Chapitre 11


- AAAAAAAH !

Dans un cri d'épouvante, Thomas se redressa brusquement dans son lit, le souffle saccadé et le visage en sueur. Malgré ses mains tremblantes et ses vifs frissons, il rabattit sa couverture d'un geste sec sur le côté puis essaya d'allumer au mieux sa bougie sur la table de chevet. Son cœur battait la chamade, tous ses sens étaient en alerte. Une fois la petite flamme apparue, l'archer scruta avec crainte les moindres recoins de sa chambre avant de soupirer de soulagement. Il n'y avait rien, ce n'était qu'un énième cauchemar... Thomas se laissa lourdement retomber contre le matelas et passa une main sous sa frange qu'il décala sur le côté afin d'avoir moins chaud. Ces images le suivraient donc toute sa vie ? Il revoyait ce feu de camp au-dessus duquel cuisait de la viande, une odeur si banale et qui pourtant l'avait marqué à vie. Autour, il n'y avait personne, comme si l'endroit venait tout juste d'être abandonné.

Et après cela, une quinzaine de bokoblins avaient surgi.

Quelqu'un frappa à la porte et fit sursauter Thomas, encore en état de choc. Il se leva avec hésitation puis alla ouvrir à son camarade plus âgé. Léon se grattait la poitrine et se montrait manifestement fatigué.

- Ça va pas, Thom's ? lui demanda-t-il d'une voix enrouée à cause de cette nuit de sommeil. Je t'ai entendu crier.

- Ce n'était qu'un cauchemar, rien de plus.

Il devait être cinq ou six heures du matin, peu de personnes avaient commencé leur journée de travail.

- Oh, d'accord, bailla Léon qui fit volteface et retourna dans sa chambre sans s'inquiéter plus.

Le visage de Thomas se rembrunit puis il ferma la porte après s'être assuré que personne ne rôdait dans les parages. Même quatre ans après, il ne s'était jamais remis de ce guet-apens. Un traumatisme de ce genre lui resterait sans doute à vie. Pour le reste de la nuit, l'Hylien ne parvint pas à retrouver l'envie de dormir.

oOo

Environ deux heures plus tard, ce fut Link qui émergea de son sommeil à cause d'un poids sur son épaule. Grâce aux faibles rayons lumineux filtrés par les rideaux, il constata que ce n'était que Zelda qui avait posé sa tête contre lui. Tous deux avaient dormi ensemble dans la chambre princière, non pas pour passer une nuit romantique, loin de là, mais pour se rassurer par leur présence mutuelle. À cause des récents événements, et notamment de ce qu'avait subi Pahya, leurs liens ne faisaient que se renforcer et ils avaient encore moins envie de se séparer.

- Ton cœur bat rapidement, murmura la jeune femme qui gardait les yeux fermés.

Link lui jeta un coup d'œil rapide puis observa le plafond sans oser bouger.

- Je n'ai pas l'habitude de partager ma couche...

Cela fit sourire la princesse, d'autant plus car elle se trouvait dans le même cas. Elle appréciait la chaleur prodiguée par Link tout comme celui-ci était conforté par sa présence. Zelda posa une main sur son torse puis entrouvrit les yeux.

- Je me sens encore coupable de ce qui est arrivé à Pahya, avoua-t-elle soudainement. J'ai eu du mal à m'endormir à cause de ça.

Link fit glisser sa tête sur le côté jusqu'à ce qu'elle soit contre celle de sa fiancée. Un silence s'installa dans la pièce, sans doute car Link cherchait les mots qu'il voulait employer avec justesse. Il avait l'impression que rassurer n'avait jamais été son fort bien que le chevalier s'efforçait d'aider les autres.

- Pahya s'en sortira, assura-t-il à mi-voix. Nous devons attendre qu'elle revienne à elle pour déterminer s'il y aura des séquelles ou non. Grâce aux soins des Sheikahs, les dommages internes pourront être soignés.

Zelda ne trouva rien à répondre à cela. Elle gardait son regard rivé sur la tache lumineuse présente sur un des rideaux. Elle qui pensait ne plus connaître l'anxiété... Une main se posa avec délicatesse sur sa joue puis poussa une de ses mèches blondes sur le côté, ce qui la fit frémir.

- Nous allons devoir annoncer nos fiançailles avant que les villageois d'Elimith ne le fassent savoir, reprit Link.

- J'aurais préféré le faire à un autre moment...

Il hocha la tête.

- Moi aussi, mais nous n'avons pas d'autres alternatives. Nous pouvons le faire dans le courant de la semaine.

Zelda ne continua pas la discussion, préférant le silence de ce moment passé tous les deux. Bientôt, elle mènerait une vie loin du château, une existence paisible qui lui conviendrait bien mieux. Penser à ce futur éveillait chez elle une joie qui se retranscrivait par une douce chaleur dans sa poitrine et un sentiment de sérénité.

- Je ne cesserai sans doute jamais de te le dire, mais je suis heureuse d'avoir pour compagnon un garçon intègre, fort et gentil tel que toi, murmura-t-elle en esquissant un sourire.

Embarrassé, Link laissa échapper un soupir et ferma les yeux.

- Tu sais bien que je ne sais jamais quoi répondre à ça...

- Ce n'est pas grave, je comprends quand même ce que tu ressens.

Elle désigna le bracelet qu'il lui avait offert il y avait quelques semaines. Le jeune homme avait lui aussi le même et avait presque oublié que Zelda pouvait percevoir certaines émotions grâce à lui. Le jeune couple finit par se lever et se préparer pour le reste de la journée. Un programme dense semblait les attendre. Dans la matinée, ils allèrent prendre des nouvelles de Pahya dont l'état se stabilisait, mais ses chances de survie restaient incertaines. Le meilleur médecin de la région avait été appelé afin de la tirer d'affaire, mais même lui ne pouvait promettre de la sauver. Zelda décida de rester plusieurs heures à son chevet et de prier les déesses pour la soigner. Quant à Link, il dut rejoindre ses élèves pour l'entraînement quotidien. Bien qu'il n'eût pas le cœur à ça ce jour-là, il se devait d'accomplir son devoir et de les former tant que Zelda était la princesse. Sur son chemin, il croisa le représentant du peuple piaf qu'il n'était autre que Teba. Ce dernier semblait l'attendre de pied ferme, adossé à un mur. À l'approche du prodige hylien, il se redressa et s'écarta de la paroi froide.

- Link, j'ai quelque chose à t'annoncer.

Teba adoptait un air sérieux mais non inquiet. Le jeune homme l'invita à poursuivre.

- Hier soir, j'ai pris la décision d'envoyer plusieurs de mes semblables à la recherche du criminel. Nous avons la chance de voler, cela nous permettra de surveiller les alentours du château et de chercher cet homme. Au moins, nos guerriers seront intouchables dans les airs. Qu'en penses-tu ?

- C'est une bonne chose. Je suis content que tu aies pris cette décision avant la réunion organisée par la princesse, lui avoua Link à travers un regard reconnaissant. Les autres représentants ont approuvé ?

Le Piaf blanc se montra embarrassé.

- Je ne leur en ai pas encore parlé... Mais je ne doute pas qu'ils adhèrent à ma décision. Il fallait agir vite. C'est pourquoi, je te demanderais de ne pas quitter le château pour le moment, Link. Tant que tu resteras entre ses murs, tu seras hors de danger.

- Je le serais si cet assassin ne s'infiltre pas, souligna le chevalier avec justesse.

- Malheureusement, nous ne pouvons pas surveiller et contrôler tout le monde... J'en suis désolé.

Link lui affirma que ce n'était pas une fatalité et qu'il comprenait. Il ne voulait pas que la vie du château soit bouleversée juste à cause de lui. Cette affaire finirait bien par être résolue un jour ou l'autre alors inutile de trop s'inquiéter à ce sujet. Ce meurtrier paierait le prix fort pour tous les crimes commis même si cela ne ramènerait pas à la vie ses victimes. Après cette discussion, Link rejoignit ses trois apprentis dans la salle d'armes, comme prévu. De loin, il vit Iris s'exercer à la lance et Léon à l'espadon. Quant à Thomas, il restait étrangement fixe face à sa cible, le regard dans le vague. Il récupérait peu à peu de sa blessure bien qu'elle lui fasse encore mal lors de certains mouvements. Cela intrigua le prodige qui s'approcha de lui par derrière et posa une main sur son épaule pour le sortir de sa transe. Le brun sursauta puis poussa un cri de panique en se tournant vers son capitaine. Tous ceux présents dans l'immense salle cessèrent leur activité pour se tourner vers Thomas et l'observer avec incompréhension.

- Du calme, ce n'est que moi, tenta de l'apaiser Link en reculant d'un pas. Quelque chose ne va pas ?

Son élève papillonna un instant des yeux puis hocha négativement la tête avant de reprendre. Il tourna le dos au prodige, banda son arc puis cibla le cercle qui lui servait de repère. Cependant, ses bras tremblaient et viser devenait quasiment impossible. Le visage de Link devint plus fermé. Il vint se placer à côté de lui, les bras croisés.

- Ne te précipite pas, Thomas. Le temps ne presse pas. Essaie d'abord de reprendre ton calme.

L'archer ne dit rien. Il préféra abaisser son arme et regarder le sol avec une expression singulière que ne put décrypter Link.

- Capitaine, commença le brun à mi-voix. Imaginez un instant... que vous êtes sur un champ de bataille et que sous vos yeux, votre meilleur ami soit encerclé par une dizaine d'ennemis. Vous, vous tenez n'importe quelle arme à la main mais vous savez pertinemment que vous n'aurez jamais le temps de le sauver.

Il marqua une pause pendant que son regard déviait sur le côté pour se soustraire à celui de son supérieur.

- Que feriez-vous ? Est-ce que... vous tenteriez de le sauver malgré tout ou bien est-ce que vous seriez spectateur de sa mort ?

Cette question laissa le chevalier pantois. Link ne comprenait pas d'où pouvait provenir cette interrogation ni quelle en pouvait être la cause. Il essaya de lire une nouvelle fois les émotions de son élève pour mieux saisir le fond de sa pensée, en vain.

- Thomas, je ne comprends pas pourquoi tu me demandes ceci maintenant et dans de telles circonstances. Tu crains que cela ne t'arrive ?

En guise de réponse, l'archer baissa la tête, ce que Link interpréta comme une réponse positive.

- Tu dois savoir que nous ne pouvons pas sauver tout le monde lors d'une bataille, lui rappela le blond. J'ai connu des chevaliers qui avaient perdu leur ami proche lors de la guerre. Il y a plusieurs situations qui se rapprochent de ce que tu viens de me décrire. Dans la plupart du temps, il demeure difficile de sauver un allié si autant d'ennemis l'encerclent. Mais ce n'est pas impossible. Il est fréquent que l'on assiste à la mort d'un proche sans pouvoir agir, tout simplement car nous en sommes dans l'incapacité la plus totale.

Comme par exemple, en étant trop loin, ou bien en étant aussi en pleine confrontation contre un ennemi. Link énuméra plusieurs cas pour soutenir ses propos.

- Il existe toutefois une dernière situation, sans doute la plus dure à vivre, ajouta Link d'une voix grave. Si tu tiens vraiment à cet ami, alors il vaut mieux lui offrir le salut.

Thomas ressentit un frisson glacial lui parcourir le corps.

- Vous voulez dire...

Il voulut poursuivre mais n'y parvint pas.

- Oui, reprit Link qui décroisa les bras. Le tuer soi-même. Tu es un archer, Thomas. Tu as la possibilité de donner une mort rapide à ton ami si tu sais où tirer et que tu en es capable. Mais je doute que ce soit la réponse que tu attendais.

La gorge du brun s'assécha de manière désagréable pendant que son ventre se tordait une énième fois. Oui, il aurait aimé une réponse autre. Une réponse qui réglerait aisément ce problème mais qui, pourtant, était tout bonnement improbable. Thomas se mordit l'intérieur de la joue avec discrétion puis se mit de profil vis-à-vis du Héros.

- Je vous remercie, prononça-t-il d'une petite voix avant de reprendre son entraînement.

Link ne bougea pas, il se contenta de le suivre un instant du regard à travers un air fermé. Depuis qu'il avait choisi Thomas comme apprenti, il l'avait toujours trouvé... un peu spécial. Certes, tout le monde possédait ses propres secrets et problèmes. Néanmoins concernant son élève, il y avait cette touche d'incompréhension et de questionnement dès qu'on le regardait. Link l'avait remarqué dès que l'archer s'entraînait à toucher des cibles : il avait toujours ce moment d'hésitation, ce petit tremblement dans son bras qui tendait la corde et qui n'avait rien à voir avec une quelconque difficulté. Et jamais la satisfaction d'avoir atteint son but. Jamais Thomas n'avait montré la moindre joie d'avoir touché une cible éloignée ou mobile. Jamais il n'avait voulu se vanter quand il avait réussi un exercice difficile à l'arc. Jamais il n'acceptait que quelqu'un se trouve dans son champ de vision quand il bandait son arme. En fait... il paraissait éprouver une aversion profonde pour l'archerie. Mais dans ce cas, pourquoi avoir choisi d'intégrer la formation d'archer ? Cela n'avait pas de sens...

- Capitaine ! l'interpella un soldat qui arrivait en trottinant. Dame Impa demande à vous voir !

Link le remercia et le congédia. Il observa une dernière fois son jeune apprenti puis quitta la salle d'armes après avoir donné quelques dernières indications à Iris et Léon. D'un pas soutenu, le chevalier se rendit dans l'aile est du château et monta au quatrième étage, là où se trouvait le bureau de l'ancienne conseillère. Dans la petite pièce, il retrouva notamment Zelda qui l'attendait aux côtés de la Sheikah, toutes deux assises sur un fauteuil.

- Les nouvelles sont inquiétantes ? s'enquit de savoir l'Hylien.

- Non, bien au contraire, sourit Zelda en quittant son siège.

Impa ferma les yeux un instant, comme si elle réfléchissait à la justesse de ses prochains mots, puis elle releva la tête vers lui.

- Pahya a repris connaissance il y a moins d'une demi-heure. Bien que cela n'ait duré que quelques minutes, nous pouvons donc espérer un rétablissement prochain. De ce que nous avons observé, elle n'a ni perdu l'ouïe ni la vue. Comme tu le sais, l'étranglement qu'elle a subi a privé son cerveau de sang durant une durée inconnue pour nous, mais cela n'a pas été suffisamment long pour qu'elle subisse de graves lésions cérébrales. Que les déesses soient louées...

Link soupira de soulagement. Il ne pouvait espérer mieux pour Pahya. Cette dernière l'avait vraiment soutenu durant sa quête pour combattre Ganon. Elle avait toujours été là pour l'écouter quand les moments étaient particulièrement durs et que Link avait rejoint le village de Cocorico. Il la considérait comme une amie précieuse en qui il avait toute confiance.

- Mais ce n'est pas tout. J'ai étudié le sortilège « le miroir du passé » et je pense pouvoir vous aider.

Le sourire de Zelda s'agrandit et elle offrit un regard pétillant à Link qui le troubla quelques secondes. Il ne pensait pas qu'Impa parviendrait si vite à comprendre la complexité du sort... Mais après tout, il y a cent ans, elle maitrisait déjà un grand nombre de techniques usant une forme de magie autre que celle accordée à la princesse.

- De ce que j'ai compris, poursuivit Impa, je pourrais théoriquement vous renvoyer au siècle dernier. Au moment qui vous semble le plus approprié pour vos recherches. Grâce à vos souvenirs, mais aussi aux miens, je peux recréer le monde que nous avons connu. La magie permettra de redessiner, en quelque sorte, les endroits flous pour les rendre cohérents.

Impa se tut, les sourcils froncés, et prit son menton pendant qu'elle réfléchissait.

- Non, ça m'a l'air d'aller bien plus loin que ça... Je m'excuse, je ne peux pas vous affirmer que tout sera très net. Cependant, puisque vous ne serez que dans le château, voir le reste d'Hyrule ne sera pas utile. Ne nous en soucions pas.

- En effet, il nous suffira seulement de gagner le bureau commun des conseillers et de chercher, renchérit la princesse qui prenait tout cela à cœur. Quel moment du passé devrions-nous choisir ?

Elle interrogea Link du regard. Quel moment ? N'importe lequel, non ? Ou plutôt, l'époque où il était chevalier au château. Il pouvait très bien choisir de revenir à cette période où il était le chevalier servant de Zelda, quelques mois avant le retour du Fléau. Après tout, cela devrait leur faciliter les choses, surtout s'ils venaient à croiser des personnes connues.

- Revenons au temps où j'étais déjà votre chevalier servant, proposa Link en jetant un coup d'œil à Impa.

Il ne voulait pas tutoyer sa fiancée devant son ancienne nourrice. Jamais il n'oserait le faire pour le moment. Ce détail fit hausser un sourcil à la vieille Sheikah tandis que Zelda approuvait l'idée de Link.

- Oui, je suis d'accord. Personne ne se posera de questions en nous voyant tous les deux.

- Au moins, on ne me refusera pas si je suis à vos côtés.

- C'est vrai. De toute manière, les autres nobles ne voulaient jamais me parler quand tu étais là. Je crois que ton expression impassible les effrayait.

Cela fit involontairement rire Link. Il se souvenait parfaitement bien de cette période où il regardait avec froideur toutes celles ou tous ceux qui parlaient dans son dos. Au moins, plus personne ne venait embêter Zelda.

- Il y a eu quelques fois où je n'ai pas hésité à vous défendre verbalement quand vous n'étiez pas là. C'est arrivé rarement mais cela a permis à de mauvaises langues de rester loin de vous.

La princesse se montra surprise.

- Tu ne me l'avais jamais dit.

- Bien sûr, j'en aurais été bien trop gêné. À ce moment-là, j'étais déjà...

Il cessa aussitôt de parler et sentit son visage chauffer. Il avait failli en dire trop devant Impa, une fois de plus.

- Je veux dire que je ne voulais pas vous apporter plus de problèmes, se rattrapa-t-il avec maladresse.

Impa soupira en levant les yeux au ciel puis croisa les bras. Ces deux-là ne changeraient jamais.

- Si vous croyez que je ne vous voyais pas vous tourner autour à l'époque, dit-elle en tâchant de dissimuler son amusement.

Les deux fiancés se figèrent, les yeux légèrement écarquillés, puis dévisagèrent la Sheikah sans comprendre. C'était si évident que ça ? Impossible, tous deux n'avaient jamais rien tenté pour se rapprocher.

- Quand on vous côtoie presque tous les jours, on finit par s'en apercevoir, ajouta Impa en esquissant un petit sourire. Il n'y avait qu'à remarquer la façon dont vous vous regardiez, tous les deux. Malgré tout, je n'ai jamais voulu y croire. Tout simplement car une telle relation ne pouvait qu'être vouée à l'échec. Une princesse et un chevalier, son chevalier servant plutôt, c'est impossible.

- Oui, nous en avions conscience, l'approuva Link qui reprit de l'assurance. Nous n'avons cessé de nous focaliser sur notre mission, jamais sur nos sentiments mutuels.

- Je n'en doute pas. Quoi qu'il en soit, les circonstances ont fait que vous avez quand même pu vous trouver, tous les deux. Les fiançailles représentent une promesse de mariage, ce n'est pas rien. Ton récent anoblissement ne devrait pas poser de problème.

Les deux amoureux s'échangèrent un regard serein et lourd de significations. À vrai dire, être anobli ne lui serait pas vraiment nécessaire puisque la princesse aspirait à renoncer à son titre. Toutefois, constater qu'Impa accueillait leur union avec joie les confortait dans leur décision. Ils ne pouvaient espérer mieux pour l'avenir.

- Revenons à notre sujet principal, reprit Impa après s'être raclée la gorge. Grâce aux liens qui vous unissent, le sort fonctionnera d'autant mieux. Cependant, avant d'y procéder, vous devriez vous donner un rendez-vous une fois dans le passé. Il serait bête de passer des heures à vous chercher mutuellement. N'est-ce pas ?

Ils opinèrent pour lui donner raison. En effet, mieux valait ne pas perdre de temps dès le début.

- Retrouvons-nous à la bibliothèque, suggéra Zelda en se tenant un bras.

- C'est d'accord, concéda son partenaire dont un sourire adoucissait ses traits. Impa, êtes-vous prête ?

Pour unique réponse, elle quitta son fauteuil puis pria les deux jeunes gens d'y prendre place pour être à leur aise. Inutile de rester debout ! Pour accroître les chances de réussite et pour mieux synchroniser leurs souvenirs, ils se prirent la main et observèrent la vieille Sheikah en possession de l'ancien manuscrit. Elle tourna rapidement les pages afin de trouver celle de ses souhaits.

- Je tiens tout de même à vous rappeler que ce monde illusoire n'est pas sans danger. Si vous vous faîtes tuer, que les déesses vous en préservent, votre âme sera endommagée et vous y laisseriez véritablement la vie. Est-ce bien clair ?

- Oui...

- Bien, maintenant concentrez-vous et tâchez de penser le moins possible. Je ne suis pas sûre de réussir du premier coup.

Dans l'air, Impa traça un symbole sheikah et mima de le repousser vers les deux Hyliens. De longues secondes s'écoulèrent, plus personne ne bougeait et tout laissait à penser que le sort avait fonctionné.

- Vous êtes toujours parmi nous ? se risqua à demander l'ancienne conseillère.

- Oui, toujours, répondit Zelda en entrouvrant un œil.

- C'était à prévoir... Je vais réessayer.

À travers ses yeux clos, Link attendait sagement cette étrange sensation qu'il avait déjà vécue. Il appréhendait de revenir au siècle passé, craignant de devoir affronter le regard et la présence d'autres personnes. Il reverrait très certainement Conrad et Gautier, ses deux grands amis de l'époque. Lorsque leur visage apparut dans son esprit, Link sentit son cœur se serrer. Ce ne serait pas vraiment eux qu'il rencontrerait, seulement des copies conformes. Une force extérieure parut le tirer vers l'arrière, aspirant son esprit avec elle. Vraiment, il n'avait jamais apprécié cette sensation. Comme si tout se dérobait sous ses pieds et qu'il perdait chacun de ses cinq sens. Il ne percevait même plus la main de Zelda qui serrait sans doute toujours la sienne dans la réalité.

Le premier détail qui attira l'attention de Link avant de rouvrir les yeux, ce fut une odeur de vieux bois qui éveilla en lui cette nostalgie qu'il ne connaissait que trop bien.

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