Chapitre X- Brûlure

La première chose que sentit Helena lorsqu'elle se réveilla, ce fut sa joue. Elle la brûlait atrocement. Elle avait l'impression qu'on avait laissé un fer chauffé à blanc sur sa joue toute la nuit.

La jeune fille ne mit pas quelques minutes à se souvenir de ce qui s'était passé la veille au soir : elle s'en souvenait parfaitement, à son plus grand regret. Elle aurait préféré ne pas savoir que sa mère lui avait caché son plus grand secret, qu'elle lui avait sans doute menti sur toute la ligne depuis des années, elle qu'elle avait délibérément emporté son secret dans la tombe.

Elle se mit à se remémorer des scènes de la veille, pour savoir pour quelle étrange raison sa joue lui faisait tellement mal. Elle se souvenait très bien de la gifle du roi, mais ce n'était qu'une gifle, au pire, elle aurait la joue enflée et un bleu, mais pas une brûlure. Elle porta une main tremblante à sa joue gauche... et la retira vivement, effrayée. La peau était complètement éraflée, à vif et sûrement infectée. Elle avait beaucoup saigné, ce que le sang séché sur sa robe et sur son visage témoignait.

-Je pense qu'il va falloir te soigner ça.

Helena sursauta en entendant la voix d'Ethan. Elle lui fit face, se relevant de sa couchette, sans faire attention à sa robe froissée et tâchée ou à ses cheveux complètement décoiffés.

Il y avait de la haine dans son regard, mais malgré cela, Ethan put voir la tristesse qui se cachait derrière. C'était comme de tenter d'arrêter un incendie alors qu'il continuait de tout dévorer sur son passage: impossible, inutile et passablement douloureux.

C'est ce qu'Helena tentait de faire, comme toujours: elle cachait le plus d'émotions possible, jusqu'à ce que ça déborde et qu'elle explose. La jeune fille se disait toujours que le jour où elle exploserait, elle se sentirait bien, vidée de toute cette rancune, de toute cette douleur qui la rongeait petit à petit.

Elle attendait encore cette détonation qui la ferait revivre. Et qui n'arriverait sûrement jamais.

-Qu'est-ce que tu fais ici ? cracha la jeune marquée.

-Hey ! Moi, je ne t'ai rien fait ! dit l'Ange Noir en levant les mains devant lui.

-Peut-être, mais tu fais toujours partie de la famille qui m'a infligé tout cela ! répondit-elle sans réelle conviction.

Ethan s'en rendit compte, et utilisa l'hésitation de l'humaine :

-Et que t'a-t-on infligé ?

-Tu veux dire, à part le fait que vous m'ayez retiré mon petit frère, enlevé le dernier souvenir de ma mère, et m'avez fait souffrir, physique comme mentalement, tu as raison, je ne sais absolument pas pourquoi je vous en veux !

Elle passait sa colère sur lui, et en avait conscience, mais elle s'en fichait. Elle se doutait bien que le roi ne descendrait sans doute pas jusqu'ici juste pour permettre à la jeune fille de se vider de toute sa rancœur, alors elle prenait la première personne qui était susceptible de prendre ce rôle.

Ethan ne comprenait pas pourquoi elle en voulait tellement à son cousin d'avoir choisi Jessy. Pour lui, devenir un ange était un honneur, et il avait toujours considéré les familles humaines stupides de redouter la sélection. On lui avait toujours dit qu'il devait se sentir honoré d'être ce qu'il était et que tous les humains qu'il formait devaient se sentir de la même façon. Il ne comprenait absolument pas pourquoi tous ces jeunes humains pleuraient le soir, ou pourquoi certains tentaient toujours de rentrer chez eux. Il avait vu le monde humain, et même si ce n'était pas grand chose, il n'y avait rien vu qui vaille la peine de rester...

Il n'avait cependant jamais cherché à vraiment comprendre ces familles, lui qui avait tout ce qu'il désirait : une famille, du pouvoir, une position sociale qui lui donnait à peu près tous les droits...

-Arrêtes de me regarder comme ça !

Il ne s'était pas rendu compte que, pendant qu'il avait replongé dans ses pensées, il avait gardé les yeux rivés sur le magnifique visage d'Helena. Il baissa vivement la tête, et entendit le soupir exaspéré de la jeune prisonnière.

-Ethan ! Je vois que tu es venu tenir compagnie à notre... Invitée, s'exclama une voix à la droite de l'Ange Noir.

Ce dernier chercha la source de la voix, et ses traits se détendirent lorsqu'il aperçut son cousin.

Depuis petits, ils s'étaient toujours entendus sur tout, ils étaient plus des frères que des collègues ou des héritiers en compétition pour le pouvoir de Skylar.

Ils se firent une accolade comme salut, laissant le protocole et l'étiquette pour les endroits plus... publics.

-Oui Gabriel, je venais voir comment elle va. Ton père n'y est pas allé de main morte hier !

Le jeune prince daigna enfin se tourner vers l'objet de toutes les attentions... Et se figea en apercevant la brûlure sur la joue gauche de la jeune humaine.

-Tu crois qu'il l'a fait exprès? demanda-t-il à son cousin sans lâcher des yeux la beauté qui lui faisait face.

-Je ne sais pas. Mais vu la colère noire dans laquelle il se trouvait, je pense qu'il n'est pas totalement innocent à l'état dans lequel elle se trouve, répondit-il en regardant à son tour le beau visage d'Helena.

Pendant ce temps, la jeune fille, elle, avait replongé dans ses pensées morbides. Le regard dans le vide, une main plaquée contre sa joue saine, de manière à ce qu'elle ait un support pour sa tête, qui lui faisait affreusement mal elle aussi, elle pensa à Jessy, à son père, sûrement entouré de bouteilles, dangereusement proche du coma éthylique, s'il n'y était pas déjà plongé depuis qu'elle l'avait quitté.

Les images s'enchaînaient dans son esprit. Le regard de son père quand elle lui avait annoncé qu'elle partait, l'expression pathétique de son visage prématurément ridé quand elle était montée dans la voiture

Non, elle ne l'avait pas juste laissé, attendant qu'elle revienne. Elle l'avait abandonné. Et elle ne supportait pas cette idée. Elle avait abandonné son père ! L'homme que sa mère avait la plus aimé, l'homme qui l'avait élevée, celui qui avait calmé ses crises de pleurs quand elle voyait des monstres dans les placards, celui qui aidée à rédiger ses devoirs de français. Son père. Elle l'avait abandonné.

Au fond d'elle-même, elle savait déjà ce que lui diraient les gens si elle rentrait un jour. Au fond, elle savait qu'absolument plus rien ne l'attendrait à l'endroit qu'elle avait un jour appelé sa maison : son père serait mort depuis plusieurs mois déjà et c'était elle qui poserait ce pistolet sur sa tempe.

Elle était un monstre.

Mais elle ne pouvait rien y faire... Elle se sentait tellement faible...

Ses lèvres commencèrent à trembler, elle dût s'appuyer contre le mur de sa cellule pour ne pas perdre pied. Ses jambes, toujours perchées sur les talons hauts de Jade, la lâchèrent subitement, la faisant glisser au sol. Les deux héritiers la virent pâlir d'un coup. Elle porta une main tremblante à sa joue, qui avait recommencé à saigner abondamment, derrière les croutes de sang séché.

Ethan se précipita. Il ouvrit la porte de la cellule et s'approcha d'Helena, scrutant son visage, à la recherche de ce qui avait déclenché ce soudain malaise, même s'il avait une légère intuition sur ce sujet, et que ladite intuition ne prédisait rien de bon.

-Helena ? Tu m'entends ?

Mais la jeune fille avait le regard vide, vitreux. Ses tremblements s'amplifièrent soudain, alertant Gabriel, qui s'approcha à son tour de la prisonnière.

Helena était proche du délire, si elle n'y était pas déjà. Elle se sentait lucide, mais complètement incapable de contrôler la douleur à sa joue et à son abdomen. Elle n'arrivait pas à répondre à Ethan et elle avait de plus en plus de mal à respirer, comme si ses poumons s'embrasaient, la faisant suffoquer, inexorablement.

Le pire, c'était qu'elle aurait tout fait pour ne pas être en pleine possession de sa conscience, tellement la douleur qu'elle ressentait était vive et destructrice.

-Hey ! Helena ! s'exclama Ethan en prenant le visage de l'humaine dans ses mains. Regarde-moi !

Gabriel se pencha et prit la jeune fille dans ses bras, ne prenant pas garde au sang qui tachait à présent sa chemise, tant il coulait à flot de la blessure. Sa pâleur était à faire peur, et le sang qui maculait son visage la faisait ressortir violemment.

Il jeta un regard derrière lui pour vérifier qu'Ethan le suivait, puis, après confirmation, il se mit en route, remonta les escaliers le plus vite possible, jusqu'à arriver dans le vaste hall d'entrée du Palais. Une fois là, il se mit à monter les grands escaliers de pierre, pour s'engager sans hésitation dans le couloir qui se trouvait à sa gauche. Il marcha jusqu'à la troisième porte. Les doubles battants blancs s'ouvrirent face à lui et il s'engagea, suivit de près par Ethan, dans la vaste pièce, aux murs de pierres blanches.

Il déposa Helena dans le premier lit qu'il trouva et commença à la réviser méticuleusement pendant qu'Ethan s'en alla pour trouver quelqu'un qui puisse trouver quelque chose pour apaiser la jeune fille.

Sans la moindre gêne, Gabriel lui retira sa robe jusqu'au nombril, observant sa peau pâle à la recherche d'une blessure ou quelque chose... Mais rien. Même pas un bleu, pas une cicatrice ne venait tâcher la peau douce et lisse de l'humaine.

Une cicatrice...

Il la prit dans ses bras, de manière à ce que la tête d'Helena repose sur son épaule, pour qu'il puisse voir son dos.

Sa marque était en sang. Les courbes formant les ailes laissaient couler le sang à flots, maculant tout son dos. La marque disparaissait presque sous les tâches et les lignes que le sang avait formées.

Helena n'avait pas cessé d'être parcourue de spasmes et de tremblements, qui s'accentuaient de plus en plus minute après minute. La douleur la détruisait de l'intérieur et elle ne pouvait rien y faire. Elle voulait dire à Gabriel de la laisser, qu'elle voulait juste voir Jessy, mais elle ne pouvait simplement pas. Condamnée à mourir dans les bras de la personne qui avait déclenché tout cela.

Mais, alors qu'elle sentait ses forces l'abandonner pour de bon, la douleur s'apaisa, la laissant respirer à nouveau, calmant considérablement ses tremblements, et stoppant définitivement ses spasmes douloureux. Elle aspira l'air à grande goulées, rafraîchissant ses poumons brûlés. Au bout de quelques minutes, elle poussa un soupir de soulagement.

Ce fut le signal qu'attendait Gabriel pour arrêter. Il refoula le pouvoir qui faisait briller sa main d'un bleu lumineux et se détendit à son tour. Ce sort, il n'était pas censé le savoir. Heureusement qu'il avait fouillé dans les grimoires de son père, sinon, Helena serait déjà morte... Ses parents ne devaient pas savoir ce qu'il venait de faire. Sous aucun prétexte.

Il sentit Helena gigoter dans ses bras, et ce ne fut qu'à ce moment là qu'il se rendit compte qu'il ne l'avait pas relâchée à la fin du sort. Néanmoins, il ne la lâcha, malgré tous les efforts de la jeune fille pour se séparer du corps du l'ange.

-Qu'est-ce que tu fais ? Laisses-moi partir !

-Non, attends, prétendit-il, je dois voir ta blessure...

Il voulait analyser cette Marque de plus près, obsédé et effrayé à l'idée d'accueillir une femme à nouveau.

Mais à ce moment-là, Ethan réapparut, accompagné d'une ange qui devait avoir une quarantaine d'années, de beaux cheveux blonds cendrés, et une expression d'horreur peinte sur son visage.

-Marie..., souffla Helena, à bout de force.

-Mademoiselle ! Que vous est-il arrivé ?

-Je n'en ai pas la moindre idée, dit la jeune humaine avec un pauvre sourire. Gabriel, je ne sais pas ce que tu as fait, mais merci, dit-elle en regardant le jeune prince dans les yeux, toute insolence disparue. Est-ce que tu peux me relâcher maintenant ?

Avant de se perdre dans les yeux verts, il étendit Helena dans le lit blanc. Mais à peine avait-elle effleuré les coussins, qu'elle poussa un cri de douleur.

Gabriel la prit à nouveau dans ses bras, pour pouvoir voir sa blessure. Ce n'était pas normal. Le sort qu'il avait appliqué aurait dût arrêter les coulées de sang, et désinfecter les plaies de ses ailes, or, le sang continuait à couler comme si le sort n'avait jamais existé, et les plaies étaient encore plus infectées que quelques minutes plus tôt.

-Allongez-la sur le ventre, pour que son dos ne touche pas les draps ! s'exclama Marie, alarmée par l'état de la jeune fille.

Après que le prince ait allongé Helena, elle se précipita et lui débrocha son soutien-gorge, imbibé de sang. Puis elle baissa encore un peu la robe de sorte à ce que tout son dos soit à découvert.

Les deux héritiers dévoraient l'humaine du regard sans même s'en rendre compte. Elle était belle, sublime, même si l'observer dans cet état relevait légèrement de la perversité. Cependant, les deux jeunes héritiers n'avaient jamais caché ce côté de leurs personnalités pour le moins princières.

Marie ne tarda pas à remarquer l'attitude des deux jeunes anges et elle les fit sortir de l'infirmerie avec une rapidité surprenante.

Helena s'était évanouie, tant la douleur qu'elle avait ressentie au contact des draps avait été vive. Mais son sommeil fut tout aussi agité que si elle était restée éveillée. Elle voyait son père et son frère qui la regardaient avec reproche.

-Tu m'as abandonné ! s'écria son père.

-Tu devais me protéger! Tu nous as laissés tomber ! criait Jessy. Je te déteste !

Soudain, sous les pieds nus d'Helena, s'ouvrit une brèche, elle tomba dans les profondeurs, criant pour expulser l'air de ses poumons en feu. Puis, alors qu'elle pensait pouvoir respirer à nouveau, elle toucha le fond. Une véritable onde de choc se propagea dans tout son corps, et la douleur s'intensifia avec le craquement de ses os et le déchirement de son cœur. Ce fut la fin. Elle s'enfonça dans le noir, sans rien pouvoir y faire.

***

Gabriel se dirigea dans la salle des trônes dès que Marie les eût expulsés de l'infirmerie, pour demander une explication à son père, alors qu'Ethan était parti cherché Jessy, pour lui poser quelques questions sur sa sœur et l'avertir de ce qui s'était passé.

-J'exiges que tu m'expliques ce que tu as fait à Helena ! s'écria l'héritier dès qu'il eut franchi les portes de la salle, interrompant une audience.

Son père et sa mère le regardaient, complètement perdus.

-De quoi parles-tu Gabriel ? demanda doucement sa mère, qui ne supportait même plus d'entendre le nom de l'humaine.

-Tu es allé la voir, demanda son père avec une vibration de colère dans la voix.

-Oui ! Et devine dans quel état elle se trouvait. Toute sa joue gauche était brûlée, et elle a frôlé la mort devant mes yeux. Sa Marque était en sang, et les sorts de guérisons n'ont pas marché lorsque Marie les as appliqués ! s'exclama-t-il, faisant bien attention de camoufler son intervention magique.

Ambre se tourna vers son mari, surprise des accusations que lui portait son fils.

Le roi s'excusa auprès de l'ange dont l'audience avait été interrompue et lui demanda de sortir un moment. Ce dernier ne se fit pas prier. Le prince avait une réputation qui le suivait. Il était connu pour ses colères et ses caprices.

Une fois seuls, les Royaux se fixèrent sans rien dire un moment, puis la reine se décida à prendre la parole :

-Qu'est-ce que tu faisais dans les cachots alors que nous t'avions demandé de venir ici ? Et en quoi le sort de cette humaine t'intéresse-t-il ? Et dis-moi, pour l'amour de la Destinée, ce que Marie fichait à l'infirmerie ?

Une vie était sur le point d'être perdue, et tout ce à quoi pensait la reine, c'était aux tours de garde de ses suivantes à l'infirmerie...

Gabriel ne prit même pas la peine de répondre, redonnant toute son attention à son père, attendant une réponse, qui, heureusement pour les nerfs du prince, ne tarda pas à arriver :

-C'est moi qui l'ai brûlée, en effet, dit-il avec indifférence.

-Mais pourquoi ?

Gabriel était complètement perdu.

-Parce que ce collier n'était pas à elle ! s'écria le souverain, perdant son sang-froid. Elle m'a défié en mentant ouvertement et elle en payera les conséquences !

-Ce n'est pas un ange ! Elle ne suit pas nos règles ! Tu n'exerces aucun pouvoir sur elle !

-Elle l'a mérité.

Le roi et le prince se tournèrent vers la reine qui venait d'ouvrir la bouche.

-Elle n'avait pas à porter ces bijoux ! Ils appartenaient à la dernière Ange Noire, pas à elle ! Ce collier est une relique et ces bijoux, je les reprends !

-La dernière Ange Noire ! Mais bien sûr !

Il se souvenait ce que ce collier lui rappelait à présent. Il apparaissait dans tous les bouquins et toutes les légendes de Skylar !

-Elle ressemble à Sysy, mais elle n'est définitivement pas sa fille ! déclama la reine.

-Et pourquoi ? Il serait tout à fait crédible qu'elle le soit...

-Non ! le coupa la souveraine. Cette humaine n'est pas sa fille ! Elle est trop faible pour ça. Sysy était la plus forte Ange Noire que Skylar ai vue !

-Je sais, Mère, je l'ai connue.

La souveraine pinça les lèvres et détourna le regard, refusant de se souvenir de cette époque qui lui paraissait si lointaine à présent.

-Gabriel, aurais-tu l'obligeance de répondre à ma question et de me dire en quoi le sort de cette humaine t'importe autant ?

Le jeune prince se souvenait de Sysy et de l'époque où elle était encore au Palais, mais il ne pensait pas que leur comportement envers Helena était complètement justifié.

-Je n'ai aucune sympathie pour elle, si c'est ce qui vous préoccupe, Père. Cependant, je tiens à savoir comment elle a obtenu cette Marque, car j'ai vérifié dans les sphères et je suis à présent certain de ne pas l'avoir choisie elle, mais bien son frère. Si quelqu'un ou quelque chose d'autre est capable de Marquer qui que ce soit, je pense que vous serez d'accord avec moi sur le fait qu'il faut trouver de qui ou de quoi il s'agit.

Le roi ne dit rien, se contentant d'un bref hochement de tête.

-Trouve de quoi il s'agit et débarrasse-toi d'elle.

Les paroles d'Ambre contrastaient violemment avec ses traits parfaits mais Gabriel avait appris depuis longtemps que sa mère était beaucoup plus qu'une figure de pouvoir à Skylar.

Voyant que sa mère ne le laisserait pas la raisonner, il s'inclina... Pour le moment. Parce que lui, il trouvait qu'Helena était tout sauf faible.

***

Ethan était arrivé jusqu'à l'arène d'entraînement des Elus. Il se mit à chercher Jessy du regard. Il le trouva juste au moment où il se faisait battre à plate couture par un autre Elu.

Il sourit. Ce gamin, aussi puissant et talentueux soit-il, avait beaucoup à apprendre.

Jessy, voyant Ethan se diriger droit sur lui commença à se remémorer la scène de la veille :

-La dernière Ange quoi ? ... Attends Helena, elle va bien ? demanda Jessy, inquiet pour sa grande sœur.

-Non ! Elle ne va pas bien ! dit Ethan, emporté par sa colère. Je répète ma question : qu'est-ce qu'elle fait avec le collier de la dernière Ange Noire ?

-Je ne comprends pas de quoi tu parles ! Où est Helena ?

Seuls les hommes étaient sélectionnés pour aller à Skylar, les femmes étaient bannies, et encore plus lorsqu'il s'agissait des Anges Noirs !

-Elle portait un collier, en argent, représentant des ailes d'ange ! Ce collier, c'était le symbole des Anges Noires, et celui que ta stupide sœur possède, c'est le collier qui appartenait à la dernière d'entre elles !

-Ah oui ! Ce collier...

-La reine a parlé d'une certaine Sysy, à qui elle a donné des bijoux..., s'exaspéra Ethan.

-Sysy... Ma mère, souffla Jessy.

-Ta mère ! Tu veux dire qu'en plus d'avoir la bague des Anges Noirs de ton père, tu es le fils de la dernière Ange Noire ?

-Je n'en sais rien ! Ma mère était tout ce qu'il y a de plus humain ! ...

-Apparemment pas ! Qu'est-ce qu'elle faisait avec ce collier ? Réponds !

Il n'en savait rien. Lui aussi s'était senti trahi lorsqu'il avait appris la nouvelle.

-Réponds !

Le jeune Marqué releva subitement la tête, réalisa qu'Ethan lui parlait depuis quelques instants déjà.

-Est-ce que tu sais depuis quand ta sœur a la Marque ?

Jessy se raidit.

-Non, répondit-il à regret, baissant la tête.

Qu'est-ce que le gamin avait à se reprocher vis-à-vis de la marque de sa sœur ?

-Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Tu ne me l'as pas dit hier, demanda Jessy, tentant d'oublier son sentiment d'ignorance.

Ethan releva la tête. Devait-il lui dire ce qui s'était réellement passé ? Oui. Après tout, il était son frère, alors lui aussi était concerné par cette histoire d'Ange Noire.

-Mon oncle a vu le collier. Il l'a frappée...

Jessy contracta ses muscles. Il aurait voulu hurler de rage, mais il savait qu'Ethan ne se confierait pas une autre fois. Il devait se contrôler s'il voulait tout savoir.

-Je crois qu'il a utilisé un sort de brûlure avec son coup, continua l'Ange Noir. Sa joue est à vif. Il lui a arraché le collier, et ma tante lui a pris une bague et un bracelet qu'elle avait donnés à ta mère et qu'Helena avait repris. Ce matin, je suis allé la voir, Gabriel... Le prince m'a rejoint, et... Je ne sais pas très bien ce qui s'est passé, mais elle a fait une espèce de crise. Sa Marque a commencée à saigner. Elle était complètement infectée, on l'a menée à l'infirmerie. Ils sont en train de la soigner, mais elle est dans un sale état. Je ne peux pas t'en dire plus.

-Il faut que j'aille la voir !

Il ne supportait pas d'entendre toutes ces horreurs et de ne pas pouvoir aller la voir. Heureusement pour lui, bien qu'Ethan ne comprenne pas les familles humaines, il n'était pas sans cœur.

-Ecoutes, l'entraînement de ce matin est presque terminé. Je vais t'emmener la voir. Mais c'est exceptionnel. Et ce sera peut-être la dernière fois que tu la verras jusqu'à la fin de ton entraînement ! C'est clair ?

Jessy ne manquait jamais une opportunité, et il ne manquerait certainement pas celle-ci.

-Oui.

A ce moment-là, les deux jeunes hommes se fixèrent pendant quelques secondes, et ils comprirent tous les deux ce qui allait réellement arriver : Jessy ne tiendrais jamais compte des avertissements d'Ethan, et ce dernier en avait tout à fait conscience. Pendant ces quelques secondes, ce fut comme s'ils passaient un accord comme quoi Helena ne serait jamais totalement privée de son frère.

Ethan le saisit par le bras et commença à l'entraîner dans les couloirs du Palais, jusqu'à arriver devant les portes blanches de l'infirmerie. Elles s'ouvrirent obligeamment face à lui (si des portes pouvaient s'incliner, celles-ci l'aurait sans doute fait) et il pénétra dans la pièce, qui était plus un micro-hôpital qu'une simple infirmerie.

Une femme aux cheveux blonds cendrés passa devant eux au pas de course.

-Ethan, dit-elle, laissant les mondanités pour d'autres, je ne peux pas m'occuper de quelqu'un d'autre pour le moment, la jeune fille n'est vraiment pas bien ! s'exclama-t-elle en apercevant Jessy.

Ce dernier se retenu de crier de frustration lorsqu'il entendit la femme parler de l'état de sa sœur.

-Il n'est pas blessé. C'est son frère.

La femme pila net en entendant ces mots. Elle se retourna lentement vers Jessy, l'observant sous toutes les coutures.

-Bien. Il peut venir mais pas l'approcher.

Les deux jeunes hommes suivirent l'infirmière, Ethan, plus intrigué qu'autre chose, et Jessy au bord de la crise de nerfs.

Ils arrivèrent devant un lit où reposait Helena, les yeux mi-clos, transpirant à grosses gouttes. Elle n'était plus sur le ventre, mais assise, soutenue par une jeune fille blonde avec de beaux yeux bleus.

-Noémie, redresses-la ! Je vais lui mettre ceci, ça risque de la brûler.

Noémie pâlit. Jessy s'approcha de sa sœur malgré les protestations de Marie et saisit Helena par les épaules, comme le faisait Noémie.

-Je m'en occupe.

Elle parut hésiter, puis, face à la peur de voir la jeune fille mourir dans ses bras, céda.

Jessy lui adressa un regard comme remerciement, que la jeune servante évita soigneusement.

Marie s'avança vers Helena et prit une bouteille sur la petite table à côté du lit de l'humaine. Elle imbiba un grand morceau tissu de produit, et, d'un coup sec, le plaqua contre le dos d'Helena.

Celle-ci se redressa soudain, les yeux grands ouverts et cria... sauf qu'aucun bruit ne sortait de sa bouche.

Jessy la regardait dans les yeux, cherchant son regard, en vain.

-Helena ! Hel' ! C'est moi ! Jessy ! Regarde-moi !

Face à l'air absent de sa sœur, ses yeux s'embuèrent. Il ne voulait pas la perdre. Elle était son ancre depuis que leur mère était morte, il ne pouvait se résoudre à la perdre. Il ne pouvait tout de même pas perdre sa famille entière en si peu de temps. C'était possible?

-Regarde-moi...

Alors que tout espoir était perdu, Helena planta son regard dans celui de son frère, et murmura un mot. Un seul, qui rendit le sourire à toutes les personnes présentes, toutes, sauf à Jessy.

-Pardon...

Et elle s'affaissa sur le lit, inconsciente, sans prendre garde à la douleur cuisante de son dos.


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