Chapitre 37
Ce jour-là, j'ai compris ce qu'était... la Clé.
À plusieurs centaines de mètres en-dessous d'eux, Pahya et Link découvraient avec désarroi le paysage dévasté par la corruption qui avait disparu à de nombreux endroits, comme aspirée par le sol. Toute la flore était morte, la faune n'avait pas non plus réchappé à ce triste sort. Seule la terre, unique vestige d'une ère révolue, était teintée par la lueur rose orangée créée par le crépuscule. À des lieues à la ronde, plus aucun signe de vie. Il n'y avait que les elvëschs qui peuplaient le ciel. Profondément choqué par ce qu'il voyait, Link n'osait plus respirer et se demandait sans cesse s'il ne cauchemardait pas. Il n'y avait plus rien à sauver à Hyrule... En plus de ces constatations déconcertantes, Elzier ne se dirigeait pas vers le plateau du Prélude. Il volait en direction du Sud-Est, ce qui fut incompréhensible pour le Héros et Pahya.
- Elzier, nous devons rejoindre le plateau du Prélude, prononça Link en dépit de sa voix enrouée.
- Non.
Son ton sans appel ne fut guère le bienvenu en raison de la récente bataille et des pertes nombreuses à déplorer. Sans compter... la mort de cette fillette qui se trouvait toujours dans les bras de Zelda.
- Olympe m'a donné pour mission de te protéger, et ce depuis le début de ton périple, énonça la créature qui battit une nouvelle fois des ailes. Nous allons à Panah. Tu reprendras des forces là-bas et tu pourras parler de stratégie avec d'autres hauts dignitaires.
Une colère vive tordit le ventre de Link dont les muscles se tendirent aussitôt. Au moment où il s'apprêtait à répondre sèchement, une main se posa sur son épaule : celle de Pahya. Le prodige tourna soudainement la tête vers elle et ancra ses iris dans les siens. La Sheikah se fit plus petite mais soutint le contact visuel. Ainsi, elle fit comprendre à son ami qu'il valait mieux écouter Elzier et se résigner à ne pas rejoindre le plateau du Prélude. Link émit un soupir fatigué puis il reporta son attention sur Zelda. La jeune femme tenait toujours le corps sans vie de Lasya et pleurait à chaudes larmes sa perte. Elle demeurait inconsolable pour le moment, même lorsque son compagnon la serra dans ses bras pour la consoler. Mais il n'y avait rien à faire, sa peine était bien trop grande, bien trop profonde pour qu'elle puisse détacher ses yeux du corps frêle qu'elle maintenait contre elle. La culpabilité lui ôtait la parole et la rongeait. Zelda se revoyait sans cesse en train d'accepter de prendre Lasya avec elle pour l'emmener à la surface. Cette décision l'avait conduite à la mort et l'Hylienne ne se le pardonnerait jamais. Soran avait raison, une enfant n'aurait jamais dû les accompagner.
Elzier jeta un coup d'œil sur le côté afin de surveiller ses semblables qui volaient un peu partout dans le ciel. Plusieurs d'entre eux n'avaient, hélas, pas survécu à cette mission de sauvetage ; certains ne transportaient même pas le nombre escompté d'humains, témoignant ainsi des lourdes pertes suite au guet-apens. Cette guerre ne laisserait personne indemne... Il faudrait tout annoncer à Link et la princesse qui, déjà, connaissait une disparition qui lui était chère. Tous deux devaient encore traverser de nombreuses épreuves avant d'affronter le seigneur du Malin en personne. Tous leurs proches ne survivraient pas. Les paupières de l'elvësch se plissèrent puis il regarda très légèrement au-dessus de lui. L'un des siens transportaient notamment Thomas qui n'avait pas voulu importuner la princesse et le Héros. Ce garçon... Elzier secoua la tête afin de chasser sa nouvelle pensée. Cela n'avait pas d'importance de toute manière.
Après une trentaine de minutes parues interminables aux yeux de tous, les elvëschs passèrent enfin au-dessus de la ville de Panahpolis, la capitale de Panah. Les frontières ouest et nord-ouest avaient été attaqués depuis plusieurs semaines, de vastes plaines n'étaient plus que terres sèches et stériles. Les Corrompus avaient été écartés un temps grâce à la technologie sheikah de Faras qui travaillait sans relâche pour créer de nouvelles armes capables de lutter contre la corruption. Mais bientôt, le pays deviendrait comme Aurean et Hyrule : dévasté. Le reste des armées de la grande alliance s'était réfugié sur le territoire de Panah et tâchait de protéger au mieux ce qu'il restait des frontières nord-ouest et ouest, en plus de celles au sud et à l'est. Le nombre de soldats du néant s'accroissait de jour en jour car Ganondorf recouvrait ses forces.
Lorsqu'Elzier atterrit enfin au sein d'un vaste champ, perdu au milieu d'une forêt, Link tenait sa fiancée contre lui et gardait le silence. Une fois que Pahya glissa le long de l'aile de la créature, il décida de prendre le corps de Lasya dans ses bras puis il descendit avec elle en prenant soin de poser sa tête contre son épaule. Muette à cause de ses sanglots irréguliers et de la douleur qui l'animait, Zelda le suivait en se tenant les bras en dépit de son manque de force. Le chevalier marcha sur quelques dizaines de mètres dans le but de s'éloigner d'Elzier et de ses semblables puis il se tourna et examina ce triste spectacle. Les guerriers soneaux, pour la majorité blessés, peinaient à se déplacer et à se diriger dans un environnement inconnu. Avec incompréhension, ils observaient les arbres aux feuilles orangées à cause de l'automne, leur regard se portait parfois vers le ciel qui prenait maintenant une couleur violette, presque bleue. L'expression de Link s'aggrava d'autant plus quand il constata les pertes.
- Link ! le héla une voix qui, sur le moment, l'insupporta plus que tout.
Dans un mouvement sec, il tourna la tête sur le côté et dévoila ses iris d'un bleu froid à Astrid. Celle-ci accourait vers lui, suivie par Léon et Iris. La guerrière châtaine ralentit son allure puis soupira de soulagement face au Héros qui n'était visiblement pas blessé.
- Les deux élus sont sains et saufs, la mission est un succès, énonça-t-elle en s'arrêtant à quelques mètres de lui.
Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent tandis que sa prise se fit plus forte contre le corps de la fillette.
- La mission... est un succès ? répéta-t-il dans un murmure qu'elle perçut grâce à son ouïe affinée.
Astrid n'eut pas le temps de relever sa question car déjà, au loin, une nouvelle troupe de soldats arrivait. Leur marche rapide entraînait quelques vibrations dans le sol et créait un bruit qui inquiéta fortement les Soneaux. À leur tête, une personne se démarqua en quittant les rangs et en se précipitant vers les nouveaux arrivants. La jeune femme, dont il était question, vint se jeter dans les bras d'Astrid et l'étreignit avec ferveur.
- Ma sœur, prononça le jeune général en fermant les yeux à cause de l'émotion.
- Je suis heureuse de te revoir indemne... Tu ne peux imaginer à quel point j'ai eu peur quand Elzier m'a parlé de ce guet-apens.
Astrid donna une tape fraternelle dans le dos de sa jumelle puis cette dernière s'écarta avant de reporter son attention sur Link. Olympe découvrit le corps frêle dans ses bras, ce qui lui pinça fortement le cœur et l'attrista. Elle s'approcha du Héros dont l'air sombre n'inciterait personne à venir lui parler pour l'instant, puis elle aperçut la descendante d'Hylia derrière lui.
- Princesse Zelda, si les conditions n'avaient pas été aussi particulières et délicates, j'aurais été enchantée de vous rencontrer, commença Olympe avec nonchalance. Malheureusement, le temps nous manque à tous. Nous devons impérativement mettre au point une stratégie et attaquer le château de votre royaume. Sinon il sera trop tard...
Zelda ne réagit aucunement à ses propos. Son regard se perdait dans le vide pendant que des larmes, par moments, coulaient le long de ses joues.
- La princesse n'est pas disposée à parler, déclara Link sur un ton sec.
Il tourna la tête vers sa compagne et son regard changea pour devenir plus triste et empathique.
- Elle a besoin de repos... et de solitude.
- Je comprends, lui assura Olympe qui joignit ses mains en signe de nervosité. Dès qu'elle se sentira prête, elle sera menée au palais et elle pourra se reposer dans une chambre réservée pour sa personne.
Link refit face à la châtaine, puis il la remercia. Ensuite, il interpela Léon et Iris puis les pria de prendre l'enfant ainsi que Zelda. Il fallait enterrer Lasya avant que la princesse puisse de nouveau prendre part au combat. Elle devait faire son deuil et adresser ses derniers adieux à la dépouille. Le capitaine de la garde royale leur demanda aussi de retrouver Thomas afin qu'il dise aux guerriers soneaux de veiller sur Zelda encore un peu. Léon prit donc Lasya dans ses bras tandis qu'Iris se chargeait de guider Zelda à l'écart. Grâce à Thomas, ils trouveraient bien des hommes et femmes qui accepteraient de creuser une tombe pour les aider. Une fois qu'ils furent éloignés, Link fronça les sourcils puis leva la tête en direction d'Astrid. Soudainement, il s'avança d'un pas et voulut l'empoigner par le col. Cependant, il se ravisa au dernier moment et préféra faire volte-face dans un mouvement de rage.
- Pourquoi ?! s'écria-t-il sans retenue. Tu savais ! Tu savais et tu ne nous as rien dit ! Pourquoi ?
Dos à elle, il ne put voir l'air sérieux et mature qui passa sur le visage du jeune général. En survolant Hyrule, Link avait bien vu que la corruption ne recouvrait plus sa terre natale. Maintenant, elle se trouvait à Aurean et commençait à ronger Panah. Le chaos avait gagné en surface et seuls Astrid ainsi qu'Elzier pouvaient le savoir, durant leur séjour à Delteha, grâce à la télépathie.
- Tu devais rester concentré sur ton objectif, c'est-à-dire retrouver la princesse et la ramener saine et sauve, rétorqua Astrid pour se défendre. En apprenant la propagation de la destruction, tu te serais davantage empressé de sauver ta fiancée. Or c'est dans la précipitation que l'on commet le plus d'erreurs fatales.
- Des erreurs fatales ? articula-t-il d'une voix blanche. Laisser les pays limitrophes d'Hyrule être envahis et détruits par la corruption, ce n'est donc pas une erreur fatale ?
La châtaine tiqua pendant qu'Olympe reculait de quelques pas par précaution. Elle ne voulait pas s'immiscer dans une querelle qui la dépassait et ne la concernait pas directement.
- Et que voulais-tu faire de plus ? Dis-moi, « Héros d'Hyrule » ! s'exclama Astrid qui peina à garder son sang-froid. Tu penses que ta présence ici aurait changé quelque chose ?
Elle dégaina soudainement son épée puis la planta brutalement dans le sol, sans cacher la colère et la pression qu'elle extériorisait enfin.
- Tu n'es qu'un homme, Link ! Un seul pauvre chevalier dont la présence est insignifiante lors d'une grande bataille ! Que tu sois là ou non, rien n'aurait changé. À part peut-être le fait que tu aurais été tué à un moment ou à un autre !
- Je crois que tu as oublié que... reprit-il en se tournant vers elle, les poings serrés.
Astrid secoua négativement la tête et le coupa aussitôt :
- Non, je n'ai pas oublié que tu as sauvé un royaume en déclin. Mais qu'as-tu réellement affronté ? Ce n'étaient que des monstres stupides et des machines sans intelligence ! Aujourd'hui, je te parle de milliers et de milliers d'anciens soldats, guerriers et mercenaires qui sont revenus d'entre les morts !
Sa gorge se noua et l'empêcha de poursuivre directement. La jeune femme déglutit, bien qu'elle ne fut guère impressionnée par l'attitude glaciale de son interlocuteur qui ne lui accordait qu'un regard noir.
- Mais toi, tu agis encore comme un gamin quand tu perds le contrôle d'une situation, lui reprocha-t-elle avec amertume. Tu n'arrives toujours pas à comprendre que certains choix demandent de grands sacrifices, pour le bien de tous. Après tous ces récits qu'on m'a rapporté à ton propos, j'ai été terriblement déçue de le remarquer...
Elle donna un coup de pied dans son épée qui, lentement, se pencha sur le côté avant de plonger vers le sol et de le heurter avec lourdeur.
- Tu veux sauver tout le monde mais tu sais parfaitement que c'est impossible, continua Astrid d'une voix tremblante. La preuve avec cette pauvre gamine et tous ceux des souterrains qui ont péri... Et toi, tout ce que tu trouves à me reprocher alors que nous avons tous risqué nos vies pour deux élus des déesses... c'est de me demander pourquoi j'ai préféré ne pas te tenir au courant du cours de la guerre ?
Confronté au silence pesant du Héros, elle ne pouvait espérer meilleure réponse pour avoir raison. La châtaine pinça les lèvres, se tourna vers des soldats de Panah puis ordonna à certains d'entre eux de rester sur place afin de protéger la princesse. Après cela, elle se mit de profil vis-à-vis de Link mais elle ne le regarda pas.
- Le plateau du Prélude a été déserté depuis moins de deux semaines, lui apprit-elle avec regret. Les Gerudos qui le défendaient ont été contraintes de l'abandonner et de fuir avec des réfugiés des sous-sols. Les Créatures Divines sont toujours là-bas, sans protection. À l'heure où nous parlons, personne ne sait si elles ont été corrompues.
Elle marqua une pause, le regard braqué vers l'orée de la forêt, puis elle haussa les épaules.
- Qu'importe. Tu sais tout autant que moi que ces machines ne sont pas la solution pour défaire Ganondorf. Maintenant, si tu le veux bien, j'aimerais récupérer de ces plusieurs semaines éprouvantes avant de pouvoir reprendre le combat. Tu devrais faire de même.
Astrid ramassa son épée puis la rengaina.
- À moins que tu souhaites me reprocher encore autre chose ?
Link serra les dents et détourna le regard avec agacement. Répondre à une telle question reviendrait à réagir comme un enfant, sans prendre du recul et se remettre en question. Après tous ces événements, Link n'avait pu s'empêcher d'être hors de lui en constatant l'état du monde extérieur. Astrid avait raison. Dorénavant, à son échelle, il n'était qu'un simple humain. Jamais il ne pourrait affronter seul une armée ou bien Ganondorf. Il avait besoin d'alliés et ceux-ci avaient tâché de survivre durant toute son absence. Ils s'étaient battus pour protéger l'ancien monde ainsi que la terre d'Hylia en attendant le retour des deux élus. Ces deux êtres qui, une fois menés vers la source du Mal, pourraient le sceller voire le détruire.
- Non ? reprit Astrid qui regagnait son calme. Alors comporte-toi de nouveau comme l'adulte que tu es supposé être.
Sur ce, elle s'éloigna rapidement et passa une main au-dessus de sa nuque dans le but de la masser. Elle avait fini sa mission auprès de Link. Dorénavant, son peuple la demandait et lui remettait ses espoirs entre ses mains. En tant que général, Astrid devait se concerter au plus tôt avec ses homologues ainsi qu'avec les chefs des autres armées. Elle souhaitait que Link soit tout de même rétabli car ses connaissances sur le seigneur du Malin, ainsi que sur la guerre en générale, serait bénéfique pour tous les alliés. Quant à l'Hylien, il tourna les talons et se dirigea vers Pahya qui l'observait depuis plusieurs minutes. Le cœur lourd, il ne leva pas les yeux vers elle bien qu'il s'arrêtât à ses côtés en restant silencieux. Link avait finalement décidé de rester auprès de la princesse pour la soutenir dans son nouveau deuil et la mener à Panahpolis dès qu'elle serait apte à reprendre le voyage.
Tous deux marchèrent vers l'extrémité de l'immense espace dégagé au sein de la forêt. Ils passèrent parmi la centaine de Soneaux rescapés et les elvëschs qui restaient sur place pour le moment. Après quelques minutes à réaliser la véritable ampleur de leurs pertes, Link aperçut l'enfant gardien, les pieds et poings liés, toujours surveillé par quelques gardes qui avaient eu le courage et la volonté de le tirer de Delteha, selon les ordres de la descendante de la déesse. L'indignation du Héros manqua de prendre le dessus sur ses autres émotions face à cet homme qui méritait de mourir après tous les crimes commis, et qui avait survécu. Ce meurtrier vivait toujours alors que des innocents avaient perdu la vie. Soran sembla percevoir la présence du prodige près de lui. Grâce à la lumière du crépuscule, il distingua nettement ce nouveau Héros qui se présentait à lui et qui le dévisageait avec rancœur.
- Ce n'est pas la première fois que tu faillis, Héros, prononça amèrement le brun qui ne voulait pas se soustraire à son regard. Tu n'es pas prêt pour ce conflit.
Si Soran n'avait pas été immobilisé par ces stupides cordages, il aurait sauté au cou de son principal ennemi pour abréger ses lamentations pitoyables et silencieuses. Cette occasion aurait été parfaite pour satisfaire Ganondorf et l'empêcher d'user de l'âme de sa sœur.
- Ren est morte, annonça-t-il sans ménagement. Si tu avais mieux protégé l'enfant, toutes les deux seraient présentes ce soir et les pertes ne seraient pas aussi considérables. Et maintenant...
Le Soneau afficha un sourire sarcastique que Link eut du mal à supporter.
- Tu vas devoir vivre avec tant de remords. Pauvre petit Héros voué à une mort lamentable.
Soran vit les sourcils de l'élu se hausser sans qu'il ne sache décrypter ce qu'il ressentait à cet instant-là. Était-il outré ? Surpris ? Plongé dans l'incompréhension ? Peut-être les trois à la fois... Par ailleurs, le silence du blond agaça l'enfant gardien qui revoyait Orazio devant lui, feignant l'indifférence à son égard.
- Oh, tu ne sais toujours pas ce qu'il t'arrivera si tu n'utilises jamais Sokyn, conclut le brun dont le dos se courba un peu plus. Si tu ne te sépares pas de lui, tu finiras comme tous nos prédécesseurs.
Soran ricana tant cela lui paraissait ridicule qu'une telle situation arrive au Héros en personne.
- Peut-être que je ne pouvais rêver mieux comme vengeance ! Sokyn absorbera toute ton essence et dès l'instant où tu mourras...
L'air du Soneau se rembrunit et fit frissonner Link dont les sourcils se froncèrent avant qu'il n'ait un mouvement de recul.
- Tu erreras éternellement, transformé en bête immonde que les rats des bas-fonds appellent Krassen.
oOo
Dorénavant, la nuit avait enveloppé Panah et le reste du continent. Les Soneaux, guidés par Thomas qui faisait office d'interprète, avaient allumé des flambeaux et éclairaient toujours l'immense espace dégagé. Tous attendaient que la princesse ait fini d'enterrer Lasya, puis ils se dirigeraient vers Panahpolis par la suite. Ils n'étaient plus qu'une centaine, tous les autres avaient péri sous les assauts ennemis ou bien à cause du pouvoir de Ren quand celui-ci s'était manifesté. Les survivants avaient le cœur lourd et se demandaient... Pourquoi eux ? Pourquoi eux vivaient toujours et pas leurs camarades tombés au combat ? La culpabilité de certains était telle qu'elle leur parut insupportable à endosser. Certes, ils avaient mené leur mission à bien en servant la prêtresse royale. Mais à quel prix ?
Les doigts entrelacés devant son ventre, Zelda observait le sol dont la terre avait été retournée. Elle y avait posé une gerbe de fleurs composée de germinis, de lys et de roses. Dans cette tombe reposait le corps de Lasya, mais aussi l'esprit de Ren. Ce fut Thomas qui lui apprit, quelques heures plus tôt, la perte de son amie. Cette nouvelle avait été le coup de grâce pour Zelda. Encore une fois, elle avait mené ses compagnons à la mort. Les prodiges, Lasya, puis Ren... Une fois de plus, la princesse perdit tout estime pour elle-même, toute confiance. Était-elle vouée à perdre tous ses alliés, incapables d'assurer leur survie ? Quelle était donc cette malédiction qui la suivait depuis plus d'un siècle ? Qui serait le prochain à mourir... Link ? Elle n'y survivrait pas. Zelda retint un dernier sanglot pendant que son fiancé se tenait à ses côtés, une main dans son dos pour la réconforter. Lui aussi avait perdu son assurance. Ses espoirs s'effritaient à vive allure, ses doutes le rattrapaient bien plus vite encore.
Face à eux, les trois apprentis assistaient à cette cérémonie triste et oppressante, tout comme Pahya qui gardait la tête baissée en repensant à sa propre grand-mère, elle aussi décédée. Les quatre compagnons de route entendirent Zelda renifler discrètement avant de prendre la parole d'une voix tremblante :
- Depuis mon enfance, la vie n'a fait que m'arracher des êtres chers... Ma mère, mon père, les quatre autres prodiges, Impa. Aujourd'hui, elles ont emmené celles qui m'ont sauvée et épaulée.
Une gêne au niveau de sa poitrine l'empêcha de respirer correctement et lui noua d'autant plus la gorge.
- Je ne pourrai jamais les remercier pour tout ce qu'elles ont enduré pour moi, souffla douloureusement Zelda.
De nouvelles larmes vinrent troubler sa vue et l'obligèrent à cliquer plusieurs fois des yeux afin de les refouler. Elle espérait qu'un champ de fleurs recouvrirait cette petite tombe, plus tard, et que les larmes versées sur elle les sublimeraient.
- Le Guide Miz'Kyosia connaissait leur sort mais il a préféré me cacher la vérité...
Elle aurait dû se douter que son omniscience lui permettrait d'acquérir un tel savoir. Mais de telles connaissances à propos du futur ne pouvaient être révélées. Le destin devait être inévitable, venir à son encontre engendrerait de grands changements qui chambouleraient l'Ordre et pourraient entraîner le monde dans sa chute définitive. La finalité de ce conflit n'avait pas de secret pour le Guide qui ne devait pas interférer dedans. Alors... Alors pourquoi lui avoir parlé d'Altéis ? Ne lui avait-il pas dit qu'elle viendrait d'elle-même vers la princesse ? Cette énigme n'influencerait en rien le futur si cette femme inconnue se présentait de son gré. Alors où était-elle, par les déesses ? Où était cette étrangère supposée les aider à vaincre Ganondorf ?
- Lorsqu'il m'a parlé de cette femme, Altéis, j'ai eu espoir que ma quête se réalise enfin, poursuivit Zelda malgré les trémolos de sa voix. Elle serait la clé vers notre victoire, elle seule pourrait aider la Lame Purificatrice et pallier la faiblesse de mon sceau. Sokyn est encore trop faible pour pouvoir être exploitée une nouvelle fois...
L'Hylienne leva les yeux vers Thomas. Il était son dernier espoir car il avait lui aussi vécu dix mille ans auparavant, Link le lui avait certifié.
- Thomas, aurais-tu... entendu parler d'elle ? Des hommes du clan de Soran l'avaient évoquée...
Le brun sembla méditer sur cette question. Un long instant de silence s'écoula avant qu'il ne secoue négativement la tête et réponde :
- Je suis désolé, lui dit-il en baissant la tête.
Même si Zelda s'en doutait, la déception ne fut que plus grande. Lui non plus ne savait rien à propos de cette femme. Les Soneaux de son époque avaient merveilleusement bien gardé le secret. S'agissait-elle aussi d'un androïde ? Ou bien, comme Soran, avait-elle traversé les âges à cause d'un sceau ? Ce serait la seule explication à sa présence en cette époque, puisque le Guide lui avait parlé d'elle.
- Alors ces deux mois, piégée sous terre, auront été vains, déplora Zelda en fermant fortement les yeux. Pardonnez-moi, Ren, Lasya... Si je n'avais pas cherché à ouvrir cette porte, ce jour-là, vous seriez toujours vivantes...
La jeune femme préféra se taire par la suite et pleurer une fois de plus en silence. Son coeur saignait indéniablement en cette nuit noire. Zelda s'accroupit puis posa une main sur la terre humide qui formait la tombe. C'était sans doute la dernière fois qu'elle venait ici alors elle voulait faire ses adieux en bonne et due forme. Link demanda à ses apprentis et à Pahya d'accorder un moment de solitude à la princesse, ce qu'ils acceptèrent sans objection. Tous les quatre s'éloignèrent, seul Thomas prit une direction opposée et arpenta ce lieu singulier, en quête de tranquillité. Une fois assuré qu'il n'y avait pas de guerriers soneaux dans les parages, il s'assit au sol puis se laissa tomber sur le dos. Ainsi, il fut allongé, les jambes repliées vers le ciel, et il put contempler les astres qui n'étaient pas cachés par les nuages. Du moins, il distinguait de vagues points lumineux : sa vue - l'un des seuls vestiges de son vrai corps - avait baissé depuis le combat pour quitter Delteha. Thomas plissa les yeux mais il ne remarqua aucune amélioration de la netteté.
- Est-ce que je peux te parler ?
L'androïde releva le menton afin de regarder vers l'arrière. Léon se tenait à quelques mètres, le regard posé sur quelques silhouettes d'arbres à sa droite. Surpris que son aîné veuille engager une discussion, Thomas se rassit et plaça ses mains dans le creux formé par ses jambes pliées en position de tailleur. Léon vint prendre place à ses côtés sans crainte, pour la première fois depuis deux semaines, puis il passa une main dans l'une de ses poches avant de la retirer.
- Je t'ai vu les couper tout à l'heure, déclara-t-il sans émotion particulière.
Thomas posa les yeux sur la mèche de cheveux blancs qu'il tenait entre ses doigts. D'un air impassible, il les observa quelques secondes puis il détourna la tête sans montrer une autre réaction.
- Je veux savoir. Je veux comprendre pourquoi tu nous caches la dépigmentation de tes cheveux.
- Je vais mourir d'ici quelques jours, lui annonça brutalement Thomas dans un calme voulu. Définitivement.
Le souffle de Léon se coupa aussitôt tandis qu'un poids vint lui compresser le torse, sans qu'il n'en comprenne l'origine. Il n'arrivait pas à croire que son ancien camarade allait perdre la vie, notamment car il n'arborait aucune blessure mortelle apparente. Le blond aux cheveux ras l'avait déjà vu se guérir sous ses yeux, cela lui paraissait donc impensable qu'un androïde puisse mourir.
- Le... Le capitaine le sait ?
- Oui.
- Et les autres ?
À travers un mouvement de la tête, Thomas lui fit comprendre qu'ils n'en savaient rien. Sincèrement peiné d'apprendre la nouvelle, malgré tous les doutes et la peur qu'il avait éprouvés envers lui, Léon laissa ses épaules s'affaisser.
- Tu comptes le dire à Iris ?
Il vit l'archer se figer au son de ce prénom. Les doigts de Thomas se refermèrent sur eux-mêmes pendant qu'il se penchait légèrement en avant, l'expression attristée.
- Non, je ne préfère pas... De toute manière, elle ne me voit pas comme un humain. Je me demande vraiment si ma disparition l'affectera après ce qu'elle a osé me dire.
- Merde, Thomas ! s'indigna son aîné dans un éclat de voix surprenant. Commence pas à dire des trucs pareils ou... ou je vais...
- Pleurer ? C'est une réaction humaine, je ne t'en voudrai pas.
Hébété, Léon le dévisagea tant il se sentait outré par l'indifférence manifeste du jeune homme. En dépit de ses yeux humides, il grimaça puis posa une main sur sa chevelure brune avant de tirer Thomas vers lui et de lui frotter vivement les cheveux.
- Espèce de petit enfoiré, tu m'auras pas avec tes allures impassibles, grogna-t-il en souriant pour cacher son trouble. Je sais très bien que t'éprouves des émotions, t'as eu tout le loisir de nous le montrer durant la formation !
L'androïde poussa une plainte agacée alors qu'il se débattait pour se libérer de son emprise, puis il repoussa le grand gaillard sur le côté en le foudroyant du regard. Cette expression soulagea le blond qui revoyait un peu son camarade introverti d'antan. Depuis qu'il était « revenu » en tant qu'androïde, Léon se demandait comment Thomas avait pu paraître aussi humain jusque-là. Ces questions le hantaient jour et nuit, et il vit une occasion pour les poser malgré le contexte délicat.
- Je ne comprends pas comment tu as pu manger avec nous alors que... enfin, tu sais...
Thomas soupira d'exaspération en levant les yeux au ciel, il attrapa une touffe d'herbe puis la jeta devant lui.
- Mes créateurs ont dû intégrer un système de destruction des aliments pour subvenir aux besoins d'un programme en particulier, expliqua-t-il sur un ton lassé. Je n'ai pas ouvert mon ventre pour savoir à quoi cela pouvait ressembler. Tout ce que je sais, c'est que je suis capable de régurgiter un repas. Ça... m'est arrivé une fois.
- Tout s'explique...
Un silence s'installa entre eux, seules quelques voix des guerriers soneaux venaient le briser par moments et leur signifiaient qu'ils n'étaient pas seuls au beau milieu d'une forêt.
- Non, tout ne s'explique pas, admit Léon à contrecœur. Certes, tu manges plus depuis deux semaines mais tu bois toujours.
- L'eau sert à hydrater mon appareil respiratoire pour que je puisse te parler. Et elle alimente les larmes qui me servent à pleurer.
Elle avait sans doute d'autres usages dans son corps, comme refroidir ses membres et leur permettre de bien se mouvoir. Léon s'apprêtait à lui demander si sa tête était également vide ou si elle contenait de quelconques mécanismes mais Thomas le coupa immédiatement, son expression était redevenue grave.
- Léon, j'ai une faveur à te demander. Mais tu dois me promettre de n'en parler à personne. Y compris au capitaine.
Son camarade déglutit et s'attendit au pire venant de sa part. Pendant que Thomas lui transmettait sa requête, Iris les surveillait de loin. Dans un premier temps, elle craignait qu'il arrive malheur à Léon. Mais bien vite, elle culpabilisa de suspecter toujours autant l'archer alors qu'il s'efforçait de prouver sa bienveillance. Elle les vit discuter de vive voix sans pour autant saisir leurs mots. Léon se montrait indécis et indigné, pourtant il finit par se calmer et prendre sa tête entre ses mains. Cela suffit à convaincre Iris de s'approcher et d'entendre leur échange. Avec lenteur et discrétion, elle s'avança. Ce ne fut qu'à une dizaine de mètres qu'elle perçut enfin :
- Tu n'es qu'un imbécile, tu le sais, ça ? maugréa Léon. D'où t'est venue une idée pareille ? C'est totalement... insensé.
Thomas ne voulut pas lui affirmer que la mort de la petite Lasya lui avait peut-être ouvert la voie vers une meilleure compréhension du monde des esprits.
- Pourquoi tu dis rien, Thom's ? Dis-moi que t'as pensé à ce que le capitaine ou Iris penseraient à ce moment-là...
- Ce ne sera qu'un au revoir, lui assura le brun avec détermination. Si mon idée fonctionne, nous nous reverrons à la fin de la bataille.
- J'ai dû mal à comprendre comment mais si tu le dis...
- Qu'est-ce que vous planifiez, tous les deux ?
L'arrivée soudaine d'Iris fit sursauter Léon tandis que les yeux de Thomas s'agrandirent légèrement ; ils ne s'attendaient pas à la voir venir. Les deux apprentis se tournèrent vers elle et restèrent bouche bée quelques instants. Ils se demandèrent si elle avait entendu leur conversation depuis le début, ce qui inquiétait grandement Thomas. Étrangement, il ne se sentait plus du tout à l'aise en la présence de la jeune fille.
- R... Rien ! Tout va bien, bégaya Léon qui passa une main sur son épaule afin de diminuer son embarras. Bon sang, nous devrions rejoindre le capitaine, les troupes de Soneaux commencent à se replier.
Les deux jeunes hommes se levèrent et évitèrent sciemment de répondre aux interrogations répétées d'Iris, peu convaincue par les propos de Léon. Elle fut néanmoins contrainte de les suivre car les rescapés de Delteha s'en allaient effectivement et se dirigeaient vers Panahpolis. « Ce ne sera qu'un au revoir » résonna la voix de Thomas dans sa tête. Que comptait-il faire, par les déesses... La châtaine serra un poing lorsqu'une boule d'anxiété se forma dans son ventre. Il voulait les quitter un certain temps, elle en avait la certitude. Mais dans quel but ? Pourquoi Léon avait-il le droit de savoir, et pas elle ? Blessée et encore honteuse à cause de sa discussion avec Thomas, dans les souterrains, elle posa une main contre son abdomen et regarda plusieurs mètres devant elle, là où il marchait à l'écart. Iris avait le sentiment qu'elle devait le surveiller ce soir-là. Elle pressentait qu'un événement viendrait la perturber une nouvelle fois, pour le meilleur et pour le pire.
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Les guerriers soneaux ainsi que les alliés de Link parvinrent à la capitale de Panah très tard dans la nuit. Les habitants dormaient depuis de longues heures à présent, le calme qui régnait dans les rues offrait un sentiment de sérénité et de sécurité que tous n'avaient pas connu depuis, leur semblait-il, des mois - voire des Éclosion -. Seuls Link et Zelda furent autorisés à dormir au palais pour y être protégés. Les autres furent logés dans plusieurs auberges différentes ; les trois apprentis ainsi que Pahya se virent attribuer une chambre au même endroit. Pouvoir dormir à nouveau sur un lit fit office de douce consolation pour ceux qui avaient besoin de sommeil pour se reposer. Autrement dit, Thomas resta assis sur le matelas durant une bonne demi-heure, sans éprouver le moindre confort. Il n'avait pas besoin de dormir, il ne pouvait que se retrouver seul avec lui-même. Dans sa chambre de toute petite taille, il n'y avait qu'un lit, une commode et une chaise pour la combler. Au mur, seule une horloge décorait les pierres grises et froides qui le composaient. Il serait bientôt deux heures du matin.
Machinalement, il se leva sans un bruit, suivi par sa lance, puis il sortit de la pièce en prenant soin de refermer doucement la porte. Une fois dans le couloir, Thomas examina les alentours sombres et eut la certitude que tout le monde dormait au vu du silence pesant ambiant. Il descendit rapidement les escaliers de pierre, quitta l'auberge puis courut à petite foulée dans les rues de Panahpolis. Il emprunta le même chemin que trois quarts d'heure auparavant, bien que ce fût en sens inverse. Une fois qu'il fut aux portes de la ville, il passa la garde de nuit puis s'éloigna encore ainsi durant une trentaine de secondes avant de s'arrêter. Immobile au sein des ténèbres, il patienta en regardant le ciel. L'androïde ne sut combien de temps s'écoula avant que des battements d'ailes puissants n'emplissent l'espace et cessent au moment où une masse lourde atterrit.
- Je suis là, comme tu me l'avais demandé, grogna Elzier en s'approchant de quelques pas. Si la raison n'avait pas été aussi importante, je n'aurais jamais pris la peine de me déplacer. Je suis harassé.
- Je te remercie d'être venu et de m'accorder ta confiance... Le Héros ne doit pas savoir où je suis. Il doit se concentrer sur le plan des prochaines offensives.
- Oui, je sais, je sais. J'espère que tu es sûr de toi.
Thomas acquiesça puis il vit l'aile gauche de l'elvësch se déplier afin qu'il puisse monter sur son dos. Le jeune homme ne savait combien de temps durerait la mission qu'il s'était attribué. Il pouvait toutefois affirmer que son capitaine remarquerait indéniablement son absence et qu'il le sermonnerait une fois revenu.
- Thomas !! le héla la dernière voix qu'il voulait entendre ce soir-là.
Son visage s'assombrit alors qu'Elzier considérait la nouvelle arrivante avec une certaine suspicion. De nouveau mal à l'aise, le brun se mit de profil vis-à-vis d'Iris qui accourait dans leur direction, ralentissant peu à peu jusqu'à arriver près d'eux. Manifestement, elle l'avait suivi dès l'instant où elle l'avait entendu quitter sa chambre, alors certaine que ses précédents doutes étaient fondés.
- Où est-ce que tu vas ?
Il se contenta de la regarder sans apporter la moindre réponse à son interrogation, ce qui intensifia l'état soucieux de la lancière.
- Ne me dis pas que ce sera dangereux...
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? rétorqua-t-il sèchement en se dérobant à son regard. Je ne suis qu'une machine.
Affectée, Iris fronça les sourcils et attrapa son avant-bras en signe de honte. Elle regrettait les mots qu'elle avait eus à son encontre, à Delteha. Elle n'avait pas songé qu'ils puissent autant blesser Thomas.
- Écoute, je... je suis sincèrement désolée pour ce que je t'ai dit la dernière fois, commença-t-elle sur un ton hésitant. J'aurais dû mieux te le faire comprendre au lieu de parler sans penser à ce que tu pouvais ressentir mais...
Elle marqua une pause courte en choisissant soigneusement ses mots. Il était question de se rattraper et d'éclaircir la situation.
- C'est très dur pour moi de te faire face en sachant que tu n'es pas vraiment... Thomas. Non, je veux dire que je ne suis pas en face de la personne que tu étais. De ton vrai corps... Et apprendre que tu es mort depuis longtemps...
Sa voix se mit à trembler malgré tous ses efforts pour l'éviter. Sa gorge se noua par la même occasion tandis qu'elle serrait plus fort son avant-bras.
- Ça m'a brisé le cœur, avoua Iris presque dans un murmure. J'étais perdue et terrifiée de savoir ce que tu étais réellement à présent. Car j'ai vu en ta lance... un vecteur de désolation.
Thomas aurait voulu lui donner raison, mais à quoi cela avancerait-il ? Iris le craindrait davantage. Toutefois, il avait été touché par ses aveux sortis droit de son cœur et explicités avec franchise. Tout ne semblait pas perdu, en fin de compte. Les traits de Thomas s'adoucirent et un éclat de vivacité brilla au fond de son regard malgré l'obscurité ambiante.
- Je te remercie pour ta sincérité, la gratifia-t-il avec sérénité. Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi, il ne devrait rien m'arriver.
- Mais... !
Elle le vit poser son index devant sa bouche pour lui demander de se calmer et de l'écouter. Prise dans son élan, la jeune fille garda la bouche entrouverte quelques secondes avant de la refermer soudainement, prête à écouter ce qu'il avait à lui dévoiler.
- Demain, en fin d'après-midi, attends-moi au sommet de la plus haute colline de Panahpolis. J'aimerais te montrer quelque chose.
Les yeux d'Iris s'agrandirent légèrement sous l'étonnement, plusieurs questions naquirent dans son esprit mais ne purent avoir de réponses immédiates.
- Quelque chose ? répéta-t-elle avec incertitude. Après tout ce que je t'ai dit, tu veux toujours me parler ?
Il hocha doucement la tête et esquissa un sourire embarrassé.
- Le mieux serait que tu viennes seule. Mais si tu as trop peur, je ne t'en voudrais pas de venir avec Léon.
Sur ce, il accourut vers l'aile d'Elzier, la gravit avec agilité puis sauta sur sa longue selle avant d'en attraper les rênes. Il n'eut pas à prononcer de mots : la créature déploya ses deux ailes puis fit quelques pas sur place, prête à s'envoler.
- Je viendrai ! s'exclama Iris en lâchant son avant-bras.
Aussitôt, Elzier bondit vers les airs puis s'éleva à coups de battements d'ailes puissants. Iris se protégea les yeux derrière son coude replié puis, une fois les bourrasques dissipées, elle leva la tête vers le ciel. L'elvësch avait déjà disparu de son champ de vision, perdu au sein de l'immensité de la nuit. Son cœur martelant la poitrine à cause de sa nervosité, Iris resta immobile un long moment avant d'être rattrapée par l'exténuation. Elle ne pouvait plus se permettre de veiller plus longtemps, il fallait rejoindre l'auberge et s'y reposer sans délais. Même si la bataille décisive n'aurait pas lieu le lendemain, l'apprentie voulait être rétablie d'ici là et être préparée au combat.
Le brun avait donné rendez-vous à Iris pour lui présenter quelque chose et qu'elle comprenne, par la même occasion, la bonté de son âme. Concentré sur sa mission, l'androïde eut tout de même une pensée pour celles pleurées par Zelda, quelques heures plus tôt. L'Alpha les avait accueillies et, dorénavant, il les gardait auprès de lui. Cependant, la menace du seigneur du Malin planait sur Ren et les plus vaillants Soneaux tombés au combat. Thomas veillerait à ce que Ganondorf ne les utilise pas. Ils avaient sa parole et pouvaient donc reposer en paix parmi les leurs.
Descendantes de la déesse Hylia, je vous en prie...
Thomas ferma les yeux et joignit ses mains.
Manifestez-vous auprès de la princesse. Elle aura besoin de votre sagesse pour trouver la force de se battre.
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