Chapitre VII- Promesse

Tout le monde criait, toutes les voix se mélangeaient, Helena ne savait plus où se trouvait son frère.

Elle continuait de courir sans savoir où elle allait. En cet instant, son monde se résumait à deux choses : fuir le garde et retrouver Jessy. Les conséquences ne s'imposèrent pas à son esprit, le cri de son petit frère résonnant encore et encore dans ses oreilles.

Les pas du gardien dans son dos se rapprochaient mais elle n'y faisait pas attention. Le sang battant à ses tempes l'empêchait d'entendre les ordres lancés à travers la grotte. La cave semblait s'étendre à l'infini. Partout où Helena regardait, elle ne voyait que le reflet des armes dans la clarté blafarde. Jessy n'était nulle part. Perdue au milieu des pointes de lances et ralentie par la lumière trop faible, quelques fractions de secondes furent suffisantes pour que son garde la rattrape.

Alors qu'elle croyait qu'il lui ferait du mal, il se contenta de serrer ses bras autour d'elle et de s'adresser à une silhouette qu'Helena n'avait toujours pas remarquée. Ce n'était visiblement pas un garde, vu la manière dont il se tenait. Il ne semblait pas avoir d'arme quelconque sur lui mais Helena préféra ne pas se fier. La jeune fille ne voyait pas son visage, mais la silhouette était imposante et, même sans avoir de signe particulièrement distinctif, il était clair que c'était cet individu-là qui déciderait de ce qui lui arriverait.

-Votre Altesse, commença le garde, elle s'est introduite dans le Royaume sans autorisation. Que devons-nous faire ?

Dans l'attente d'une réponse, l'air se fit plus épais, liquide. Helena avait conscience que son avenir dépendait de ce qui allait sortir de la bouche de cet individu. Et, malgré son angoisse constante pour son frère, pendant les secondes qui suivirent, elle prit conscience que sa vie était en danger et qu'il y avait de grandes chances pour qu'elle ne revoit jamais ni la lumière du soleil ni le visage de Jessy.

-Je vais la montrer au roi, c'est à lui de juger.

Et une nouvelle main s'empara de son bras droit. Helena avait l'impression d'être un objet balloté de main en main. Elle n'avait absolument aucune idée de ce qui l'attendait, mais elle savait qu'elle n'avait pas d'autre choix que celui de suivre son nouveau geôlier.

Subitement, il la poussa devant lui, si fort qu'elle manqua de trébucher. Son épaule s'écrasa contre une des parois de la grotte et la pierre tranchante déchira son blouson et, par la même occasion, sa chair. Elle ne put retenir un cri de douleur, ce qui fit sourire son premier garde. Elle lui avait échappé, ce n'était que justice qu'elle paye.

Ne s'en rendant pas compte, Helena se retourna et se retrouva nez-à-nez avec la silhouette. Avec la lumière du jour de plus en plus faible, elle ne put apercevoir que ses yeux. Gris. Comme l'acier. Aiguisé. Mortel.

-Marche.

Sa voix n'avait rien de particulier, mais elle marqua tout de même la jeune fille. De par sa froideur ou son ton impitoyable elle n'aurait su le dire. Elle comprit cependant l'ordre et commença à marcher lorsqu'il pointa la pointe d'un couteau dans son dos.

Finalement, il avait bel et bien des armes sur lui.

Helena se raidit mais ne dit rien, assez intelligente pour comprendre que le moindre son pourrait lui être fatal. Elle voulait hurler, se débattre, appeler son frère et repartir en courant. Mais elle ne fit rien de tout ça. Elle se contenta de marcher.

Cependant sans s'en rendre compte, elle se mit à fredonner une chanson que sa mère lui chantait quand, petite, elle disait avoir peur du placard.

Le bras qui la tenait toujours se mit à se faire plus insistant, la tirant et resserrant son emprise. Le geôlier se demandait vraiment comment elle trouvait encore la force de chanter dans la situation dans laquelle elle se trouvait. Il se contenta d'hausser les épaules et de tirer la frêle jeune fille contre lui.

Helena ne s'attendait vraiment pas à ce qu'il la colle à lui de la sorte, et elle fut si surprise qu'elle ne pensa même pas à se débattre.

-Ecoute-moi bien, chuchota la voix à son oreille, tu t'es infiltrée dans le Royaume sans permission alors tu vas paraître devant le roi. Je vais te donner deux conseils.

-Et lesquels?

Elle avait essayer de contrôler les tremblements et la force de sa voix, sans résultat, ce qui le fit sourire.

-Petit a, tu n'as aucune chance contre moi alors ne pense même pas à essayer de te battre à moins que tu ne veuilles ne présenter devant le roi avec quelques bleus, et petit b, tu n'as absolument aucun espoir de revoir ce jeune homme, alors tu pourras faire tout ce que tu voudras, hurler, pleurer et supplier, mais une fois devant le roi. Pas avant.

Une larme. Une unique larme roula le long de la joue de sa jeune captive. Ethan savait qu'elle ne pouvait pas voir son visage dans la pénombre, alors que lui la voyait parfaitement grâce à ses sens surdéveloppés. Il profita donc de son avantage pour la détailler tout à loisir.

Elle était belle. Avec ses longs cheveux bruns qui ondulaient magnifiquement bien, ses joues lisses, son nez droit, ses sourcils si fins, une petite bouche rose qui paraissait être celle d'une toute petite fille... Et ses yeux. Des yeux qui hésitaient entre le vert, le bleu, et le gris.

Rester loin d'elle, pensa-t-il, a tout prix.

Il fit encore une petite pression sur son bras, une vengeance purement sadique, il en était conscient, mais il s'en fichait. Voir qu'elle ne poussa aucun gémissement de protestation le mit encore plus en rogne, et sans plus se préoccuper de la jeune fille il avança dans un couloir qui, Helena l'aurait juré, ne se trouvait pas là quelques secondes plus tôt.

Son épaule la faisait atrocement souffrir et son bras ne bougeait plus mais elle ne dit rien et se contenta de suivre la silhouette dans l'obscurité.

Ils marchèrent pendant plusieurs minutes dans un silence pesant, mais aucun des deux ne fit rien pour le rompre. Au bout d'un moment, Ethan s'arrêta face à mur... comme les autres. C'était une paroi de pierre, comme toutes celles qui composaient le tunnel dans lequel ils se trouvaient.

-Je dois voir le roi! s'exclama-t-il d'une voix forte et puissante.

Au grand étonnement d'Helena, elle vit apparaître sur la roche une visage. Elle écarquilla les yeux de surprise, mais se retînt d'exprimer son étonnement à son geôlier, se souvenant de ses menaces.

-Vous avez une audience? demanda le visage d'une voix de vieil homme.

Helena s'attendait à tout, sauf à ça.

Le jeune homme qui lui tenait lieux de geôlier se tourna vers elle et sourit dans la pénombre avant de lancer:

-Je crois que ta mâchoire ne pourrait pas tomber plus bas! Qu'est-ce qu'il y a de si surprenant ?

Il avait dit tout ça sur un ton mi sec mi indifférent. Mais sa boutade amère n'eut pas du tout l'effet qu'il espérait: au lieu de s'écrier " c'est un mur qui parle!", elle se contenta de se reprendre dès ses premières paroles et de lui lancer un « rien » froid et plat.

Se retenant de lui faire mal à nouveau, il se tourna vers le mur :

-Non, je n'ai pas demandé d'audience, mais c'est pour un sujet capital, énonça le jeune homme en s'effaçant pour que le visage de pierre puisse détailler sa prisonnière.

Elle ne se démonta pas, mais n'alla pas non plus jusqu'à s'approcher pour que l'étrange visage la voie mieux.

-Hm, oui..., il se tourna brusquement vers Ethan et hurla, c'est une femme ! !

-Oui, et c'est pour cela que je dois voir le roi. Elle s'est infiltré avec un élu... Et c'est au roi de choisir de son sort.

La pierre n'hésita pas.

Soudain, le mur qui se trouvant en face des deux jeunes gens se sépara en deux, exactement au centre du visage de roche, le coupant en deux. Helena dut se couvrir les yeux tant la lumière qui sortait de l'autre côté était forte, et l'obscurité constante dans laquelle elle avait été plongée pendant plusieurs minutes n'arrangeait rien. Son guide la saisit de nouveau par le bras.

-Viens, il faut se dépêcher!

Il la traîna dans le trou de lumière et pendant plusieurs secondes, Helena eut l'impression de disparaître, comme si son corps partait puis revenait deux secondes après. Quand elle se rematérialisa, une forte sensation de vertige la saisit et elle dût s'appuyer sur l'épaule de son garde pour ne pas tomber.

Une fois que sa nausée eut disparue, elle se concentra sur ce qui l'entourait, et en resta muette d'admiration.

Elle se trouvait dans une espèce de pièce ronde, qui n'avait pas de mur, le toit était juste soutenu par des colonnes de marbre blanc qui donna l'impression à Helena de s'être matérialisé dans un temple grec.

Elle se trouvait sur une falaise, ce qui laissait une vue impressionnante sur le paysage extérieur: des montagnes couvertes des verdure et de neige éternelle et, plus près, des jardins remplis de cerisiers en fleur et de fleurs de jasmin. Une douce brise caressait les pétales et apportait des tourbillons d'odeur jusqu'à Helena.

Le geôlier était parti un peu plus loin pour parler avec un vieil homme qui, Helena le reconnut, était celui qui avait parlé dans la pierre.

Elle avait cesser de passer son entourage au peigne fin pour se concentrer sur le visage de celui qui la tenait depuis son entrée dans cet endroit.

Avec des cheveux courts bruns foncé, des traits fins, et des yeux d'un gris éclatant il donnait l'impression d'être né pour la noblesse mais élevé pour la guerre.

Une magnifique et énorme paire d'aile blanches avec des reflets d'un vert irisé ornait son dos. Bien plus grandes que son dos, elle formaient une longue cape le long de la peau pâle du jeune ange qui lui tournait le dos.

Au bout de quelques secondes il revînt vers elle et la tira de nouveau. Ils se retrouvèrent dans le jardin de jasmin, accompagnés du vieil homme qui semblait être un serviteur. Ils marchèrent pendant plusieurs minutes, suivant des sentiers de pavés qui traversaient tous les jardins. Sans qu'elle s'en rende compte, Helena se retrouva bientôt devant d'énormes grilles en fer forgé.

-Bienvenue à Praesidium.

Derrière les grilles dorées, le chemin pavé continuait, conduisant à l'entrée d'une citadelle aux dimensions inimaginables. Des maisons de toutes tailles et de toutes dimensions se faisaient face, certaines rouges, d'autres bleues ou encore noires. Les couleurs étaient partout, ne suivant aucun code particulier, formant un mélange hétéroclite absolument incroyable. La ville était une fusion fascinante de l'ancien et du moderne, du mort et du vivant, du danger et de la sécurité.

Des tours qui semblaient être un mélange surprenant de verre et d'une espèce de pierre noire s'élevaient régulièrement tout autour des frontières de l'immense cité. Des tours de gaie.

Le serviteur ouvrit le portail et laissa passer le jeune ange et sa prisonnière sans rien dire. Alors qu'Helena pensait qu'il allait les suivre, il se contenta de refermer le portail et de faire demi-tour.

Sans rien dire, le gardien mena la jeune fille à travers un dédale de rues qui ne semblait suivre aucune logique. La jeune fille avait l'impression de tourner en rond, ce qui était très probablement le cas, vu que la cité avait l'air d'avoir une vague forme circulaire.

Au bout d'un certain temps, le point de côté d'Helena lui indiqua clairement qu'ils étaient en train de monter, ce qui lui prouva que la ville se développait sur plusieurs niveaux. En observant les différentes maisons, elle se rendit rapidement compte que les classes favorisées vivaient plus vers le haut de la cité, alors que les autres, moins riches, restaient au pied des tours.

Son geôlier semblait vouloir l'emmener tout en haut, là où ce qui ressemblait à un Palais se tenait. Tout le bâtiment était fait de pierre et certains murs étaient complètement recouverts de lierre et de plantes grimpantes, ce qui donnait l'impression que le château se fondait dans le paysage. La ville dans son ensemble rappela à Helena un cours d'histoire qu'elle avait eu sur l'architecture gothique. A part les tours de gaie, tous les autres bâtiments avaient des toits plats et des ornements en forme de pointes. Des gargouilles apparaissaient même de temps en temps, mais Helena avait la désagréable impression que les statues de pierre bougeaient, la suivant de toit en toit. Et, le pire était qu'elle ne pensait pas être en train d'halluciner.

Ethan la tira de nouveau, plus violemment, alors que seuls quelques mètres les séparaient des immenses portes du Palais.

-Ecoute, bien qu'il y ai peu de chances pour que les Royaux te laisse partir d'ici vivante, il faut absolument que tu fasses profil bas dès que nous entrerons...

-Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a dedans ?

Faisant de son mieux pour ne pas lever les yeux au ciel alors qu'il parlait, le jeune ange répondit dans un soupir exaspéré :

-La Cour.

Ils se retrouvèrent dans un hall d'entrée immense, mais à peine Helena eut mis un pied à l'intérieur que son geôlier la tira de nouveau, sous toutes les exclamations et les regards des courtisans.

La jeune fille sentit le sang couler un peu plus fort sous sa veste mais se retint de faire toute remarque à propos de sa blessure.

-Pourquoi est-ce qu'ils font une révérence devant vous?

Les mots avaient traversés ses lèvres sans qu'elle les contrôlent vraiment, mais elle voulait vraiment savoir la réponse. Aussi fut-elle déçue lorsqu'elle dû se contenter d'un laconique:

-Parce qu'ils le doivent.

Elle voulait ouvrir de nouveau la bouche, mais la main sur son bras disparût, signe qu'elle devait s'arrêter de marcher. Pourtant, lui, il continua d'avancer dans la salle où il l'avait emmenée: une salle du trône ou une salle d'audience furent les deux premières options qui se présentèrent à l'esprit d'Helena. Les murs de pierres étaient recouvert de tapisseries plus belles les une que les autres, représentant des scènes de batailles entre plusieurs anges et autres créatures surnaturelles dont Helena n'avait jamais entendu parler.

Un long tapis blanc avec des reflets d'un gris métallique se déroulait devant ses pieds, jusqu'à trois sièges sublimement sculptés. Tous les trois de la même taille, elle ne savait pas qui des trois personnages assis avait le plus de pouvoir. Elle était curieuse de savoir ce que disait le jeune ange qui l'avait éloignée de Jessy, mais d'où elle se trouvait, elle n'entendait pas grand-chose.

Au bout de quelques secondes, Ethan se retourna et commença à revenir vers elle.

Il la saisit par le bras et l'approcha de lui, pour qu'elle seule entende ce qu'il avait à lui dire:

-Je te conseille de faire très attention à ce que tu vas dire !

Par habitude, Helena refusa de montrer sa peur face au jeune ange, et se contenta de lui répondre, contrôlant les tremblements de sa voix:

-Je veux voir mon frère et je n'ai pas l'intention de partir avant.

Même s'il aurait bien voulu lui dire qu'elle n'aurait probablement pas le choix Ethan se contenta d'u vague hochement de tête.

Il avait compris à sa peur qu'elle ne voulait absolument pas mourir même si elle refusait de le montrer. Et elle avait raison.

Sans plus rien dire, il la poussa devant lui, lui tenant toujours le bras, pour imposer sa supériorité. Ils parcoururent les mètres qui les séparaient des trônes en quelques secondes à peine. Il la lâcha, la gratifiant d'une nouvelle pousse dans le dos, à cause de laquelle elle faillit trébucher. Elle ne se gêna pas pour lui lancer un regard noir avant de se tourner vers ses interlocuteurs... Et de se retrouver de nouveau totalement figée.

Elle était face aux trois trônes d'argent. Sur chacun était assise une silhouette imposante, mais seule celle qui se trouvait devant elle l'intéressait pour le moment : la jeune fille était incapable de distinguer le corps de son interlocuteur, un nuage de lumière semblait flotter tout autour de lui. Prise d'un léger vertige Helena eut besoin de se concentrer pour distinguer les deux pupilles noires qui la dévisageaient avec intensité. Une lourde couronne en or pesait sur la tête de celui qui devait être le roi, et un grand manteau bleu, avec la typique écharpe de vair blanche et noire transforma cette intuition en certitude. La jeune fille n'aurait sut dire quel âge il avait. Trente, quarante ou cinquante ans, impossible de faire la différence malgré ses cheveux complètement blancs. Elle avait déjà vu cet homme quelque part, mais impossible de se rappeler où et quand en cet instant précis.

-Je ne sais pas ce que tu fais ici, ni pourquoi, mais je peux t'assurer que je n'aime pas ça! tonna-t-il d'une voix autoritaire.

-Comment êtes-vous entrée ici? demanda une voix à côté du souverain.

Elle se tourna instinctivement vers la source de la voix, et fût aussitôt subjuguée par la beauté de la femme qui lui faisait face: elle paraissait avoir à peine une trentaine d'années, de longs cheveux d'un brun chocolat lui tombaient en une cascade libre jusqu'à la taille et elle avait des yeux d'un bleu intense, couleur saphir. Elle portait une magnifique robe du même bleu que celui de ses yeux, toute de soie, serrée à la taille par une ceinture de pierreries.

-Je...Je...bégaya Helena, encore émerveillée par la femme qui se trouvait devant elle.

-Voyons Mère! C'est évident qu'elle s'est infiltrée avec un élu ! Personnellement, je pense qu'elle ne mérite rien de plus que la mort mais cette décision ne me reviens pas, n'est-ce pas Père? susurra une voix pleine de dédain aux côtés du roi.

Helena se tourna vers celui qui avait parlé, et fut directement attirée par ses yeux avant que par le cercle d'argent qui entourait son front. Ils étaient noirs. Comme des puits de pétrole sans fond, bouillonnants de vie, de colère, de ressentiment, ils l'attirait immanquablement, comme la lumière attirait les papillons: mortelle mais pourtant irrésistible.

Elle se reprit néanmoins très vite, et ne put s'empêcher, malgré les recommandations de son geôlier, de faire une remarque acide.

-C'était mon frère! Et qui êtes-vous pour juger de l'amour que je lui portais ?

Ethan baissa la tête, dépité. Elle était moins intelligente que ce qu'il pensait, finalement.

Le roi était, heureusement pour elle, de nature curieuse, et il n'allait pas la condamner à mort avant de savoir comment elle était entrée chez lui.

-Jeune fille! Je vous prierait de ne pas insulter mon fils!

-Père... commença le jeune homme.

-Arrête Gabriel! Je veux savoir comment elle est entrée. C'est une femme, elle n'est pas marquée. Alors, dit-il doucereusement en se tournant vers Helena, comment êtes-vous entrée ici?

Il avait parlé lentement, séparant les mots, donnant l'impression à la jeune humaine qu'elle faisait partie d'une race inférieure à la sienne. Ce qui était très certainement ce qu'il pensait.

-Je l'ai, dit-elle, sans donner plus de détails.

Le roi parût comprendre, car il blêmit soudainement.

La reine porta une main tremblante à sa bouche.

Le prince, lui, fit une grimace, en repensant à tous ses gestes lors de la dernière sélection qu'il avait effectuée. Non, il n'avait pas pris de femme.

-Montrez la moi ! s'écria le roi, soudainement pris d'une bouffée de panique.

Elle ne voulait pas vraiment se déshabiller devant toutes ces personnes mais l'expression qu'arborait le roi la dissuada de faire tout commentaire et d'exécuter les ordres. Helena se tourna... mais se retrouva nez à nez avec son garde, qui ne semblait pas décidé à la lâcher.

Elle lui aurait bien dit tout ce qu'elle pensait, mais n'osa pas. Fixant le jeune ange dans les yeux, elle commença à se déshabiller. En quelques instants, sa veste, son pull et son débardeur étaient tombés à terre. Elle débrocha sa brassière et resta de dos aux souverains, de manière à ce qu'ils voient sa cicatrice.

Elle fixait toujours l'ange.

Helena resta ainsi quelques secondes, puis, estimant que c'était assez, elle se rhabilla, sans plus se préoccuper du regard des quatre créatures sur son dos.

Une fois que ce fût fait, elle se redressa devant le roi.

-Je suis ici parce que j'en ai le droit. Et je suis entrée parce que je le pouvais.

-Comment as-tu eu ce tatouage? s'écria le prince, c'est moi qui choisi qui doit l'avoir, et je ne choisis pas de femmes !

Elle se tourna vers lui et le défia du regard quelques instants, ayant repris sa confiance en elle.

-Ce n'est pas un tatouage, mais une cicatrice. Et je ne sais pas comment elle est apparue, j'étais inconsciente lorsque c'est arrivé.

Gabriel allait répondre, mais une voix qui résonna dans toute la pièce le coupa dans son élan.

-Helena!

La jeune fille se retourna en un sursaut et se jeta dans les bras de celui qui venait de parler.

Elle aurait voulu hurler sa joie sur tous les toits, mais se retint à nouveau, consciente que son comportement était en train d'être soigneusement analysé.

Après leur étreinte, elle se tourna vers son garde et le regarda un instant, comme pour lui prouver que depuis le début, c'était elle qui avait eu raison, et qu'elle et son frère ne seraient plus séparés.

-Jessy! Qu'est-ce que tu fais ici?

-On m'a dit que le roi avait demandé à me voir, répondit le jeune homme en se tournant vers le souverain.

-Oui, dit simplement le roi.

-Que puis- je faire pour vous? demanda Jessy avec une diplomatie qui étonna sa sœur.

Le roi inclina la tête en signe d'approbation, acceptant le respect du jeune homme avec plaisir. Il aimait tout ce qui lui rappelait qu'il était celui qui détenait le pouvoir.

-Je souhaite juste te poser une question. Est-ce là la jeune fille avec qui tu es entré chez moi?

Question stupide! pensèrent les deux frères en même temps.

Heureusement, Jessy se contrôla parfaitement et répondit à la question sans se faire prier:

-Oui, c'est bien avec elle.

-Tu affirmes que vous êtes entrés ensemble?

-Je suis entré quelques secondes après elle, répondit Jessy, faisant subtilement allusion au fait que ce n'était pas lui qui l'avait fait entrer.

La reine perça à jour ce petit détour de conversation, et le salua d'un signe de tête envers l'adolescent.

-Donc tu la défend? insista le roi.

-Oui.

Helena prit la main de son petit frère, en signe de reconnaissance, ne pouvant faire plus. Elle remarqua alors qu'il passait sa nervosité sur la bague qu'elle lui avait donnée plus tôt. Ce que le prince et le roi remarquèrent aussi.

Gabriel se leva aussitôt et retira la main de la jeune fille de celle de l'adolescent pour mieux admirer le joyau. Son père ne tarda pas à se joindre à lui et ils restèrent ainsi pendant un moment. La reine penchée sur son trône, le roi et le prince examinant la bague de leur nouvelle recrue et Helena qui s'était emparé de l'autre main de Jessy.

-C'est une bague d'Ange Noir, lâcha finalement une voix dans leur dos.

Tous les regards se tournèrent vers lui, surpris. Ce fût le prince qui pris la parole en premier:

-Tu en es sûr, Ethan? demanda-t-il froidement au geôlier.

Ethan, nota la jeune fille, essayant de regrouper le plus d'information possible.

Pour seule réponse, l'ange leva sa main gauche, et sur l'annulaire de celle-ci trônait fièrement une bague identique à celle de Jessy, avec pour seule différence le fait que celle d'Ethan avait un anneau en or et non en argent et que sur la pierre était gracieusement gravé un symbole étrange, qu'aucun des deux frères n'eut le temps d'observer.

-Donc cet élu est un descendant, dit la reine à mi-voix.

-Ce quoi est un quoi ? ne purent s'empêcher de demander brillamment Helena et Jessy en même temps.

Car même si Jessy avait des informations sur les Anges Noirs, il n'avait rien dit en arrivant à Praesidium, complètement perdu.

La souveraine sourit face à la coïncidence, puis répondit:

-Les anges que mon fils prend le soin de choisir sont appelés des élus, et ceux qui arrivent avec des bagues comme celle-ci sont des descendants, car ils sont les descendants d'autres anges...

-Des Anges Noirs, répondit sombrement Jessy.

-C'est ça, dit de nouveau Ethan, mais être l'un des nôtres est un honneur!

Jessy ne lui accorda qu'un pauvre sourire, plus aussi convaincu que plus tôt avec.

-Tu dois aller avec tes frères, reprit solennellement le roi.

-Non! s'écria Helena en se jetant de plus belle dans l'étreinte si rassurante de son frère.

-Ne t'en fais pas, lui chuchota-t-il, la tête dans ses cheveux, pense que je ne serais jamais loin! Je te promets que je te retrouverais...

-Je reste!

-Non! Ce n'est pas pour toi ici...

-Pas plus que pour un gamin de 16 ans!

-Je ne suis plus un gamin Hel'... Pas depuis maman...

Elle hocha la tête, se contentant d'essayer de refouler ses larmes.

-Je m'en fiche, je reste!

Elle le sentit sourire.

-Je te promets qu'on se reverra, souffla-t-il.

Puis il la lâcha, et se tourna vers Ethan.

-Allons-y.

L'ange n'en demandait pas plus, et, sans un dernier regard pour sa captive, il se dirigea vers la sortie de la salle.

-Bien, s'exclama le roi, reprenons!

Helena se tourna vers le roi, et fit semblant d'écouter, tout en repensant à la promesse de Jessy "Je te promets qu'on se reverra".

Un faible sourire apparut sur son visage.

Son frère tenait toujours ses promesses.

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