, ça avance ? Je n'ai pas dérangé toute la hiérarchie pour rien pour avoir votre foutu mandat. J'ai besoin de résultats !

— Certainement, monsieur. Nous y travaillons, répondit calmement Josh.

— Et ?

— Nous envisageons de prendre Henry Ruardean comme consultant.

— Pardon ? Le journaliste qui...non, hors de question ! Vous avez lu les articles que sa feuille de chou a publié au sujet de l'enquête ? Je crois même que c'est lui qui les a écrit. Retournez à vos recherches. Je veux un rapport détaillé dans quarante-huit heures.

La porte du bureau claqua violemment lorsque l'homme quitta la pièce. Plusieurs feuilles s'envolèrent et retombèrent mollement sur le sol. Nathan les ramassa machinalement tandis que Josh le regardait faire en silence. Puis les deux enquêteurs se dévisagèrent, embarrassés.

Le premier éteignit alors son ordinateur, saisit son smartphone et sa veste mais fut empêché par son ami d'aller plus loin lorsque ce dernier comprit ses intentions :

— Ne fait pas ça, Nathan ! Tu l'as entendu ! Ne fait pas ça !

— Ne fait pas quoi ? Je me casse. On a assez bossé aujourd'hui, j'ai le cerveau en compote, j'ai besoin de décompresser.

— Hum...d'accord. Alors...euh...on se voit demain ? demanda Josh.

— Ouais. Et je serai là très tôt. Genre six heures du matin. Il fera plus calme ici pour réfléchir.

— Est-ce que tu vas essayer de contacter Henry Ruardean ?

— Est-ce que j'ai l'habitude d'obéir aux ordres du boss ? répliqua Nathan, du tac au tac.

Les deux enquêteurs s'adressèrent un sourire de connivence. Ils quittèrent ensemble les bureaux de Scotland Yard puis Nathan emprunta la District line de Westminster jusque Earl's Court. Le policier bénit le métro londonien qui, même bondé, lui permettait de pouvoir se passer de voiture pour aller travailler. Et à l'heure où les prix des carburants explosaient, il réalisait une économie non négligeable.

Comme toujours une fois rentré chez lui, Nathan balança ses clés sur la petite table de son salon et jeta sa veste sur l'une des chaises de la salle à manger.

Il s'écroula sur son canapé en soupirant. Il était épuisé mais il n'avait pas envie de passer la soirée seul devant la télé. Quarante minute et une douche revigorante plus tard, le jeune homme vérifia sa coiffure dans le miroir de sa salle de bain. Oui, il avait besoin de se changer les idées. Et quoi de mieux qu'une soirée dans son bar favori ?

Comme toujours, la musique lui explosa les tympans lorsqu'il pénétra dans l'établissement. Il n'y avait pas encore la grande foule. Il était bien trop tôt. Mais Nathan repéra rapidement un homme au physique engageant et qui se déhanchait avec grâce sur la piste de danse.

Josh allait le tuer.

Sauf qu'il s'était montré beaucoup trop sage ces derniers mois. Il était temps de se lâcher un peu. Et tant pis si son collègue le prenait pour un débauché.

Nathan avait décidé de profiter de la vie. Il avait vécu assez de merdes comme ça.

Vers minuit, alors qu'il n'avait pas encore trouvé celui avec lequel il ferait des folies de son corps, l'enquêteur faillit s'étrangler en buvant une gorgée de son mojito. Non loin de l'entrée du bar, il venait d'apercevoir une silhouette qu'il commençait à bien connaître.

Si Josh, leur supérieurs et quelques collègues connaissaient son orientation sexuelle, ce n'était pas le truc qu'il hurlait sur tous les toits.

Nathan s'excusa auprès de celui qui était assis à ses côtés. Il récupéra en quatrième vitesse ses effets personnels au vestiaire et réussit à quitter le bar sans que Henry Ruardean ne découvre sa présence.

De retour dans son appartement, terriblement frustré par le déroulement imprévu de sa soirée, le policier jeta ses vêtements aux quatre coins de sa chambre avant de se laisser tomber sur son lit.

Karma de merde !

Alors qu'il espérait être de retour au bureau détendu, c'est tout le contraire qui allait se produire.

En maudissant le journaliste, Nathan ne cessa de s'agiter sous la couette jusqu'à ce qu'il sombre d'épuisement.


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Sweet dreams agency et  The Blue Angels of UK sont des noms de société fictifs.

Bon bon, nos deux enquêteurs ont de quoi cogiter pour quelques temps...

Et Nathan découvre grâce à son collègue que Henry est ga

Vous remarquerez d'ailleurs la confiance que Josh a en Nathan...MDR Oui je ne suis pas la seule à avoir des tendances de serial killer haha.

D'ailleurs vraie question : le corps d'Henry finira-t-il dans la Tamise ou pas ? Les paris sont ouverts ! 


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