SAGESSE 16 : PAPOTER ENTRE AMIS
SAGESSE 16 : PAPOTER ENTRE AMIS
— Donc tu irais à Ibiza en août ? demande mon père en me montrant le calendrier des vacances de cette année.
— Fin juillet début août, rectifié-je en barrant les dates du calendrier.
Mon père réfléchit un instant.
— Et Océane part une semaine chez Léa dans le sud la première semaine de juillet, c'est bien ça ?
Ma petite sœur assise à côté de moi acquiesce.
— Il nous reste donc mi-juillet et la fin d'août pour caser nos voyages, constate maman.
— On va où ? demandé-je sérieusement sans indices.
Ma mère me sourit, déjà fière de nous annoncer la destination.
— Une semaine à Paris pour une chasse aux musées et deux semaines en Grèce pour se la couler douce.
Je lève mes pouces en l'air. Ça m'a l'air cool.
— Bon bah bonne chance pour tout organiser ! Moi je vais voir mes bites.
Ma sœur lève les yeux au ciel.
— Le langage Milo... gronde ridiculement maman.
Ma famille est totalement fatiguée de moi. Mais on se force encore un peu pour s'aimer d'amour. Ça craint mais c'est véridique.
***
Aujourd'hui, il fait terriblement beau et on est confortablement installé dans le jardin d'Ovide. C'est toujours chez lui qu'on va. Peut-être parce que c'est la plus belle baraque d'entre tous, avec le plus de fenêtres partout.
— Ah la la Tristan lave-toi non ? Tu pues ! lancé-je alors qu'il se roule sa clope du jeudi après-midi.
Le brun lève les yeux au ciel et sent ses aisselles.
— Pas faux.
Comme d'habitude, Camille et Ovide sont les deux qui ont la meilleure hygiène de vie d'entre nous. Ils sont tellement propres qu'ils sentent parfois des eaux de parfums qui leur vont bien. Moi à côté, je dois sûrement sentir la terre et Tristan la poubelle.
— T'exagères, il pue pas tant que ça, remarque Camille en reniflant Tristan.
La discussion sonnerait bizarre aux oreilles des autres. Mais là, tous les quatre assis en tailleur sur l'herbe, ça nous paraît entièrement cohérent.
— Je crois que t'as le nez bouché Camilou !
Ovide sourit.
— Et toi fais pas trop le beau parce que t'as sorti de l'eau de Cologne, rétorque Tristan qui cherche la fausse baston avec Ovidounet.
— J'en mets pas, se défend-il.
— Comment tu fais pour sentir l'eau de Cologne si t'en mets pas ? demandé-je à la recherche de cette réponse fondamentale.
On économiserait pas mal de fric avec sa probable technique spéciale. Mon meilleur ami hausse les épaules.
— C'est parce qu'il te trompe au lit avec quelqu'un qui met de l'eau de Cologne, assure Tristan.
Je prétends un air outré.
— J'osais pas te l'avouer, soupire Ovide en baissant les yeux.
Les deux bruns s'échangent des sourires complices. Si vous êtes intéressés par le brun de leurs cheveux, celui d'Ovide se rapproche dangereusement du noir, tandis que Tristan a un brun qui vire vers le châtain. Il faut vraiment qu'ils arrêtent d'être beau.
— Vous avez un briquet ?
Tristan me passe le sien. Et on papote comme d'habitude, tout en fumant. Même si la clope ne m'apporte plus rien de concret. Ça fait trois ans que je me dis que je devrais arrêter de fumer. Surtout que ça ne me sert à rien. Mais à force de traîner avec des personnes qui fument, la tentation prend toujours le pas. Si on arrête de fumer un jour, ce sera définitivement à quatre, ne même temps.
— On arrête tout ! s'écrie soudainement Tristan.
Je me fige, net.
— C'est quand même dingue que Milo soit le seul mec en couple de la bande, non ? Faut gratter ses secrets !
Mes yeux font un 360. Même si c'est vrai que c'est assez étonnant. Quelques mois auparavant, je nageais tranquillement dans le célibat pendant que les trois autres galéraient dans les vagues de l'amour foireux. J'ai inversé les rôles, pour une fois.
— Tu nous as prankés, souligne Camille.
J'essaye de me défendre. Ovide qui a l'air d'être en forme objecte :
— Je vois pas de quoi tu parles. Ma relation avec Milo n'est pas secrète. Je suis aussi en couple que lui.
J'acquiesce. C'est clair. Est-ce que Tristan a quelque chose à dire pour sa défense sur le coup ?
— Je peux être le parrain de vos gosses ? interroge Camille.
Je lui souffle : « Tu l'es déjà bro. » avant de pincer Tristan qui a l'air amusé par la situation.
— Vous imaginez les gosses de Milo et Ovide ? Le genre d'enfant à écrire de la poésie en crocs sous la lune dans un carton.
— Et pourquoi est-ce que je serais associé aux crocs et au carton ? Je suis plus poétique qu'Ovide, je rappelle.
Ovide éclate de rire, rapidement suivi des deux autres.
— Je suis pas poétique ? Avec toutes mes sagesses et tout et tout ?
Ils n'ont pas l'air d'accord.
— Tu dis que la vie c'est un avocat mec, insiste Tristounet.
Il marque un point.
— Plus que quelques jours avant les résultats du BAC, soupire d'un coup Camille.
C'est tellement hors-sujet que s'en est badant. Je tire une taffe et soupire de stress. J'aurais 11, à quoi bon.
— Grave badant, lâché-je.
— Dépitant, marmonne Tritri' en écho.
— Morbide, ajoute Ovide.
Camille, le rayon de soleil murmure :
— Ça me rend pas mal nostalgique moi.
Alors, je rebondis en sentant des questions me titiller l'esprit :
— La meilleure année du lycée d'après vous ?
— Seconde, assurent Ovide et Camille pendant que Tristan répond un « Terminale ».
— Clairement, la seconde moi, quand on était tous les quatre ensemble, c'était chaud. La collision des bolosses, rappelé-je en soufflant, sourire aux lèvres.
— Le moment inoubliable du lycée ? questionne Camille.
— Quand Marion a pété en cours et que tout le monde a cru que c'était Milo. J'ai encore l'image de sa face horrifiée en tête, raconte Ovide.
J'avoue que c'était drôle à voir, mais pas à vivre.
— La première gueule de bois de Milo le samedi matin, quand il a failli vomir sur la surveillante quand elle nous annonçait l'absence du prof d'SES. C'était énorme. Il a lâché : « j'ai mes règles » en cours et s'est barré dans les toilettes, rappelle Camille en pleurant presque de rire.
— Ah ouais putain je me rappelle ! commente Tristan.
Mauvais souvenir de nouveau. Je me suis tapé trois heures de colle par « manque de respect » envers la surveillante.
Beau gosse n°1 du groupe réplique également :
— Mais le meilleur moment, ça reste quand Milo est resté coincé dans les chiottes à l'intercours, parce qu'il avait plus de PQ et que toutes ses affaires étaient en classe. En plus, la serrure s'était niquée. Ouf que j'avais envie de me laver les mains ce jour-là.
— C'est comme ça qu'on est devenu pote, même si on savait déjà qu'on existait depuis longtemps, remarqué-je.
— Ouais, notre amitié a éclos quand t'as décidé de chier au lycée.
Je me rappelle parfaitement de la tête outrée de Tristan quand je suis sorti des toilettes après qu'on ait défoncé la serrure. Juste avant, il m'avait lancé son paquet de kleenex. Ce jour-là, le brun m'avait sauvé la vie.
— C'était quoi ton meilleur moment sinon ? interroge Ovide intéressé.
Pas besoin de réfléchir.
— Bah quand on a formé le groupe. À la première soirée de l'année, chez Louise. On était tous un peu pote. Mais on a eu notre premier vrai délire ce soir-là. Vous étiez devenu mes potos beaux gosses de la mort qui tue ! Et c'était beau.
C'est tellement rafraichissant et libérateur de se partager ces moments. J'adore. C'est comme un retour en seconde, quand on était encore que des grands collégiens tous juste jetés dans la grande gueule du lycée.
Puis, soudainement, je réalise un truc de dingue :
— Vous m'adorez en fait, constaté-je.
Les trois froncent des sourcils automatiquement, par fierté.
— Hein ?
— Dans chaque souvenir, je suis la star.
— En même temps, t'es Milo, confirme Tristan.
Et ça m'a fait rire. D'un rire franc et étincelant. Parce que parler avec mes amis me fait du bien et qu'un rien me suffit, désormais pour me remémorer à quel point je tiens à cette bande de cons.
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