Chapitre 41

Je suis la clé de notre victoire.

Suivi par ses deux compagnons, Thomas s'était engouffré dans le château en passant par la partie réservée au personnel. Il savait que cet endroit lui permettrait d'accéder aux sous-sols puis d'atteindre le secteur sheikah, dissimulé depuis des millénaires et des millénaires. Grâce à son cœur antique, il percevait le mécanisme activé et pouvait donc se déplacer dans sa direction. Cependant, leur avancée ne serait certainement pas aisée à cause des corrompus qui peuplaient la forteresse et la défendaient. Thomas libèrerait chacun d'eux se dressant sur son chemin. Il lui était impensable de laisser des âmes perdues être utilisées de la sorte. Elles devaient rester auprès de l'Alpha, l'unique entité veillant et protégeant les morts. Ganondorf le défiait ouvertement en exploitant les guerriers défunts et les dragons.

Dans les couloirs adjacents, le petit groupe entendit les cris de leurs alliés qui se battaient, ainsi que les entrechoquements des armes qui crissaient de manière déplaisante. Les combats en infrastructure étaient sans doute la situation la plus difficile à gérer en temps de guerre ; les couloirs étroits offraient une marge de manœuvre restreinte, notamment quand les corps jonchaient le sol et ralentissaient l'avancée. Les trois anciens apprentis entrèrent dans la zone réservée aux provisions des cuisines. À cet endroit se trouvait déjà le cadavre d'une soldate à moitié rongée par la corruption. L'estomac d'Iris se retourna et manqua de rendre le dernier repas qu'il contenait. Jamais elle ne s'habituerait aux horreurs de la guerre... Impossible d'oublier de telles scènes.

Devant eux, trois corrompus apparurent à l'angle d'un couloir, puis ils se précipitèrent dans leur direction en créant leur arme à partir de leur corps de corruption. Thomas fronça les sourcils tandis que sa lance se pointa vers eux.

- Je m'en occupe, assura-t-il avec détermination.

Pendant que son arme fusait sur les trois soldats du néant, Léon s'empara de son espadon puis il conseilla à Iris de prendre son arbalète et de la recharger avec un carreau. Cette dernière affichait un air perdu, son front en sueur attestait de la peur qui la tiraillait et la troublait. Machinalement, elle fit ce que son compagnon lui demandait pendant que Thomas, devant, éliminait leurs ennemis. Iris se dit que, contrairement à elle, ce n'était pas la première fois qu'il participait à une guerre et qu'il découvrait tous ses revers. Avec les motifs singuliers qui parcouraient sa peau, il ressemblait plutôt à un guerrier des anciens temps, appartenant à un peuple disparu.

À peine eut-il fini de libérer les corrompus, des pas précipités et des cris de peur se firent entendre dans le couloir d'où leurs ennemis avaient débouché. Iris sursauta avant de s'arrêter en même temps que ses deux compagnons qui échangèrent un regard inquiet. Tout à coup, des soldats de Panah et d'Aurean se présentèrent à eux, l'air affolé et terrorisé par ce qu'ils venaient de voir.

- Fuy... ! s'écria un homme lorsqu'un jet de flammes puissants sortit du couloir puis recouvrit tous les nouveaux arrivants, leur arrachant des hurlements de douleur insoutenable.

Le sang de la châtaine se glaça face à cette vision infernale. L'air autour d'eux devint brusquement plus chaud, plus étouffant, tant et si bien que les trois jeunes gens reculèrent par réflexe en protégeant leur visage. Au bout de quelques instants, les cris cessèrent ainsi que le feu ardent, dévoilant les corps calcinés qui dégageaient une odeur nauséabonde et insupportable. C'en fut trop pour Iris, ses forces la quittèrent soudainement et entraînèrent sa chute. Léon la rattrapa tant bien que mal puis la tira avec brusquerie pour revenir sur leurs pas en courant.

- Thomas, faut pas rester là ! s'écria-t-il en regardant par-dessus son épaule.

L'androïde acquiesça avant de lui emboiter le pas. Un feu aussi chaud, au sein d'un jet aussi puissant, pouvait endommager sa lance. Avant de tourner sur sa gauche pour rejoindre le quartier des lavoirs, il jeta un bref coup d'œil vers l'arrière et découvrit l'objet de leur fuite : une tête de dragon faite d'un matériau qu'il ne put reconnaître. Le soldat du néant qui la portait arborait une tenue inconnue aux yeux de Thomas qui eut un très mauvais pressentiment à son égard. En particulier car il n'avait encore jamais vu une arme de la sorte, même dix mille ans auparavant.

- Par ici ! leur indiqua Léon en ouvrant prestement une porte en bois d'acajou.

Il y fit entrer Iris puis attendit que Thomas fasse de même pour refermer et placer une table devant. Il pivota ensuite, scruta attentivement les alentours et aperçut une sortie à l'autre bout de la longue pièce. Avant que le château ne soit en possession de Ganondorf, les domestiques rangeaient les habits spécifiques de leur travail ici ou bien les nappes et serviettes servant dans toute la forteresse. Si tous les trois se hâtaient, ils pourraient échapper à l'arme destructive à leurs trousses. Quelque part, dans cette partie du château, d'autres cris d'agonie résonnèrent entre les murs de pierre, accompagnés du rugissement du dragon cracheur de feu.

Sous l'effet de la panique, une force oppressante s'empara du corps d'Iris qui palissait à vue d'œil. Maintenant libérée de l'emprise de Léon, elle émit un cri de peur en reculant d'un coup, jusqu'à ce que son dos heurte la paroi glacée. Les rares torches qui éclairaient la salle donnaient une ambiance encore moins rassurante, tandis que le lieu clos, sans sortie directe vers l'extérieur, parut semblable à une tombe pour la châtaine.

- Je ne veux pas mourir ! cria-t-elle, terrorisée par cette idée.

L'image des corps calcinés lui revint en mémoire et lui arracha un gémissement. Elle prit sa tête entre ses mains, glissa contre le mur puis se recroquevilla sur elle-même en serrant les dents. Si elle avait suivi les ordres de Link, elle aurait été loin d'ici, à l'abri et sans doute auprès de Taïla, sa sœur. Dorénavant, elle se trouvait en Enfer, pourchassée par des démons brûlant tout sur leur passage.

- Je vais mourir, je vais mourir ! continua Iris dans un éclat de voix qui reçut des échos dans la pièce.

Thomas s'accroupit soudainement devant elle, inquiet et en alerte, puis il posa une main sur son épaule. Il chercha à capter son regard, mais Iris gardait obstinément ses yeux fermés.

- Iris, calme-toi... Nous sommes hors de danger pour le moment.

Elle fit non de la tête après que les larmes eussent commencé à couler sur ses joues. Elle serra plus fortement sa tête entre ses mains afin d'éloigner les pensées morbides qui la hantaient.

- Nous sommes en plein territoire ennemi ! Comment veux-tu que je me calme ?! Des personnes viennent de mourir brûlées vives sous nos yeux ! Et... Et le même sort nous attend...

Iris entendait son sang battre dans ses tempes en même temps que son cœur martelait sa poitrine avec vigueur. Elle n'arrivait pas à calmer sa respiration saccadée, son corps ne fit que se recroqueviller davantage. Son visage blême dévoilait distinctement son état de panique, peinant ses deux camarades qui échangèrent un court regard. Au même moment, d'autres plaintes aiguës se firent entendre dans les environs, faisant sursauter la châtaine qui poussa un gémissement apeuré. Sous le pas de porte, une fine fumée noire commença à entrer et à se propager au ras du sol. Il ne fallait pas tarder et rester là au vu du danger qui les attendait dans le couloir précédemment traversé. Cependant, Iris n'était pas encore apte à se déplacer. Reprendre la situation en main était la première priorité de Thomas. Il passa une main sous l'oreille gauche de son amie afin de la rapprocher de lui, puis il colla son front contre le sien. Aussitôt, Iris se tendit encore plus avant de se relâcher et de clore ses yeux.

- Tu es courageuse, Iris, lui affirma-t-il sans flancher. Nous allons surmonter cette épreuve et nous réussirons la mission.

Elle émit un hoquet dû à ses pleurs alors qu'elle opinait sans grande force.

- Tant que nous serons ensemble, je ne laisserai aucun de vous mourir.

Cette fois, il passa sa main gauche sous l'oreille droite de l'Hylienne pour lui apporter un meilleur soutien. Il savait à quel point cet environnement de guerre et de mort jouait sur le moral de chacun et détruisait l'esprit d'un bon nombre de soldats, dont celui d'Iris.

- Tu verras des choses dures, et tu ne les oublieras jamais... Mais il faut être fort et croire en la victoire.

Thomas gardait un air sérieux qui appuyait ses paroles et rendait sa voix plus posée. Grâce à cette dernière, ses chances de calmer Iris s'accroissaient.

- La mort n'est pas à craindre, affirma-t-il plus doucement. Là-Haut, l'Alpha veille sur nous et nous protège. Nous retrouvons aussi nos proches disparus. C'est pourquoi, chez les Soneaux, la mort est un événement heureux.

- Non, je... je veux vivre, Thomas... Il me reste encore tant à découvre en ce monde, bredouilla la jeune fille qui renifla par la suite.

- Maintenant, il est trop tard pour faire marche arrière, tu ne peux qu'aller vers l'avant et affronter le destin.

Malgré son hésitation, Iris rouvrit les yeux puis se déroba à l'emprise de son camarade en reculant sa tête. Elle ancra son regard dans le sien, les sourcils encore froncés sous l'effet de la peur, puis elle se redressa avec plus de dignité. Sa panique ne s'était pas entièrement effacée, bien qu'elle se fût considérablement calmée. L'Hylienne ne savait dire si les mots de son compagnon l'avaient convaincue. Néanmoins, à présent, elle remarquait que sa présence la rassurait et lui apportait une protection non négligeable.

Face à elle, l'expression de Thomas s'assombrit lorsqu'il reconnut un sentiment qui s'était déjà manifesté par le passé. Pareil au jour où la princesse de son époque révolue avait perdu la vie. Son changement d'attitude n'échappa pas à Léon qui se tint en alerte.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il hâtivement.

- L'enfant gardien...

Thomas se tourna vers lui après s'être remis debout.

- Il est mort, termina-t-il en affichant un certain malaise.

Les yeux de son aîné s'agrandirent sous l'étonnement. Il ne pensait pas que Thomas percevait une telle chose, mais il s'agissait d'une de ses capacités, sans doute.

- C'est une bonne chose, commenta Léon pour qui les deux élus actuels se trouvaient débarrassés d'un meurtrier.

Il observa l'androïde qui ne témoigna d'aucune réaction approuvant ses dires. Au contraire, Thomas se plongea dans un silence étrange et lourd qui parut perturbant pour ses deux compagnons. De plus, ce même silence apportait une touchant glaciale à l'air ambiant, introduisant un instant de flottement. Durant ce lapse de temps, Léon eut l'impression que son cœur allait aussi cesser de battre tant tout semblait devenir lourd autour de lui. Troublé, il jeta un coup d'œil à Iris qui se relevait péniblement et tâchait de mobiliser le peu de courage qu'il lui restait. Pourquoi personne ne remarquait l'absence de bruit dans cette partie du château ? Au beau milieu d'un assaut, cela n'avait rien d'anodin.

- À terre !! hurla Thomas qui usa soudainement d'Œbnis comme mur de protection en direction de la porte.

Brusquement, la porte explosa avec violence tandis qu'un souffle puissant souleva les meubles dans toute la pièce. Le bouclier vitreux, fort peu utile dans ce genre de circonstances, éclata au contact du jet de flammes puissant qui s'abattit contre le lui. Les trois jeunes gens furent projetés plus loin à cause du deuxième souffle engendré. Une chaleur étouffante se propagea immédiatement dans la salle dont l'air devint irrespirable pour Iris et Léon. Étourdis, ils n'eurent pas le temps de se redresser et de fuir. Seul Thomas ne pouvait pas ressentir la douleur grâce à sa nature de machine, ce qui lui permit de se relever et se confronter au corrompu qui avait arrêté un instant d'utiliser son arme. Le soldat du néant scrutait les environs afin de s'assurer de la mort des occupants de la pièce. Parmi les meubles de bois qui avaient pris feu, il discerna l'androïde dont la peau avait été brûlée au niveau des bras et des joues. La pierre d'énergie ne tarda pas à guérir ces imperfections, ne laissant derrière elle que de vagues traits verts et lumineux qui s'éteignirent bien vite.

Manifestement, les intrus n'étaient pas éliminés. Quelque chose leur avait sauvé la vie par miracle. Il fallait vite corriger cela. Le corrompu pointa la tête de dragon de pierre vers eux, puis il activa son mécanisme dans un geste sec. La colonne de feu qui s'en échappa éclaira les murs d'une lumière aveuglante et embrasa le reste du mobilier sur son passage.

- Sokyn ! l'invoqua Thomas avec autorité en tendant son bras droit vers l'avant.

Son tatouage d'hibou s'illumina d'une couleur verte au lieu de la bleue habituelle. Aussitôt, le jet de flammes se figea, comme si le temps avait cessé pour lui seul, puis il fit chemin inverse afin de retrouver dans la gueule ouverte du dragon. Pris de court, le corrompu ne put trouver rapidement d'explication à ce phénomène ; il ne vit qu'au dernier moment la lance qui traversait l'épais nuage de fumée et qui se planta profondément dans sa poitrine. Dans un mouvement sec, l'arme se retira sans ménagement avant de revenir dans la main de son propriétaire. Sans tarder, Thomas fit volte-face et se précipita vers ses deux compagnons qui inhalaient des gaz potentiellement toxiques. Il fallait les sortir de là et les mettre dans un endroit plus sûr afin de soigner leurs brûlures et leurs égratignures.

Immédiatement, le jeune homme ouvra la deuxième porte – encore intacte – à la volée, tira Léon dans le couloir et enchaîna presque aussitôt avec le corps d'Iris. Ses deux compagnons semblaient à la fois sous le choc et encore étourdis par le souffle de l'explosion précédente. Très soucieux à cause de leur état, Thomas scruta brièvement les alentours dans le but de s'assurer de l'absence d'ennemis, puis il s'accroupit et porta une main au-dessus de son tatouage. Peu lui importait s'il usait de la pierre et que son pouvoir se tarissait plus vite encore. Au moins l'un de ses deux camarades devait vivre afin de retrouver Link par la suite. Des filaments lumineux quittèrent son bras en suivant le mouvement de sa main gauche, puis ils effleurèrent la peau de Léon avant de disparaître dessous.

- Tenez bon... murmura Thomas en exprimant un air attristé.

Il soigna Iris de la même manière. Sous ses yeux, les blessures de la jeune fille guérirent et une peau indemne les remplaça. La savoir hors de danger soulagea grandement l'androïde qui émit un soupir discret pendant qu'il se relevait. Soudainement, il se figea. Ses yeux s'écarquillèrent tandis qu'un semblant de frisson glacial lui parcourut l'échine. Thomas ne parvenait plus à bouger, comme si la peur avait déconnecté son cœur antique de son corps artificiel. Il percevait une présence néfaste... Une présence qui le mettait en danger en tant qu'individu.

- [Veille forcée], prononça-t-il d'une voix tremblante à sa lance.

Son arme émit un éclat bleu d'une plus forte intensité durant un court instant. Après cela, l'androïde tourna la tête sur sa gauche afin d'analyser la pièce se trouvant au fond du couloir. D'ici, il ne pouvait sentir que la présence d'un seul corrompu, sans pouvoir définir son identité. Mais cette fois-ci, son adversaire paraissait différent des autres. Peut-être... était-il l'un des nombreux Héros ayant vécu ? Non, son aura n'avait rien à voir. Par simple précaution et instinctivement, Thomas laissa sa lance auprès de ses compagnons. Il s'avança prudemment dans le couloir, les sourcils froncés à cause de la crainte grandissante. Chacun de ses pas devenait une épreuve, un poids qu'il essayait d'oublier pour réussir à avancer. Et lorsqu'il parvint enfin au bout du couloir, le jeune homme entra dans l'ancienne salle de repos des domestiques. De taille moyenne, elle permettait de contenir confortablement une trentaine de personnes, celles-ci bénéficiant des bancs placés contre les murs. Au centre de la pièce, il n'y avait plus rien mis à part un tas de corruption qui recouvrait un squelette humain. Certainement une servante tuée lors du premier assaut de Ganondorf... Thomas la regarda avec pitié, désolé de voir qu'un sort aussi atroce lui avait été réservé.

Il releva soudainement la tête avant de se mettre en position défensive, les genoux légèrement pliés. Son air se rembrunit d'autant plus lorsqu'il fixa le couloir opposé, en face de lui. Son ennemi surgirait soit de la droite, soit de la gauche. Grâce à la lueur tremblotante des torches hors de son champ de vision, Thomas discerna une ombre qui s'approchait de plus en plus, jusqu'à dévoiler une silhouette qui ne lui était pas étrangère. Lentement, ses yeux bleus s'écarquillèrent sous l'effet de l'horreur tandis que des larmes de terreur ne tardèrent pas à se manifester. Tout son corps demeurait paralysé, son regard restait rivé sur ce fantôme du passé qui l'avait détruit. Orion s'immobilisa sur le seuil de la porte ouverte. Il détailla sa création sans afficher la moindre expression de joie ou de satisfaction. Au contraire, il se montrait amer et terriblement déçu de constater que son robot servait dorénavant la cause ennemie. Mais ce dysfonctionnement serait bientôt réglé, le seigneur Ganondorf pourrait aussi bénéficier de cette nouvelle arme. Orion leva alors la main en direction de l'androïde qui n'eut aucun mal à comprendre le fond de la pensée de cet homme des plus méprisables.

Tu es à moi.

Tous les souvenirs de Calehun submergèrent l'esprit de Thomas, le replongeant dans la période la plus sombre de son existence, dans ces moments d'effroi, de dégoût. Ce temps où Orion avait essayé d'effacer sa véritable personnalité, de détruire son humanité pour le rendre indifférent et docile. Ce Soneau n'était guidé que par le Mal qui habitait son cœur. Et il revenait dans cette époque, parmi l'armée des soldats du néant, pour récupérer son dû.

De leur côté, Iris et Léon reprenaient connaissance en poussant des geignements rauques quand ils se redressèrent sur leurs coudes. En premier lieu, ils constatèrent que Thomas n'était plus parmi eux, mais que sa lance se trouvait au sol. Ou pouvait-il bien être ? Visiblement, il avait guéri leurs brûlures. Léon pensa que son camarade les avait quittés quelques instants afin d'analyser le périmètre et de s'assurer qu'ils étaient seuls, en sécurité. Cependant, son absence rendait le lieu encore plus inquiétant, en particulier à cause de la corruption qui suintait du plafond et s'écoulait le long des murs. Des pas lents se firent subitement entendre au fond du couloir, obligeant les deux compagnons à se retourner. Sur le qui-vive, ils reconnurent Thomas qui les dévisageait d'un air absent. Son regard était pourtant sombre, comme voilé par de la rancœur, faisant frémir les deux jeunes gens qui l'avait déjà vu par le passé.

- Merde, ça sent vraiment mauvais, grogna Léon dont les mains tremblaient inexorablement.

L'une des dernières personnes qu'il souhaitait voir ce jour-là, c'était bien Altaïr. Derrière l'androïde aux cheveux blancs, un homme corrompu apparut et toisa les deux Hyliens qui n'osaient même plus respirer. Leurs craintes ne furent que décuplées en s'imaginant le pire : Thomas avait été corrompu. Et pourtant, aucune matière maudite ne se montrait sur son corps. Alors... pourquoi n'attaquait-il pas ce soldat du néant ? Il n'avait qu'à rappeler sa lance à lui et le frapper en pleine poitrine.

- Thomas, tu n'es plus l'un des leurs... se risqua Iris, d'une voix mal assurée.

Elle avait constaté que le corrompu était un Soneau. Et pour que son ami ne réagisse pas en sa présence, il devait l'avoir côtoyé dans une époque antérieure. Cet inconnu ne dégageait aucune bienveillance dans son allure.

Orion savait déjà comment punir sa création. L'obliger à tuer ses petits camarades lui parut parfait. Mais avant cela... Il posa sa main contre le dos de l'androïde qui ne bougeait toujours pas. La corruption n'eut aucun mal à ronger ses vêtements puis sa peau avant d'atteindre son cœur antique. Effarée, Iris cria en voulant se précipiter pour l'arrêter, mais Léon la retint soudainement par le bras et la tira vers lui. À présent, il fallait fuir ! Aucun d'eux n'avait le moyen de détruire la corruption qui allait s'emparer du corps de leur ami. Ce dernier n'hésiterait pas à les tuer et à agir comme les Gardiens durant l'ère du Fléau.

Au moment où ils s'apprêtaient à s'échapper, les deux Hyliens virent le visage de Thomas se contracter. Il émit une plainte alors qu'il titubait sur le côté, puis il se laissa tomber contre le mur sur sa droite. Le jeune homme plaqua une main au-dessus de sa poitrine et agrippa fortement le tissu avant de fermer les yeux. Le mal en son sein tentait de prendre le contrôle de son cœur antique ainsi que de son esprit.

- C'est donc toi que recherchait cette vaurienne de Caï, prononça une voix grave et puissante.

L'archer se figea une nouvelle fois. Il rouvrit les yeux et découvrit un lieu plongé dans les ténèbres. Il ne lui était pas inconnu, Thomas l'avait déjà vu, dix mille ans auparavant. Il s'agissait de l'espace séparant le monde des morts et des vivants, un endroit où patientait une âme avant d'être recueillie par l'Alpha. Par les déesses, cela signifiait... Horrifié, Thomas prit sa tête entre ses mains et scruta ses pieds. Non, il était trop tôt pour quitter les vivants ! Sa mission n'était pas terminée, ni Léon ni Iris ne serait en mesure de la finir pour lui...

- Agenouille-toi quand ton nouveau maître te parle ! aboya la même voix pesante.

Une force invisible s'abattit sur les épaules de l'androïde qui fut contraint de poser un genou à terre. Écrasé par une atmosphère soudainement malsaine, il eut de grandes difficultés à tourner la tête sur le côté afin de voir son interlocuteur. Et même s'il ne le reconnut pas physiquement, son nom résonna immédiatement dans son esprit, intensifiant la terreur du jeune homme. Ganondorf se tenait tout près de lui, ses iris rouge-jaune posés sur lui le perçaient et l'analysaient. Un profond mal-être s'empara de Thomas qui n'arrivait plus à bouger, ni même à détourner son regard de cet homme.

- Quelle arme formidable... Dotée d'un esprit, tout comme la Lame Purificatrice. Dorénavant, tu seras mienne !

Ganondorf esquissa un sourire satisfait.

- Ensemble, nous tuerons les élus et mettrons fin à la lignée maudite d'Hylia.

Thomas serra les dents face à cette annonce abominable et inacceptable. Jamais il ne l'aiderait à accomplir un tel dessein. Ne pouvait-il pas agir dès à présent pour détruire Ganondorf ? Instinctivement, le jeune homme voulait s'emparer de sa lance, mais celle-ci n'était pas présente dans cette dimension. Seul Sokyn persistait à rester avec lui, et il ne serait pas utile dans de telles conditions.

- Hors... Hors de question que j'aide un démon tel que vous... répliqua Thomas en dépit de sa peur.

Ganondorf perdit son sourire pour lui offrir un regard glacial. Comment ce vulgaire déchet osait se dresser contre lui ?

- Si ce n'est que l'esprit qui me résiste, soit, grogna amèrement le seigneur du Malin qui plissa les yeux. Une telle arme peut bien se passer de toute raison.

Dans ce monde spirituel, il vint attraper Thomas par la gorge puis il le força à se relever. Le jeune homme agrippa son avant-bras et se débattit pour se soustraire à son emprise, en vain.

- Je vais te renvoyer d'où tu viens, misérable Soneau !

Une fois de plus, la force invisible vint oppresser le corps de l'androïde. Sous ses yeux, il vit ses mains et ses bras changer d'apparence, reprenant celle de son vivant. Son âme entière semblait aspirée par la volonté de Ganondorf. Et pourtant, elle demeurait fermement dans cet espace-temps singulier. Son ennemi tiqua et fronça les sourcils, furieux que son sort de manipulation de l'âme n'eût aucun effet.

- Ne... sous-estimez pas la puissance de la pierre d'énergie, l'avertit Thomas même s'il se trouvait en grande difficulté.

Après tout, c'était elle qui le maintenait rattaché à son enveloppe d'androïde. Son bras droit s'illumina d'un vert intense, attirant l'attention de Ganondorf.

- N'oubliez pas que j'ai le même pouvoir que vous !

Maintenant que Sokyn était enfin activé, Thomas enserra à son tour le cou de Ganondorf entre ses mains et usa du sceau contre lui. Cependant, comme il s'y attendait, cela n'eut aucun effet et ne lui permit pas de se libérer.

- Ce pitoyable sceau ne marchera pas deux fois sur moi, siffla le Gerudo avec courroux.

Il le jeta à terre avant d'écarter les bras dans un geste théâtral qui lui donna bien plus de prestance et d'aura.

- Je saurai te faire mienne en temps voulu ! Cette dimension n'est pas propice pour dompter une arme telle que toi.

Thomas s'appuya sur son côté gauche afin de se redresser sur son coude et épier cet homme qui lui inspirait de la terreur. Une terreur mêlée à une haine profonde que Ganondorf ressentait, et dont il se délectait.

- Je vous détruirai pour de bon, gronda l'humanoïde en lui adressant un regard noir. Je vous annihilerai de mes propres mains pour tout le mal que vous avez causé !

Sa menace fit ricaner amèrement le seigneur du Malin qui commençait déjà à disparaître sous ses yeux. Il était temps pour lui de rejoindre son enveloppe physique restée au sein du château, en sûreté.

- Oh, mais il semblerait que tes mains soient déjà en train d'ôter des vies.

Thomas sentit son esprit se brouilla au même moment. Une sensation de chute vertigineuse coupa ses cinq sens durant de longues secondes, jusqu'à ce que le monde réel s'offre de nouveau à lui. Dans une reprise de conscience brutale, Thomas vit ses cheveux lui recouvrir partiellement la vue tandis que ses deux mains, placées devant lui, étranglaient Léon – écrasé contre le sol par son poids – de la même manière qu'il avait essayé d'étrangler Ganondorf. Sokyn était d'ailleurs activé, lui aussi. Au travers des yeux de son aîné, il perçut toute sa détresse et sa peur de mourir. 

Lâche-le !

Oui, il le voulait du plus profond de son être ! Mais le visage d'Orion lui remonta aussitôt à l'esprit et il garda ses mains bloquées autour de la gorge de son camarade. Devant lui, Iris émit un cri grave en se jetant vers lui, tenant fermement sa lance entre ses mains. Son coup fut précis et rapide, la pointe entra dans le torse de Thomas et créa une décharge électrique dans son organisme mécanique. Le programme [Veille forcée] s'activa dès qu'il atteignit le cœur antique, en quelques instants seulement. L'androïde desserra immédiatement son emprise autour du cou de Léon avant de basculer vers l'avant.

Iris relâcha la lance puis elle attrapa son ami sous les bras pour le retenir. Affolée, elle jeta un regard à Léon qui toussait puissamment en essayant d'inspirer de grandes goulées d'air. Dorénavant, il semblait hors de danger, bien que les traces laissées par les mains de Thomas restassent gravées sur sa peau.

- Iris, é...écarte-toi de lui... articula Léon malgré son souffle saccadé. La corruption, elle...

Contrairement à ce qu'il pensait, la corruption avait été en partie détruite par la bénédiction de Zelda qui avait mis du temps à se manifester à cause de son effet. Ce dernier avait grandement diminué au fil du temps à cause de la nature mi-humaine de Thomas. Sa lance bénie avait aussi fini de chasser la matière maudite de son cœur, en plus d'avoir implanté un programme insoupçonné par la châtaine. Avec anxiété, elle regarda en direction du tas de corruption qui se trouvait au fond du couloir. Léon s'était occupé de Thomas après sa corruption par Orion. De son côté, Iris s'était efforcée de maintenir la lance à terre afin qu'elle reste inutilisée. Et lorsqu'elle avait vu une ouverture, elle avait décoché un carreau d'arbalète sur le soldat du néant qui n'avait pas pris la peine d'engager le combat, trop certain de la victoire de sa création.

Pendant qu'elle tenait Thomas, la jeune fille retira au mieux l'arme encore plantée dans sa poitrine. Après cela, elle vint déposer son ami contre le mur à ses côtés puis elle se reporta rapidement sur Léon.

- Tu vas t'en remettre ? lui demanda-t-elle avec inquiétude. Tu n'as pas été touché par de la corruption ?

Il hocha négativement la tête après s'être assis en tailleur.

- Non, c'est... c'est bon... Plus de peur que de mal. Merci d'avoir tenu cette foutue lance...

Léon avait conscience qu'elle l'aurait tué en un instant si Altaïr avait eu l'occasion de l'utiliser. Ses sourcils se froncèrent. Était-ce vraiment Altaïr ? Thomas ? Ou bien uniquement une coquille vide qui avait écarté l'esprit de leur camarade ? Il ne pouvait pas avoir la réponse pour le moment. Cette chose, contre laquelle il s'était battu, n'avait rien à voir avec leur compagnon. Son regard dévia vers son bras gauche dont les vêtements avaient été déchirés durant l'affrontement.

- Il reprend connaissance, annonça Iris avec appréhension en voyant Thomas bouger.

Les traits du visage de ce dernier se contractèrent légèrement avant que ses yeux bleus ne se rouvrent et examinent les alentours. En discernant Iris et Léon à ses côtés, sains et saufs, des larmes de soulagement apparurent et coulèrent le long de ses joues. Il avait paramétré [Veille forcée] pour une courte durée, un lapse de temps assez éphémère au cas où il lui aurait fallu retrouver la raison rapidement.

- Je suis... désolé... dit-il d'une voix cassée. Je serai toujours un danger pour vous, où que je sois...

Les deux Hyliens ne le contredirent pas, encore traumatisés par ce qu'ils venaient de vivre et la pression qu'ils avaient éprouvée. Certes, ils étaient vivants et en sécurité pour le moment. Mais Iris et Léon avaient vraiment cru que leur fin était venue. Thomas s'écarta du mur qui le retenait, puis il s'approcha de son aîné.

- Je vais te guérir, Léon...

- C'est pas la peine, je suis pas blessé, rétorqua-t-il froidement en se massant la gorge.

Son ton blessa d'autant plus l'androïde qui afficha une expression désemparée. Il observait Léon épousseter son pantalon avant de croiser les bras et de lui tourner le dos. Thomas serra les poings. Rien de tout cela ne serait arrivé si Ganondorf n'avait pas cherché à entrer en contact avec son esprit pour se servir de lui. À ses côtés, Iris suggéra doucement de reprendre leur chemin et de ne pas s'attarder dans des couloirs aussi dangereux. Plus tôt ils rejoindraient le Héros et la princesse, plus vite ils seraient véritablement en sécurité. Ils seraient même en mesure de protéger les deux élus, même si Link ne serait pas très enjoué de constater la désobéissance de Léon et Iris.

Au moment où Thomas se remit en route, il vit sa lance revenir automatiquement auprès de lui, lévitant avec légèreté. Ses muscles se tendirent sous l'effet de l'aversion prenante qui le saisit subitement. Avec rage, il élança son bras devant lui et projeta son arme le plus loin possible en hurlant :

- LAISSE-MOI !

Ses deux compagnons sursautèrent et s'immobilisèrent aussitôt en s'échangeant un regard inquiet. Quant à la lance, elle revint presque aussitôt aux côtés de son maître dont la colère continua à éclater contre elle.

- Pars, pars, pars !!

Il la renvoya une nouvelle fois, l'obligeant à percuter un mur, dans l'espoir que cela la brise pour de bon et la fasse disparaître de ce monde. Jusqu'à présent, elle ne lui avait apporté que malheurs et douleurs. Les Hommes la désiraient elle, pas lui.

- Pars, maudite lance... sanglota-t-il, exténué mentalement de la revoir revenir indéniablement.

Peinée de le voir ainsi, Iris joignit ses mains puis les colla contre son ventre avant de s'approcher de son ami.

- Thomas, elle et toi, vous... vous êtes inséparables.

Ils étaient une seule et même entité. Il ne pouvait pas rejeter cette autre partie de lui maintenant que le programme [Survie] était désactivé.

- Je le sais... souffla-t-il douloureusement en fermant les yeux, ce qui fit rouler de nouvelles larmes sur sa peau.

Redevenir un simple humain, voilà tout ce qu'il voulait. Résigné, le jeune homme ne rejeta plus sa lance lorsqu'elle revint se placer à une dizaine de centimètres de son dos. Du revers de son avant-bras, il sécha ses yeux et ses joues puis il reprit la route en direction des plus profonds sous-sols. Cela ne lui servirait à rien de maudire indéfiniment son sort et de s'acharner contre une arme, alors que des centaines et des centaines de soldats se battaient pour l'avenir d'Hyrule. Une fois de plus, Thomas devait se désintéresser de sa propre personne pour se mettre au service des autres.

Sur son chemin, il s'arrêta devant la masse de corruption qui composait, un peu plus tôt, le corps d'Orion. Le visage du jeune homme se rembrunit puis, d'une voix froide, il lui souhaita de se perdre à tout jamais dans le néant.

oOo

Cela faisait dorénavant plus d'un quart d'heure que le trio évoluait dans les sous-sols de la forteresse, descendant toujours plus bas dès qu'un escalier se présentait à eux. Thomas se dirigeait grâce aux émissions de la tablette sheikah qui paramétrait les mécanismes du château. Des corrompus leur avaient barré maintes fois la route, les obligeant à engager le combat pour les éliminer et contraignant l'androïde de se servir encore de sa lance. Depuis qu'il avait tenté de la rejeter, il gardait le silence et ne prenait pas la peine d'adresser des coups d'œil à ses compagnons. Ces derniers, sous pression continue, priaient pour sortir au plus vite de ce piège qu'étaient les souterrains. Plus ils s'enfonçaient, plus il serait ardu de remonter en toute sécurité.

- Eh, vous avez vu ? lança Léon à voix basse.

Il pointa une ouverture anormale dans le mur éventré, plusieurs dizaines de mètres devant eux. Les blocs de roche semblaient avoir été enfoncés à l'aide de marteaux puissants, dans le but de dévoiler un tunnel condamné depuis des temps oubliés. Avec Iris, l'Hylien déglutit pendant que son pas ralentissait. Il dévisagea Thomas qui conservait une expression sombre due à sa nervosité et à l'importance de sa mission. Il approchait du but, tout serait bientôt terminé.

Pour le meilleur, et pour le pire.

- Préparez-vous à me couvrir. Des corrompus protègent le terminal de contrôle, leur annonça-t-il au travers d'un timbre grave et d'un ton sans appel.

Léon raffermit son emprise sur la fusée de son espadon à la lame fine, alors qu'Iris, de son côté, plaçait un nouveau carreau sur son arbalète et se tenait prête à le décocher à tout moment. Elle sentait même la panique la gagner encore et perturber son rythme cardiaque. Elle tâchait de ne pas perdre ses moyens, car cela les mettrait tous les trois en péril, eux qui étaient si proches d'atteindre le cœur de leur objectif. La châtaine inspira profondément, leva la tête vers le plafond pour prier les déesses de veiller sur eux, puis elle s'engouffra dans le tunnel à l'abandon. La corruption recouvrait partiellement ses parois et attestait de la présence de corrompus dans les environs. Avec prudence et précaution, les trois anciens apprentis l'évitèrent, poursuivant courageusement leur avancée.

Ils discernèrent de mieux en mieux une porte sheikah qui se dessinait devant eux, accompagnée par un socle réservé pour les reliques antiques. Aucun son ne sortait de la salle cachée, comme si les murs absorbaient le moindre bruit qui en provenait. La lourdeur ambiante pesait tant sur Iris que chacune de ses respirations lui donnait l'impression que sa poitrine allait éclater. Un bourdonnement pénible emplissait ses oreilles et l'étourdissait par moments. Elle ne vit même pas Thomas déposer sa main sur le socle afin de le pirater.

- Iris, qu'est-ce que tu attends ?! s'écria Léon, ce qui la tira de son moment d'absence.

La jeune fille papillonna des yeux, perdue, puis aperçut ses deux camarades qui couraient en direction de la dizaine de corrompus s'élançant vers eux, dans la fameuse salle recherchée. Le cœur d'Iris rata un battement lorsque le temps parut ralentir subitement. Le bruit des pas précipités s'estompa pour ne devenir qu'un vague écho au loin ; la lueur rouge des lieux rendait la confrontation sanglante et lugubre.

Machinalement, guidée par son instinct de survie, Iris s'abaissa puis tira sur le premier soldat du néant qu'elle voyait. Il reçut le carreau en pleine poitrine, ce qui le stoppa net dans sa course, avant que Léon ne vienne l'achever en plongeant son espadon dans son torse pour libérer son âme. Aussitôt, la châtaine replaça un trait dans son arbalète et le décocha sur un second corrompu. Cette fois-ci, le projectile l'atteignit au niveau de la tête et lui obstrua son semblant de vue. Léon l'acheva lui aussi, dans un travail d'équipe qu'ils avaient mis au point durant la guérison de leur capitaine.

Quant à Thomas, il maniait sa lance avec cette dextérité qui lui était propre, la dirigeant dans les airs et la projetant dans le corps de ses ennemis. Son arme déchiquetait leur chair de corruption, extrayait l'esprit emprisonné, le renvoyait auprès de l'Alpha. Pour se protéger d'une attaque frontale, l'humanoïde invoqua Œbnis sur lequel s'écrasa l'épée de son opposant. Immédiatement, il fit disparaître son bouclier, rattrapa en vol sa lance qui le rejoignait, puis il la plongea dans le torse du soldat. Dans son champ de vision, Thomas aperçut un corrompu qui se précipitait vers le terminal de contrôle, là où se tenait la dernière tablette sheikah existante. Nul doute qu'il avait pour but de s'enfuir avec elle pour protéger le programme de vol. Cependant, Thomas savait à quel point cette tentative était inutile. De sa main gauche, il pointa le soldat du néant et, quelques instants plus tard, sa lance perça son dos.

Laissant les deux derniers ennemis à ses camarades, l'androïde accourut en direction du terminal et en profita pour reprendre sa lance en main. Sans brusquerie, il posa sa main sur la tablette. Peu après, il la jeta sur le côté et la regarda exploser dans l'air, alors soumise au programme insurmontable : celui de l'autodestruction. Une fois cela fait, Thomas attrapa la hampe de son arme à deux mains puis, d'un geste sec et précis, enfonça ses deux fines pointes dans le terminal de contrôle. Tous les programmes en cours s'offrirent à lui et le submergèrent tant ils étaient nombreux et complexes. Bien plus complexes que ceux des Créatures Divines. Les Sheikahs étaient des inventeurs remarquables. Construire une machine de cette ampleur, capable de supporter et de faire voler un château...

- T'as pris le contrôle ? se hâta Léon, essoufflé, qui s'inquiétait de voir de nouveaux ennemis arriver.

- J'ai besoin de temps ! rétorqua Thomas en regardant par-dessus son épaule. C'est encore plus compliqué que je ne l'imaginais...

Il reporta son attention sur le terminal de contrôle illuminé par un rouge sanglant. Les programmes n'étaient pas corrompus, la matière maudite n'avait pas pénétré le socle afin de ne pas l'endommager et de le garder opérationnel, pour toutes les manœuvres délicates de la forteresse. Cependant, il figurait bien quelque part l'ordre d'établir des lueurs rouges et non bleues. Même si cela était minime, Thomas le rectifia et rétablit la couleur d'origine, propre à la technologie sheikah. L'ambiance changea autour de lui, perdant son teint sanglant pour être remplacé par une atmosphère plus calme et légère. Le bleu baigna la salle dans sa globalité.

Pendant qu'il tâchait de trouver le bon programme et de le modifier, dans le but d'obliger le château à se poser sur un terrain de Panah difficile d'accès pour les corrompus à terre, Thomas continuait à percevoir la présence des soldats du néant partout autour de lui. Il y en avait tant qu'il lui était impossible d'estimer leur distance par rapport à lui. Quoi qu'il en fût, une fois le piratage terminé, il faudrait rejoindre les élus au plus vite. Ceux-ci devaient l'attendre à un point précis, décidé par Link lui-même : l'entrée des quartiers royaux.

Provenant du plafond, un bruit grave et sourd se fit entendre et figea les deux Hyliens, restés en retrait. Soucieux, ils s'échangèrent un regard sombre en se demandant silencieusement ce dont il pouvait s'agir. Le même bruit, pareil à un coup, retentit plus clairement et sembla se rapprocher. Au-dessus de leur tête, un voile de poussière s'échappa de la voûte de pierre, il tomba devant eux avec lenteur, installant un instant de suspens étouffant. De plus en plus inquiète, Iris leva les yeux vers Thomas afin de le voir réagir, mais le jeune homme demeurait imperturbable dans sa mission. Il ne s'autorisait pas à se déconcentrer, même pour quelques secondes.

La voûte vola brutalement en éclats, dans un vrombissement assourdissant qui arracha un cri de peur à Léon et sa camarade. Des morceaux de pierre furent projetés tandis qu'un épais nuage de poussière se souleva immédiatement et brouilla la vue des trois jeunes gens. Pris d'une vive quinte de toux, les deux Hyliens plaquèrent une main par-dessus leur bouche pendant qu'ils reculaient involontairement. Leurs sens se mirent aussitôt en alerte, la peur leur noua le ventre et engourdit leurs jambes. Malheureusement, il n'y avait pas de temps à perdre. Léon chassa le nuage en secouant sa main libre devant lui, puis il avança en direction de Thomas qui devait se situer une quinzaine de mètres plus loin. Non pas une, mais deux silhouettes se dressèrent devant lui. Un frisson glacial parcourut la peau du grand blond dont les poils se hérissèrent instantanément.

- Thomas, derrière toi !! cria-t-il sans parvenir à bouger de sa place.

Il ne put que voir Caï abattre sa masse de guerre sur son camarade qui n'avait pas eu le temps de réagir. Sous l'effet de la puissance de la frappe, Thomas s'écrasa contre le sol, dos à lui, puis découvrit la guerrière qui brandissait son arme au-dessus de lui. Dans une fureur bestiale et barbare, Caï se déchaîna sur l'épaule droite de l'androïde, immobilisé à terre. Ce déferlement de violence arracha un cri d'horreur à Iris qui était totalement impuissante.

D'un coup, Caï se baissa, agrippa fermement quelque chose, puis elle se releva en tenant le bras démembré de l'ancien apprenti. À l'intérieur, on pouvait discerner des câbles ainsi qu'une ossature noire typique de sa nature robotique.

- Je l'ai... Je l'ai ?! s'exclama la guerrière, prise dans son élan de folie meurtrière. J'ai fini par te retrouver !

Elle émit un rire hystérique qui ne lui ressemblait pas et attestait d'un état mental des plus instables. Dorénavant, elle était une femme changée physiquement. Des touffes de cheveux blancs manquaient à plusieurs endroits de son crâne, des parcelles de peau pendaient dans le vide sans être guéries complètement, laissant voir l'intérieur de son organisme robotique. Et de la corruption recouvrait la moitié de son visage, rongeant les parties humaines aux alentours. Cela offrait à son allure un air monstrueux, presque démoniaque, qui avait retiré complètement son ancienne prestance de grande combattante.

- Où est la pierre ? Où est-elle ?!

Face à l'air horrifié des deux Hyliens, elle secoua le bras avec vigueur, espérant que la pierre d'énergie finisse par en tomber. Mais celle-ci semblait fortement ancrer à l'intérieur, ce fut pourquoi Caï plongea sa main dans le membre, arrachant tout élément intrusif sur son passage.

- Relâche ça ! vociféra Léon qui se précipita vers elle.

Il tint son espadon à deux mains, puis il tenta d'asséner un coup horizontal à la guerrière qui se servit du bras démembré pour parer. Elle planta son regard fou, dénué de toute raison, dans celui de l'ancien apprenti qui déglutit et eut un mouvement de recul. Caï s'empara alors de sa masse, posée à la verticale sur le sol, puis elle l'abattit vers lui pour lui briser la cage thoracique. Effrayé, Léon usa de son arme pour bloquer l'attaque, mais celle dernière fut si puissante qu'elle lui arracha l'épée des mains et lui tordit les poignets par la même occasion. L'Hylien geignit avant de tituber et de tomber sur le coccyx.

- Léon ! s'affola Iris qui avait rechargé son arbalète d'un carreau.

Le cœur battant à tout rompre, elle cibla la tête de l'androïde ennemi et décocha son trait. Avant même qu'elle ne tire, Caï avait placé la paume de sa main sur le côté après avoir lâché la masse d'armes. Le carreau la traversa quelques instants après, ne lui arrachant aucune plainte de douleur.

- Tu ne m'auras pas une deuxième fois, petite peste, grogna la guerrière d'une voix froide. Laisse-moi éclater ta jolie tête !

Démente, Caï reprit son arme en main et dévora sa proie du regard. Depuis son échec à Delteha, lors de l'embuscade, elle n'était plus la même. Ganondorf lui avait fait payer le prix fort en l'humiliant et en la déshonorant. Il lui avait retiré toute valeur, la rabaissant au statut de moins-que-rien vouée à être bannie de son armée. Et cela, elle n'avait pu le supporter, toute raison l'avait quittée dès ce moment-là. Toujours en possession du bras, Caï marcha rapidement vers la jeune fille, passant à côté de Léon sans même se soucier de lui. Face à cette démone défigurée par la haine et la corruption, le sang d'Iris se glaça et la paralysa tant elle était terrifiée. Elle n'eut même pas la force de détourner le regard quand le coup de grâce s'apprêtait à être donné.

Soudainement, sortant du reste du nuage de poussière, Thomas apparut et se dressa entre les deux femmes. Œbnis forma un mur protecteur qui atténua l'attaque de Caï, bien qu'il volât en éclats au contact de sa masse. Le jeune homme, diminué physiquement, tenait dans son unique main l'espadon de Léon. Il arborait les motifs étranges sur sa peau, mêlant le bleu et le vert, qui montaient jusque sous ses yeux dont les iris bleus luisaient anormalement. Son regard noir n'intimida aucunement la guerrière. Au contraire, elle était ravie de constater que sa lance n'était pas utilisable pour le moment.

- Ce n'est pas dans cet état pitoyable que tu vas récupérer ta pierre, mon cher Altaïr, déplora-t-elle faussement. Que dirais-tu de mourir maintenant, coupé de ses pouvoirs ?!

Extasiée, elle abandonna aussitôt l'idée de tuer Iris, préférant plutôt fuir avant qu'il ne soit trop tard. Caï se précipita vers la porte sheikah, donnant sur le tunnel qu'ils avaient emprunté peu avant. Cependant, avant même de l'atteindre, Œbnis obstrua le passage et l'empêcha d'aller plus loin. Agacée, la guerrière le brisa une première fois à l'aide de sa masse d'armes, mais la surface vitreuse réapparut immédiatement.

- Tu n'iras nulle part, prononça sèchement Thomas qui la suivait en tâchant de garder son calme.

Le temps lui était compté, il n'avait pas le luxe d'user inutilement des réserves de magie qui parcouraient encore son corps. Pendant que Caï hurlait de rage et s'acharnait sur les boucliers qui n'avaient de cesse de se reformer devant elle, Thomas plaça l'espadon à l'horizontale puis activa l'un des derniers pouvoirs que lui conférait sa lance. Une vague lumineuse partit des traits luminescents présentant sur son épaule et se diffusa jusqu'à ses mains avant d'atteindre l'espadon. Des motifs semblables à ceux de sa lance apparurent sur la longue épée qui commença à son tour à léviter. Même si cette nouvelle arme n'avait pas de capacités, elle lui accordait la possibilité de se battre à distance, comme il en avait l'habitude.

Hors d'elle, Caï mordit si fortement sa lèvre inférieure qu'elle coupa sa peau profondément.

- Très bien, Altaïr, articula-t-elle d'une voix blanche en écarquillant les yeux. Pour toi, ce sera la destruction pure et simple.

Dans un élan de rage, elle s'élança vers lui pour le frapper une première fois de toute ses forces. L'espadon, à la lame bien plus fine qu'un espadon royal, se plaça aussitôt sur le trajet de la masse d'armes et para l'attaque, permettant à Thomas de reculer rapidement pour se remettre hors de portée. Il lui fallait gagner du temps... Le plus possible avant d'avoir la possibilité de réutiliser sa lance. D'un geste vif, il positionna sa main indemne vers son torse, ce qui eut pour effet de rappeler l'épée à lui. Cependant, il ne put prévoir que la guerrière jetterait sa masse directement vers lui. Conscient de la force mise dans ce lancer, Thomas fut contraint de placer son espadon au travers du chemin de l'arme ennemi. Bien qu'elle déviât la massue, son épée se brisa lors du contact et sa pointe vint percer le ventre du jeune homme. Il ne ressentit aucune douleur ni aucune gêne. Hélas, il constata que la guérison n'avait pas lieu, même après avoir retiré le bout d'acier de sa peau.

Le rire dément de Caï résonna dans la salle du terminal de contrôle, arrachant un frisson à Thomas. Il vit fondre sur lui un véritable fauve, certes désarmé, qui lui asséna un coup de poing dans l'abdomen. Sous l'effet de cette force surhumaine, l'ancien apprenti fut projeté en arrière puis percuta lourdement le mur dans son dos. Il glissa le long de celui-ci avant de basculer sur le côté. La disparition de son énergie se fit ressentir fortement, en particulier car il eut du mal à se redresser pour jeter un regard noir à la guerrière, déçue de ne pas avoir brisé l'ossature de son semblable.

- Thomas ! paniqua Léon qui voulait intervenir.

- Restez en dehors de ça !! aboya son camarade sans le regarder.

Caï bondit sur l'androïde en poussant un rugissement rauque. Elle abattit sa masse contre lui, mais Thomas bondit sur le côté et roula afin de se réceptionner au mieux. La tête ronde de l'arme s'écrasa contre le mur qu'elle enfonça et fissura. Dès lors, le jeune homme profita de ce moment de court répit, il referma soudainement son poing et Œbnis se créa sous le ventre de la guerrière. Immédiatement, Thomas leva sa main gauche vers le plafond, puis la matière verte et translucide prit l'apparence d'une lance qui transperça l'abdomen de Caï. Cette dernière fut soulevée contre son gré en jurant mauvaisement contre son opposant et en lâchant son arme.

Sans tarder, Thomas se précipita vers l'humanoïde, prêt à lui implanter lui-même le programme insurmontable. Il ne s'agissait que de la toucher, voire de l'effleurer pour que cela fonctionne. Tout à coup, la vue du jeune homme se coupa et l'immergea dans un noir profond qui lui fit perdre tous ses repères. À cause du manque de magie, Œbnis libéra Caï qui ne manqua pas de profiter de cette situation pour lui sauter dessus. Maintenant qu'il n'était plus hors de portée, elle pouvait aisément se servir de sa faiblesse pour lui donner le coup de grâce. Exploitant l'aveuglement temporaire de son semblable, la guerrière le poignarda en pleine poitrine à l'aide de sa main libre et le força à reculer pendant qu'elle recherchait son cœur antique. Mais il ne se situait pas à l'endroit endroit habituel. En effet, le cœur antique de Thomas se trouvait au niveau du centre droit, et non à gauche.

La vision du jeune homme, en dépit de sa faible netteté, revint enfin et lui dévoila la position exacte du corps de Caï. Malgré les dégâts notables dans son système thoracique, il tenta d'attraper l'avant-bras de la guerrière hystérique mais ses forces disparurent soudainement. Ses jambes ne purent supporter son poids, seule la main de son assaillante le maintenait debout.

- Crève, petite pourriture, cracha-t-elle alors qu'elle se délectait de le voir dans cet état.

La tête baissée, Thomas esquissa un sourire paisible avant de souffler :

- Je... t'emmène avec moi...

Les yeux de Caï s'écarquillèrent lorsqu'elle comprit. Instinctivement, elle plaça le bras arraché – qu'elle tenait toujours – devant sa poitrine. La lance de Thomas s'enfonça dans le membre tandis que la combattante corrompue retira sa main du torse de l'androïde. L'arme lui arracha le bras de son semblable d'un coup sec, le jeta vers Iris et Léon, puis elle fondit vers sa proie qui serrait les dents avec fureur. Caï esquiva une série d'attaques meurtrières. Elle avait parfaitement conscience que la moindre blessure lui couterait la vie. Tant pis pour cette damnée pierre... Altaïr n'en avait plus pour très longtemps. Elle n'aurait qu'à récupérer son cœur de magie une fois que ses deux petits camarades seraient vulnérables.

Hors d'elle à cause de ce nouvel échec, Caï mugit pour extérioriser sa folie et sa rancœur, puis elle s'enfuit en passant par la porte sheikah où elle évita une dernière fois la lance. De son côté, choquée par ce combat violent et barbare, Iris observait Thomas qui tenait à peine sur ses deux jambes. Elle le voyait trembler de tout son corps. Les larmes lui montèrent aux yeux, tant et si bien qu'elle se hâta de récupérer le bras esseulé. En heurtant le sol, il avait libéré la pierre d'énergie qui avait roulé sur une dizaine de centimètres. La châtaine s'en empara et constata qu'elle n'était pas abimée. Soulagée de savoir que Thomas serait sauf, elle se retourna afin de lui montrer la pierre mais son souffle se coupa quand son camarade se mit à chanceler vers l'arrière. Il plissa les yeux avant de s'écrouler au sol dans un râle étouffé.

- Thomas ?! s'écria l'Hylienne en se précipitant vers lui.

Elle se jeta à genoux et posa la main sur son épaule meurtrie. L'androïde ne réagissait plus, son regard fixe se perdait dans le vide, au-dessus de lui. Iris crut que son cœur allait lâcher lorsqu'elle le vit ainsi, comme inanimé de toute forme de vie. Elle hurla encore son prénom puis plaqua la pierre d'énergie contre son torse dans l'espoir que celle-ci s'implante de nouveau dans le corps de son propriétaire et le sauve. Une faible décharge eut lieu, Thomas se crispa de nouveau et ferma les yeux avec difficulté. Pendant un court instant, il avait eu le sentiment d'avoir quitté ce corps, ou du moins d'être sur le point de le quitter définitivement. Les larmes de son amie tombèrent sur lui et vinrent rouler le long de son cou pendant que Léon les rejoignait, l'air grave.

- Iris... l'appela le mourant qui tourna la tête avec lenteur vers elle. Ne te soucie pas de moi, je ne ressens pas la douleur...

- Tu as perdu un bras, sombre crétin ! Et... Et j'ai cru que tu étais mort ! s'exclama-t-elle avec force.

Elle pressa la pierre encore plus fort contre le jeune homme, sans comprendre pourquoi celle-ci ne disparaissait pas derrière la peau.

- Allez, réintègre cette foutue pierre maintenant ! Nous ne devons pas rester là !

La voûte qui les surplombait se fissurait et menaçait clairement de s'écrouler sur eux. Thomas avait du mal à respirer pour parler, son souffle sifflait contre son gré. Du mieux qu'il put, il vint attraper la main de sa camarade puis l'entoura. Iris hoqueta en le laissant faire, affligée par son geste.

- Thomas, pourquoi... pourquoi tu ne la reprends pas ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.

Mais il persistait à se soustraire à son regard, les yeux rivés vers le plafond. En vérité, il était définitivement aveugle, mais Thomas ne voulait pas le lui dire.

- Écoute-moi, la pria-t-il en dépit de sa faiblesse. Je te confie Altéis, ma lance. Prends aussi la pierre et garde-la précieusement avec toi... Il te faudra rejoindre le capitaine, tu... tu entends ? Quoi qu'il arrive, tu... dois faire cela...

Sa gorge se noua et l'empêcha de poursuivre. Sans qu'il le voulût, sa main relâcha celle d'Iris et commença à glisser le long de sa peau. Son programme le poussait à vouloir récupérer ce cœur magique, cependant sa force disparue ne le lui permit pas. La lancière secoua la tête, les lèvres pincées, puis elle serra les dents avant d'empoigner son camarade pour le forcer à reprendre la pierre.

- Je refuse ! Tu vas vivre, que tu le veuilles ou non !

- Léon... le supplia Thomas dont la moindre seconde écoulée le rapprochait enfin de sa mère et de son frère.

Le grand blond en eut des frissons tandis que son ventre se tordait. Bien, il comprenait le désir de son compagnon... Léon attrapa Altéis, ainsi que l'Hylienne par la taille, puis il la releva avant de la tirer en dehors de la salle du terminal de contrôle. Iris se débattit férocement en lui criant de la lâcher et d'aller aider Thomas. Mais quand elle comprit que c'était vain, elle tendit la main vers son amant pendant que les larmes et la détresse la submergeaient.

- THOMAS !! hurla-t-elle avec désespoir.

Seul l'écho de sa voix lui répondit. Au-dessus de leur tête, de la poussière commença à choir abondamment de la voûte, des craquement sinistres se faisaient entendre et lui donnèrent l'impression que le temps avait cessé de s'écouler. Comme si Iris ne réalisait plus ce qu'il se passait, que tous les événements lui échappaient. Elle ne put même pas entendre les dernières paroles de son camarade : la porte sheikah se referma immédiatement après leur passage dans le tunnel, condamnant pour de bon la pièce secrète. Le tremblement qui eut lieu et qui s'ensuivit fit chuter les deux fugitifs qui poussèrent un geignement de douleur. Iris se redressa sur ses coudes, la vue troublée par les larmes, puis elle jeta un regard vers la porte close face à elle. Ses lèvres frémirent puis un cri incontrôlé, et venant du plus profond d'elle, sortit de sa gorge. Un cri poignant qui tordit davantage les tripes de son aîné.

Il vit Iris se relever soudainement, perdre l'équilibre et manquer de tomber, se précipiter contre la porte puis s'époumoner en prononçant désespérément le prénom de son ami. De ses propres mains, elle tenta d'écarter les deux parties de la porte, en poussant un grognement grave et chevrotant.

- Iris... intervint Léon d'une voix brisée.

Elle émit un cri strident, enragée par l'immobilité de cette maudite porte. La châtaine se reporta subitement vers le blond, lui adressa un regard fou et s'élança dans sa direction. Elle lui arracha Altéis des mains puis revint aussitôt vers l'entrée du tunnel. Folle de douleur, elle martela la porte à l'aide de la lance, ordonnant à cette dernière de sauver son maître, mais rien n'y fit. L'accès à la salle du terminal de contrôle... était condamné pour toujours. Iris cria avant de tomber sur ses genoux et de donner un coup de poing dans la roche. Elle éclata en sanglots et posa son front contre la porte, implorant les déesses de lui venir en aide.

- Iris, c'est... c'est terminé pour lui... lui annonça son dernier compagnon avec peine. Nous devons partir...

Iris n'entendit point ses mots. En vérité, son esprit s'était fermé au monde extérieur, choisissant d'exclure la réalité afin de s'en protéger. Sa main raffermit son emprise sur la pierre qu'elle tenait déjà fermement. Avait-elle donné un an de sa vie... en vain ? Ce n'était pas ainsi que cela devait se passer. Thomas devait assister à la finalité de la guerre, il devait voir les deux élus victorieux et reconstruire le monde à leurs côtés ! Alors il paraissait impossible à la jeune fille que ce rêve se fût effacé en l'espace de quelques minutes. Thomas n'avait pas disparu. Il était là, juste derrière cette porte ! Juste... derrière...

Une vague de haine l'engloba lorsqu'elle revit Caï s'acharner sur lui. Tout cela dans le but de lui voler la pierre d'énergie. Cette... chose qui avait volé tant de vies et qui était née d'une alchimie noire. Une fois de plus, on avait tué pour l'avoir en sa possession. Caï avait ôté la vie de Thomas. Elle était l'unique responsable de sa perte et de ses espoirs perdus. Iris frémit ; son corps tressaillit de plus en plus fortement.

- Je vais la tuer... murmura-t-elle pendant que son visage s'assombrissait.

Son ton donna des frissons à son camarade qui percevait l'état terriblement instable et dangereux de son amie. Iris se redressa soudainement, Altéis dans sa main, avant d'hurler :

- JE VAIS LA TUER !

Sa voix résonna dans les profondeurs du château, atteignant Léon droit au cœur. Ce dernier accourut vers l'Hylienne et la prit dans ses bras pour la calmer. Cette étreinte la fit sursauter et eut pour effet de la détendre presque immédiatement. La chaleur de la peau du blond causa un déclic au plus profond d'elle-même, ce qui la calma et la tira de son début de folie. Iris lâcha la lance, elle se laissa soutenir par Léon. Dans ses bras protecteurs et bienveillants, elle sanglota de nouveau en émettant des plaintes déchirantes et douloureuses. Les larmes de Léon finirent enfin par s'écouler sur son visage, il rejoignit sa camarade dans sa peine et sa détresse.

« Léon, j'ai une faveur à te demander. »

Il ne put retenir un râle grave en se souvenant de ce jour-là. Plus qu'un simple camarade, Thomas était presque devenu un ami pour lui. Malgré son caractère froid et distant, il s'agissait d'un compagnon sensible et préoccupé par ceux qui l'entouraient.

« Mais tu dois me promettre de n'en parler à personne. Y compris au capitaine. ».

Même s'ils avaient connu des disputes dues à des avis divergents, tous deux avaient toujours été en de bons termes. D'une certaine manière, Léon le considérait comme un frère. Un frère au passé tragique et à la destinée scellée. Un frère qui avait réussi à reprendre le contrôle d'une forteresse volante alors même qu'il se battait contre un ennemi redoutable. Un frère qui avait offert sa vie de misère pour sauver des milliers d'autres.

« Lorsque le moment sera venu, je devrai mourir. Je compte sur Iris et toi pour conserver ma pierre d'énergie. Le Héros en aura besoin s'il veut réunir l'intégralité du sceau gardien. Apportez-lui aussi ma lance, ce n'est pas n'importe quelle arme... »

Il se remémora le sourire triste que Thomas avait esquissé à ce moment-là. Léon était resté sans voix, se demandant si son camarade n'avait pas perdu la tête. Mais visiblement, il avait parlé sérieusement. Quel... imbécile... Le grand gaillard ferma fortement les yeux, réunissant toute sa volonté pour aller de l'avant et poursuivre le combat, en dépit de cette très lourde perte. Dorénavant, ils devaient rejoindre les quartiers royaux et apporter la pierre au Héros. Léon soutiendrait aussi Iris, profondément dévastée et perdue. C'était tout ce qu'il pouvait faire à présent... 

« Je te demanderais seulement de ne pas intervenir quand j'aurai décidé de partir. »

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