Chapitre 4
Zelda avait rapporté à Pru'ha toutes ses déductions à propos du temple récemment découvert, elle déclara que ses recherches restaient superficielles à cause du manque d'informations bien que certains détails fussent particulièrement intéressants. Elle suggéra même que la porte au fond de la grande salle devait s'ouvrir à l'aide d'une quelconque magie ; il ne restait plus qu'à savoir laquelle. Et pour cela, seule Impa pourrait la guider car c'était elle qui était en charge de s'occuper des us et coutumes des différentes époques. Sans doute saurait-elle l'aider ? Mais obtenir des indices sur une population oubliée, cela relevait presque du miracle à ce stade... La princesse avait donc reçu la chercheuse sheikah dans ses appartements pour lui parler et réfléchir à propos de cette fascinante découverte.
- Quand comptez-vous vous rendre au village Cocorico, Votre Altesse ? lui demanda Pru'ha avec attention.
- Je pensais attendre la venue d'Impa pour lui en parler car je n'ai pas le temps de quitter le château.
La chercheuse haussa un sourcil.
- Ma sœur ne m'a pas prévenue d'une telle visite de sa part.
- À ce propos... C'est bien le cas. Nous n'en avons encore parlé à personne mais je vais bientôt anoblir Link.
- Anoblir... Vous n'êtes pas sérieuse ?
Zelda fronça les sourcils puis vint s'appuyer sur son bureau avant de regarder par la fenêtre.
- Je le suis. Cette décision s'est faite quand nous étions dans le temple. Link souhaite une cérémonie en comité réduit, je veux respecter ce choix.
La Sheikah en était bouche bée. S'il acceptait d'être anobli, c'était pour... Tous les morceaux semblaient s'agencer dans la tête de Pru'ha dont le visage se voyait illuminé par un sourire involontaire.
- Par les saintes déesses, si je m'y attendais... souffla-t-elle sans lâcher des yeux la princesse. Cette décision changera votre quotidien, vous en êtes consciente ? Peu importe, là n'est pas le problème. Est-ce une bonne décision que Link devienne le futur monarque ? Je doute que ce rôle lui convienne.
Elle vit Zelda baisser la tête et serrer les poings contre la table. Aussitôt, la chercheuse se sentit coupable d'avoir tenu de tels propos.
- Veuillez m'excuser, vous peiner n'était pas dans mes intentions.
La princesse lui adressa un signe négatif de la tête tout en restant dos à elle. Visiblement, l'ambiance devenait de plus en plus froide et oppressante. Le sujet se montrait délicat et donc difficile à aborder.
- Ce n'est pas cela qui m'inquiète, Pru'ha, prononça finalement Zelda avec difficulté. Je serais très heureuse de l'avoir à mes côtés, seulement ce bonheur ne durera pas.
- Comment ça ?
Les épaules de la blonde s'affaissèrent.
- Allons, tu le sais bien. Ma grand-mère est morte quand ma mère avait neuf ans, et celle-ci a disparu quand je n'avais que six ans.
- Princesse, si je puis me permettre, elle a été assassinée.
Zelda se retourna pour ancrer profondément son regard dans celui de son hôte qui en eut la chair de poule.
- Toutes les précédentes reines ont perdu la vie avant que leur fille n'ait atteint dix ans. Elles ont quitté ce monde dès le moment où leur enfant a pu éveiller ses dons. Autrement dit, il ne peut y avoir deux Zelda capables d'user des pouvoirs de la déesse. À partir du jour où je mettrai au monde la future princesse, mes années seront comptées.
- Que vous épousez Link ou un autre homme, ce sera la même chose. Si vous voulez vous épanouir et profiter du temps qu'il vous reste, vous devriez le choisir pour roi. À moins que...
Pru'ha s'arrêta soudainement de parler quand une idée prit sens dans son esprit. Mais bien sûr, quelle idiote ! Elle en avait déjà vaguement parlé avec Link mais elle avait totalement oublié... L'adolescente empli d'espoir se précipita vers la princesse et lui prit les mains. Tout ne pouvait être si sombre, la chercheuse en avait la certitude.
- Votre Altesse, il vous suffit de rompre le cycle de réincarnation ! Voilà pourquoi je voulais lancer des recherches dans ce temple. Si vous obtenez des réponses à des millénaires d'interrogations, alors vous pourriez aspirer à une longue vie, entourée par votre famille ! Seulement, rien ne sera simple, j'en conviens. Je vous promets de faire tout mon possible pour vous permettre un tel avenir. Il est temps de mettre fin à ce malheur qui ravage Hyrule par périodes.
- Je doute que les chances de réussite soient...
Zelda marqua une pause. Après tout, s'il existait une telle solution, n'aurait-elle pas déjà été trouvée depuis longtemps ? Ou même recherchée par les précédentes princesses ? Toutes avaient forcément dû chercher un moyen pour arrêter Ganon une bonne fois pour toutes. Cette quête semblait donc vouée à l'échec depuis les temps anciens...
- Élevées ? termina Pru'ha. Il est clair qu'elles seront nulles si nous ne tentons rien. Princesse, organisez l'anoblissement de Link le plus tôt possible afin de mettre fin au fardeau que supportent toutes les femmes de votre lignée. À moins que vous comptiez reporter la cérémonie une fois nos recherches terminées.
Les yeux de la blonde vinrent fixer ses pieds plutôt que le visage de son interlocutrice. Encore une fois, ce n'était pas une chose à prendre à la légère. Déesses, pourquoi fallait-il que la vie soit si rude ?
oOo
Au sein d'une des cours de la forteresse, le Héros scrutait avec attention les moindres mouvements de ses trois élèves, chacun s'exerçant dans son domaine de prédilection. Tous faisaient face à de nombreuses difficultés, Iris plus que les deux autres car elle n'avait encore jamais utilisé de lance au cours de sa vie. Link la guidait avec efficacité pour pallier rapidement ce problème. En général, l'ambiance entre les trois apprentis était bonne, bien que Thomas restait souvent en retrait à cause de son caractère solitaire. Quant à Léon, il demeurait toujours de bonne humeur. Il était le seul des trois à ne pas avoir vécu toute sa vie à Hyrule ; ses arrière-grands-parents vivaient certes sur le territoire du royaume, mais lors du retour du Fléau, ils furent partie de tous les Hyliens ayant fui Hyrule pour se réfugier dans les pays limitrophes épargnés par Ganon. Ce ne fut qu'une fois la Calamité défaite que Léon et quelques membres de sa famille décidèrent de revenir sur les terres de leurs ancêtres.
- Iris, tu peux faire une pause, lui accorda le jeune capitaine en décroisant les bras. Inutile de te tuer à la tâche si c'est pour prendre de mauvaises postures à cause de la fatigue.
- D'a... D'accord, Capitaine.
Essoufflée, elle se laissa tomber sur le sol terreux pendant que ses mains relâchaient son emprise sur son arme. La châtaine épiait maintenant ses deux camarades dont l'endurance semblait bien plus importante que la sienne. Link s'approcha de Thomas qui restait à l'écart, comme à son habitude. À travers ses gestes, il lisait aisément que le jeune apprenti avait été chasseur avant de s'engager dans l'armée. Cela se voyait dans la manière dont il regardait sa cible. Pourtant, d'infimes détails suscitaient quelques interrogations chez le chevalier, comme le fait que le jeune archer hésitait toujours à décocher une flèche. Ce n'était pas une hésitation commune à tous ceux qui pratiquaient l'archerie, ni même un court temps de questionnement pour savoir si la trajectoire donnée à la flèche était correcte. Non, la raison demeurait autre, mais Link ne savait pas ce dont il s'agissait.
- Qui t'a appris à utiliser un arc ? lui demanda-t-il avec son calme habituel.
Le brun lui jeta un regard, les sourcils toujours froncés, puis posa la pointe de son arc au sol pour répondre :
- C'est mon frère.
- Je vois. Tu te débrouilles plutôt bien, continue comme ça. Concernant ta position de base pour une cible immobile, je n'ai rien à redire. Il te manque juste la force pour toucher les mannequins plus éloignés, et tu l'acquerras avec le temps. Tu as déjà tiré sur une cible en mouvement ?
Thomas baissa la tête tandis que ses lèvres se pinçaient, ce qui ne put échapper au regard de Link. La poigne de l'apprenti se fit plus forte autour de son arc.
- Oui... souffla le brun avec peine.
Aussitôt, le prodige regretta sa question qu'il jugea particulièrement inappropriée à ce stade de leur relation maître-élève. Mais la réponse de Thomas avait éveillé chez lui quelques interrogations : pour paraître aussi affecté, quelle avait été sa proie ? Pourquoi une telle réaction de sa part ? Link n'eut guère le temps de le questionner, une servante se présenta à eux au nom de Zelda :
- Capitaine, la princesse désire s'entretenir avec vous, lui annonça-t-elle d'une voix monotone.
- Je viens immédiatement, je vous remercie.
Il se tourna vers ses trois apprentis et les appela pour le rejoindre. Quelques instants plus tard, ils se dirigèrent vers la salle du trône où les attendait la future reine. Ils marchaient silencieusement, personne n'avait réellement envie de parler bien que cette convocation intriguait les trois jeunes gens. Après une longue traversée du château, ils parvinrent enfin à son sommet et entrèrent dans l'imposante salle après avoir été annoncés. Ils trouvèrent étrange qu'aucun garde ne soit là, il n'y avait que la nouvelle conseillère royale à côté de la princesse. Cette dernière s'avança vers eux à grands pas et accorda un sourire à son compagnon de destin.
- Nous pouvons célébrer ton anoblissement en fin de semaine, Link, lui dit-elle avec un enthousiasme non dissimulé. Il ne manque plus que ton accord.
Les yeux du jeune homme s'agrandirent légèrement quand il apprit cela, Link ne s'attendait vraiment pas à ce que Zelda le lui annonce aussi soudainement. Mais la voir si heureuse à cet instant précis lui donnait envie de tout accepter pour le restant de ses jours. Intérieurement, il se reprocha de laisser ses sentiments prendre le dessus sur sa raison.
- Si vous avez redéfini ce qu'était la noblesse, alors j'accepte. C'est un honneur de pouvoir porter un tel titre de reconnaissance.
Link posa une main sur sa poitrine puis plaça un genou à terre afin de se prosterner. Derrière lui, les trois apprentis firent de même car ils ne savaient pas comment réagir face à cette situation. Leur capitaine allait se faire anoblir... Quel privilège d'être son élève ! Cela accrut davantage leur motivation pour ce qui allait suivre.
- Relevez-vous tous. Nul besoin de vous agenouiller pour une telle raison... les pria Zelda, embarrassée. Pahya a proposé d'organiser la cérémonie lors de la fête de Farore. J'ai trouvé que c'était une excellente idée.
- Elle a lieu dans quatre jours, précisa la Sheikah qui s'approchait lentement.
Le blond acquiesça puis plongea son regard dans celui de Zelda qui souriait avec discrétion. Des frissons lui parcoururent la peau sans qu'il n'en comprenne la cause, mais Link détourna aussitôt la tête, gêné.
- Bien entendu, tes élèves sont autorisés à y assister, ajouta Zelda qui leur offrait une expression bienveillante.
Ils la remercièrent d'un hochement de tête qui ne lui était pas inconnu. Tels élèves, tel maître, n'est-ce pas ? Après cette courte conversation, le petit groupe fut congédié et put revenir dans la cour afin de poursuivre l'entraînement. Néanmoins, Link se sentait inconfortable, un léger stress lui tordait les entrailles et avait fait pâlir son visage. Il voyait déjà de nouvelles responsabilités s'abattre sur ses épaules alors que ce n'était qu'un titre, rien de plus.
oOo
- Vous vous rendez compte ? Le capitaine va être le premier noble depuis un siècle ! Et nous allons pouvoir assister à la cérémonie !
- Du calme, Iris, lui dit Léon en souriant. Tu auras tout le temps de t'en réjouir après la cérémonie.
Les trois apprentis déambulaient le soir à travers les couloirs qui menaient à leur dortoir. Seul Thomas marchait légèrement en retrait, le regard toujours rivé au sol. Ses camarades ne savaient point comment s'y prendre avec lui, le brun ne semblait jamais disposé à parler. Lorsqu'il sentit leurs yeux posés sur lui, Thomas releva la tête avec embarras et rebaissa presque aussitôt le regard.
- Ne vous attendez pas à ce que je vienne, déclara-t-il avec nonchalance. Ma présence n'est pas nécessaire...
Iris se montra prise de court tandis que le blond à ses côtés haussait les sourcils. La jeune fille s'approcha de son camarade mais celui-ci eut un mouvement de recul.
- Si la raison de ton absence est que tu apportes le malheur partout où tu vas, je te jure que je vais te faire ravaler tes mots.
Le brun fut outré qu'elle puisse penser cela de lui.
- Je ne m'abaisserai jamais à croire une telle chose, répliqua Thomas avec fermeté. Et la raison de mon absence ne concerne que moi.
- Est-ce que cela a un quelconque rapport avec le capitaine ? se risqua Léon.
Thomas fit non de la tête puisque la raison était toute autre. Il n'avait tout simplement pas envie d'y aller, c'était une cérémonie qui ne le concernait pas et qui ne lui apporterait rien. Finalement, il contourna ses deux camarades puis quitta l'enceinte de la forteresse pour se rendre sur le long chemin menant aux étages supérieurs du château. Iris et Léon se regardèrent, désemparés, avant de reprendre leur marche en direction de leur chambre, non loin de là.
Pourtant, après une vingtaine de minutes à cogiter sur le matelas de son lit, Iris finit par se lever et quitter sa chambre d'un pas rapide. Le jeune archer n'était pas revenu au dortoir et, au vu de l'heure, cela restait inquiétant. La châtaine quitta à son tour les murs de la forteresse, l'air en cette fin de soirée s'avérait frais pour la saison, aucun nuage ne planait dans le ciel ou ne cachait la lune. Éclairée par les torches environnantes, Iris balaya les lieux du regard afin de trouver son camarade dont elle ne savait que peu de choses. Il n'y avait personne sur son chemin et pourtant, un étrange bruit étouffé lui parvenait. C'était un petit son aigu qui lui rappela les histoires de fantômes comptées par sa sœur jumelle. Intriguée, elle se fia à son oreille pour en trouver l'origine : la jeune fille fit silencieusement le tour d'un arbre et se figea quand elle vit un œdicnème tachard à l'apparence bleu mi-transparente. Le petit oiseau aux longues et fines pattes ressemblait un peu à un rumy à cause de la lumière bleutée qu'il dégageait.
D'un coup, il leva la tête et disparut dans un souffle bleuté qui se dirigea vers une silhouette assise contre le tronc d'un saule pleureur. Encore sous l'effet de la sidération, la châtaine reconnut Thomas assis en tailleur.
- C'est...C'était de la magie ? souffla-t-elle, ébahie.
Le brun se crispa dans la pénombre et détourna presque aussitôt le regard sans même apporter de réponse. Lui qui pensait être seul... Il aurait voulu qu'Iris s'en aille mais celle-ci s'approcha de lui en poussant les branches tombantes de l'arbre.
- Thomas, tu es un mage ? lui demanda-t-elle avec hésitation.
- Ce n'est pas ce que tu crois...
Il se leva puis voulut s'échapper rapidement, cependant Iris le retint par le bras et l'obligea à rester tant qu'elle n'aurait pas d'informations supplémentaires.
- Le capitaine le sait ? Non, dis-moi d'abord comment une telle chose est possible ! Je pensais que seule la princesse pouvait user de la magie.
Thomas parut déconcerté et particulièrement embarrassé d'avoir été surpris ainsi. Il avait pris l'habitude de se cacher pour s'adonner à ses activités, jamais il ne pensait que quelqu'un viendrait le trouver à cette heure-ci.
- Ne le dis à personne, la supplia-t-il avec hâte. Je ne veux pas avoir des ennuis.
- Pourquoi est-ce que tu en aurais ?
L'Hylienne lui lâcha le bras en attente de réponse. Ce qu'elle venait de voir s'apparentait pourtant à de la magie blanche, alors pourquoi cela lui causerait des problèmes ? Thomas laissa échapper un soupir puis vint s'adosser au saule pleureur.
- Je ne suis pas purement hylien, commença-t-il d'un ton neutre. Ma mère est née à Elimith mais mon père n'était pas originaire d'Hyrule. Je n'en sais pas plus, il a été tué par des lézalfos peu après ma naissance. En vérité, c'est mon grand frère qui m'a appris l'existence de nos pouvoirs, hérités de notre père. Du moins, il m'a enseigné ce que lui-même avait découvert tout seul.
- Est-ce que c'est... notamment de la magie noire ?
Cette question eut au moins l'effet de donner une expression neutre à Thomas au lieu de son habituelle expression fermée. Sans doute avait-il été amusé par cette question ?
- Le peu de sorts que je parviens à maîtriser ne feraient pas de mal à une mouche, la rassura le jeune homme en la regardant dans les yeux. Comme tu peux le voir, j'arrive à reproduire une forme de vie comparable à celle d'un petit animal.
- C'est incroyable, j'ai l'impression de rêver...
Il l'observa un long instant tandis qu'Iris ne savait quoi dire. Finalement, Thomas émit un énième soupir puis se décida à revenir vers sa camarade. Il scruta les alentours avec attention puis revint poser son regard sur Iris, figée.
- Tu me promets de ne rien dire à personne ?
Elle opina avec calme.
- Je te le promets, prononça-t-elle solennellement.
- Maintenant, tends ton bras.
Iris s'exécuta sans poser de question, elle retenait son souffle en s'imaginant déjà ce que le jeune homme allait faire. Il plaça sa main à une dizaine de centimètres au-dessus de sa peau puis il la fit lentement tournoyer de sorte que des particules bleutées se forment dans un tourbillon. Partant de l'avant-bras d'Iris jusqu'à la main de son créateur, des pattes apparurent, puis un abdomen, des ailes et enfin la tête. Le même œdicnème tachard que précédemment se présenta à l'Hylienne dont les yeux s'écarquillèrent d'émerveillement. Certes, la lumière émise par la créature la forçait à plisser les yeux mais cela n'enlevait en rien son charme. L'oiseau n'avait pas de masse, il n'était pas une contrainte pour Iris qui ne cessait de le fixer. Ce dernier battit des ailes bien qu'il ne s'envolât pas.
- En temps normal, cette espèce vit dans un milieu chaud et humide, lui apprit Thomas en laissant sa main retomber le long du corps. Je n'ai pas eu l'occasion d'en voir beaucoup.
La châtaine leva les yeux vers lui et lui adressa un regard interrogateur.
- Tu as déjà voyagé ? se renseigna-t-elle avec intérêt.
- Oui, quelques fois.
- Tu en as de la chance... J'ai toujours vécu à Écaraille. Je ne connais pas très bien le reste du royaume alors la moindre nouveauté me met dans tous mes états.
Cela la fit sourire. Iris essaya de caresser la créature mais au contact de sa main, elle se désintégra dans un même souffle bleuté qui s'évapora vers le ciel étoilé. Déçue, la jeune fille fronça légèrement les sourcils puis s'étira pour cacher sa confusion.
- C'est dommage, j'aurais aimé que l'oiseau reste plus longtemps...
- Mes créations disparaissent toujours quand je les touche. Je ne suis pas assez doué pour les garder matérialisées.
- Peut-être qu'un jour, tu y parviendras ?
Thomas haussa les épaules. Il jeta un coup d'œil vers le château avant de souffler avec discrétion.
- Nous devrions rentrer.
Sa camarade hocha la tête puis ils revinrent tous deux dans l'enceinte de la forteresse sans un mot. Ils se dirigèrent vers leur dortoir, quelques valets se trouvaient sur leur chemin et les épiaient en se demandant certainement ce que deux jeunes apprentis faisaient dehors à cette heure-là. Après de longues minutes à déambuler dans les couloirs, tous deux parvinrent à leur chambre respective à côté de celle de Léon. Iris s'arrêta sur le palier de sa porte puis se tourna vers son camarade pour lui sourire.
- Merci pour tout à l'heure, le remercia-t-elle en chuchotant. Je serai ravie d'en découvrir plus.
Sans attendre, elle lui souhaita de passer une bonne nuit avant de s'enfermer dans sa chambre, laissant seul le jeune homme qui restait immobile. Son habituelle expression attristée revint sur son visage puis il s'engouffra à son tour dans cette pièce qui correspondait à son dernier refuge. En vérité, il était soulagé de montrer ses dons pour la première fois. Lui qui craignait être rejeté à cause de cela... En fin de compte, il avait réussi à recevoir l'admiration de sa camarade. Le regard de cette fille lui était familier, Thomas le savait bien. Cette raison l'avait poussé, jusqu'à présent, à ne pas vouloir lui parler. Sans doute car il ne voulait pas repenser aux souvenirs heureux liés à la personne qui possédait ce même regard, quatre ans plus tôt.
oOo
Le grand jour était arrivé, la salle de réception avait été aménagée pour l'occasion et n'accueillerait qu'un petit comité de personnes invitées. Zelda arborait la broche en forme de princesse de la sérénité restaurée, celle-ci maintenait une mèche de cheveux sur le côté pour ne pas la gêner. Elle portait une robe royale de couleur bleue et tombante jusqu'aux pieds, un bustier en cuir clair entourait son abdomen et soutenait sa robe. Les températures l'avaient obligée à ne pas porter des manches sous peine de se déshydrater trop rapidement. Une longue et fine épée était sanglée à sa taille. Au centre de la salle de réception, l'Hylienne attendait l'arrivée de son compagnon certainement en train de patienter derrière les lourdes portes. Face à elle étaient assis sur la rangée de gauche Impa, sa sœur, ainsi que Faras. Sur la rangée de droite se tenaient les représentants des quatre autres peuples : Riju, Teba, Yunobo et Sidon. Les trois apprentis hyliens se trouvaient derrière avec Terry, Asarim et Pahya.
Le cœur de Zelda martelait sa poitrine. Pour la première fois, elle anoblirait une personne qui n'était autre que Link lui-même. La princesse n'avait su écrire son discours dans un premier temps. Mais après mûre réflexion, elle avait pensé qu'un monologue sans fin serait bien inutile : mieux valait aller droit au but. Zelda soupira à cause de son anxiété. Elle souhaitait intérieurement que personne ne remarque le tremblement de ses mains qu'elle tâchait tant bien que mal de dissimuler. La jeune femme savait que ce jour-là marquait un nouveau tournant dans sa vie. Car le lendemain, elle serait une nouvelle personne.
La porte s'ouvrit enfin, deux gardes s'engouffrèrent dans la salle de réception et guidaient Link jusqu'à la princesse sur l'estrade rouge. Tous deux se sourirent puis Zelda attendit que les deux gardes soient sortis pour commencer la cérémonie. D'un geste courtois de sa main, elle pria le Héros de s'avancer sur l'estrade avec elle. Link s'exécuta et s'agenouilla devant la future souveraine en prenant soin de placer sa main sur sa poitrine, au-dessus de son cœur.
- Héros d'Hyrule, commença-t-elle d'une voix solennelle. Aujourd'hui, ce n'est pas pour te remercier une énième fois d'avoir libéré le royaume que je t'ai convié ici. En ce jour si singulier, moi, Zelda Hyrule et future souveraine, je vais t'accorder le titre réservé aux braves, à ceux qui ont prouvé leur courage et leur valeur au front.
La jeune femme dégaina l'épée à sa taille tandis que Link l'observait avec attention, le cœur battant la chamade.
- En suivant les traces de ton père, tu as su prouver tes capacités de chevalier. Tu as montré à ton roi ta détermination sans faille sur le champ de bataille et ta volonté de protéger sa fille au péril même de ta vie.
Zelda fit tourner l'épée de sorte que sa pointe soit dirigée vers le plafond, elle prit la fusée à deux mains puis approcha l'arme verticale vers son visage avant de fermer les yeux pour poursuivre. Quant au Héros, il inclina sa tête en signe de profonde humilité.
- Après cent ans d'absence et malgré ton amnésie, tu as eu la force et le désir de combattre à nouveau alors que la mémoire te faisait défaut. Tu as eu le courage d'affronter la solitude ainsi que la multitude d'ennemis se dressant sur ta route. Enfin, tu as eu la sagesse d'aider ton prochain à devenir meilleur malgré ce monde de terreur et de violence.
La princesse rouvrit les yeux, tout le monde retenait son souffle dans la salle de réception. Ils virent l'épée s'abaisser avant d'être remise dans son fourreau. Zelda tendit finalement la main droite et la posa sur la chevelure blonde de son compagnon. Link sentit un agréable sentiment de quiétude l'envahir et sa pression retomba immédiatement.
- Armé de la Lame Purificatrice, l'épée forgée par la déesse Hylia, tu as vaillamment combattu et tu as triomphé du Mal après de longs mois de quête. Tu es redevenu celui que tu étais. Non... Tu as surpassé le preux chevalier que tu étais. Ton cœur empli de noblesse et de bravoure t'a guidé jusqu'à la victoire.
Zelda esquissa un sourire fin puis elle retira sa main avec douceur.
- Relève-toi, Link, le pria-t-elle d'une voix calme.
Le jeune homme sembla hésiter quelques secondes puis il se releva avec dignité, le regard ancré dans celui de son amie.
- Reçois ce titre de noblesse pour tous les exploits que tu as accomplis. Sois fier de le porter, seuls les plus valeureux et nobles d'esprit peuvent le mériter. Tu vivras comme tous les autres Hyruliens, tu ne revendiqueras aucun privilège et tu montreras à tous ce que signifie réellement « être noble ».
- J'y veillerai, Votre Altesse, prononça Link après avoir acquiescé.
Aussitôt, les invités se levèrent et applaudirent joyeusement le chevalier anobli visiblement embarrassé. Tous ses apprentis, même Thomas, se montraient fiers d'avoir un maître tel que lui. Ce moment fut si intense et riche en émotions qu'Impa ne put s'empêcher de pleurer en se remémorant tout le chemin parcouru. Elle connaissait les deux élus depuis leur enfance, les voir ainsi après toutes ces années... La Sheikah n'avait pas les mots pour qualifier le bonheur qui l'animait à ce moment précis. Sa sœur Pru'ha dut la prendre dans ses bras avec Pahya pour calmer ses pleurs et fêter ce grand moment ensemble. À travers le bracelet qu'il lui avait offert, Zelda percevait la joie profonde que Link ne semblait pas vouloir manifester.
- Tu vois, ta vie n'a pas radicalement changé, lui dit-elle à voix basse en souriant.
- Ce n'est que le début, lui répondit Link qui résistait à la tentation de lui prendre la main. Demain sera un jour nouveau.
- Demain est toujours un jour nouveau.
Sa remarque fit sourire l'Hylien qui admit l'évidence de ses propos. À vrai dire, il perdait ses mots. Heureuse, Zelda l'invita à rejoindre leurs amis pour discuter et célébrer en bonne et due forme son anoblissement. Cependant la journée s'avérait loin d'être finie.
oOo
Le soir même, après une agréable promenade nocturne aux abords de la citadelle, Zelda et son chevalier servant revinrent au château, plus précisément dans ses appartements pour profiter encore un peu de la soirée avant de se coucher. Pour l'occasion, la princesse avait lu à son chevalier une partie de son journal dans le but de se souvenir des moments passés ensemble. Bien que les débuts ne fussent guère joyeux, la suite raviva une certaine nostalgie mais aussi l'exaltation due à ces moments de joie vécus ensemble. Par moments, le jeune homme épiait sa damoiselle et se plaisait à admirer son sourire.
Link était d'autant plus heureux de voir sa broche en forme de Princesse de la Sérénité. Ce même bijou qu'il avait trouvé dans sa main lors de son réveil. Sa valeur sentimentale pouvait dépasser l'entendement... Zelda leva alors les yeux vers lui et le dévisagea intensément, ce qui parvint à le mettre mal à l'aise. Avait-il quelque chose sur le visage ? Un morceau de feuille ? Une mèche de travers ? Link posa une main sur son front puis sur son crâne mais ne trouva rien d'anormal. Peut-être avait-il mal interprété le regard de la jeune femme ?
Zelda prit alors son visage entre ses mains et l'embrassa hâtivement, prenant de court le blond qui manqua de sursauter. Il ne s'y attendait pas, ce n'était vraiment pas dans les habitudes de la princesse. Le souffle brûlant de Zelda vint lui caresser la peau et le faire frémir. Certes, Link aimait cela mais... Il ne s'en sentait pas digne, d'une certaine manière. L'Hylienne le poussa vers une table derrière lui, le forçant à reculer jusqu'à ce qu'il prenne appui dessus. Zelda décolla ses lèvres des siennes et vit les joues teintées de rose de son amant. Il semblait perdu. Le cœur de la princesse s'emballa, tant de pensées se bousculaient dans son esprit ; elle venait enfin de prendre son courage à deux mains et d'assumer entièrement ses pulsions envers le jeune homme.
Doucement, ses mains glissèrent de la joue au cou de Link jusqu'au bas de sa tunique, traçant une ligne de frissons. Lorsqu'elles passèrent sous le tissu, le chevalier attrapa les avant-bras de Zelda pour l'arrêter, les yeux écarquillés.
- Ne... Ne faîtes pas cela, la pria-t-il à mi-voix.
Link n'était pas stupide, il avait parfaitement compris ce qu'il se passait.
- Vous devez le réserver à votre futur mari, le prochain roi du royaume.
Ses mots se perdirent dans un souffle. Penser à cela lui faisait bien mal... Le Héros avait conscience que leur relation ne tenait qu'à un fil. Zelda l'observa avec affliction, se pencha vers lui pour déposer un délicat baiser sur sa joue puis approcha sa bouche de son oreille pour lui murmurer :
- C'est toi que je veux, affirma-t-elle tandis que ses joues rougissaient. Personne d'autre...
Les yeux de Link s'agrandirent tandis que son cœur ratait un battement. Une joie immense mêlée à du soulagement naquit au sein de sa poitrine. Sa compagne l'acceptait tel qu'il était, peu importe les différences sociales à la naissance, peu importe l'avis du peuple. Zelda le voulait lui, simple fils de roturier, simple chevalier, simple Hylien. Machinalement, il lâcha la princesse et ferma les yeux un instant pour profiter de ce petit moment de bonheur. Celle-ci entreprit de continuer son geste et déposa ses mains contre l'abdomen brûlant de son amoureux avant de les remonter lentement, ce qui fit frémir Link.
Au fur et à mesure qu'elle remontait vers son poitrail, Zelda soulevait la tunique du prodige pendant qu'elle osait de nouveau embrasser le chevalier. Ses baisers étaient bien plus fougueux et entreprenants que les précédents. Link s'abandonnait à elle et laissait par moments échapper des soupirs d'aise. Cette situation n'était pas celle qu'il espérait vivre un jour avec la princesse, mais il devait avouer qu'elle était loin de lui déplaire. Lorsque Zelda descendit vers sa mâchoire et qu'elle embrassa la peau de son cou, il frémit inexorablement et serra les dents de peur d'émettre le moindre de son. Elle le remarqua mais ne l'interpréta pas de la bonne façon.
- Si tu n'en as pas envie, je peux arrêter, murmura Zelda en reculant légèrement la tête pour échanger un doux regard avec lui.
Elle commençait à baisser sa tunique quand il lui attrapa une main.
- Non, je vous en prie... Continuez, lui demanda Link bien qu'embarrassé de devoir le faire.
Le ventre de la princesse se tordit plaisamment, elle lui retira son vêtement puis contempla cette peau qui portait encore les traces d'un combat. De celui qui avait failli coûter la vie de Link si elle n'avait pas pu le faire transporter au Sanctuaire de la Renaissance. Sur le moment, le Héros pensa que cette vue lui déplaisait. Les cicatrices n'étaient jamais belles à voir... Surtout celles-ci. Il détourna la tête, mal à l'aise. Si cette table n'avait pas été là pour le bloquer, sans doute aurait-il tourné le dos à Zelda, par honte. Nullement dégoutée par ce qu'elle voyait, la jeune femme effleura avec délicatesse sa peau et provoqua chez lui d'énièmes tressaillements. Ainsi, elle parcourut son torse pour qu'il oublie l'état de celui-ci et elle perçut ses frissons sous ses doigts. Finalement, Zelda lui prit les mains et le tira vers son lit à baldaquin, son rythme cardiaque s'emportait de plus en plus.
- Assieds-toi, pria-t-elle Link qui s'exécuta docilement.
Il se demandait bien quelle serait la suite. Le jeune homme observait avec incompréhension la princesse qui restait debout, face à lui. Cette dernière inspira profondément puis attrapa les pans de son bustier sans lâcher son compagnon du regard.
- Ce soir, je ne suis plus la princesse, annonça-t-elle avec volonté. J'aimerais que tu agisses en sachant cela.
- Je... À vos ordres... bafouilla-t-il malgré lui.
Le fait de le voir aussi perdu fit sourire la jeune femme qui se sentit plus à l'aise. Tous les deux étaient dans le même cas. Ils expérimenteraient quelque chose de nouveau. Zelda retira son bustier puis sa robe, dévoilant la chair de son ventre et son sous-vêtement de tissu gris. Aussitôt, le chevalier détourna la tête en bredouillant des excuses inaudibles. Aucunement froissée, l'Hylienne retira ses bottes ainsi que la paire de Link qui subissait désormais tout ce qui se passait. Zelda posa un genou sur le lit, empoigna les épaules du Héros puis le plaqua sur le matelas. Son regard devenu ardent le pétrifia et réussit à le calmer. La jeune femme baissa la tête puis commença à embrasser chaque cicatrice qui se présentait à elle. Effacer les mauvais souvenirs durant une soirée, tel était l'un de ses désirs. Se laisser aller, abandonner les codes, vivre l'instant présent.
Au fur et à mesure de ses baisers, Zelda sentait le torse de Link se soulever de plus en plus vite au rythme de ses inspirations. Il n'osait rien faire, il n'en avait guère la force. Leur température corporelle ne faisait que croître de minute en minute, l'air de la chambre se densifiait. Par moments, on pouvait entendre le sifflement de leur respiration. Zelda se réjouissait de constater l'effet produit sur son amant. Après tout, cela faisait quelques semaines déjà qu'elle pensait à le faire. Elle se laissait guider par son instinct. Au bout de plusieurs minutes, Link posa enfin les mains sur le dos ardent de la princesse et la fit tressaillir ; elle en faisait déjà trop pour lui.
Le chevalier entreprit d'inverser leur position et se retrouva dorénavant au-dessus d'elle pour la surplomber de toute sa prestance. La voir ainsi lui donnait un étrange sentiment qu'il ne savait décrire sur le moment. Les yeux de sa compagne, comme il aimait s'y perdre dedans... Avec douceur, Link lui caressa la joue en souriant. Il savait que ses iris bleus ne laissaient pas la jeune femme indifférente. La bouche de celle-ci s'était entrouverte.
- Zelda, je vous aime éperdument, lui souffla-t-il en s'approchant de son visage.
Émue, elle lui adressa un sourire doux. Avec délicatesse, ils scellèrent leur bouche pour un fiévreux baiser où Link inclina légèrement la tête sur le côté. Non sans hésitation, il put approfondir le baiser en prenant son temps dans un instant peu chevaleresque. Ses mains glissèrent le long des avant-bras de sa compagne jusqu'à ce que ses doigts rencontrent puis s'entremêlent avec les siens. Ce moment, ils voulaient le graver à tout jamais dans leur mémoire. Il marquait un renouveau, un commencement. Cette soirée-là, ils s'unirent pour la première fois sans penser aux potentielles conséquences : peu importait l'avis des autres, peu importaient leurs rôles. Ils ne désiraient que vivre selon leur souhait.
oOo
Alors ! Je me dois de dire quelque chose ici. Premièrement, je m'en fous s'il y a des frustrés par rapport à la dernière scène, je voulais écrire du soft, ce qui convient le mieux aux personnages de Link et Zelda de cet opus afin de ne pas trop les dénaturer. J'espère que vous avez quand même apprécié, surtout que je ne suis jamais très à l'aise dans ce genre de scène ^^' Je le verrai dans vos avis, de toute manière...
Bref, à la prochaine !
Oui, c'est moi qui l'ai dessiné x) Je sais que Link est censé avoir les mêmes cheveux que dans botw, mais le rendu était vraiment bizarre alors j'ai opté pour des cheveux courts.
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