Chapitre 13

 
 Une fois dans le grand hall, le trio fut arrêté par un garde royal qui avait un message pour Impa. En effet, quelques généraux demandaient à la voir concernant la recherche sur les anciennes reliques sheikahs. La conseillère royale se tourna vers les deux enfants et leur adressa un regard lourd d'avertissements.

- Tous les deux, attendez-moi ici. Je vais essayer de revenir le plus vite possible.

   À l'unisson, ils hochèrent la tête et la suivirent du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse avec le garde dans un couloir, tout au fond du hall. Tous deux s'observèrent un court instant puis se sourirent avec complicité.

- Qu'en dites-vous, Votre Altesse ? Devons-nous écouter Dame Impa ? la questionna Link dont l'usage des convenances l'amusait à ce moment précis.

- Pas le moins du monde, répondit-elle sur le même ton. Profitons-en pour nous éclipser en toute discrétion.

   Link reprit un air imperturbable et scruta les alentours.

- Je doute que cela soit possible au vu de tous les regards braqués sur nous. Il vaut mieux s'en tenir au plan original.

   Zelda l'approuva. Elle s'entremêla les doigts et accorda une expression dénuée d'émotions, presque froide, au blond.

- Puisque Dame Impa n'est pas disposée à pouvoir t'aider, je vais moi-même te conduire aux écuries, prononça-t-elle à voix haute pour se faire entendre par les nobles ou chevaliers les plus proches. Ce n'est pas en restant ici que tu pourras commencer ton travail. Suis-moi.

   Il courba la nuque pour lui témoigner sa reconnaissance puis ils se dirigèrent vers le couloir menant à l'aile Est du château. Ils se savaient épiés mais gardaient leur sang-froid pour ne pas éveiller les soupçons. Quand le nombre d'Hyliens diminua au fil des corridors, Zelda décida qu'il était temps d'emprunter des escaliers secondaires pour arriver jusqu'au bureau des conseillers. C'était un endroit relativement peu fréquenté, ils avaient toutes les chances de leur côté pour passer en toute discrétion. Une fois face aux multitudes de marches en pierre grise, ils entendirent deux voix masculines qui semblaient se diriger vers eux. D'un geste, Zelda fit immobiliser son compagnon avant qu'ils n'entament leur montée. Tous deux restèrent au rez-de-chaussée, les yeux levés vers le palier au-dessus.

- Vous avez pensé à augmenter le ravitaillement pour Akkala ? demanda une voix nasillarde.

- Pardonnez-moi... Je n'en ai pas encore eu le temps mais je vais m'y atteler dès que possible.

- Bien.

    D'un coup, Link sentit une vague de colère et de rancœur monter en lui et manquer de lui faire perdre le contrôle. Sa main agrippa la fusée de sa petite épée accrochée à son flanc mais la princesse lui attrapa l'avant-bras pour éviter le pire. Quelques mètres au-dessus d'eux, Oswald apparut sur le palier avec un chevalier.

« Arrêtez-le. »

« Tu es pitoyable à voir, Héros. »

« J'agis pour détruire ce qui est la cause de la destruction. N'est-ce pas pour ça que tu te bats, toi aussi ? »

« C'est moi qui ai commandité l'assassinat de votre reine bien-aimée. »

« Les Yigas infiltrés dans le château n'ont eu qu'à se prétendre chevaliers pour partir à la dernière bataille qui a eu lieu. »

« Je leur ai demandé de tuer ton cher père. »

- Que faîtes-vous en si basse compagnie, Votre Altesse ? demanda Oswald qui descendait afin de la rejoindre.

    Comme à l'époque, il marchait en étant courbé, ses cheveux poivre et sel avaient été coupés courts et lui donnaient un air intimidant. C'était un vieillard de petite taille mais néanmoins conseiller du roi en personne aux côtés d'Impa. Zelda semblait tout aussi troublée de le revoir après tout ce temps. Elle se souvenait parfaitement de tout le mal qu'il avait commis, de tous les crimes qu'il avait commandités. Cependant, ce n'était pas le vrai Oswald devant elle. Uniquement une copie de ce monstre. Elle dut s'en persuader rapidement pour ne pas perdre ses moyens.

- Une... commença-t-elle d'une voix tremblante. Une domestique m'a indiqué que je pourrais trouver les écuries en passant par ici. J'aimerais y conduire ce garçon.

   Ce fut le seul mensonge auquel elle eut le temps de penser. Le conseiller royal plissa les yeux puis congédia le chevalier. Il se plaça devant la princesse et posa son regard perçant sur le jeune prodige qui préférait fixer le sol.

- Voilà de viles indications, reprit le vieillard. Les écuries se trouvent derrière vous, Princesse.

- Ah, je... J'avais aussi le sentiment que le chemin n'était pas le bon... Vous savez, je n'ai que très rarement l'occasion de parcourir le château.

Il acquiesça.

- Je le comprends bien, votre devoir ne vous le permet pas. Mais pourquoi perdre du temps pour y mener ce... fils de paysan ? Vous devriez laisser les domestiques s'en charger. Après tout, ils sont du même sang.

   Link serra les dents tandis que sa main gauche se mettait à trembler. Un mot de plus de ce traître et il ne pourrait plus garantir de conserver son calme. De son côté, Zelda réfléchissait à contourner les réflexions sensées du vieillard. Ce dernier était intelligent, il ne se laissait pas facilement berner. Surtout par des explications douteuses d'une enfant. De plus, un garçon armé d'un arc et d'une épée, cela n'avait rien de normal et d'habituel.

- Ne vous inquiétez pas, Votre Altesse. Je vais moi-même me charger de conduire ce garçon aux écuries. Il a l'air d'y trouver sa place.

   Le prodige releva la tête vers lui et lui offrit un regard noir, les sourcils froncés. Cela fit ricaner un infime instant le conseiller qui plaça ses mains dans son dos et se mit devant lui pour l'examiner de la tête aux pieds.

- Son regard est farouche mais il a le visage bon, éluda-t-il pour étudier la réaction du garçon. Quel est ton nom ?

   La princesse s'inquiéta d'autant plus. Révéler l'identité de Link à Impa, ce n'était pas bien important. Mais à Oswald... Il ne fallait surtout pas ! Il savait sans doute que tous les Héros portaient le prénom « Link ».

- Je crains que mon nom ne soit point aussi prestigieux que le vôtre, répondit Link qui se faisait violence pour ne pas adopter un ton insolent. Vous m'accordez trop d'honneur en me le demandant.

- Cela va sans dire. Mais je serais curieux de le connaître.

- Oswald, j'oubliais de vous transmettre un message important de Dame Impa ! intervint soudainement Zelda pour attirer son attention.

Il tourna la tête vers elle, un sourcil arqué. Zelda déglutit puis poursuivit.

- Avant de rejoindre des généraux de la garde royale, elle m'a demandé de vous dire de la trouver dans leur bureau si je vous croisais.

La princesse baissa la tête.

- Je suis désolée, je n'en connais pas le motif mais cela avait l'air vraiment important... J'étais si heureuse de pouvoir me promener dans le château que je n'y pensais plus.

   Oswald la dévisagea un long moment, le silence qui s'installa devint inconfortable pour les deux élus qui priaient pour que ce mensonge fonctionne. Zelda avait l'air plutôt convaincante.

- Je vois, je m'en vais de suite la voir, déclara le conseiller en lui faisant entièrement face. S'il vous plaît, demandez à une servante de conduire ce roturier aux écuries. Il ne m'inspire guère confiance.

- J'y veillerai.

   Sur ce, il la salua et quitta le couloir sur lequel donnait l'escalier. Zelda attendit qu'il soit suffisamment loin et qu'il ait disparu pour se tourner vers Link et soupirer. Avec cet homme dans les parages, tout pouvait tomber à l'eau à n'importe quel moment.

- J'ai cru ne jamais y arriver, se plaignit-elle en se tenant les bras. Quand je l'ai vu, j'ai eu l'impression de revivre ce jour terrible où... où Ganon est revenu...

- Heureusement que tu as su garder ton calme, la gratifia Link d'un sourire forcé. Sans toi, j'aurais certainement dégainé cette épée pour lâcher toute la colère que je gardais en moi.

Cela peina Zelda qui lui prit la main et le regarda droit dans les yeux.

- Je comprends que ta douleur persiste, tout comme la mienne. Mais tuer par vengeance ne ramènera jamais à la vie nos proches défunts.

   Link s'avouait qu'elle avait raison. Cependant, s'il avait découvert plus tôt qu'Oswald était le chef du clan Yiga, il aurait pu le mettre hors d'état de nuire et empêcher certaines tragédies de se produire. Maintenant, le passé restait tel quel, rien ne pourrait le changer. Son mutisme fut révélateur aux yeux de Zelda qui finit par tirer Link vers les escaliers afin de rejoindre l'étage désiré. Ils gravirent les marches en courant et atteignirent le troisième étage sans encombre. Le garde qui surveillait cette partie du château fit souffler Zelda de mécontentement. Décidément, tout se mettait au travers de leur chemin, c'était à prévoir. Les deux Hyliens restèrent cachés dans la cage d'escaliers le temps de trouver une solution pour accéder au bureau. Silencieusement, Link détacha le petit fourreau de sa ceinture et le prit à deux mains. Il n'eut même pas besoin de donner des indications à Zelda pour qu'elle comprenne ce qu'il avait en tête. La dauphine quitta leur cachette et héla le garde pour qu'il vienne à sa rencontre. Un peu étonné de voir la fille du roi, il accourut vers elle, pensant sans doute qu'elle avait un quelconque problème.

- Votre Altesse ? fit le garde, inquiet.

   Dès qu'il apparut dans son champ de vision, Link l'assomma avec le fourreau et essaya de rattraper aussitôt le corps de l'homme avant qu'il ne fasse du bruit en heurtant le sol. Le prodige faillit chuter sous son poids mais Zelda lui prêta son aide et ils tirèrent le corps tout au fond du couloir qui s'avérait être un cul-de-sac.

- Que faisons-nous maintenant ? paniqua Zelda. Si quelqu'un arrive et le trouve...

Link sangla de nouveau l'épée à sa ceinture.

- Nous n'aurons qu'à le placer dans le bureau des conseillers pendant qu'on cherche. D'ici une ou deux heures, nous aurons sans doute trouvé ce pour quoi nous sommes venus et nous pourrons revenir à la réalité.

- Mais Impa va me chercher dans tout le château ! Tout le monde va être mis à contribution pour me retrouver...

- Alors hâtons-nous.

   Toujours en transportant le corps, ils se dirigèrent vers la porte du bureau puis Zelda abaissa la poignée pour l'ouvrir. Malheureusement, la porte était verrouillée, entrer était donc impossible.

- La clé... Impa et Oswald sont les seuls à avoir un exemplaire. Sans elle, nous ne pourrons jamais entrer...

   La princesse passa en revu toutes les solutions possibles afin de dépasser cette difficulté. Il n'était pas question de défoncer la porte ni même de trouver l'un des conseillers pour lui prendre la clé. D'un bref coup d'œil, elle inspecta la porte et remarqua les clous disposés de part et d'autre du verrou.

- Link, retire ceci avec ton épée.

- Avec mon... Tu n'y penses pas, je vais abimer la pointe si je le fais !

- Alors je vais m'en charger moi-même.

- Certainement pas, s'y opposa-t-il plus fermement. Je vais trouver autre chose.

   Link s'accroupit et passa sa main devant la petite fente sous la porte. Il resta ainsi, très concentré, puis se releva avec un sourire satisfait.

- Je sens un faible courant d'air. L'une des fenêtres doit être ouverte.

Les yeux de sa compagne s'agrandirent de stupéfaction.

- Tu... Tu veux passer par la fenêtre ? souffla-t-elle, interloquée.

- Oui. Attends-moi ici, je n'en aurais pas pour longtemps.

   Il s'écarta du corps inconscient de l'Hylien puis s'approcha de la pièce la plus proche qui n'était qu'un simple salon pour se reposer. Zelda le vit s'y engouffrer puis disparaître. Les minutes qui s'écoulèrent lui parurent si longues qu'elle pensa au pire concernant Link. Elle l'imaginait être tombé en escaladant les murs du château ou alors découvert par des chevaliers qui montaient la garde, plus bas. De plus, l'homme assommé pouvait reprendre ses esprits d'un moment à l'autre, ou bien quelqu'un pouvait surgir tout à coup. Son rythme cardiaque accélérait peu à peu dans sa poitrine et ses mains devenaient moites. Avait-elle vraiment conscience de l'ampleur de la situation ? Si on les trouvait, les conséquences pourraient être très lourdes... Notamment pour Link. En fait, il se ferait même exécuter. Cette simple idée la fit blêmir et lui procura des sueurs froides. La princesse commençait à s'affoler quant à l'absence prolongée de son compagnon. Si bien que lorsqu'il ouvrit enfin la porte de derrière, elle lui sauta au cou et l'étreignit avec force, ce qui prit Link par surprise. Il recula de quelques pas afin de reprendre son équilibre.

- Zelda, que se passe-t-il ? s'inquiéta-t-il après un court instant.

- Tu as été long...

   Ce dernier se montra embarrassé et la repoussa gentiment par les épaules pour la regarder et la rassurer.

- Je suis vraiment désolé. Quand j'ai voulu passer par la fenêtre, j'ai remarqué un groupe d'hommes sur les remparts, et j'étais dans leur champ de vision, expliqua-t-il avant de se diriger vers le garde dans le couloir. J'ai dû attendre qu'ils s'éloignent pour escalader la façade.

    Zelda soupira de soulagement et vint l'aider à tirer l'homme dans la pièce. Une fois cela fait, le prodige referma le verrou puis examina la pièce qu'il avait connue jadis. Il y avait quatre petites bibliothèques contenant chacune des ouvrages anciens ou précieux, comme des archives. Une odeur de vieux papier régnait, les deux fenêtres permettaient aux rayons solaires de passer et d'éclairer une grande partie de l'espace.

- Regardons d'abord les tranches des livres à la recherche de la population soneau, proposa Zelda en dirigeant vers la première étagère devant elle. Nous examinerons ensuite les parchemins.

   Son compagnon l'approuva et tous deux commencèrent leurs recherches sans plus tarder. Ils éliminèrent de nombreuses œuvres qui ne correspondaient pas à leurs attentes. La majorité concernait les fonds de la famille d'Hyrule, les finances, les traités entre territoires... Mais aucun ne semblait aborder le cas de l'ancien peuple des Soneaux. Une demi-heure passa, puis une heure. Plus le temps s'écoulait, plus ils risquaient d'être découverts. Zelda, une fois qu'elle eut passé en revu des dizaines de livres, se pencha sur les quelques parchemins enroulés qui se trouvaient en haut des bibliothèques. Pour y accéder, elle dut se hisser vers eux en se mettant sur la pointe des pieds, en équilibre sur une chaise en bois. Link entendit des exclamations à l'extérieur. Prudemment, il rouvrit la fenêtre et jeta un coup d'œil pour découvrir plusieurs groupes de chevaliers et de soldats qui couraient dans tous les sens.

- On dirait que cela s'agite, informa Link dont le regard dévia sur le point d'eau artificiel plus bas sous la fenêtre.

   L'eau s'écoulait une quinzaine de mètres plus loin, là où se trouvait une petite cascade qui se jetait dans le lac qui entourait le château. Le blond continua d'inspecter la pièce puisque leur temps était compté. Mais visiblement, il n'y avait rien ici qui pouvait les aider. Au final, venir ici ne les avait pas plus aidés. Cependant, Link vint tout de même inspecter l'un des deux bureaux, celui dédié à Oswald. Il n'avait aucun espoir d'y trouver quelque chose car jamais un être aussi perspicace et malveillant que ce traître de Yiga ne laisserait à portée d'Impa des documents aussi importants et intéressants. Le blond tira tous les tiroirs pour les fouiller mais n'y vit rien de grand intérêt.

- Tu as trouvé quelque chose ? lui demanda Zelda qui n'avançait pas non plus.

- Non, toujours rien.

   Elle se plaça à côté de lui et inspecta le bureau en question. Le contenu des tiroirs se trouvait devant elle et dans le désordre. Il y avait notamment de nombreuses enveloppes salies et en mauvais état. Cela devait faire plusieurs années que le conseiller ne les avait pas ouvertes au vu de la poussière dessus.

- Tiens, je ne savais pas que cet horrible personnage avait aussi travaillé sur les fouilles sheikahs, remarqua Zelda en voyant le titre écrit sur l'une des enveloppes.

Elle la prit, déchira la partie supérieure et en sortir un petit tas de feuilles.

- Ne perdons pas de temps avec ça. Mieux vaut revenir à nous dans nos corps respectifs, dit Link en reculant d'un pas.

Seul le silence de Zelda lui répondit, ce qui l'étonna.

- Zelda, tu m'écoutes ?

- Regarde... Cela n'a rien à voir avec les notes d'Impa, jadis.

   Elle lui tendit une première feuille que Link parcourut en diagonal. Tout d'abord, il était mention des fouilles dans le canyon gerudo puis dans les sous-sols du château. Mais bien vite, Oswald commençait à chercher des moyens pour contrecarrer la découverte des Gardiens. Son plan était notamment de les placer à des endroits les moins stratégiques possibles pour ne pas qu'ils gênent la venue de Ganon. Mais ensuite, certainement des mois plus tard, il constatait que jamais il ne pourrait duper le roi et les chercheurs sheikahs.

- Il a proposé de mettre les Gardiens en dernière ligne, résuma Zelda qui se sentit blêmir. Oswald espérait sans doute qu'ils se fassent corrompre au plus près du château, en plus de ceux présents dans ses sous-sols...

- C'est impossible qu'il ait pu être au courant à ce moment-là, réfléchit Link. La corruption est apparue peu avant le retour du Fléau.

- Mais dans ce cas-là, pourquoi aurait-il décidé de placer les Gardiens ici ?

   Dans sa réflexion, Link fronça les sourcils et croisa les bras. Ce fourbe avait vraiment prémédité sa trahison des années en avance... Il n'avait rien laissé au hasard. Soudain, un événement revint en tête du prodige. Link posa une main sur le bras de Zelda :

- Zelda, souviens-toi du jour où nous faisions ce banquet à l'extérieur ! Un gardien nous avait attaqués.

   Dans un premier temps, elle ne comprit pas à quoi il faisait allusion, mais les images de ce jour-là lui revinrent en mémoire. Oui, elle se remémorait de la perte de contrôle du Gardien... Une fumée noire s'en était échappée une fois qu'il avait été vaincu.

- C'était de la corruption, prononça-t-elle abasourdie.

- Oui, mais nous ne le savions pas à ce moment-là. À ton avis, comment a-t-elle pu prendre possession du Gardien ? Certainement pas toute seule. Oswald a très bien pu mener des recherches sur la précédente incarnation de Ganon, il y a dix mille ans. Il se peut qu'il soit responsable de ce qui est arrivé ce jour-là.

- Ce qui signifie qu'il a été en possession de documents de la plus haute valeur à un moment ou à un autre...

Link opina tandis que son visage se rembrunit.

- Exactement. Lisons la suite de ces notes pour en apprendre plus.

   Ils se remirent à leur lecture et finirent par se décomposer peu à peu face à ce qu'ils lisaient, surtout au moment où Oswald avait prédit le jour du retour de la Calamité. Il savait tout... Mais ce qui les interpella encore plus, ce fut la mention d'une arme anti-Gardien. Elle n'avait rien en rapport avec la technologie archéonique développée par Faras. Mais d'après ce que ce traître avait écrit, elle daterait des dix mille ans précédents.

- Qui a bien pu construire une telle arme ? demanda Zelda, les sourcils haussés. Je n'en ai jamais entendu parler.

- Moi non plus, et nous ne savons pas à quoi elle ressemble.

- Oswald n'avait pas l'air de le savoir non plus. Mais où a-t-il pu apprendre son existence ?

- Certainement dans des anciens écrits qu'il a détruits par la suite pour que personne ne les trouve.

   Zelda posa une main sur son front puis soupira. Que serait-il advenu si, en plus d'avoir corrompu les Gardiens, Oswald s'était trouvé en possession d'une telle arme ? L'attention de Link fut captée par un petit symbole dessiné en bas de la dernière page. Ce n'était pas un caractère hylien, ni même un simple motif. Il avait le sentiment d'avoir déjà vu ça quelque part.

- Qu'est-ce que c'est ? fit-il en le pointant du doigt.

Zelda plissa les yeux et rapprocha la feuille de son visage pour mieux en discerner les contours.

- On dirait... une lettre de l'écriture soneau. Du moins, elle ressemble à celles du temple de Firone.

- Pourquoi figure-t-elle ici ? Oswald s'était aussi intéressé au clan Soneau ?

- Je ne suis pas étonnée, ils ont eu un lien avec Ganon lors de son avant-dernière apparition. Mais je dois avouer être intriguée par la présence de ce symbole ici. Tu penses qu'il possédait des documents sur cet ancien peuple ?

   L'Hylien resta muet un instant. Si Oswald avait été en possession d'archives à leur sujet et qu'il les avait détruites pour ne pas éveiller les soupçons, cela expliquerait leur absence à la fois dans la bibliothèque principale du château, mais aussi dans le bureau des conseillers.

- C'est possible mais je ne peux pas le certifier, soupira Link avec frustration. Je pensais vraiment que nous trouverions la clé du temple en venant ici mais au final, nous ne faisons qu'assister à la mise au point du plan de ce traître.

- Link...

   Au même moment, la porte se déverrouilla en un instant et Oswald apparut sur le seuil. Il fut surpris de voir les deux enfants dans ce bureau. Son regard se porta sur le corps inconscient du garde dans un coin de la pièce.

- C'est donc ici que vous vous cachiez, Princesse Zelda, prononça froidement le conseiller qui referma la porte à clé derrière lui. Tout le monde vous cherche, vous en êtes consciente ?

   Elle ne répondit pas et se contenta seulement de déglutir pendant que ses jambes se pétrifiaient sous l'effet de la peur. Link était tout autant surpris par l'arrivée d'Oswald qui l'épiait mauvaisement.

- Et vous êtes en charmante compagnie. Je me disais bien que ce garçon dégageait une aura inhabituelle.

   Le conseiller s'approcha de son bureau et découvrit les feuilles éparpillées dessus, celles qui portaient sur son étude des reliques anciennes. Son visage pâlit aussitôt quand il prit conscience de la situation.

- Comment... avez-vous trouvé ces documents ? demanda-t-il d'une voix blanche.

Link dégaina son épée et la pointa vers le vieillard après avoir fait le tour de la table.

- Dites-nous plutôt comment vous êtes parvenus à utiliser la corruption de Ganon, vieux fourbe. Où avez-vous obtenu toutes ces informations ?!

- Link, s'inquiéta Zelda en lui touchant l'épaule. Nous devrions mettre fin au sorti...

- Link ? répéta le conseiller, peu sûr d'avoir bien entendu.

   Il dévisagea le jeune garçon, analysa sa posture, son allure, son regard. Oui... Ce garçon ressemblait aux vieilles descriptions... Et ce prénom, cela ne pouvait être que lui. Oswald eut un mouvement de recul et afficha une expression malveillante à travers des traits crispés et un regard mauvais.

- Je ne sais pas comment deux enfants, les deux élus des déesses en plus, sont parvenus à me démasquer, mais il est certain que votre chemin s'arrêtera dès maintenant ! Moi qui pensais pouvoir détruire la princesse peu à peu afin qu'elle n'éveille pas ses pouvoirs...

   Il tendit une main vers Link dont les yeux s'écarquillèrent. Le blond posa une main sur sa gorge quand il eut la même sensation qu'un siècle auparavant : celle de ne plus pouvoir inspirer et de mourir asphyxié.

- Vous tuer tous les deux maintenant me facilitera bien la tâche ! se réjouit le traître.

- Link ! s'affola Zelda qui se précipita vers lui.

Le prodige se mit à trembler et il tomba à genoux après avoir lâché son épée.

- Arrêtez ! le supplia Zelda dont les larmes s'apprêtaient à poindre derrière ses yeux.

    Sa supplication désespérée fit ricaner le chef des Yigas qui resserra son emprise sur le sortilège et continua à faire suffoquer Link. Mourir ici signifiait que son esprit serait détruit et entraînerait donc sa mort dans le monde réel. Dans la panique, Zelda oublia comment annuler le sortilège et traça une ligne horizontale devant elle en hurlant de toutes ses forces. Le triangle de la Triforce apparut sur le dos de sa main et une sphère orangée se créa devant elle avant de fuser vers Oswald. Celui-ci se jeta à terre pour l'éviter et annula son sort par la même occasion. Link, malgré son souffle saccadé, rengaina son épée, tira Zelda par la main puis la fit monter avec lui sur le bord de la fenêtre ouverte. Il enroula un bras autour de son ventre, attrapa ses flèches pour ne pas les perdre puis sauta dans le vide avec sa compagne. Tous deux se retinrent d'hurler. Ils tombèrent dans le point d'eau et furent aussitôt emportés par le courant.

   Toujours dans le bureau, Oswald se démenait pour éteindre le début d'incendie en jetant par la fenêtre les livres qui commençaient à prendre feu. À l'aide de son lourd manteau de couleur bleu, il étouffa les quelques flammes qui prenaient sur le bois puis il s'affala sur une chaise quand le danger fut éloigné. Bon sang, tout s'était passé bien trop vite. Comment les deux élus avaient pu se trouver, et quand ? Non, il voulait surtout savoir ce qui les avait menés jusqu'à ce bureau et comment diable ils avaient eu l'idée de fouiller ! Un rire d'anxiété et de nervosité s'échappa de la gorge du vieillard qui se tenait la tête. La princesse allait tout révéler... Son plan était fichu. Après toutes ces années, ses propres recherches tombaient à l'eau. Ou alors... Oswald regagna son calme et observa rapidement ses feuilles. Ces garnements avaient tout lu, ils avaient dû trouver ses notes sur cette fameuse arme anti-Gardien. Une arme introuvable, il devait le reconnaître. Une lueur d'espoir naquit dans le cœur d'Oswald. Personne ne connaissait ce Link, au château. Puisqu'il avait pris la princesse avec lui, cela faisait de lui un ennemi de la famille royale !

- Je vois... Si je dis que tu as capturé la princesse, le roi vous fera chercher dans tout le royaume. Je n'aurais qu'à moi-même vous trouver et vous tuer. Et enfin...

Son regard perçant se posa sur le plafond.

- Je vous ferai disparaître.

oOo

   Link et Zelda furent emportés par les diverses cascades et sombrèrent dans le profond lac du château. L'Hylien tenait toujours sa fiancée mais, alors qu'ils s'enfonçaient dans l'eau à cause de la chute, comprit que le poids de son épée et du reste de son équipement les alourdissait bien trop. Il lâcha la princesse pour la laisser remonter puis il battit des jambes le plus fort qu'il put afin de la rejoindre à la surface.

- Link ! l'appela la jeune fille quand il sortit sa tête de l'eau.

Le garçon inspira une grande goulée d'air tandis qu'il se sentait déjà attirer par le fond.

- Mon épée, elle...

   Un court instant, ses forces le lâchèrent et sa tête replongea sous l'eau, accentuant la panique de Zelda. Par réflexe, elle attrapa le fourreau et le souleva vers elle pour alléger au moins ce poids. Cela permit à Link de revenir de nouveau à la surface et d'inspirer correctement.

- Je vais t'aider à la supporter pendant que j'essaie de rompre le sort d'Impa !

   Les joues rougies par l'effort et les cheveux collant son front, Link hocha négativement la tête tandis qu'il prenait appui sur ses mains pour ne pas couler.

- Non, attends... Regagnons le rivage, il faut... il faut que je te dise quelque chose...

Il manquait de souffle, c'était évident.

- Link, nous pouvons essayer de revenir une prochaine fois.

   Dans son regard, elle le vit la supplier de l'écouter. Zelda s'avoua vaincu et tous les deux peinèrent à rejoindre la berge. Quand ils eurent pieds, ils soupirèrent de soulagement puis se laissèrent tomber sur le sol parsemé de petits cailloux polis. Ils ahanaient, leurs bras et leurs jambes tremblaient à cause du froid et de l'effort précédemment fourni. Link lâcha les flèches qu'il tenait fermement puis s'allongea sur le dos, face vers le ciel.

- Je ne comprends pas pourquoi tu refuses de partir, lui dit-elle d'une petite voix. Tu l'as dit toi-même, nous n'avons pas trouvé ce que nous cherchions...

- Zelda, il ne s'agit pas que de cela !

   Il se releva pour lui prendre la main droite et l'inspecter. Elle avait émis la même lueur lorsque la princesse avait éveillé son sceau la première fois puis avait scellé Ganon. Link fronça les sourcils et les yeux pour étudier toutes les informations qui le perturbaient. Ce n'était pas le pouvoir sacré que Zelda venait d'invoquer. Elle semblait avoir usé d'un don tout autre. Il repensa à la discussion avec Pahya quand Zelda s'était évanouie. En tant que descendante de la déesse Hylia, elle était dotée de pouvoirs mais ceux-ci, suite à toutes les tragédies et épreuves qu'avaient vécues Zelda, n'avaient jamais pu s'éveiller. Mis à part le sceau divin. Link poussa sa réflexion plus loin. À côté de lui, la princesse tentait de lire dans ses pensées, ou du moins de savoir ce à quoi il réfléchissait, en vain.

- Je crois... Je crois que je comprends, annonça Link perturbé par le résultat de son raisonnement. Nous sommes dans une époque où tu as perdu ta mère, mais il n'est rien arrivé d'autre. Autrement dit, malgré la peine qui t'a animée jusqu'à tes onze ans, rien n'a véritablement bloqué tes pouvoirs !

Il entoura sa main par les siennes et ancra son regard dans celui de la jeune fille.

- Si tu n'as pas encore éveillé le sceau de la déesse à onze ans, c'est parce que tu n'avais pas prouvé que tu étais digne de la Force, du Courage et de la Sagesse, poursuivit-il. Mais tu possèdes d'autres dons, Zelda. Dans notre vrai monde, il est trop tard pour que tu les éveilles. Mais dans ce corps, dans celui de cette enfant qui n'a encore rien vécu de traumatisant excepté la mort de la reine, tu peux les utiliser ! N'est-ce pas ce que tu viens de faire pour me sauver ?

   Zelda papillonna des yeux puis détourna la tête, étrangement affligée. En fait, elle n'avait rien contrôlé, ses émotions avaient pris le dessus, tout comme la fois où le Gardien allait achever Link près de la muraille d'Elimith. Elle-même ne comprenait pas très bien ce qu'il s'était produit.

- Je crois que c'était le feu de Din, dit-elle avec hésitation. Est-ce pour cette raison que tu veux rester ici ?

- Ce n'est pas exactement pour cela, mais tes pouvoirs peuvent nous être d'une grande aide. Alors que j'étais en train d'étouffer et que j'ai vu cet éclat doré, une... sorte de vision m'est apparue. J'ai eu le sentiment que tes pouvoirs allaient être la clé.

- Dans ce cas, nous pouvons immédiatement conclure que nous n'entrerons jamais dans le temple une fois revenus à nous.

- Non, attends, la pria-t-il en prenant un air grave. J'aimerais que nous essayions dans cette fausse réalité. Si nous parvenons à comprendre la manière dont la porte s'ouvre, cela nous permettra d'avancer. Et si rien ne marche, tant pis, nous rentrerons.

    La jeune fille baissa la tête et regarda sur le côté, pensive. Effectivement, ils n'avaient rien à perdre à essayer. Une fois cela fait, ils auraient une meilleure idée de ce qui pourrait se cacher au fond du temple. Peut-être n'y avait-il qu'une statue d'Hylia ou bien de Farore ? Mais si les dires de Pru'ha s'avéraient corrects, il devrait y avoir un quelconque indice sur la manière de briser le cycle des réincarnations.

- Bien, faisons cela, concéda-t-elle en reportant son attention sur lui. Mais ne perdons pas de temps. Oswald a très certainement dû lancer l'alerte concernant ma disparition... Nous risquons d'avoir des soldats et des chevaliers à nos trousses.

- Je préfèrerais aussi éviter de me confronter à eux au vu de mon équipement actuel.

- Il n'y a pas que ton équipement qui risque de poser problème...

   Il lui adressa un regard interrogateur qui la mit mal à l'aise. Zelda trouvait que la raison était pourtant évidente.

- Enfin, Link... Contre une douzaine d'hommes, que peut faire un enfant ?

- Tu fais allusion à ma morphologie ? Tu n'as pas tort, à priori je ne devrais pas faire le poids mais tu as oublié quelque chose d'important.

Le garçon sourit avec une certaine fierté.

- J'ai retiré la Lame Purificatrice à douze ans, je n'étais pas un simple débutant. Cependant, comme je le disais, ma tenue ne me protège pas du tout des épées ni même des flèches...

- En d'autres termes, nous sommes plus que vulnérables.

    Il opina pour appuyer ses dires. Tous deux se levèrent et observèrent les alentours : ils se trouvaient sur la rive est du lac qui bordait le château, ce qui était un avantage considérable pour distancer ceux ou celles qui se lanceraient à leur recherche. Avant de prendre la route, le duo s'attarda sur cette nature de l'ancienne époque, une nature encore intacte et qui n'avait pas subi le passage du Fléau. Il fallait l'avouer une énième fois : ce sort sheikah était tout bonnement incroyable, mais aussi inspirait la nostalgie... Zelda laissa échapper un soupir. Elle aurait tant aimé que tout reste ainsi, que Ganon n'existe pas. Pour le moment, le cycle des réincarnations persistait, et ce sans doute pour des millénaires et des millénaires. Cette raison devait être suffisante pour vouloir le briser et trouver par tous les moyens la manière de procéder. Voyant sa camarade mutique, Link lui prit la main et ils se mirent en route aussitôt.

- Nous devrions en avoir pour un jour et demi de marche, annonça l'Hylien sur un ton neutre. Je regrette de ne pas avoir récupéré le cheval de mon père... Quoi qu'il en soit, je n'ai pas la force physique requise pour en dompter un sauvage.

Cela inquiéta Zelda qui raffermit sa prise sur sa main.

- Si les soldats sont à cheval, ils risquent de nous rattraper plus tôt que prévu...

- Nous pourrions voyager de nuit et nous cacher le jour, suggéra la jeune Hylienne.

- Je crains que ce ne soit pas une bonne idée. Dans ce cas-là, nous aurions besoin de lumière pour éclairer notre chemin et cela dévoilerait notre position. Si nous marchons de jour, nous pourrions mimer d'être de simples enfants. Mais pour cela, il te faut abandonner ta couronne et les armoiries de ta famille...

   Elle ne se fit pas prier et se résigna à jeter sa couronne dans un buisson ainsi que ses quelques accessoires qui portaient l'emblème de la famille royale. Est-ce que cela lui faisait mal ? Oui, bien entendu. Cependant, ils se trouvaient dans une illusion, rien n'était réel. En temps normal, jamais Zelda n'aurait jeté sa couronne de la sorte. Mais ici, il le fallait pour le bien de leur mission.

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