Chapitre 25
Alertée par le cri affolé de sa compagne de route, Ren se retourna puis aperçut le groupe de Corrompus armés d'épées qui s'était lancé à leur poursuite. Leur corps était en effet constitué essentiellement de corruption, comme le lui avait décrit Ulani et Jian. Leurs yeux, entièrement rouges, luisaient dans la pénombre et les fixaient sans émotion particulière. Comme s'ils étaient vides...
- Cours ! lui hurla Ren en la forçant à passer devant elle, par mesure de précaution.
La fuite s'avérait être leur seule issue possible. Toutes deux coururent à travers la cavité réservée au Guide, celle illuminée par la multitude de cristaux et de gemmes nox. Cependant, cette fois-là, elles n'avaient pas le temps de les contempler car la mort les pourchassait. La Soneau aperçut l'entrée d'une autre partie des grottes, celle qui appartenait au clan turme. Si elles l'atteignaient, alors elles pourraient trouver un moyen de se cacher ou bien de perdre leurs poursuivants. Par instinct, suivant son mauvais pressentiment, Zelda regarda par-dessus son épaule durant sa course effrénée avant de voir l'un des Corrompus bander son arc dans leur direction. Ou plutôt, vers la sortie de la cavité. Et la flèche n'était pas ordinaire puisqu'elle était de type explosif.
- Ren, saute ! s'écria la princesse en se jetant devant elle.
La guerrière s'exécuta aussitôt et bondit vers l'avant, passant par la même occasion à travers le trou béat immense qui servait d'entrée dans cette zone neutre. Au même instant, la flèche explosive heurta la voûte qui vola en éclats à travers un tremblement de terre puissant. La déflagration créa un souffle qui percuta les deux femmes et les projeta plusieurs mètres devant elles, leur arrachant des plaintes de souffrance manifeste. Peu après, un éboulement assourdissant se fit entendre, suivi de l'élévation d'un nuage de poussières dense et presque irrespirable. Zelda fut prise d'une quinte de toux violente et d'un mal de tête désagréable à cause du bruit sourd engendré par l'explosion.
- Zelda, tout va bien ?! s'inquiéta Ren en rampant vers elle.
- Miz... Miz'Kyosia... Il est encore là-bas... bredouilla-t-elle difficilement.
Aussi en difficulté respiratoire, la Soneau inspirait bruyamment et de façon saccadée. Malgré le nuage de poussières qui lui obstruait la vue, elle parvint à discerner l'éboulement qui bouchait l'entrée menant au Guide. Elle serra les dents puis aida la prêtresse royale à se relever.
- Il est trop tard pour l'aider, décréta Ren.
Alors qu'elle terminait sa phrase, elle entendit un bruit qui lui était jusqu'alors inconnu, accompagné du son d'un glissement singulier. La guerrière regarda une nouvelle fois l'éboulement puis découvrit la corruption qui se glissait à travers avant de s'écraser au sol ; dans la foulée, elle s'éleva en plusieurs colonnes qui prirent forme humaine et redevinrent les soldats précédents. Des frissons de peur parcoururent l'échine de Ren, tout cela lui paraissait irréel. Quels... étaient ces êtres ? Aucun animal, aucun insecte ne pouvait se désassembler puis se réassembler de la même manière...
- Il faut fuir ! s'affola Zelda qui la tira à son tour.
Même si les Corrompus ne possédaient plus leurs armes, restées de l'autre côté, ils demeuraient toujours aussi dangereux à cause de la corruption qui les composait. Encore perturbée par ce qu'elle voyait, Ren ne semblait même plus être présente, comme si son esprit était ailleurs pour le moment. Dans quel genre de conflit venait-elle d'entrer ? Quel grand chef ennemi leur ferait face ? Si ses soldats ne vivaient même pas... Pendant qu'elle réfléchissait, elle courait sans regarder où leurs pas les menaient. Ren ne reprit ses esprits que lorsqu'elle vit un des soldats surgir sur leur droite. Par réflexe, elle attrapa sa hache puis l'abattit sur le Corrompu avant qu'il ne puisse porter la main sur Zelda. Ce dernier para l'attaque avec son avant-bras : l'arme s'enfonça dans la corruption qui l'enroba et contraignit la guerrière de la lâcher. Ulani avait raison, leur corps se laissait transpercer avec une facilité déconcertante.
- Ren, derrière-toi ! cria Zelda qui s'était retournée.
La Soneau n'eut presque pas le temps de réagir, elle tenta d'esquiver son nouvel ennemi en bondissant sur le côté mais elle perdit l'équilibre et chuta. Elle poussa une plainte étouffée quand elle heurta le sol. Mais lorsqu'une main rougeâtre vint entourer sa cuisse, ce fut un hurlement de douleur qui lui donna l'impression de se déchirer la gorge ; un Corrompu la maintenait par terre et répandait de la substance maléfique sur sa peau.
- Lâche-la ! s'interposa Zelda.
Elle écrasa le revers de sa hache contre la tête du soldat, cette dernière partit sur le côté et le força à libérer sa proie de son emprise. Ren poussa un grognement rauque et continu à cause de sa nouvelle souffrance due aux brûlures insoutenables qui la rongeaient.
- Ren, tiens bon !
De son bras libre, Zelda l'attrapa sous l'épaule puis essaya de la tirer tant bien que mal. Devant les pieds de Ren, elle vit les autres Corrompus se précipiter vers elle et profiter de ce moment de faiblesse pour l'attaquer. Le sang de l'Hylienne se glaça quand elle comprit qu'elle ne pourrait rien faire et que toute fuite serait impossible. De plus, sa compagne de route hurlait à pleins poumons à cause de la corruption qui gagnait en surface sur sa cuisse. « Link ! » pensa fortement Zelda qui se sentait en danger de mort. Mais il ne viendrait pas, tout simplement car il ne pouvait savoir où elle se trouvait à ce moment-là.
Une forme noire traversa le chemin juste devant les deux femmes puis fondit sur les Corrompus en rugissant. Zelda se pétrifia, elle en eut des sueurs froides qui firent hérisser les poils de ses bras. Devant elle, un Krassen lacérait, déchiquetait les êtres du néant sans même se blesser avec la corruption. Comme si elle était insignifiante au contact de sa peau. D'un geste vif, la créature plongea son bras dans le torse d'un soldat, là où devrait se trouver le cœur d'un humain normal. Le trou béant qui y resta laissa voir une lueur bleutée à l'intérieur même de la poitrine, ce qui n'échappa pas à Zelda. Une fumée bleue qui remuait sans parvenir à se libérer de cette prison rouge et noire.
L'Hylienne parvint tout de même à sortir de sa torpeur. Il fallait mettre Ren à l'abri, s'éloigner le plus possible du Krassen car le reste de son groupe ne devait pas être loin. Mais se déplacer... pouvait être aussi très dangereux et attirer ses semblables vers elles. Zelda se devait de prendre une décision rapide, et elle choisit la fuite encore une fois. Le combat, qui faisait rage, causait bien plus de vibrations et attirerait plus facilement les Krassens. Avec discrétion, Zelda tira la Soneau sur le point de perdre connaissance. De minuscules rainures rouges remontaient de sa cuisse vers son ventre, gagnant en surface peu à peu et assez rapidement. De toute évidence, elle était perdue... Le même sort que Galang l'attendait, une mort certaine pour la soulager et l'empêcher de s'en prendre aux autres. Mais personne ici ne serait capable de tuer Ren. Zelda ne pouvait pas... Il devait bien y avoir un moyen, une solution autre que la mort. Couper sa jambe pour empêcher la propagation de la corruption, c'était bien inutile car celle-ci infectait aussi le sang et se propageait aisément dans le reste du corps, jusqu'à la tête.
Pourtant, un seul souvenir, datant de cent ans auparavant, refit surface et lui bloqua le souffle sur le moment. Une fois, elle avait béni de l'eau puis l'avait déposée sur un échantillon de corruption. Et cette dernière avait disparu, purgée. Peut-être... Peut-être qu'en utilisant la même incantation, la prêtresse royale pourrait réprouver le mal ? Sans hésiter, Zelda plaça la guerrière contre un rocher assez imposant puis elle positionna ses mains au-dessus du membre corrompu. Si elle ne se dépêchait pas, la chair serait rongée et rien ne pourrait la soigner... Avant d'entamer sa prière, la prêtresse royale ferma les yeux afin de calmer le martèlement de son cœur. Il fallait oublier le combat à une vingtaine de mètres et sauver Ren avant qu'il ne soit trop tard. Sans elle, impossible de continuer son périple et de retrouver Link. L'Hylienne commença à réciter la prière qu'elle ne connaissait que trop bien, la même qu'elle avait répétée des milliers de fois depuis sa petite enfance. Aucune lueur dorée ne se produisit sous les paumes de ses mains, comme certains Hyliens le croyaient. Cependant, une chaleur rassurante et réconfortante en émana puis s'étala sur la corruption.
Pendant ce temps, les Corrompus se battaient silencieusement à mains nues contre ce colosse qui se dressait devant eux. Ils ne cherchaient pas à connaître sa nature. La seule chose qu'ils comprenaient était qu'un intru les empêchait d'accomplir leur mission : tuer la descendante d'Hylia. Ils se devaient donc de l'éliminer pour parvenir à leur but. Soudain, deux autres Krassens bondirent devant eux et les attaquèrent sans ménagement, poussant des grognements qui leur étaient propres. Mais lorsque l'un d'eux parvint à anéantir l'un des soldats du néant, ceux-ci reculèrent aussitôt et observèrent leur camarade tombé au combat. Ils virent très bien la fumée bleutée qui s'échappait de sa poitrine puis s'envolait vers la voûte avant de disparaître. L'affrontement tournait à leur désavantage si ces êtres immondes pouvaient les tuer. Les Corrompus analysèrent la situation et déduisirent que s'ils ne pouvaient pas tuer la princesse, ce seraient les Krassens qui s'en chargeraient. Et dans le cas où elle survivrait, ils n'auraient qu'à alerter leur maître et lui faire comprendre qu'ils avaient bel et bien trouvé la descendante à Delteha. Les soldats de Ganondorf firent donc demi-tour, se faufilant une fois de plus à travers les pierres de l'éboulement pour se tirer des griffes des Krassens qui les poursuivaient toujours.
Les créatures ailées essayèrent de se frayer un passage vers la cavité du Guide, jetant sur le côté les pierres obstruant leur passage. Mais voyant que cela ne mènerait à rien, les trois Krassens se retournèrent vers une nouvelle origine de vibrations. Ce n'était presque pas perceptible, il y avait de légers tremblements. Mais juste assez pour les convaincre que d'autres proies les attendaient non loin. Ils se dirigèrent donc vers elles, l'air visiblement affamé. Oui, maintenant, les vibrations étaient plus nettes : un humain allongé au sol, il tremblait. De peur ? Comment pouvaient-ils le savoir ? Les trois créatures ne cherchaient qu'à se nourrir, elles ne se posaient guère de questions.
Trop concentrée sur sa prière, Zelda rouvrit les yeux et analysa la cuisse de sa compagne de route. Manifestement, la corruption s'était retirée comme elle l'espérait. Mais sa peau, rougie, laissait voir les brûlures qui en résultaient et qui gêneraient Ren à l'avenir. Était-elle sauvée ? Non, il fallait encore s'occuper des rainures qui permettaient de suivre l'évolution de la corruption à l'intérieur même du corps. Et bientôt, elle dépasserait le nombril. Cependant, lorsque Zelda perçut une présence désagréable dans son dos, des frissons la parcoururent et l'obligèrent à cesser ses prières. Elle n'était pas encore hors de danger. D'un coup, Zelda reprit sa hache de combat en main - bien qu'elle ne sût pas l'utiliser - et se tourna pour faire face aux Krassens. À leur vue, elle retint sa respiration et crut que son environnement disparaissait totalement. L'effroi la tétanisa une nouvelle fois face à ces visages abjects qui ne possédaient qu'une seule bouche et des creux à la place des yeux.
La première créature leva sa main, les doigts écartées et les griffes acérées, puis l'abattit sur sa proie. Elle rencontra la hache qu'elle lui arracha des mains et fit voler plusieurs mètres plus loin. Épouvantée, Zelda hurla à pleins poumons et tomba à la renverse. Le crâne qu'elle portait roula sur le côté et dévoila ses cheveux qui vinrent recouvrir sa vue quelques instants. La jeune femme s'empressa de se redresser sur ses coudes et d'observer le Krassen avec effarement. Link, sentait-il sa peur panique à travers le bracelet ?!
La vérité demeurait là.
Le Krassen releva son bras, prêt à frapper.
Sans lui, elle n'était rien.
Il referma sa main libre autour de la tête de Zelda afin de l'immobiliser et de l'empêcher de fuir. Dans un geste instinctif, la jeune femme lui attrapa l'avant-bras et y planta ses ongles, en vain. Pendant que les larmes de terreur commençaient à rouler sur ses joues, le désespoir la submergeait.
Link... Je ne suis pas digne de toi.
- NE LA TOUCHE PAS !
Une silhouette sauta par-dessus le rocher contre lequel se tenait Ren, elle atterrit à côté de Zelda puis plongea son épée dans le ventre de la créature qui rugit de douleur. Le Krassen lâcha aussitôt Zelda et recula sous la pression de l'épéiste. Celui-ci ne retira pas son arme, il attrapa une dague à sa ceinture puis la planta dans le cou de son adversaire qui se courba vers l'avant, la bouche grande ouverte à cause de la souffrance. Le jeune homme retira ses deux armes puis donna un coup de pied pour éloigner le Krassen mourant. Immédiatement, ses deux semblables se jetèrent vers lui, enragés de savoir que l'un des leurs avait été blessé.
Quant à Zelda, elle inspirait bruyamment à cause de sa panique, son souffle sifflait en signe de réelle gêne pour respirer. Sur le moment, sa vue se brouillait. Seule son ouïe lui permettait d'entendre les cris et la chair coupée. Lorsqu'une petite main se posa sur son bras, la jeune femme sursauta et poussa un nouveau cri de peur, les yeux écarquillés. Elle reconnut peu après Lasya qui affichait une inquiétude notable.
- Tu n'es pas blessée ? lui demanda l'enfant qui examinait son corps.
- Lasya, tu... Qu'est-ce que... tu fais là ?
Son choc lui donnait plus de peine pour parler. Zelda ne savait pas si elle rêvait ou bien si la mort se jouait d'elle à travers des hallucinations.
- C'est une longue histoire !
Le regard de la fillette glissa vers Ren puis sa cuisse.
- Elle... Elle a été corrompue ! s'affola l'enfant qui recula d'un coup.
Derrière elle, le combat touchait à sa fin mais peu lui importait. La cheffe de son clan se mourait sous ses yeux, la chose la rongeait.
- J'ai... J'ai presque fini de détruire la corruption, lui annonça Zelda sans se rendre compte des mots employés. Je dois continuer... à la bénir. Ren va s'en sortir...
Un cri d'agonie résonna dans la cavité et fit frémir la blonde : le dernier Krassen venait de mourir. Épuisée par son voyage et les événements, Zelda resta au sol, sur ses coudes et le regard perdu dans le vide. Elle avait du mal à supporter de risquer sa vie, surtout après les événements traumatisants qui avaient précédé le long sommeil de Link. Survivre ainsi puisait dans ses forces déjà trop amoindries. Et le développement du futur enfant n'arrangeait rien avec les douleurs et la fatigue que cela engendrait. Dans un énième effort, Zelda positionna sa main au-dessus du ventre de Ren, continua un peu sa prière puis elle perdit connaissance.
oOo
Elle ne sut combien de temps son inconscience dura. Néanmoins, Zelda percevait très bien l'engourdissement de ses muscles ainsi que le mal qui compressait sa tête. Tout cela n'était qu'un vague cauchemar, n'est-ce pas ? Elle se réveillerait bientôt dans son lit, au château, et elle irait retrouver Link. Mais dans ce cas, pourquoi son dos reposait-il sur une surface froide et dure ? Et ces bruits n'appartenaient pas à ceux qu'elle entendait habituellement dans sa chambre. D'un coup, Zelda rouvrit les yeux puis se redressa quand tout lui revint en tête. Son arrivée à Delteha, sa vie en tant qu'amnésique, sa rencontre avec le Guide... Elle fut prise de vertiges et geignit à cause de son mal de crâne.
- T'es réveillée ! se réjouit Lasya qui apparut soudainement devant elle. J'ai prié pour que tu ne meurs pas.
- J'ai bien cru voir mon heure arriver... Où est Ren ?
L'enfant perdit son sourire puis se décala afin qu'elle puisse voir le corps de la guerrière, allongée sur le côté et dos à elles. L'unique fait de la voir respirer soulagea Zelda qui émit un soupir.
- Alors j'ai réussi. Je l'ai sauvée...
Le visage de Lasya se rembrunit tandis qu'elle baissa légèrement la tête. C'était bien la première fois qu'elle voyait quelqu'un guérir une personne touchée par la chose. Si Zelda avait la capacité de soigner, elle aurait pu sauver Galang, non ? Mais il était trop tard pour lui, de toute manière.
- Zelda, tu es une Soneau, toi aussi ? lui demanda-tt-elle d'une petite voix. Il n'y a qu'eux pour avoir des pouvoirs...
Maintenant que la mémoire ne lui faisait plus défaut, la princesse pouvait lui apporter des réponses claires et précises. Mais comment annoncer à Lasya qu'elle n'avait jamais vécu à Delteha auparavant ? Que son ancienne vie se trouvait à Hyrule, un royaume au-dessus, où la nature ne manquait pas, où le peuple ne souffrait plus la faim depuis des générations ?
- Non, je suis une Hylienne.
- Une quoi ?
Sa question la fit sourire involontaire.
- Je suis une habitante du royaume d'Hyrule, Lasya. J'ai enfin recouvré la mémoire, je me souviens de tout.
La fillette écarquilla les yeux, choquée de l'apprendre. Zelda n'était pas supposée sortir des tourments avant l'Éclosion, pourtant... Quelque chose n'allait pas. Lasya rentra sa tête dans ses épaules et pinça les lèvres quand ses yeux s'humidifièrent.
- Alors... Tu sais que tu n'es pas ma sœur.
- Oui.
L'enfant releva la tête et lui adressa un regard qui laissait transparaître ses regrets et sa culpabilité.
- Et tu m'en veux ?
Zelda déglutit.
- Tant que je ne connais pas la raison de votre mensonge, je ne peux pas te répondre...
Lasya jugea qu'elle avait le droit de savoir. Elle lui expliqua que le Sorcier leur avait demandé, à Omi et elle, de lui mentir sur sa famille afin que Zelda accepte de rester à Altoz tant qu'elle serait tourmentée. Et par la même occasion, il espérait qu'elle reste vivre pour toujours pour aider la communauté à survivre. Cependant, Omi avait refusé dans un premier temps car elle avait conscience du mal que ressentirait Zelda une fois ses souvenirs revenus. Suite à son explication, l'Hylienne resta silencieuse, le regard rivé au sol. Elle savait bien que les habitants du village lui avaient sauvé la vie. Qu'aurait-elle pu faire sans eux ? Rien, absolument rien. Des Krassens l'auraient tuée, sans doute.
- Merci, dit-elle soudainement.
Cela surprit Lasya qui pensa avoir mal entendu.
- Merci de m'avoir sauvée.
Zelda la regarda dans les yeux et lui offrit un sourire des plus sincères qui toucha profondément l'enfant.
- J'ai été heureuse de retrouver une famille, même pour une courte durée, termina-t-elle avec émotion.
- Zelda...
Lasya s'approcha un peu d'elle puis tendit ses bras dans sa direction. Zelda ouvrit les siens, prête à accueillir l'étreinte. Mais au lieu de cela, la fillette attrapa ses fourrures puis secoua la jeune femme en grimaçant.
- Me dis pas des trucs pareils ! se plaignit-elle d'une voix aiguë. Tu veux me faire pleurer, c'est ça ?!
- Du calme, Lasya, la pria Zelda avec embarras. Je t'avouais tout cela avec sincérité.
Lasya ronchonna puis elle la lâcha à contrecœur. Elle aurait préféré ne pas s'attacher, mais tout le temps passé avec l'étrangère avait indéniablement tissé des liens. Certes encore un peu fragiles, mais des liens tout de même.
- Maintenant, dis-moi pourquoi tu es venue. Ren t'avait interdit de venir.
La petite fille déglutit et son regard devint vide l'espace d'un instant : elle venait de se souvenir de la tentative d'assassinat à son encontre. Jian, Asam, Seba... Tous les trois l'avaient poursuivie car elle avait entendu une conversation des plus gravissimes.
- Je... Je ne peux en parler qu'à Ren... bredouilla Lasya qui avait perdu son assurance. Je n'ai pas eu le choix, ils allaient me tuer...
Ses propos choquèrent l'Hylienne. Qui s'en était pris à Lasya ? Au vu de ses tremblements, ce devait être traumatisant. Encore sous l'emprise de la fatigue, les mouvements de Zelda restaient plutôt lents. Pourtant elle posa une main sur l'épaule de la fillette afin de lui demander de lui en dire plus. Avant même de pouvoir poser sa question, quelqu'un apparut en haut du tas de rochers qui cachait les trois membres d'Altoz.
- J'ai fouillé toute la zone, je ne ressens ni la présence d'ennemis ni de présence hu...
Le brun s'arrêta lorsque son regard croisa celui de Zelda en contrebas. Elle l'observait avec étonnement et incompréhension. Avec ses cheveux noirs et ses yeux verts qui luisaient faiblement, elle crut un instant qu'il s'agissait de Thomas mais rapidement, la jeune femme se rendit compte que tous les deux ne se ressemblaient pas physiquement. Peu importe, un Soneau se trouvait plusieurs mètres en hauteur, bien qu'il fût habillé comme les habitants d'Hyrule. Il avait sans doute quelques années de plus qu'elle et, au vu de sa bouche entrouverte, il était troublé de la voir éveillée.
Étrangement, Zelda eut l'impression de l'avoir déjà vu quelque part, mais elle ne savait plus où. La question qui la perturba fut à propos de la présence même de cet homme. Pour avoir de tels vêtements et une telle chevelure, il venait de la surface. Et pourtant, il s'avérait bien être un Soneau. Zelda ne comprenait plus rien. Les deux seuls Soneaux dont elle avait entendu parler n'étaient autre que Thomas et l'assassin qui recherchait Link. Son cœur rata un battement en comprenant. Elle vit le brun dévaler le tas de rochers puis atterrir à quelques mètres d'elle. Il laissa éclater un sanglot puis tomba à genoux, les poings fermés et posés par terre. Le front de l'épéiste vint reposer contre le sol froid et humide pendant qu'il pleurait véritablement. Son comportement dérouta Zelda qui commençait à avoir peur. Était-ce vraiment le meurtrier en question ? Celui qui avait tenté d'assassiner Pahya ?
- Les... Les déesses soient louées... prononça-t-il dans un souffle empli de soulagement. Tu vas bien.
La jeune femme haussa les sourcils avant de jeter un regard perdu à la fillette. Elle commençait à avoir des doutes quant à l'identité potentielle de cet inconnu.
- Lasya... Qui est-ce ?
En entendant sa question, il retint son souffle et cessa de sangloter. D'un coup, il releva la tête et afficha un air désespéré, ce qui tordit désagréablement le ventre de Zelda.
- Tu ne me reconnais pas ? C'est moi, Soran ! Ton frère...
- Je n'ai jamais eu de frère, répliqua froidement la princesse en se relevant en dépit de sa fatigue. Et je ne connais pas non plus de Soran.
- Ce n'est pas le moment de plaisanter, l'avertit le brun qui était visiblement vexé. Après toutes ces années élevés ensemble, tu oses me dire une chose pareille ?
Soran attrapa son bras droit qu'il agrippa fermement pour contenir ses émotions.
- J'ai remué... ciel et terre pour te retrouver, dit-il en baissant la tête. J'ai commis les pires péchés pour toi alors que je savais pertinemment que tu n'approuverais jamais... Et tu me rejettes, une fois de plus ?
Zelda plissa les yeux et eut un mouvement de recul instinctif. À ses yeux, c'était un homme totalement fou qui l'abordait. Jamais, ô grand jamais, elle n'avait eu de frère. Encore moins un Soneau. Son discours n'avait guère de sens, notamment car elle-même était purement Hylienne.
- Ne... Ne m'approchez pas, l'intima-t-elle avec fermeté.
Soran avait fait un pas en avant, toujours blessé par le comportement de la jeune femme à son égard.
- Regarde, j'ai tenu ma promesse ! s'exclama-t-il en se désignant de la main. Maintenant, tout peut redevenir comme avant, tu te souviens ?
- Comment ? émit-elle sur la défensive.
Il lui adressa un sourire empli d'espoir puis lui tendit la main. Pendant ce temps, Lasya passait précautionneusement derrière lui.
- Je t'ai pardonnée, je suis prêt à fermer les yeux sur tout ce que tu m'as fait subir. Et tu pourras tout expliquer à ton père.
Son regard perdit sa précédente lueur pour se ternir et devenir plus sombre. Voyant que Zelda ne voulait pas lui prendre la main, Soran laissa son bras retomber le long de sa cuisse.
- J'ai surveillé Orion durant des mois. Je n'ai pas réussi à l'arrêter... Altaïr a été mon principal obstacle. J'ai essayé de le tuer à plusieurs reprises, mais il a glissé entre mes doigts à chaque fois !
Il cessa de parler un instant, la haine transparut à travers ses yeux. Une colère enfouie et une rancœur qu'il peinait contenir. Le brun regarda vers le sternum de Zelda.
- Non, avant de m'occuper de son cas, je veux d'abord annihiler Orazio... Et tu sais où il se cache !
L'Hylienne comprit aussitôt qu'il mentionnait un homme ressemblant à Link, voire Link lui-même. Mais à ses yeux, c'était insensé. Après tout, dans le royaume, il n'y avait pas qu'un seul épéiste aux yeux bleus et aux cheveux blonds tirant sur le châtain. Du coin de l'œil, Zelda remarqua l'enfant en possession de la petite hachette de Ren. Dans le plus grand des silences, elle approchait l'inconnu par derrière, attendant le bon moment pour frapper. Et ce fut la jeune femme qui le lui accorda.
- Très bien, Soran. Je vais te conduire jusqu'à lui.
En l'apprenant, il relâcha sa garde et tourna le visage vers le plafond, soulagé de pouvoir enfin obtenir l'objet de sa requête. Après tout ce temps, après toute cette longue souffrance endurée pour sa sœur, il pourrait enfin retrouver la place qui lui était due. D'un coup, le revers de la hachette s'abattit sur l'arrière de son crâne et l'assomma. Soran s'écroula au sol dans un bruit étouffé, ce qui fit sursauter Zelda.
- C'est plus pratique qu'une poêle, nota Lasya qui s'émerveillait devant sa nouvelle arme.
- J'ai bien cru ne jamais m'en sortir... soupira Zelda en se tenant à un rocher.
Elle dévisagea une nouvelle fois le Soneau, en proie à de multiples questionnements à son sujet. Qui était-il vraiment ? À première vue, il n'avait pas l'allure d'un assassin assoiffé de sang. Et pourtant, il avait bien ôté la vie de nombreux Hyliens uniquement pour retrouver cet Orazio. En plus de cela, il la confondait avec sa sœur et lui parlait avec tant de familiarité que Zelda trouva cela presque honteux. La peur prit, malgré tout, le dessus sur elle. Ce Soran éprouvait une telle rage envers sa cible... C'en était effrayant. Il avait aussi évoqué une promesse en plus de deux autres noms. Orion ? Et Altaïr. Évidemment, Zelda ne connaissait pas tous les Hyruliens, ces prénoms lui étaient inconnus. Elle fronça les sourcils. Cet homme... Il venait de la surface. Il savait donc comment quitter Delteha, il connaissait une sortie. Pour le moment, le livrer à lui-même en l'abandonnant ici pouvait être une grave erreur.
Mais le Guide lui avait parlé des souterrains du château. Il y avait une infime chance que Soran vienne de là. Zelda voulait en avoir le cœur net. Mais maintenant que le brun était inconscient, il fallait attendre. Et hors de question qu'il reste libre de ses mouvements. Il avait un comportement vraiment imprévisible.
- Lasya, est-ce que tu as une cordelette sur toi ?
La petite fille fut surprise par sa question.
- J'vois pas pourquoi j'aurais ça sur moi... Tu veux le ligoter ?
- Oui, j'ai besoin qu'il soit sous contrôle à son réveil. Je dois lui poser des questions une fois que nous serons de retour à Altoz.
- Dans ce cas, utilise la ficelle qui entoure ton gant.
Le regard de Zelda dévia vers son avant-bras. Si elle utilisait la ficelle, sa peau serait mise à nue, plus rien ne retiendrait les fourrures de bêtes qui faisaient office de protection. L'Hylienne ne montra aucune once d'hésitation, elle tira sur le fil large jusqu'à ce qu'il soit défait puis elle l'enroula fermement autour des poignets de Soran. Elle en profita aussi pour lui dérober son épée et sa petite dague. Peu après, elle vint s'accroupir auprès du corps de Ren avant de l'inspecter, en particulier la jambe qui avait été corrompue. La corruption avait laissé des traces, comme de vagues cicatrices. On pouvait encore voir les rainures ayant creusé la peau de son ventre, bien que le danger soit écarté à l'heure actuelle.
- Je suis soulagée, soupira Zelda qui prenait la température sur le front de la guerrière. Je ne pensais pas être en mesure de la guérir...
- Tu es une Sorcière, c'est ça ? s'inquiéta la fillette sans s'approcher. Je n'avais encore jamais entendu parler d'un Sorcier capable de soigner les humains touchés par la chose.
La blonde reporta son attention sur elle.
- Cela s'appelle « la corruption » chez moi. Elle est le fruit d'une entité maléfique qui ne cesse de tourmenter ma terre natale depuis des millénaires. En temps normal, rien ne peut l'éliminer. Ni les armes ni les plantes ne peuvent la contrer. Seules les prières divines en sont capables.
Lasya attrapa ses mains afin de les cacher dans son dos. Elle fronça les sourcils car elle avait du mal à comprendre.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? Et comment tu peux en savoir autant sur la chose ?
La jeune femme regarda cette fois le sol, ses épaules s'affaissèrent pendant qu'elle réfléchissait. Ce n'était guère le moment de lui expliquer. Il fallait d'abord quitter ce lieu et rejoindre Altoz, ce village où ils seraient hors de danger.
- Nous en reparlerons une autre fois, décréta Zelda. Lasya, pourquoi étais-tu avec un homme aussi dangereux ?
Elle désignait Soran, joue contre sol. L'expression de l'enfant devint plus fermée tandis que ses mains commençaient à trembler.
- Il m'a sauvé la vie. En échange, je devais le mener jusqu'à sa sœur...
Elle marqua une courte pause.
- Il a dit que c'était toi.
Encore ? Zelda trouva cela absurde de s'obstiner autant. Elle se demandait si cet homme avait de réels desseins à travers ce mensonge effronté. Tout ce qu'il avait dit était pour le moins étrange. Elle ne parvenait pas à trouver d'explications rationnelles à cela.
- Pendant notre voyage, il m'a dit qu'il avait accompli une grande mission, poursuivit Lasya en fronçant les sourcils. J'ai pas tout compris mais il a ajouté qu'il ne voulait plus de son fardeau.
- Quel fardeau ?
Lasya déglutit en tâchant de se souvenir.
- Je sais plus... Il a pas arrêté de dire que sa vie avait été détruite à cause de ça et que c'était ce qui l'avait séparé de toi. Et il a parlé d'un truc aussi...
Elle s'attrapa le menton en fermant les yeux avec force. Bon sang, quels mots avait-il employé déjà ? La fillette se souvint avoir été dépassée sur le moment tant son histoire n'avait aucun sens à ses yeux.
- Ah oui, il a dit qu'il était un enfant larbin. C'est peut-être pour ça qu'il avait une vie aussi nulle...
Un enfant quoi ? Zelda tiqua. À l'instant, une image lui était revenue en tête : elle avait passé la porte du temple de Firone et, en bas du grand escalier, il y avait ces bas-reliefs contre la paroi. Elle revoyait Thomas en décrypter certains symboles. Pourquoi y repenser tout à coup ? Son inconscient semblait avoir la réponse.
« Il est dit ici que l'enfant gardien arrivera lors d'une lune ronde ».
La voix de l'apprenti archer résonnait dans son esprit et lui coupa le souffle.
« Ce mot se prononce soran ».
Des frissons déplaisants lui traversèrent l'échine. Impossible qu'il y eût un lien... Cette fresque datait de millénaires auparavant, cette soi-disant prophétie avait déjà eu lieu en théorie.
- Lasya, tu es sûre... que ce n'est pas plutôt « enfant gardien » ?
- Si, exactement ! Je suis vraiment trop bête... Comment t'as su ?
Zelda ne lui répondit pas. Le schéma commençait à prendre forme dans sa tête, et la conclusion qu'elle en tira lui donna des vertiges. Cet inconnu... ne parlait tout de même pas de l'une de ses descendantes ? Impossible, cela voudrait dire qu'il aurait vécu plusieurs siècles plus tôt, à une époque où son ascendante aurait été soneau. Sa réflexion lui parut incohérente. Toutes les femmes de la famille royale possédaient normalement un sang purement hylien. Un Soneau ne pouvait donc pas être leur frère. Mais la question qui perturbait Zelda se concentrait sur l'existence même de cet homme. Soit il était réellement fou, soit il venait d'une époque antérieure. Ce dernier cas sembla improbable aux yeux de Zelda. Personne n'avait encore jamais voyagé dans le temps. Et pourquoi ce Soran l'aurait fait si c'était possible ?
- Je prends Nayru pour témoin, je ne comprends plus rien, déplora Zelda d'une petite voix.
Tout de même, il ne savait pas différencier le vrai visage de sa sœur avec celui d'une parfaite inconnue ? Si cet épéiste avait vraiment une sœur nommée Zelda - de la famille royale, car seules ses femmes pouvaient porter ce nom - il n'aurait pas dû la confondre avec la descendante actuelle. De plus, toutes les princesses ne se ressemblaient pas physiquement. Ce détail troubla d'autant plus la jeune femme qui l'observa avec appréhension. Elle devait avoir des réponses. Quelque chose lui échappait. Un élément majeur manquait à sa réflexion pour bien en saisir la complexité.
Devant elle, Ren émit un grognement faible mais tout de même audible. Lasya se précipita auprès de son corps afin d'assister à son réveil. La Soneau émergea lentement de son inconscience, elle ouvrit les yeux après un long instant d'attente. Elle se remémorait parfaitement l'attaque des êtres du néant ainsi que la chose qui avait rongé sa cuisse. Ren se pétrifia. Sa cuisse ! D'un coup, en surprenant Zelda et Lasya, elle se redressa et tâta son membre inférieur avec hâte.
- Par tous les esprits ! Je suis vivante ?
- C'est Zelda qui t'a soignée, lui apprit l'enfant qui ne cachait pas sa joie de la revoir ainsi.
La guerrière accorda un regard empli de reconnaissance à la prêtresse royale qui lui sourit en retour. Ce miracle prouvait définitivement qu'elle avait bien un lien avec la déesse Hylia. Soudain, Ren haussa les sourcils puis tourna prestement la tête vers Lasya.
- Je peux savoir ce que tu fais ici ?! Ne me dis pas que tu nous as suivies tout ce temps alors que je te l'avais interdit ! Lasya, tu te rends compte du danger auquel tu t'exposes ?
- Mais...
- Et lui ! Qui c'est ? Et pourquoi il a les cheveux noirs ?
Tous les regards se tournèrent vers Soran. Il n'en fallut pas plus pour que Lasya éclate en sanglots, ce qui déconcerta les deux femmes au vu de son brusque changement d'humeur. Elles ne pouvaient pas soupçonner ce qu'elle avait vécu avant de les retrouver tous les deux.
- Ne me gronde pas, Ren... Je... Je voulais pas te désobéir...
Lasya frotta ses yeux du revers de ses mains, reniflant sans retenue. La voir ainsi serra le cœur des deux adultes et inquiéta davantage la cheffe d'Altoz. Elle n'avait presque jamais vu Lasya pleurer, la raison devait être vraiment grave pour qu'elle soit dans un tel état.
- Lasya, que se passe-t-il ? Il est arrivé quelque chose à Altoz après mon départ ?
Sa réponse fut un signe négatif de la tête. Maintenant, il fallait tout lui dire pour la protéger. Elle savait Ren en danger, il n'y avait plus de temps à perdre.
- Quand j'ai voulu chercher du manioc, j'ai... j'ai entendu Jian et Seba parler... commença la petite fille d'une voix frêle. Ils ont dit... Ils ont dit qu'il fallait te tuer pour que Jian prenne ta place ! Puis j'ai voulu courir au village pour prévenir Ulani mais Asam m'a découverte, et... et ils ont essayé de me tuer...
Se remémorer ce moment traumatisant rendit son regard presque vide tandis qu'elle était la proie de tremblements. Lasya avait failli mourir et cette simple idée la terrifiait plus que tout. Ses déclarations firent froid dans le dos de Ren. Jian complotait pour l'assassiner ? Mais pourquoi ? Et depuis combien de temps ?! Elle ne le pensait pas capable d'une telle chose, surtout car il était le neveu de Delun et qu'il en avait appris toutes les valeurs. La guerrière serra les poings.
- Soran est arrivé et il a tué Asam sous mes yeux. Une fois que j'ai été hors de danger, il m'a obligé de l'amener à Zelda...
La rage commença à bouillir chez Ren, elle sentait une nouvelle fois la haine naître en son sein et influencer ses pensées. Savoir que Jian voulait la tuer, c'était une chose. Mais qu'il s'en était pris à Lasya, elle ne pouvait l'accepter. Personne n'avait le droit de porter la main sur un membre de son clan. Encore moins un homme ou une femme qui y appartenait. Jian et Seba... Ces traîtres mériteraient l'exécution pour leurs actes d'une lâcheté sans nom. Mais si Ren leur ôtait la vie, alors elle ne vaudrait pas mieux qu'eux. Elle devait prendre des mesures radicales mais en lien avec ses valeurs. Le bannissement serait une punition à la hauteur de leur bassesse. Elle essaya de se relever mais une douleur vive la foudroya au niveau de la cuisse et l'obligea à attraper Zelda pour ne pas tomber.
- Tu es sûre de pouvoir marcher ? lui demanda la blonde avec appréhension.
- Il le faut. Tu comptes prendre cet individu avec nous ?
Elle pointa Soran du menton.
- Oui, je dois lui poser quelques questions.
- Bon, dans ce cas, Lasya m'aidera à marcher. Quant à toi, tu devras te débrouiller pour le transporter... Je dois revenir au plus vite à Altoz.
Pendant que Lasya se calmait à ses côtés, Ren afficha un air presque las en regardant vers le fond de la cavité. Elles n'étaient pas encore tirées d'affaire, les Turmes pouvaient leur tomber dessus et leur faire obstacle. Cependant, après son précédent avertissement, ils ne se risqueraient peut-être pas de l'approcher pour le moment. Elle pria donc Zelda de retrouver le crâne de Krassen quelque part non loin, puis leur route en direction du village reprit.
oOo
Depuis le départ de Ren, Ulani s'occupait de la gestion d'Altoz ainsi que de sa protection. Il avait assisté au retour de Jian et de Seba, visiblement en état de choc et très anxieux. Ils ne cessaient d'être sur leurs gardes comme s'ils savaient qu'une menace les guettait. La seule chose qu'ils dirent fut à propos de Lasya et d'Asam car tout le monde s'étonnait de ne pas les voir, surtout Omi qui se faisait beaucoup de soucis. Selon eux, un Soneau atypique et particulièrement dangereux avait attaqué Lasya. Asam, voulant la protéger, aurait perdu la vie dans un affrontement sanglant et violent. Face à une telle supériorité de la part de l'étranger, les deux guerriers durent prendre la fuite et abandonner Lasya. Cette dernière serait retenue prisonnière quelque part.
Bien entendu, cette histoire s'avérait être mensongère, mais nul ne pouvait le soupçonner. Les deux hommes espéraient que le Soneau ait tué Lasya, cela leur ferait un souci de moins à traiter. Mais s'il ne l'avait pas fait, le retour de la fillette serait très problématique. Et de toute manière, si elle était toujours vivante, elle serait déjà rentrée, n'est-pas ? Jamais Lasya n'aurait osé traverser Delteha uniquement pour retrouver Ren. Pour son âge, ce serait du suicide. Jian et Seba restèrent tout de même vigilants puisqu'ils n'avaient aucune certitude. Ils craignaient bien plus le retour de Ren. Ce qui finit par se produire. Lorsqu'ils la virent arriver, au niveau de la plus petite porte du village, leur sang se glaça en reconnaissant Lasya à ses côtés ainsi que le Soneau qui les avait attaqués. Ce dernier, bien que réveillé, marchait à une dizaine de pas en retrait, les mains liées devant le ventre et le visage penché vers le sol. Il ne disait rien, comme si son corps était bien présent mais son esprit absent.
Les villageois se précipitèrent vers leur cheffe en l'acclamant. À leurs yeux, elle avait sauvé la vie de Lasya et avait donc capturé son ravisseur, le meurtrier d'Asam. Omi en pleura d'émotion et de soulagement puisqu'elle était l'un des derniers membres de sa famille. De son côté, l'expression de Ren se montrait grave et soucieuse. Elle ordonna à quelques guerriers de surveiller le captif avant que Voseth n'arrive et constate l'état de sa cuisse.
- Tu as été touchée par la chose ?! paniqua-t-il en ayant un mouvement de recul. Par quel miracle es-tu encore toi-même ?
- Zelda m'a soignée, annonça-t-elle très distinctement pour être entendue de tous. Elle a le pouvoir de nous guérir de ce fléau. Je lui dois la vie car elle n'est plus une tourmentée. Sans sa mémoire, je ne serai pas là pour vous parler.
Un long silence s'installa, pendant lequel Ulani apporta son soutien à sa cheffe en lui permettant de prendre appui sur lui. Ren scruta la foule avec attention, cherchant les deux traîtres. Mais ils n'y étaient pas. Ces couards préféraient se tapir dans l'ombre en attendant le moment opportun pour agir.
- C'est donc l'homme qui a tué Asam ? demanda une femme avec colère. Pourquoi est-il encore en vie ?!
- Il a enlevé Lasya, il ne peut pas s'en tirer comme ça ! renchérit une autre en le désignant du doigt.
Soran releva les yeux, la tête toujours penchée, pour lui offrir un regard glacial qui la fit déglutir difficilement. La faible lueur que produisaient ses yeux apeura certains enfants en bas âge et mit les adultes mal à l'aise. De cet homme émanaient une haine et une rancune anormales.
- C'est faux ! s'exclama Lasya malgré sa voix chevrotante. Il m'a sauvé la vie parce qu'Asam a essayé de me tuer !
L'écho qui suivit laissa place à un lourd silence, signe que personne n'arrivait à croire ce qu'elle disait. Asam avait essayé de lui ôter la vie ? Aucun n'arrivait à le concevoir.
- Tout ça parce que j'ai entendu une conversation que je n'aurais pas dû !
Les larmes lui montèrent aux yeux tandis que Zelda la regardait avec peine. Ce devait être très dur pour une enfant de son âge d'énoncer une telle vérité.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? l'interrogea Voseth qui prenait l'affaire avec un sérieux digne de son statut.
- Jian, Seba et Asam voulaient tuer Ren ! Jian veut devenir chef à sa place !
Cette déclaration abasourdit les villageois. Ils ne se seraient jamais doutés que Jian convoitait la place de Ren. Certains comprirent qu'ils avaient tenté de tuer Lasya car elle avait appris leurs sombres desseins. D'autres avaient du mal à être convaincus par ses dires. Depuis des générations et des générations, Altoz n'avait jamais connu de traîtres en son sein. Ulani brisa le nouveau silence :
- Ren, est-ce qu'elle dit vrai ?
Elle opina.
- Oui, je la crois. Une enfant est incapable de mentir avec des accusations aussi lourdes et graves envers des adultes qu'elle ne côtoie presque pas.
- Si, elle ment !! hurla un homme, loin derrière la foule.
Tous se tournèrent vers Seba, près d'une cabane. Il s'y tenait caché depuis le début et venait tenter le tout pour le tout. Il savait que personne n'écouterait le Soneau s'il venait à donner sa version des faits. Il ne restait donc plus qu'à Seba de faire passer Lasya pour une menteuse.
- Vous ne voyez donc pas que le traumatisme lui a retourné le cerveau ?! Vous savez très bien qu'un membre du village ne porterait jamais la main sur l'un des siens !
- Je te rappelle que tu es aussi accusé, Seba, souligna Voseth en lui faisant face.
Le Sorcier croisa ses mains dans son dos et dévisagea durement le guerrier suspecté de comploter contre Ren.
- Si vous êtes vraiment innocents, où est Jian dans ce cas ? Lorsque l'on n'est coupable de rien, on n'a pas peur de faire face à celui ou celle qui accuse, argua Voseth avec justesse.
Les lèvres de Seba se pincèrent. Il n'avait pas les mots pour le contredire ou répliquer quoi que ce soit. Dorénavant, les autres villageois le regardaient de travers et chuchotaient entre eux. Certains guerriers s'étaient emparés de leur arme. Néanmoins, Seba jeta un coup sur sa droite, là où se trouvait la cabane de Zeya, le sculpteur. Du point de vue de la foule, elle était sur son côté donc personne n'y prêtait attention.
- Très bien, vous avez raison, concéda Seba qui plissa les yeux. Nous avons effectivement prémédité de tuer Ren !
De nombreux yeux s'écarquillèrent, cette situation hébétait les villageois qui la jugeaient presque irréelle à leur sens. Beaucoup n'arrivaient pas à comprendre comment il était possible de vouloir mettre un terme à l'existence de Ren, cette cheffe juste qui avait parfaitement su protéger Altoz jusque-là.
- Vauriens ! hurla un jeune homme en levant le poing. Comment osez-vous vous en prendre à elle, après tout ce que nous lui devons ?!
- C'est une Soneau ! rétorqua Seba avec mépris. Sa place n'est pas parmi nous. Elle nous aurait trahis à un moment ou à un autre !
Ren ricana avec amertume. Voilà de piètres accusations. Était-ce là l'unique raison de leurs agissements ? Parce qu'elle venait d'un peuple différent, elle ne pouvait vivre avec eux ? Ridicule...
- Ne te voile pas la face, Seba, prononça gravement la Soneau qui avança de quelques pas vers lui à l'aide d'Ulani. Tu sais pertinemment que c'est une raison dérisoire ! Tu ne fais que suivre Jian et ses ambitions d'un égoïsme sans précédent !
- Jian aurait été un meilleur chef que toi, répliqua-t-il avec ce qu'il pensait être de la conviction.
Zelda assistait à cette confrontation sans y prendre part. Elle était en dehors de cela, elle n'avait pas le droit de s'interposer pour prendre la position de Ren puisqu'elle n'était pas née et n'avait pas grandi à Altoz. Cependant, l'Hylienne percevait la tension nettement palpable qui pesait sur les épaules de tous.
- Delun a vu en moi son successeur, énonça la guerrière d'une voix portante. Il n'a pas choisi Jian car il le jugeait trop égoïste, peu réfléchi et antipathique ! Jian... n'a que faire de la vie d'autrui. Il n'agit que pour sa propre personne, dans ses propres intérêts.
- Viles calomnies ! Tout le monde ici a vu comment il a été dévasté par la perte de Galang !
Ren le jaugea un instant. Ce n'était cela qui allait la déstabiliser, au contraire.
- Devenir chef nous transforme, affirma-t-elle en posant une main sur l'épaule d'Ulani. Tu penses vraiment qu'il aurait agi ainsi s'il avait été à ma place ? Il a vu l'injustice dans la mort de Galang, et il m'en a fait porter le fardeau car je suis la cheffe. En vérité, il était surtout effrayé de connaître le même sort que lui, Jian avait peur que je sois celle qui l'envoie à son tour à sa perte. Mais s'il avait été chef, la perte de Galang n'aurait été que minime à ses yeux puisqu'il n'aurait pas risqué sa misérable vie !
Un cri, ou plutôt un rugissement, eut lieu du côté de la cabane de Zeya. Ren n'eut le temps que de tourner la tête dans sa direction, son regard se posa sur la hachette qui fendait l'air vers elle, envoyée par Jian avec puissance et rage. Esquiver lui était impossible entre l'état de sa cuisse et le maintien d'Ulani qui l'empêchait de se jeter sur le côté dans l'immédiat. Ren savait pertinemment que la hachette lui traverserait la poitrine au vu de sa trajectoire. Et pourtant, l'arme s'arrêta tout à coup en plein vol, resta en suspension quelques secondes et laissa le temps à Ulani de plonger à terre avec la cheffe dans ses bras. Aussitôt, la hachette reprit sa course effrénée comme si elle n'avait jamais été stoppée.
- Jian ! hurla une guerrière en se précipitant vers lui. Attrapons ce traître !
Ses semblables se lancèrent à la poursuite de Jian qui prenait la fuite. D'autres se jetèrent sur Seba qui n'opposa aucune résistance, étonnamment. Quant à Ren, encore sonnée par l'attaque précédente, elle regarda la hachette qui s'était logée dans le sol terreux à une quinzaine de mètres de là. Elle pensa avoir rêvé à l'instant. La panique lui avait donné l'illusion que l'arme s'était figée en plein vol... Improbable. Pendant le désordre causé par la chasse à l'homme, plus personne n'accordait d'importance à ce qui venait de se passer. Le simple fait de savoir Ren en vie occupait toutes leurs pensées en plus de souhaiter attraper le traître.
Seule Zelda demeurait perturbée. Peu après l'attaque, elle avait compris qu'une forme de magie venait d'avoir lieu. Une magie qui lui était inconnue. Elle jeta un coup d'œil à Soran. Ce dernier tenait ses deux mains liées devant lui, vers l'ancienne trajectoire de la hachette. D'un coup, il poussa une plainte rauque et plaqua son bras droit contre lui en serrant fortement les yeux. Il devait très certainement souffrir, ce qui amena Zelda à penser qu'il était l'auteur du sortilège lancé sur l'arme. Mais pourquoi une telle réaction ?
- Lâchez-moi ! vociféra Jian qui venait d'être capturé. Lâchez-moi !!
Il fut jeté aux pieds de Ren, quelques mètres devant elle, puis on vint plaquer ses mains dans son dos pour le maintenir bloqué ainsi. D'autres guerriers placèrent leur arme sous sa gorge dans le but de le dissuader de bouger. Le regard noir de Jian n'atteignit pas la Soneau qui restait digne et imperturbable dans cette situation. Après tout, elle n'avait guère le choix : il fallait montrer l'exemple. Seba les rejoignit quelques instants plus tard et subit le même traitement que son complice.
- Nous avons donc la certitude que vous êtes des traîtres, commença Ren en les regardant de haut. En plus d'avoir souhaité ma perte, vous avez tenté de tuer Lasya, une enfant. Vous serez donc bannis selon les règles de ce clan.
- Sale petite... ! grogna Jian avant de recevoir un coup de pied dans le ventre.
Il en eut le souffle coupé et se pencha en avant jusqu'à ce que son front touche le sol.
- En accord avec les lois de tout Delteha, vous serez marqués et rejetés par les autres tribus. Le monde saura à quel point vous êtes perfides ! Les mauvais esprits vous habitent, à vous de trouver la rédemption à travers le rejet et la solitude.
- Ren, pitié... l'implora Seba dont la voix tremblait et les yeux s'humidifiaient. Tout mais pas le marquage ! Tu as juré de ne pas faire de mal aux tiens !
Il se raidit face à l'indifférence de la Soneau à son égard.
- Vous n'êtes plus des nôtres, déclara-t-elle. Emmenez-les !
- Non, attends ! Pitié, Ren ! Pitié ! J'ai été aveuglé par Jian, je ne savais pas ce que je faisais !
Les deux hommes furent trainés par terre et injuriés par les autres villageois qui ne retenaient pas leur colère. Les cris de Seba emplissaient le village tandis que Jian s'enfermait dans un mutisme inhabituel et inquiétant. Le pseudo forgeron du village prépara le fer pour les marquer pendant que Ren revenait vers la princesse. Zelda avait pâli, elle trouvait tout cela particulièrement dur et cruel à regarder. Mais les règles dans les souterrains n'avaient rien à voir avec celles d'Hyrule. Le monde de Delteha était régi par la force et la capacité à protéger les siens.
- Ils doivent maintenant assumer les conséquences de leurs actes, annonça Ren d'une voix blanche. Je dois me montrer intransigeante face à ceux ou celles qui sont prêts à prendre la vie pour d'aussi piètres raisons. Tu le comprends, n'est-ce pas ?
Zelda baissa les yeux puis acquiesça d'un signe de tête. Oui, elle comprenait. Ici, ce n'était pas elle qui dirigeait, elle n'avait pas d'autorité. Elle ne pouvait qu'assister aux décisions difficiles de Ren. Omi se joignit à elles et posa une main sur le bras de sa cheffe en guise de soutien. Elle avait déjà tenté de rassurer et de réconforter sa petite fille, mais le chemin vers le rétablissement restait long.
- Omi, je vais devoir quitter le village une nouvelle fois, déclara Ren. Une nouvelle mission m'incombe.
- Comment ? Mais... Qui va diriger Altoz en ton absence ?
- Ulani s'en chargera, j'ai grande confiance en lui.
Le visage de la doyenne se rembrunit.
- Mais que vas-tu faire, Ren ?
- Je me dois de guider Zelda dans la voie qui lui est destinée. Un lourd devoir pèse sur ses épaules. Un devoir qui te dépasse, Omi. Je ne peux pas m'y soustraire, mon sang m'y oblige.
- Ton... sang ? Je ne comprends pas !
Zelda prit elle-même la décision de raconter une partie de son entrevue avec le Guide, expliquant par la même occasion qu'elle avait recouvré la mémoire. Elle lui parla de Ganondorf, des Corrompus ainsi que du monde à la surface. Mais pour mener à bien sa mission, elle devait quitter Delteha avec l'aide des Soneaux, sans doute le seul peuple qui l'aiderait dans sa quête. Car elle était la descendante de la déesse Hylia. Omi eut du mal à le croire. Et pourtant, elle dut s'en convaincre au vu de la guérison miraculeuse de la cuisse de Ren, bien qu'elle soit tout de même partiellement brûlée par la corruption.
- Ne me dites pas que vous allez partir juste toutes les deux, s'inquiéta sérieusement la vieille femme. C'est du suicide ! Prenez au moins les meilleurs guerriers avec vous !
- Il n'en est pas question, trancha Ren avec fermeté. Qui sera là pour protéger le village, dans ce cas ?! Je ne peux pas vous condamner de la sorte.
Omi lui empoigna fermement les deux épaules.
- Prends au moins une guerrière ou un guerrier avec toi ! Rejette cette folie, Ren. Vous allez vous faire tuer...
- Laissez-moi vous accompagner.
Toutes deux haussèrent les sourcils puis dévisagèrent celui qui venait de parler. Encore entouré par ses gardes, Soran persistait à ne pas regarder ces inconnus. Mais à ses yeux, il était question de la vie de Zelda. Il avait déjà été capable de tout pour la retrouver. Il ferait de même pour assurer sa protection.
- Je ne te fais pas confiance, étranger, répliqua Ren sur un ton sans équivoque. Je ne connais pas tes motivations. Qu'est-ce qui me prouve que tu ne vas pas t'en prendre à nous dans notre dos ?
Il prit en considération sa remarque, toujours sans la regarder. Soran n'avait beaucoup de solution, une seule possibilité s'offrait à lui.
- Puisque tu es aussi une Soneau, faisons un pacte de promesse. Tu sais ce que c'est, non ?
De nombreuses Éclosions avaient eu lieu depuis la dernière fois qu'elle en avait entendu parler. Sa mère avait déjà évoqué ce pacte du temps où elle vivait toujours. Il ne pouvait se réaliser qu'entre deux Soneaux. Si l'un d'eux ne respectait pas les termes du contrat, son châtiment pouvait notamment être la mort immédiate, causée par un phénomène magique.
- C'est une proposition intéressante, c'est vrai, reconnut Ren en dépit de sa méfiance. Mais est-ce que tu sais vraiment te battre ?
Soran ne put retenir la formation d'un rictus sur son visage.
- Je t'ai sauvé la vie ainsi que celle de cette gamine. Ce n'est pas une preuve suffisante ?
- Ren, je l'ai vu tuer trois Krassens de mes propres yeux... ajouta Lasya qui était, jusque-là, en retrait.
Ah oui, ces créatures infernales... Elle avait totalement oublié que cet homme s'en était chargé. En effet, seuls les grands combattants vainquaient les Krassens. Mais ce n'était pas pour autant que Ren placerait sa confiance en lui. Pas pour le moment.
- Très bien, procédons à ce foutu pacte. Et tu as intérêt d'être utile.
Il ne lui donna aucune réponse. L'épéiste la laissa s'approcher de lui en boîtant. Si elle se souvenait bien, Ren devait poser sa main sur le totem du jeune homme puis lui poser une question qui concrétisera leur pacte. Dans un geste peu pressé, Soran releva le haut de son équipement puis dévoila le motif de son totem au niveau de son flanc. Il s'agissait d'une tête de sanglier vue de profil et luisant d'une faible couleur rouge, tout comme les autres tatouages sur ses bras.
- Tu n'es pas un guerrier ordinaire, remarqua Ren. Tes tatouages signifient que tu as participé à un grand conflit et que tu es destiné à devenir chef.
- Ce n'est plus le cas.
Il avait presque grogné cela avec animosité. Visiblement, il n'appréciait pas d'aborder ce sujet. La Soneau grimaça puis posa sa main au-dessus du motif de sanglier.
- Promets-tu de protéger Zelda ainsi que les membres de sa future armée ? Toute tentative de trahison entraînera ton châtiment irrémédiable.
- Oui.
- Regarde-moi quand tu me réponds. C'est la moindre des choses.
Il lui jeta un regard noir à la cheffe qui n'insista pas. Elle ne le trouvait pas net, comme s'il était un peu instable psychologiquement. Ren manqua de se raviser. Finalement, elle interpela Voseth au loin et le pria de lui fournir un onguent qui permettrait de soulager les douleurs de sa peau brûlée ainsi que de la soigner. Pendant ce temps, Soran resterait avec les mains liées et serait surveillé de près. De son côté, Zelda avait demandé à parler en privé avec Omi. Elle entendait les hurlements lointains des deux traîtres marqués au fer rouge, ce qui lui tordit le ventre. Leurs cris lui étaient insupportables.
- Je suis soulagée que tu aies retrouvé la mémoire, lui avoua Omi en soupirant. Mais je me sens terriblement coupable de t'avoir fait croire que tu étais aussi ma petite fille... Je suis terriblement désolée.
- Ne t'en veux pas pour cela, la pria Zelda. Tu as fait preuve d'une grande bonté et d'une générosité remarquable. Je ne peux qu'être reconnaissante envers toi.
La stupeur visible sur le visage de la doyenne rendit la jeune femme une peu mal à l'aise. Ce n'était pas du tout le sujet qu'elle aurait aimé aborder, à vrai dire. Omi dut le ressentir à travers l'embarras de la blonde, c'est pourquoi elle la rassura en lui demandant de livrer ce qu'elle avait sur le cœur. Zelda la remercia d'un signe de la tête puis se décida à lui annoncer la nouvelle à propos de son éventuel futur enfant. Elle posa une main sur son ventre mais ne sourit pas.
- Le Guide m'a dit qu'il s'agissait d'un garçon. Son père s'appelle Link.
Son regard se remit à briller légèrement en l'évoquant. Quant à Omi, elle avait maintenant la certitude que ce garçon, dont elle entendait souvent le nom durant le sommeil de Zelda, était d'une importance incommensurable pour la jeune femme.
- Nous nous sommes fiancés avant mon arrivée à Delteha. Maintenant, je dois le retrouver. Et pour cela, il me faut rallier les clans soneaux à ma cause car des ennemis se dresseront sur mon chemin pour m'empêcher de quitter ces lieux.
- Que vas-tu faire ensuite ?
- Je rejoindrai un monde différent de celui-ci. Un monde superbe où j'ai grandi mais que je n'ai pas pu parcourir à cause de mes obligations... Je dois me battre pour le libérer, je possède en moi un pouvoir destiné à lutter contre le Mal. Mais je ne peux y parvenir seule.
Une lueur de détermination apparut dans les yeux de Zelda et provoqua un pincement au cœur de la vieille femme.
- Ce monde dont tu parles... Pourra-t-il offrir une vie meilleure à Lasya ?
Omi ne souhaitait que le bonheur de sa petite fille. Elle voyait bien que cette enfant ne s'épanouissait pas à Altoz, qu'elle subissait sans cesse la vie. Zelda comprit le fond de sa pensée et cela lui déplut.
- Omi, je ne pense pas que ce soit une bonne idée qu'elle vienne avec moi. Une guerre se prépare sur mes terres natales, je ne peux pas prendre le risque d'emmener Lasya.
- Tu sais très bien que des changements néfastes s'opèrent à Delteha... Les êtres faits de chose, les Krassens qui ont un comportement inhabituel, la chose elle-même qui regagne du terrain et commence même à tomber de la voûte ! Je t'en prie, prends-la avec toi.
Omi attrapa ses mains pour entremêler ses doigts avec nervosité.
- J'entends que ma demande soit particulièrement égoïste puisqu'elle sera le seul enfant que tu prendras avec toi. Mais la vie n'a jamais été clémente avec cette petite... Je suis certaine que Ren reviendra pour nous une fois sa mission terminée. Si ton monde est vraiment meilleur, elle nous mènera à lui. Mais je veux que ma petite Lasya soit la première à le découvrir.
Zelda y réfléchit sérieusement. Prendre Lasya avec elle, cela signifiait devoir protéger une personne supplémentaire incapable de se battre. La fillette verrait sans doute des choses innommables pour son âge, des actes qui la marqueraient à vie. La princesse devait-elle vraiment prendre ce risque ? Même si elle connaissait la soif de liberté et d'évasion de Lasya, elle ne pouvait pas gâcher son enfance ainsi que son innocence à cause de combats sanglants.
- Si Lasya vient avec nous, elle ne sera peut-être plus la même quand tu la reverras, la prévint la princesse avec affliction.
- J'en ai conscience. Tel sera le prix de sa liberté.
Zelda émit un soupir discret puis jeta un coup d'œil à la jeune concernée qui observait - ou plutôt surveillait - Soran. Une décision dure à prendre, en particulier car la vie de Lasya tiendrait de sa responsabilité. Pour la garantir, il faudrait d'abord convaincre un premier village soneau de se joindre à sa cause. Ainsi, avec l'arrivée de nouveaux guerriers, la prêtresse royale pourrait demander à ce que la petite fille soit bien protégée. Cette unique solution fit plier Zelda qui accepta à contrecœur de la prendre avec elle. Mais en échange, elle pria Omi de rester en vie jusqu'à leurs retrouvailles, ce que la grand-mère promit sans hésitation.
La nouvelle quête de Zelda était sur le point de commencer.
oOo
Bannis du village, les deux traîtres rampaient presque tant la douleur au niveau de leur joue était insoutenable. Une marque rouge vif et sanglante occupait une large surface de leur peau enflée. Jian ne cessait de maudire cette satanée Soneau qui venait de faire voler sa vie en éclats. Elle lui avait tout pris... Tout ! Elle lui avait volé sa place, son héritage ! Et maintenant... Maintenant, elle l'avait banni comme un vulgaire insecte. Non, Jian n'oublierait jamais cette humiliation pire que la mort à ses yeux. Il allait lui faire payer et regretter ses actes. Cette femme le supplierait de la tuer au moment voulu, mais Jian ne lui accorderait pas une si douce demande. Non, à son tour, il lui prendrait tout. Et pour cela, il devait retrouver Caï, celle qui recherchait Zelda. Et ainsi... Ce serait la fin d'Altoz.
oOo
Debout, face au soleil couchant, un homme contemplait l'horizon encore immaculé. Il venait de recevoir d'excellentes nouvelles au sujet de ses recherches. Ses pions avaient trouvé la descendante d'Hylia dans les souterrains. Elle s'y cachait toujours, mais plus pour longtemps. Ganondorf eut un sourire assuré. Il se tenait sur le balcon d'une suite royale dont il avait pris possession. Au-dessous du château : Aurean. Sa destruction se faisait à petit feu, lentement mais sûrement. Ses attaques et la pression qu'il exerçait sur les royaumes entraînaient peu à peu leur désorganisation et leur désordre. Tout se passait comme prévu, aucun élu ne venait perturber ses plans. Derrière lui, trois silhouettes apparurent et attendirent sagement que leur maître daigne s'intéresser à elles.
- Bien, vous êtes plus dociles que je ne l'espérais.
Ganondorf leur fit face avant de les regarder avec dédain.
- Vous êtes toujours aussi pathétiques, cracha-t-il en perdant son sourire. Votre unique présence me donne la nausée. Si vous n'étiez pas des soldats si redoutables, je vous aurais déjà renvoyés au néant.
Les trois Corrompus ne dirent rien, ils ne montraient aucune émotion, comme toutes les autres ombres crées par le seigneur du Malin.
- Peu importe, j'ai une mission à vous confier. La princesse d'Hyrule se terre sous son royaume. Je veux que vous la retrouviez et que vous épauliez Caï. Cette pauvre sotte ne pourra pas en venir à bout toute seule. Après tout, vous êtes supposés être les meilleurs épéistes de vos époques.
Ganondorf reporta son attention sur le paysage lointain puis il croisa les bras, les yeux plissés à cause du soleil qui l'éblouissait.
- N'est-ce pas, Héros des temps anciens ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top