Chapitre 26
Le cœur du Héros se serra face à l'étendue de corruption qui recouvrait les plaines verdoyantes qu'il avait arpentées quelques mois plus tôt. Il ne reconnaissait plus son royaume, tout était mort sous ses pieds. Ses cheveux volaient derrière lui à cause de la vitesse créée par le vol rapide et fluide d'Elzier. Ils étaient six sur son dos, attachés par un système de cordes et de harnais qui les rattachait à la très longue selle. Astrid, assise en première position, juste devant Link, guidait l'elvësch vers la forêt de Firone. Le trajet ne durerait qu'une petite dizaine de minutes, tout au plus. L'air glacial des hauteurs gelait les joues et les doigts, mais peu importe : le temps pressait, il fallait se hâter de rejoindre le temple et retrouver Zelda. Et Link se remettait tout juste de la perte de l'arbre Mojo ainsi que des korogus. Dans son dos, il percevait parfaitement la puissance divine de son arme, comme un siècle auparavant. Fay n'avait pas encore cherché à le contacter, mais cela ne saurait tarder.
- J'aperçois une forêt au loin ! s'exclama Astrid devant lui. Est-ce que c'est celle de Firone ?
Le chevalier regarda par-dessus son épaule puis le lui confirma. Dorénavant, Elzier devait entamer sa descente – la plus douce, si possible – et les mener face au temple. La nature exotique se rapprochait à vive allure, dévoilant une multitude d'arbres morts et aux feuillages rougis par la corruption. Cette vue affecta particulièrement Iris qui avait passé toute son enfance à Écaraille et qui avait donc connu son environnement atypique. Malgré la présence de monstres, elle avait toujours apprécié la forêt, sa faune et sa flore. Mais maintenant, il ne restait plus rien de tout cela.
- Accrochez-vous ! Le virage va être serré ! le prévint Astrid qui agrippa fermement les rênes.
Les cinq autres passagers se tinrent de toutes leurs forces à leur harnais, notamment quand ils se sentirent basculer sur le côté. Pour les novices, une sensation bizarre monta dans leur tête, comme si cette dernière pesait maintenant le double de son poids habituel. Et cette position donna des vertiges à Link qui préféra fermer les yeux afin de mieux supporter cette posture penchée sur le côté. Elzier tournait sur sa droite. Il venait d'apercevoir le toit d'une infrastructure étrange au sol. Sa vue ne le trompait jamais, c'était un atout majeur reconnu chez les créatures de son espèce.
- Il y a de la corruption devant votre temple, remarqua Elzier en plissant les yeux. Je ne peux pas me poser.
- L'entrée devrait être assez large pour que tu puisses t'y engouffrer, l'informa Link. Le temple se trouve en surélévation, la corruption n'a pas encore dû atteindre l'intérieur. Tu penses pouvoir y entrer en plein vol ?
L'elvësch ricana avec une certaine condescendance.
- Pour qui tu me prends, petit ? Je peux tout faire.
Astrid leva les yeux pendant qu'elle soupirait inlassablement. La créature donna un énième coup d'aile et observa de nouveau le temple, bien plus bas. Il discernait vaguement l'entrée mais voyait au moins où elle se tenait. Pour y entrer en volant, il fallait opter pour un angle et une trajectoire parfaite. Sinon, c'était le suicide assuré.
- Ça va être juste. Le problème sera surtout la réception une fois à l'intérieur. J'espère pour toi que c'est assez profond pour me permettre de me poser.
Link n'avait pas réellement de réponse, il ne parvenait pas à estimer la distance nécessaire pour s'arrêter en fonction de la vitesse qu'aurait Elzier. Ce serait une manœuvre dangereuse, il en avait conscience. Mais c'était nécessaire puisqu'il n'y avait aucune autre solution.
- Tenez-vous prêts à retirer votre harnais pour sauter si les choses se passent mal à l'intérieur ! les prévint Astrid en criant afin d'être entendue.
Le stress de tous monta d'un cran. Ils tenaient à la vie et préféraient donc que tout se déroule pour le mieux malgré la dangerosité de l'atterrissage annoncé. Dorénavant, Elzier se tenait dans la ligne menant droit dans le temple, il battit des ailes puis entama son plongeon vertigineux qui souleva l'estomac de ceux qui n'y étaient pas habitués. Les six voyageurs se cramponnèrent comme ils le purent, priant silencieusement que tout se passe au mieux. Le sol se rapprochait dangereusement, Iris craignait que leur plan ne les mène tout droit à leur perte. Elle sentait bien que personne n'était serein, même Elzier semblait tendu.
- Accrochez-vous, maintenant ! s'exclama l'elvësch alors qu'ils n'étaient plus qu'à une centaine de mètres de la terre.
D'un coup, il se redressa afin d'être à la verticale, ce qui lui permit de ralentir de manière drastique sa vitesse, voire même de la briser une court instant le temps qu'il puisse la réadapter convenablement. Une fois qu'il en reprit le contrôle, il plongea une seconde fois sans s'arrêter cette fois-ci. Il volait moins vite bien que les arbres morts défilaient à vive allure sous ses pattes, frôlant certaines branches sèches qui se cassèrent au moindre contact. Quand Léon aperçut l'entrée du temple, son ventre se noua et la peur monta d'un cran.
- Nous ne passerons jamais ! paniqua-t-il à l'adresse de son supérieur.
Mais personne ne l'écouta. Il ne resta plus qu'une cinquantaine de mètres que la créature parcourut en quelques instants avant de replier ses ailes pour passer l'entrée principale. Léon poussa un hurlement suraigu en s'agrippant fermement à Thomas, assis devant lui. Elzier pénétra d'un coup dans le temple puis redéploya brusquement ses ailes avant de les battre avec ardeur. La puissance qu'il y mit créa des bourrasques qui soulevèrent la poussière et installèrent un nuage épais presque irrespirable. Cela rappela à Iris le jour où le château s'était élevé dans le ciel. Après l'onde de choc créée, il y avait eu un nuage noir semblable. L'elvësch posa ses pattes au sol puis courut un peu à cause du peu de vitesse qu'il restait. Fort heureusement, comme l'avait annoncé Link, il n'y avait pas de corruption.
- Saleté de poussière... Plus personne ne fréquente ce temple ou quoi ?! Quel entretien pitoyable ! Mon sublime pelage...
Astrid souffla d'exaspération pendant qu'elle se bouchait le nez et balayait l'air de sa main libre.
- La ferme, Elzier. Ce n'est pas le moment, répliqua-t-elle avant de se laisser glisser sur son aile pour rejoindre la terre ferme.
Link fit de même, suivi de Pahya, Thomas et Iris. Léon, de son côté, restait sur le dos de la créature immense, le visage pâle et le regard perdu dans le vide. La conseillère royale dut l'appeler à maintes reprises pour qu'il sorte de sa torpeur et vienne les rejoindre. Pendant ce temps, Link matérialisait une torche à l'aide de la tablette sheikah puis il l'alluma grâce à l'une des armes de feu stockées dedans.
- T'es capable de crier comme ça, toi ? demanda Iris, les bras croisés, en s'adressant à Léon.
- Tais-toi, tu n'as rien entendu, bougonna-t-il malgré sa honte.
Iris éclata d'un rire vif quand elle réentendit dans sa tête le hurlement de frayeur de son camarade.
- Un peu plus et il me brisait les côtes, se plaignit l'archer qui restait un peu en retrait.
- Thomas, tu... tu n'as pas apprécié le contact ? plaisanta la châtaine avant que son rire ne s'amplifie davantage.
Son benjamin grimaça puis regarda ailleurs. Lorsqu'il prit pleinement conscience du lieu où il se trouvait, son cœur lui donna l'impression de se serrer et son mal-être s'accrut. Par sa faute, ici, la princesse avait été séparée du Héros. Même si Link ne voulait pas qu'il en porte les responsabilités, Thomas culpabilisait toujours et revoyait sans cesse ce moment où il avait accepté de les aider dans leur quête. Dans son dos, la Sheikah rejoignait justement le blond, surprise de le voir observer la tablette depuis tout à l'heure.
- Link, qu'y a-t-il ?
Il jeta un coup d'œil vers elle avant de lui montrer l'écran.
- C'est ce message qui apparaît dès que j'utilise la tablette.
Pahya reporta son attention sur l'écran pour y lire :
« Machine détectée. Lancer un programme ? »
Cela l'étonna et l'intrigua. Comment, lancer un programme ? Elle n'avait aucune expérience dans la technologie de son peuple donc le sens de certains mots spécifiques lui échappait.
- Je ne comprends pas. Je pensais que ce message s'affichait sur le plateau du Prélude à cause des Créatures Divines, mais il persiste, déclara Link en plissant les yeux.
- C'est peut-être à cause du château ?
- C'est impossible, il est trop loin.
Effectivement, il y avait de quoi se poser des questions. Une explication vint à la tête de Link : la tablette subissait un dysfonctionnement, comme si elle réagissait sans cesse au sanctuaire de la Renaissance alors qu'il n'était plus là. Dans ce cas-là, il y avait de quoi s'inquiéter... Si elle venait à ne plus fonctionner de façon correcte, ce serait problématique car tout leur équipement, toutes leurs provisions reposaient en son sein. De plus, ils avaient besoin d'elle pour se téléporter en dehors des souterrains une fois Zelda retrouvée.
- Et maintenant, que faisons-nous ? demanda Astrid tandis que le nuage de poussière tombait peu à peu. Je ne vois aucune porte.
- Thomas est en mesure de l'ouvrir.
Link se tourna vers son apprenti qui persistait à éviter son regard. Il n'eut pas besoin de l'appeler pour que ce dernier se dirige tout seul vers le fond du temple, le visage tourné vers le sol. Il sentait tous les regards rivés sur lui et cette attention de leur part lui déplaisait fortement. À contrecœur, il posa sa main contre la paroi froide et humide du temple puis, en langage soneau, lui ordonna de s'ouvrir. L'instant suivant, la porte se déplaça en suivant un arc de cercle tracé par terre. Tous ceux qui n'avaient jamais mis les pieds dans le temple furent stupéfaits par ce semblant de magie. Astrid commença même à devenir méfiante au sujet de ce garçon. Elle avait de très mauvais souvenirs liés à la magie.
- La voie est libre, déclara Thomas d'une voix grave.
Tous le rejoignirent et purent découvrir la véritable entrée des souterrains ; l'immense escalier qui descendait vers le niveau inférieur était toujours dans le même état, des blocs de gemmes nox illuminaient faiblement ce nouvel environnement. Cependant, au moment où les voyageurs entamèrent leur descente, un grognement faible se fit entendre et les obligea à se tourner vers les marches les plus hautes, là où se trouvait la tête d'Elzier.
- Sans vouloir blesser qui que ce soit ici – vous savez que ça ne me viendrait jamais à l'esprit – ou viser quelqu'un en particulier, hein. Mais est-ce que l'un de vous aurez au moins un minimum d'INTELLIGENCE pour se dire, ne serait-ce que quelques secondes, tout au plus, que je ne pouvais pas passer ?! Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je n'ai pas la taille d'un chien !
En effet, Elzier ne pouvait pas passer le cadre de la porte, pourtant très large à l'échelle d'un humain. Ce nouveau problème ne fut évidemment pas le bienvenu, notamment car l'elvësch était un allié précieux. Néanmoins, avec sa taille et son poids imposants, difficile de passer inaperçu sur un territoire inconnu. Pahya eut donc une idée un peu folle, certes, mais qui pouvait fonctionner si elle avait les capacités nécessaires.
- Link, comme tu le sais, j'ai un peu étudié les magies des anciens moines sheikahs ainsi que celle de ma grand-mère, dit-elle en le regardant. Même si je ne maîtrise pas toutes les techniques, il y en a une que je connais et qui pourrait peut-être nous aider. Il y a des millénaires, certains moines utilisaient un sort d'agrandissement pour se battre. Ils devenaient de véritables géants. Peut-être qu'en l'utilisant sur Elzier, je pourrais inverser l'effet et diminuer sa taille ?
Le Héros haussa les sourcils.
- Tu en serais capable ? Cela me paraît complexe.
Sa question embarrassa Pahya qui passa une main sur son cou puis sourit avec nonchalance.
- En vérité, il s'agit d'un sort assez facile en théorie, quand on l'applique sur soi. Mais sur un autre être vivant, je suis bien moins confiante.
- Je ne veux pas être le sujet d'une expérience douteuse, grogna Elzier en montrant ses crocs.
Astrid ricana à son adresse en imaginant la créature devenir aussi petit qu'une souris. Ce serait vraiment une humiliation pour un animal aussi grâcieux et majestueux en temps normal. La Sheikah attendit l'approbation de Link puis elle se dirigea vers Elzier en se répétant la manière dont elle allait s'y prendre. L'elvësch la regarda d'un air mauvais, manifestement très suspicieux à son égard, et n'hésita pas à émettre un grognement rauque quand Pahya fut trop proche de lui. Lorsqu'elle se jugea prête, elle joignit un instant ses mains, les yeux fermés pour mieux se concentrer, puis vint toucher l'une des pattes de la créature. D'étranges filaments bleutés se créèrent sur le pelage d'Elzier qui rabattit ses oreilles le long de sa tête en signe d'effarement.
- Eh, qu'est-ce qu'elle fait ?! paniqua Elzier qui jeta un regard apeuré à Astrid.
Il n'eut guère le temps de bondir sur le côté pour se sauver, une impression de chute libre lui tordit le ventre comme jamais auparavant tandis que son corps était parcouru de picotements très désagréables. Elzier vit le plafond s'élever peu à peu au-dessus de sa tête alors que les humains semblaient grandir devant lui. Lorsqu'il comprit qu'en fait, il était le seul à changer de taille, il poussa une sorte de miaulement plaintif sans parvenir à bouger pour autant.
- Arrêta ça ! implora-t-il Pahya, toujours concentrée sur sa tâche. Stop ! Stop !!
Au moment où elle rouvrit les yeux, le sort s'arrêta et elle put constater sa réussite : Elzier était aussi grand qu'un cheval de trait.
- Je suis couvert de honte... pleura-t-il en leur tournant le dos. Quelle humiliation... Quelle humiliation ! Eldry ne me regardera plus jamais comme avant...
- Je pourrai annuler les effets dès que l'environnement sera plus adapté à la taille, le consola Pahya.
Elle n'eut aucune réponse de sa part en retour, ce qui la rendit presque mal à l'aise sur le moment. Pourtant, savoir qu'elle avait réussi à manier la magie sheikah la réjouissait tout particulièrement, notamment car elle savait que sa grand-mère aurait été très fière d'elle. La gorge de Pahya se noua en repensant à elle. Maintenant qu'Impa était morte et malgré la présence de sa grand-tante, elle se sentait terriblement seule. Les larmes lui montèrent aux yeux qui finirent par papillonner pour les chasser. Ce n'était pas le moment de se morfondre, elle en aurait tout le loisir après la guerre.
- C'est immense ! s'exclama Léon qui avait repris la descente. Jamais je n'aurais imaginé qu'un tel lieu existait sous le royaume.
Iris fut entièrement d'accord avec lui. Plus ils avançaient dans l'escalier, plus ils s'éloignaient de la surface au-dessus de leur tête. Astrid, en tête, les pria de faire attention à certains endroits d'où tombaient des gouttes de corruption. La voûte au-dessus de leur tête était fissurée et en laissait s'échapper. Lorsque le petit groupe arriva tout en bas, suivi de loin par Elzier, il s'arrêta devant les bas-reliefs sur la paroi à leur gauche. Link et Thomas se souvenaient très bien des dessins sculptés dans la roche, comme si leur venue avec Zelda datait de la veille. Mais il n'en était rien puisque plus de deux mois s'étaient écoulés depuis.
- Cet endroit a donc été peuplé, énonça Pahya qui analysait les bas-reliefs avec attention. Passionnant, vraiment.
- Certains Soneaux sont venus ici, lui apprit Link en touchant le mur. Nous avions découvert les vestiges d'un village très ancien, détruit depuis plusieurs millénaires. Il est possible qu'il n'y ait plus de descendants dans ces grottes.
Concernant Thomas, son père avait dû faire partie de ceux qui avaient fui le royaume à la même époque, pour une raison inconnue. Puis ce dernier était revenu dans le royaume avant d'épouser la mère de l'archer. C'était l'hypothèse la plus probable aux yeux de Link.
- La rivière se trouve là-bas, indiqua Thomas en pointant l'autre côté de la cavité.
- Bien, allons-y, décréta Astrid qui prit les devants.
Le reste du groupe la suivit en silence, certains observaient le décor naturel illuminé par les gemmes nox très nombreuses. Leur vue mettrait un peu de temps à s'adapter entièrement à l'obscurité malgré la présence de la torche portée par le chevalier. Ils arpentèrent le chemin sur une bonne centaine de mètres jusqu'à ce que le bruit de la rivière leur parvienne. Il y avait alors deux routes possibles qui s'offrit ensuite à eux : soit celle de droite – empruntée avec Zelda – soit celle de gauche qui menait sur un éboulement. Pahya demanda à ses compagnons de l'attendre quelques instants le temps qu'elle aille l'examiner. Elle passa ses doigts sur la pierre afin d'évaluer la présence du lit de poussière dessus puis elle observa l'état de la roche en elle-même. Il n'y avait pas encore de mousse, cela ne signifiait qu'une seule chose.
- Est-ce que vous êtes passés par ici ? demanda-t-elle à l'adresse de Link.
- Non, nous avion opté pour le chemin de droite puisque celui-ci était déjà obstrué.
Jusqu'alors accroupie, la conseillère royale se releva en se tenant le menton, l'air pensive.
- Il y a eu un éboulement récent par ici. Tante Pru'ha avait mentionné que la porte du temple de Firone avait été ouverte peu avant votre arrivée.
- Tu penses que ce serait lié ? la questionna Link pendant qu'elle revenait vers le groupe.
- C'est possible. Mais si une ou plusieurs personnes avaient arpenté cette voie dans l'autre sens... Pourquoi la voûte se serait écroulée ?
- Ce n'est peut-être pas un événement naturel ? supputa Iris.
Elle suggérait donc que ce soit l'œuvre d'humains. Mais dans ce cas, pourquoi provoquer un éboulement ? Cela leur coupait la possibilité de rejoindre l'autre partie des souterrains, si toutefois ce chemin-là y menait.
- Je crois que nous n'aurons jamais la réponse, sourit Pahya en haussant les épaules.
Après cette courte pause, ils reprirent leur marche en direction de la rivière qui se rapprochait peu à peu. Si bien qu'ils finirent par arriver au bord du précipite qui surplombait les eaux agitées. Link y jeta un coup d'œil rapide puis attrapa la tablette sheikah après avoir demandé à tout le monde de s'écarter. Il fit matérialiser la barque conçue pour huit personnes tout au plus puis il fit aussi apparaître les cordes qui leur serviraient à la descendre. Ensuite, il chercha deux rochers profondément enfouis dans le sol avant d'y enrouler les cordages. L'Hylien les noua solidement afin qu'ils ne lâchent pas en cas de problème.
- Voilà comment nous allons faire, annonça-t-il en faisant face à ses compagnons. Avec l'aide des cordes, nous descendrons la barque jusqu'à ce qu'elle soit sur l'eau et bien maintenue. Ensuite, chacun à notre tour, nous la rejoindrons avec ces mêmes cordes. Ce ne sera pas facile mais il faudra bien passer par là.
- Et moi ? Au cas où tu n'aurais pas remarqué, je n'ai pas de mains. Tu espères peut-être que je vous suive en volant ?
Link regarda Elzier pendant qu'il y réfléchissait. Non, voler n'était clairement pas la meilleure solution. Il ne savait pas pourquoi, mais son instinct le prévenait de cette eau en contrebas. Elle lui donnait une impression de déjà-vu. Et cela n'avait rien à voir avec la fois où il était venu ici.
- Je crois que j'ai ma petite idée, lui répondit Astrid à travers un large sourire.
oOo
Une fois que tout fut en place et que la barque flottait dorénavant sur la rivière, Link vérifia une dernière fois la solidité des cordes en tirant dessus de tout son poids, puis il se tourna vers le reste du groupe.
- C'est bon, commencez à descendre. Je serai le dernier.
Il fut donc décidé que ce serait Astrid qui escaladerait en premier le précipice pour rejoindre l'embarcation. Ainsi, elle aiderait à la maintenir stable afin que les autres puissent monter dessus sans crainte. La soldate prit l'une des deux cordes en main, se mit face à ses compagnons puis entama la descente avec une lenteur précautionneuse.
- Couvert de honte, je suis... Je n'aurais jamais dû accepter cette mission de malheur... Ô magnificence perdue, ô somptuosité bafouée !
- Elzier, tu me fatigues.
L'elvësch se tenait sur son épaule puisqu'il avait maintenant la taille d'un rongeur. Il priait Maurdrid pour que cette histoire ne quitte jamais les souterrains. Il dut patienter sagement que la châtaine arrive bien dans la barque. Astrid releva la tête puis s'exclama :
- Au suivant !
Ce fut Iris qui se proposa. Elle agrippa la corde à son tour puis débuta sa descente. Pendant ce temps, son supérieur veillait à ce que tout se passe bien.
- Je me demande ce qu'il y a en aval de cette rivière, dit Pahya pour rompre le silence entre eux. Et surtout, comment la princesse a-t-elle pu survivre deux mois toute seule ?
Elle marqua une pause, elle ne voulait pas que ses mots offusquent ou blessent Link encore plus.
- Si les souterrains sont vastes, la retrouver risque d'être bien difficile... termina-t-elle non sans hésitation.
- Oui, j'en suis conscient, lui certifia Link dont le regard restait posé sur les cordages. Mais j'ai espoir qu'elle nous ait laissé des indices de son passage.
- Et si ce n'était pas le cas ?
La Sheikah se contraignit à énoncer cette possibilité. Link ne voulait certainement pas l'entendre, cependant, il le fallait. Connaissant Zelda, elle n'était certainement pas restée au même endroit depuis deux mois, attendant qu'on vienne la chercher. Justement, elle aurait tenté de trouver un moyen de sortir, de s'évader. Pahya se figea. La princesse... avait-elle songé une seule seconde qu'un groupe viendrait à sa recherche ? Ses yeux scrutèrent les alentours. Ici, il n'y avait aucun indice permettant de mesurer les temps. Par les saintes déesses, Zelda n'avait même pas dû avoir conscience du temps passé sous terre... Dans son dos, ce fut au tour de Thomas de descendre dans la barque. Et manifestement, il semblait éprouver quelques difficultés.
Pendant ce temps, Link alluma la tablette sheikah et afficha la carte malgré le message étrange qui apparaissait toujours. Voir que leur position était bien indiquée le rassura d'une certaine manière. Au moins, s'il plaçait des marqueurs, ils pourraient retrouver leur chemin et ne pas se perdre. De plus, la date et l'heure fonctionnaient toujours parfaitement. Le prodige replaça la relique à sa ceinture puis attendit son tour pour descendre. Lorsqu'il fut enfin dans l'embarcation, il matérialisa un couteau à dent de scie et sectionna la corde la plus en aval. Enfin, il coupa celle en amont puis fit apparaître quatre rames stockées dans la tablette. Avec la force de Léon, ils rameraient tous les deux pour se diriger en cas de besoin. Le périple sur la rivière commença.
Le courant poussait puissamment la barque entre les parois du précipice haut d'une vingtaine de mètres. Les deux rameurs parvenaient à garder une distance convenable entre les rebords rochers afin de ne pas les percuter et endommager la coque. La visibilité, malgré la torche, n'excellait guère et rendait les manœuvres relativement difficiles. Les six voyageurs – ainsi qu'Elzier – s'étaient tournés vers le sens du courant. Ils finirent par apercevoir le fameux tunnel dont Thomas avait fait mention avant leur départ. Effectivement, Elzier n'aurait jamais pu le passer, même en volant. Tous durent baisser la tête à son niveau, Pahya fut forcée d'éteindre la torche qu'elle tenait car il était dangereux de la garder en main.
- Léon, évite de crier cette fois-ci, plaisanta Iris pour détendre l'atmosphère.
Il émit un rire jaune en guise de première réponse.
- Tant que j'ai Thomas à serrer contre moi, je ne crains rien, dit-il sur le même ton.
- Touche-moi encore une fois et tu finis dans la rivière.
La réplique du brun avait été sans appel, ce qui amusa ses deux compagnons de formation. Pahya esquissa un sourire que personne ne pouvait voir dans le noir complet. Pourtant, Link resta impassible, trop concentré sur le cours de la rivière. Il scrutait l'obscurité devant lui dans le but de déceler la moindre once de lumière, aussi infime soit-elle. Ne rien voir créait un sentiment d'insécurité chez chacun, une incertitude qui ne rassurait personne malgré les plaisanteries. Après un très long instant d'attente, une lueur verte lointaine apparut et leur coupa le souffle. Il s'agissait très certainement d'une gemme nox mais difficile d'estimer sa distance.
- Sur la droite, je vois une rive ! annonça Astrid.
Elle leva la main au-dessus de sa tête et comprit que le tunnel s'agrandissait peu à peu. Léon et Link replongèrent les rames dans l'eau avant de diriger le canot dans la direction indiquée par la soldate de Panah. Quelques secondes plus tard, la quille de la barque racla contre le fond de la rivière. Le Héros fit en sorte qu'elle s'échoue complètement puis, à l'aide de cryonis, il gela une petite surface de l'eau qui les entourait. De ce fait, ils eurent la possibilité de rejoindre la terre ferme sans se mouiller. On alluma une nouvelle torche, ce qui permit à tous de discerner un environnement similaire au précédent. Pahya en profita pour agrandir Elzier et lui redonner la taille d'un équidé.
Autour d'eux, un paysage inquiétant composé de plantes séchées de couleur noire, des racines sinistres pendaient du plafond et avaient l'allure de serpents par endroits. Quelques minerais de gemmes nox tapissaient le sol et les parois, éclairant les lieux sous leur lueur faible. Mis à part le bruit de l'eau mouvementée, un lourd silence planait et participait à cette ambiance presque lugubre et inconfortable.
- Je n'aime pas du tout ça, s'osa Léon en fronçant les sourcils. J'ai l'impression que nous sommes à la fois seuls... mais aussi observés.
Astrid fut d'accord avec lui, c'est pourquoi elle restait sur ses gardes en scrutant les alentours avec attention. Quant à Link, il matérialisa les armes de chacun qu'il transportait jusqu'à présent dans la tablette ; il transmit l'espadon à Léon, donna l'arc ainsi que le carquois et les flèches à Thomas puis tendit la lance à Iris qui, étonnamment, la refusa. Face à l'incompréhension de son capitaine, elle ne tarda pas à lui expliquer :
- Je préfèrerais mon arbalète. Pendant votre sommeil, j'ai beaucoup travaillé pour parvenir à la maîtriser... Pour le moment, je me sens plus à l'aise avec elle.
- Tu es certaine ? lui demanda Link qui lui donna l'arme en question. Tu ne pourras jamais répliquer en combat rapproché.
Elle esquissa un sourire discret et embarrassé.
- Je compte sur vous pour me protéger des ennemis si nous en croisons. Quant à moi, je pourrais toujours agir en premier avec Thomas si nous en apercevons.
- Alors promettez-moi de rester à couvert. Je ne veux pas prendre le risque de vous voir blessés en cas d'incapacité de réplique.
Iris, touchée par son inquiétude, le lui promit et le remercia de se soucier d'eux. Elle sangla son petit carquois à sa ceinture, contenant les carreaux adéquats, puis elle accrocha son arme de petite taille en haut de sa cuisse droite grâce à un mécanisme composant son équipement. La châtaine ne pouvait pas utiliser d'arbalète de grande taille à cause du poids. Pour le moment, elle avait besoin d'une arme petite et facile à manier, qui ne la fatiguerait pas au bout de quelques minutes à peine. Le petit groupe entreprit de reprendre leur avancée. Cependant, au bout d'une dizaine de minutes de marche au sein de la cavité, une odeur étrange reteint leur attention. Une odeur lointaine... qui rappelait celle du bois qui brûlait. Les voyageurs se regardèrent, ils se demandaient silencieusement si l'un d'eux avaient une quelconque réponse. Évidemment, personne n'en avait, cela les incommoda de plus en plus. Quelque chose avait pris feu près d'ici malgré l'absence manifeste de fumée. Cette dernière avait dû s'échapper par les fissures de la voûte ou alors, poussée par quelques courants d'air, s'était éloignée et donc dissipée.
- Je n'aime pas cet endroit, déclara Pahya qui marchait en milieu de groupe. Avancer sur un territoire inconnu et aussi sombre m'effraie un peu. J'ai le sentiment qu'une créature va surgir de nulle part et me sauter à la gorge...
Il fallait rester attentif au moindre son leur parvenant. Ils arpentaient actuellement un petit sentier qui intrigua Link. Seul le passage d'humains pouvait l'avoir créé. Et, au vu de son état, il devait être encore emprunté sinon la végétation des souterrains l'aurait recouvert peu à peu. Les plantes d'ici étaient de couleur noire car le soleil ne parvenait pas jusqu'à elles. La méfiance du chevalier s'accrut ; ces lieux étaient habités. Où, et par qui ? Il ne saurait dire. Mais il savait pertinemment que ce ne pouvait pas être des alliés. Il poussa sa réflexion. Le temple de Firone avait été récemment ouvert, deux passages étaient possibles jusque-là à l'intérieur : la rivière, dans un sens unique, et un autre sentier, dans les deux sens. Ce dernier avait été bouché par un éboulement, nul ne savait quand. S'il y a bien des hommes ici, ils étaient dans l'incapacité de quitter les grottes. Mais avant que la voûte ne s'effondre, n'avaient-ils jamais tenté de gagner la surface ?
Link repensa à son semblant de voyage dans le temps. Cent ans plus tôt, la voie menant au temple était particulièrement difficile, gênée par une végétation très dense qui le cachait à la vue de tous. Mais quand Pru'ha l'avait découvert tout à fait par hasard, lors d'un voyage dans la région, le chemin avait déjà été tracé par quelqu'un. Ou par plusieurs personnes. Cela le mena à penser que le temple de Firone n'avait été traversé que pour une occasion exceptionnelle. Mais qui ? Avec Zelda, il avait émis l'hypothèse que ce serait le meurtrier à sa recherche. Mais il n'avait aucune preuve, mis à part le fait qu'il soit un Soneau. La réponse était-elle là ? Seule les Soneaux pouvaient franchir la porte ? Mais cela n'expliquait pas pourquoi ils ne l'auraient plus emprunté depuis dix mille ans. Car sa fiancée, à l'aide de son sortilège, avait pu montrer la dernière fois que le temple avait été traversé. Link s'arrêta subitement de marcher. Puisque théoriquement, ils se trouvaient cent ans plus tôt, le sort n'avait pu montrer ceux qui l'avaient franchi une nouvelle fois. Au final, Link n'en savait guère plus. Un élément central manquait à sa réflexion.
Le petit groupe s'éloignait peu à peu du lit de la rivière, il déboucha sur un espace circulaire et dégagé parsemé de cristaux luminescents. C'était fort joli, l'atmosphère devint plus chaleureuse et accueillante. Elzier en profita pour humer un buisson sans feuillage car il sentait l'ancienne présence d'un rongeur dans les environs. Face à eux, à une quinzaine de mètres, la route se poursuivait et menait visiblement vers plusieurs tas de rochers. Du moins, c'était ce qu'ils discernaient dans l'obscurité. Ce fut Pahya qui comprit la première ce dont il s'agissait réellement. Tout d'abord, elle poussa un cri d'effroi en reculant avec brutalité, geste qui mit les sens de Link en alerte. Il dégaina son épée et se précipita vers les formes avant de découvrir les carcasses de plusieurs Gardiens inactifs. Ses poils se hérissèrent sur sa peau quand le prodige repensa à toutes ces fois où il avait été attaqué et poursuivi par ces machines de fer, conçues à l'origine pour épauler les Hyliens.
- Ils ne fonctionnent plus, affirma-t-il après une longue attente. Si c'était le cas, ils auraient déjà perçu notre présence.
- Mais pourquoi y a-t-il des Gardiens ici ? demanda Pahya qui restait en retrait. Nous sommes toujours sous la région de Firone, aucune de ces machines n'y a été déterrée.
Le même souvenir revint en tête de Link : ce fameux jour où les Soneaux fuyaient dans le temple. Certains guerriers portaient des blessures dues à leur laser, d'autres dues à leurs griffes. Il était donc possible que les Gardiens les ai suivis jusqu'ici. Il ne restait plus qu'à savoir pourquoi ils s'en étaient pris à des humains. La mousse recouvrait leur carcasse presque entièrement, le matériau qui les composait avait été rongé par les affres du temps et l'humidité. De toute évidence, ceux-ci n'avaient pas résisté aux dix mille ans écoulés, contrairement aux machines décelés cent ans auparavant.
- J'aimerais éviter de mourir dans d'atroces souffrance, frémit Léon qui marqua un grand écart quand il passa à côté. Y avait un pauvre gars, dans notre formation à Akkala, qui a perdu sa sœur à cause d'un Gardien volant. Paraît qu'ils ont mis plusieurs jours à reconstituer le corps...
- Merci pour ton intervention, je me sens vraiment rassurée maintenant, ironisa Iris en optant pour un ton innocent.
Pendant que les deux engageaient une dispute devenue presque traditionnelle, les yeux de Thomas s'agrandirent bien que son regard soit toujours rivé au sol. Quelque part, non loin, il y avait quelqu'un. Son inconscient l'avait peut-être détecté lors d'un coup d'œil rapide autour de lui. Quoi qu'il en soit, ils n'étaient pas seuls. Et un mauvais pressentiment remplaça son inquiétude déjà bien présente. Il releva la tête vers la suite du sentier puis se concentra sur son ressenti.
- Capitaine, l'appela-t-il sans le regarder. Il y a quelqu'un là-bas.
Il pointa la direction devant le groupe. Link s'approcha de lui après avoir rengainé son arme. Pour le moment, mieux valait ne pas montrer de signe d'hostilité.
- Est-ce que tu en es sûr ?
Thomas déglutit en se souvenant du jour où il avait perçu la présence de Ganondorf. Son regarda dévia vers la main droite de Link, devenue d'un vert terne presque gris.
- Oui...
- Dans ce cas, restons sur nos gardes. Reste en arrière avec Iris et tenez-vous prêts à agir en cas de problème.
L'archer ne fit aucun signe de tête, il ne décrocha pas de mot. Il se contenta uniquement de suivre les ordres et de rejoindre sa camarade qui avait entendu, comme le reste du groupe. Link prit les devants, ses compagnons lui emboitèrent aussitôt le pas sans broncher. Il y avait quelqu'un. Ennemi, ami ? Ou bien... Zelda ? Le Héros écarta cette hypothèse. Dans cette cavité, leur voix portait, si bien que la personne désignée par Thomas les avait très certainement entendus. Donc s'il s'agissait réellement de Zelda, elle serait venue les retrouver. En pensant à elle, Link pinça ses lèvres tandis que son visage affichait une peine dissimulée. Elle lui manquait bien trop... Il avait besoin d'entendre sa voix, de croiser son regard, de voir son sourire, de la toucher, ne serait-ce que la main. Et cette incapacité provoquait sa colère contre lui-même.
Ils durent marcher six cents mètres sans croiser la moindre âme. La seule vie qu'ils virent fut un cafard qui les fuyait. Rien de plus, rien de moins. Si bien que Link commença à douter des paroles de son apprenti. Il avait bien du mal à croire que Thomas puisse lui mentir, surtout ici. Mais force est de constater qu'il n'y avait personne à part eux. Le blond se retourna vers lui pour lui adresser un regard interrogateur auquel l'archer ne sut répondre. Il ne pouvait donner d'autres informations puisqu'il n'en possédait aucune. Seul son instinct le guidait. Et pour la seconde fois... Il ne se trompa pas.
- Je ne m'attendais pas à croiser d'autres humains dans les environs, s'étonna une voix de femme sortie de nulle part. Je vous avais prévenus, toute fuite était inutile.
Les six voyageurs se tournèrent vers l'origine de la voix, sur leur gauche. Sortant de la pénombre avec lenteur, la silhouette d'une adulte se dessina devant eux avant de devenir de plus en plus nette. Il s'agissait d'une épéiste aux cheveux blancs, portant une tunique marron foncé par-dessus un jaque noir. Son pantalon, de la même couleur que ce dernier, disparaissait sous des bottes courtes en cuir. L'inconnue arborait un foulard sombre autour du cou et tenait une main sur le pommeau de son épée rengainée. Tout cela n'aurait été que futile si de nombreuses taches de sang frais n'avaient pas maculé ses vêtements.
- Vous n'êtes pas d'ici, déclara-t-elle finalement.
Manifestement, elle s'était trompée, pensant trouver des rescapés du précédent massacre. Mais delà à croiser le chemin d'habitants de la surface, elle ne l'aurait pas imaginé une seule seconde avant d'arriver. Caï s'approcha d'eux, sans expression particulière. Parmi ce groupe d'Hyliens qui n'avait rien à faire là, elle pressentait une aura presque divine et dangereuse à ses yeux. Lequel... Lequel la dégageait ? Se pourrait-il que le Héros se dresse devant elle ? Son regard glissa vers Léon, le plus grand et le plus musclé. Il ne portait qu'un vulgaire espadon, impossible qu'il soit l'élu des déesses. Il n'y avait qu'un seul épéiste masculin dans le groupe, et il s'agissait d'un jeune homme blond qui la dévisageait avec méfiance, les yeux plissés. Trouvé.
Quel dommage que ses subalternes soient partis dans une autre direction. Au final, ils auraient été bien plus utiles à ses côtés.
- Nous nous rencontrons enfin, Héros, se réjouit Caï sans éprouver la moindre crainte. Je ne pensais pas te trouver dans un tel trou paumé, faut croire que j'ai vraiment de la chance.
- Qui es-tu ? lui demanda-t-il sur la défensive.
Cette femme ne lui inspirait rien de bon, son allure ne paraissait pas normale et saine aux yeux de Link. De plus, sa question satisfit la nouvelle arrivante qui lui offrit un sourire presque discret.
- Je suis Caï de Deraim. Premier général et plus grand serviteur de Ganondorf, le seigneur du... !
Elle n'eut pas le temps de finir : un déclic eut lieu puis un carreau d'arbalète vint se loger en plein front, projetant sa tête en arrière avant qu'elle ne tombe. Link frissonna puis se tourna vers Iris qui relâchait sa respiration, en proie à une nervosité manifeste.
- Qu'est-ce que tu as fait ?! s'exclama-t-il en s'approchant d'elle.
- Capitaine, elle s'est présentée comme une disciple de Ganondorf ! Je... Je ne pouvais pas la laisser agir à sa guise...
Son regard se perdit dans le vide à cause de son acte meurtrier. C'était bien la première fois qu'elle visait et tirait sur un humain pour lui ôter la vie. Et cela lui donna la nausée quand elle en mesura l'ampleur. Iris avait agi sans réfléchir, la peur l'avait submergée en un instant puis elle avait décoché son carreau. Link jeta un coup d'œil au corps raide de leur ancienne ennemie d'où du sang foncé s'écoulait de sa tête. Cette vision lui serra le ventre, il détourna le regard et intima ses compagnons de quitter les lieux. Mourir ainsi... Peu importait, il ne devait pas éprouver la moindre once de pitié pour une ennemie. Au moins, cette femme n'aurait pas trop souffert. En suivant son supérieur, la lancière replaça son arbalète sur sa cuisse et posa une main sur son ventre, le visage pâle. À l'avenir, elle laisserait les autres s'en charger... Iris préférait encore s'en prendre à des Corrompus plutôt qu'à des humains.
- Tu es plutôt précise, petite merdeuse.
La vague glaciale de frissons, que la châtaine ressentit le long de son échine, la paralysa sur le coup.
- Iris, derrière toi ! hurla Thomas en se précipitant vers elle.
Il la poussa sur le côté au moment où il créait un bouclier devant lui. L'épée de Caï le frappa avec tant de force que la protection vitreuse et verte éclata en morceaux et provoqua un souffle inhabituel. Ce dernier propulsa le brun, il fit une roulade arrière malgré lui et dérapa sur le sol en serrant les dents. Un humain normal ne devrait pas avoir une telle puissance de frappe... Et encore moins se relever après avoir reçu un carreau d'arbalète en pleine tête. Thomas vit l'épéiste agripper le projectile puis le tirer d'un coup sec vers l'avant, ce qui l'arracha sans grande peine. Le trou causé, au lieu de laisser voir l'intérieur de la boîte crânienne, dévoila uniquement un fond noir qui se referma comme par magie, ne laissant qu'une faible trainée verte qui finit par disparaître.
- Je ne pensais pas que tu te joindrais à la fête... commença-t-elle en regardant d'abord le sol.
Ses yeux glissèrent vers l'archer avant d'émettre un court instant la lueur caractéristique des Soneaux. Son regard engendra une peur saisissante à Thomas qui se releva tout seul. À vrai dire, ses compagnons étaient trop sidérés pour pouvoir réagir. Ils faisaient quand même face à une morte-vivante, à leurs yeux. Cette femme n'est pas humaine, pensa le brun en ayant un mouvement de recul, les traits tirés par l'effroi. Personne ne pouvait revenir d'entre les morts ainsi. Personne... Et encore moins guérir tout seul après une blessure pareille.
- Quoi, t'as perdu ta langue ? le nargua Caï qui se remit en position de combat. Allez, bats-toi à pleine puissance ! Ils ont dit que tu me surpassais mais je ne vois qu'un faiblard et un poltron devant moi !
- Hein ? prononça-t-il tandis qu'il perdait totalement ses moyens.
Ses jambes ne voulaient plus bouger. La peur le tétanisait. Thomas n'eut même pas la volonté d'esquiver lorsqu'il vit Caï s'élancer vers lui. Comme ce jour où il était sur les remparts de la citadelle, pareil à cette fois où l'élévation du château avait créé une onde de choc dévastatrice, l'archer vit sa vie défiler devant ses yeux. Le temps donna l'impression de ralentir pour lui permettre de voir l'épée argentée trancher l'air vers lui, de biais, de bas en haut.
Elle va me tuer.
Ses pupilles se rétractèrent sous l'effet de la terreur et de la sensation de mort imminente. Il la voyait, la lame qui se rapprochait de plus en plus de lui et qui allait l'éventrer. Pourquoi cette folle d'épéiste souriait avec satisfaction ? Cela lui plaisait autant d'être sur le point de tuer ? Après tout, tuer quelqu'un de pitoyable, c'était peut-être amusant... Un vif éclat lumineux aveugla Caï et sa cible puis deux épées s'entrechoquèrent avec force. Link venait de parer l'attaque de leur ennemie qui tiqua avant de reculer de plusieurs mètres.
- N'oublie pas qui est ton véritable adversaire, la prévint le Héros qui se plaça entre elle et son apprenti.
Caï plissa les yeux, pesant les avantages et les inconvénients d'un tel combat. De toute évidence, elle n'était pas en position pour se confronter à l'élu des déesses. Seule, ce serait du suicide. Il valait donc mieux se montrer patiente et attendre le bon moment pour venir frapper. Autrement dit, une fois prochaine. Toutefois, s'il n'y avait eu que ces autres Hyliens, Caï ne doutait pas une seule seconde qu'elle aurait remporté le combat. Mais se confronter au Héros lui-même, seule, elle n'en était pas capable.
- Soit, je me vois de devoir vous laisser, concéda-t-elle avec amertume. Je ne suis pas assez stupide pour me battre contre l'élu des déesses dans de telles conditions. Néanmoins...
Elle regarda par-dessus l'épaule de Link afin que ses yeux rencontrent ceux de Thomas, toujours tétanisé.
- Tu ne sais pas depuis combien de temps je te cherche, mon cher ! Tu possèdes quelque chose que je convoite et que je ne peux te laisser... Je reviendrai te voir au moment opportun. Je suis certaine que tes amis seraient ravis d'apprendre ce qu'il en est ! À moins qu'ils soient déjà au courant ?
Sur ce, elle tourna les talons puis s'enfuit en courant en quittant le sentier. Astrid voulut se lancer à sa recherche mais Link la retint par le bras car elle risquait de se perdre en suivant cette épéiste. Il ne fallait pas oublier qu'ils se trouvaient en terrain inconnu, et donc qu'il valait mieux ne pas se séparer.
- Tu es fou ? s'écria-t-elle en le repoussant. Cette femme a dit clairement qu'elle servait Ganondorf, et tu la laisses fuir ?! Elle va revenir avec toute une troupe juste pour te tuer !
Ce fut après le départ de la forêt Korogu qu'elle avait enfin commencé à le tutoyer.
- Encore faut-il qu'elle me retrouve. Ces lieux ont l'air immenses, ce ne sera pas une tâche facile pour eux.
Astrid tiqua en le regardant de haut en bas, une expression dégoutée se lisait clairement sur son visage.
- Par Maurdrid, j'ai l'impression d'avoir un gosse naïf face à moi. J'ai eu un ami aussi optimiste que toi. Et ça l'a mené à sa perte. Alors j'espère que tu sais ce que tu fais. Je n'ai plus envie d'être témoin d'une mort qui aurait pu être évitée.
D'elle-même, la soldate prit la torche des mains de la Sheikah, non loin, puis alla inspecter les environs afin de vérifier que Caï était bien partie. Quant au reste du groupe, il ne bougeait pas, encore trop sonné pour faire quoi que ce soit. Après tout, ils venaient de voir une femme, prétendument morte, se relever.
- Per... Personne ne peut survivre à un carreau dans la tête, balbutia Pahya qui recouvrait ses esprits. Quand elle l'a retiré, il n'y avait rien... Juste... Juste un trou...
Tous avaient compris que cette Caï ne pouvait être humaine. En tout cas, pas entièrement. Était-ce une Corrompue plus évoluée que les autres ? Un cas particulier ? Si seulement il n'y avait que cela de troublant... Thomas demeurait sans voix, d'une part à cause de son sentiment de mort imminente, d'autre part suite à ce que cette folle lui avait dit avant de s'enfuir. Jamais il ne l'avait vue, et pourtant elle semblait le connaître. Cette Caï cherchait quelque chose que lui possédait. Mais le brun n'avait rien sur lui... Strictement rien. Aucun objet de valeur ou autre. Elle devait le confondre avec un autre, c'était la seule explication...
- Euh... Thomas ? l'appela Léon qui vint se poster à côté de lui. Je n'ai pas eu le temps de bien voir mais tu as fait apparaître un truc vitreux et vert, non ?
Les yeux de l'archer s'agrandirent légèrement. C'est vrai, cette fois-ci, il n'y avait pas eu qu'Iris qui avait dû apercevoir sa protection magique. Pahya et Link l'observaient aussi, sans doute pour déceler la moindre réaction et attendre une réponse de sa part. Dorénavant, il ne pouvait plus le cacher. Thomas plaça sa main devant lui puis écarta les doigts. Dans la foulée, un nouveau bouclier se créa à partir de la surface de sa peau et prit une forme ronde pour l'exemple.
- Je peux... concevoir une sorte de bouclier, leur apprit-il à contrecœur. Mais il ne résiste presque pas aux armes. À vrai dire, il n'est pas vraiment efficace. Je ne sais même pas pourquoi je m'entête à l'utiliser...
- Peut-être, mais à chaque fois, tu m'as sauvé la vie, souligna Iris avec gratitude.
Il ne répondit rien à cela. Thomas préféra baisser la tête, comme à son habitude, et revenir en retrait dans le but de rester seul. Il avait besoin de réfléchir, de méditer sur ce qui venait de se produire. À peine arrivés ici, ils avaient déjà une ennemie... En plus, elle était tachée de sang frais. Link aussi l'avait remarqué et retenu. Près d'ici avait eu lieu un combat. Il ne pouvait affirmer si des morts étaient à déplorer ou non. Quoi qu'il en soit, il fallait rester vigilant puisque des soldats de Ganondorf traversaient aussi ce lieu.
- Cherchons un endroit sécurisé où dormir, proposa-t-il finalement. Je m'occupe de la première garde. Si Astrid le veut bien, elle prendra la relève.
- Entendu, lui accorda-t-elle en revenant.
Avec l'aide de Pahya, Iris et Léon, ils prirent les devants et se mirent en quête de dénicher un lieu à l'abri des regards et protégé. Quant au Héros, il devait parler avec Thomas. Comprendre et connaître enfin ses capacités peu communes. Lorsque le brun s'avança pour suivre les autres et qu'il vit son supérieur l'attendre, il décida de passer à côté, toujours sans rien dire, en espérant que Link ne souhaite pas lui parler. Bien entendu, il en fut tout autre car le prodige l'interpela et le pria de marcher avec lui, à une vingtaine de mètres des autres.
- Est-ce que tu as déjà vu cette femme ?
- Non... Jamais.
Link soupira.
- Tu conviendras que c'est un peu difficile à croire. Ce qu'elle a dit laisse penser que vous vous êtes connus il y a quelques années.
- Capitaine, c'est impossible, lui assura-t-il pour sa défense.
Au vu de l'expression de Link, il se sentit contraint d'expliciter le fond de ses pensées. Thomas jeta un coup d'œil devant lui afin de vérifier que personne d'autre ne l'écoutait, puis il entama enfin cette discussion qu'il aurait déjà dû avoir avec son supérieur.
- Cette femme... n'est pas vivante. Du moins, elle ne l'est plus. Depuis longtemps.
Les yeux de Link s'écarquillèrent de stupéfaction. Après ce qu'il avait vu, cela lui aurait paru évident puisqu'elle n'avait pas été tuée par un carreau d'arbalète en plein front. Mais avoir l'affirmation qu'elle n'était pas une humaine normale, l'étonna tout de même.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il presque dans un souffle.
Thomas fronça les sourcils en cherchant ses mots.
- Je ne l'ai compris qu'au moment où elle s'en est prise à Iris. Il s'agit d'une âme enfermée dans une sorte de réceptacle, j'ai l'impression... Comme si quelqu'un ou quelque chose l'y avait mise de force.
Il trouvait cela vraiment étrange de ne pas l'avoir su dès qu'il l'avait vue. Concernant les Corrompus, Thomas avait de suite compris que leur corps fait de corruption retenait leur âme prisonnière. Mais pour cette Caï, ce n'était pas la même chose.
- Tu es un médium, conclut Link qui regardait le chemin arpenté.
Le brun se crispa.
- Pas exactement. Je ne peux pas communiquer avec les défunts, mais je peux invoquer leur forme spirituelle quelques instants. Ç'a été le cas avec votre mère. Mais concernant les humains, je ne peux pas les garder très longtemps dans le monde des vivants...
- C'est irréaliste... Je n'avais encore jamais entendu parler de personnes capables d'une telle prouesse.
Ce dernier mot, qui ne plut pas à Thomas, le fit tiquer. Ce n'était pas une prouesse. Seulement une sorte de don dont il aurait pu se passer.
- Mon frère en était capable, lui aussi, lui apprit-t-il avec tristesse. C'est lui qui m'a appris à appeler les esprits.
- C'est la première fois que tu me parles de lui.
L'archer s'arrêta de marcher, ce qui surprit Link. Avait-il abordé un sujet délicat ? Manifestement, cela semblait être le cas au vu du regard vide qu'eut son apprenti un court instant.
- Excuse-moi, tu n'as sans doute pas envie d'en parler.
Les lèvres du brun se pincèrent tandis qu'il fit un signe négatif de la tête. En effet, il préférait éluder le sujet et revenir sur le précédent.
- S'il vous plaît, ne me demandez pas d'où viennent mes dons, le pria Thomas d'une voix tremblante. Je ne le sais pas moi-même... Peut-être... Peut-être sont-ils dus à mes origines soneaux...
Une fois de plus, il tourna son visage vers le sol puis posa une main au-dessus de son bras, là où se tenait son tatouage d'hibou.
- Ils ne seront d'aucune utilité pour votre quête, reprit-il avec affliction. Ils sont pitoyables. Comme moi...
Sa phrase se termina dans un souffle et fit serrer le cœur du prodige hylien. Voir quelqu'un avec si peu d'estime de soi, cela le peina sincèrement et le poussa à vouloir contredire Thomas. Cependant, ce dernier ne lui en donna guère le temps car il poursuivit en lui demandant :
- Capitaine, comment vous voyez-vous dans cinq ans ?
- Dans cinq ans ? répéta Link qui ne comprit pas l'origine de sa question. Eh bien, si nous parvenons à défaire Ganondorf, je pense que la princesse et moi vivrions enfin selon notre souhait. Quelque part, dans un petit village.
Le chevalier posa une main sur l'épaule de son apprenti et le força à s'arrêter une deuxième fois.
- Thomas, je ne comprends pas pourquoi tu me poses une telle question.
Le brun déglutit et prit soin de dévier son regard puisqu'il savait pertinemment qu'il ne pourrait pas le soutenir.
- Moi, je ne vois rien... avoua-t-il difficilement. Il n'y a que du néant.
- Dans ce cas, c'est à toi de bâtir la représentation de ton futur, lui conseilla Link avec conviction. Il n'est pas anormal de ne rien voir. Tu es encore jeune, tu as le temps d'aspirer à un futur idéal.
- Vous pensez qu'une personne comme moi y a droit ?
Link perçut une once d'espoir dans sa question, mais aussi de détresse.
- Je n'en doute pas une seconde, lui sourit le Héros afin de le rassurer. Tu es foncièrement bon, Thomas. Et tu n'es pas pitoyable. N'en doute pas.
Il chercha le contact visuel avec le jeune homme.
- Compris ?
L'archer se frotta les yeux avec vigueur puis opina après avoir bredouillé un faible « oui ». Satisfait, Link posa une main sur sa tête puis ébouriffa les cheveux de son apprenti en guise de marque d'affection.
- J'ai le sentiment que je n'ai pas fini d'en apprendre sur toi, se permit Link de se réjouir. Même si ce n'est qu'une relation de maître à élève, j'apprécie que tu t'ouvres à moi. Car je sais à quel point cela peut être dur.
Le Héros effaça son sourire pour redevenir plus sérieux au vu de la situation.
- Ne t'en fais pas pour cette femme. Je te crois. Il n'est pas improbable qu'elle t'ait confondu avec une autre personne, surtout si ce que tu dis à son sujet est vrai.
Link faisait référence au fait qu'elle soit une âme invoquée.
- Nous ne savons pas quand elle a vécu, quelqu'un te ressemblait certainement à son époque.
- Je l'espère bien... Je n'ai jamais volé, croyez-moi. Et je ne porte rien qui puisse avoir de la valeur comme vous pouvez le constater. Je n'ai pas ce qu'elle recherche.
Le capitaine soupira. Voilà encore un mystère de plus à résoudre et dont il aurait aimé ne pas s'encombrer. La priorité restait de trouver Zelda et d'écarter tous les obstacles de son chemin. Cette Caï en était un, d'autant plus car elle avait pour dessein de le tuer. Link n'était nulle part à l'abri, pas même ici. Ces lieux inconnus regorgeaient sans doute de multiples dangers dont il n'avait pas même connaissance. Avec Thomas, ils se hâtèrent de rejoindre le reste du groupe qui commençait à s'inquiéter de ne pas les voir arriver. Ils se devaient de rester grouper car l'union faisait la force.
oOo
Après une demi-heure de recherches, ils se reposèrent au milieu d'un petit cratère. Comme convenu, ce fut Link qui monta la garde en premier. Assis près de Pahya, il gardait le fourreau de la Lame Purificatrice entre ses mains et l'effleurait en repensant à ce qu'il avait vécu à ses côtés. Quant aux autres, ils se laissèrent submerger par le sommeil et la fatigue. D'ici quatre heures, ce serait à Astrid de veiller. Par simple curiosité, Link prit la tablette sheikah puis lut une énième fois le message qui s'affichait dessus. Machine détectée. Lancer un programme ? Pour en avoir le cœur net, il appuya dessus et s'attendit à voir une liste de programmes se présenter à lui, comme pour les Créatures Divines. Mais il n'en fut rien.
« Erreur, blocage de l'accès. »
Erreur ? Voilà la première fois qu'il voyait ce mot apparaître sur la tablette. Toutefois, il se doutait bien qu'il s'agissait d'un dysfonctionnement. Il ne restait plus qu'à savoir ce qui l'avait autant embrouillée. Sa surexploitation ? La présence de Ganondorf ? « L'éveil » du château ? Plusieurs fois, de manière machinale, Link rappuya sur le premier message qui affichait toujours la même chose : erreur. Mais après maints essais, la tablette mit plus de temps à répondre, comme si la démarche réussissait cette fois-ci.
« Données corrompues. Accès bloqué. »
Données... corrompues ? Tout cela le dépassait, il ne savait plus quoi penser. Zelda aurait sûrement la réponse puisqu'elle avait étudié la relique bien plus souvent que lui ; ses recherches avaient été poussées et réfléchies. S'il y avait bien une personne capable d'affirmer que la tablette dysfonctionnait, c'était bien elle. Link émit un soupir trahissant sa peine puis il replaça l'objet à sa ceinture. Malgré la présence de ses compagnons, il se sentait terriblement seul, comme jamais auparavant. Cela n'avait rien à voir avec sa quête liée à la libération du royaume, trois ans plus tôt. Être loin de la personne aimée et ne pas avoir de ses nouvelles, il ne pouvait le supporter. Le jeune homme avait dédié sa vie à Zelda. Alors si sa fiancée disparaissait... Il n'aurait véritablement plus de raison de rester sur ce monde.
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