Chapitre LVI- Coup bas

Hey! Je suis de retour! Comment allez-vous?

Je sais que, contrairement à ce que j'avais dit, je n'ai pas publié en janvier ou en février, mais c'est en grande partie à cause du stress des concours et de l'attention que j'ai dû leur accorder...

Au fait: J'AI EU SCIENCESPO PARIS!!!! (l'écrit du moins, ce qui veut dire que entre mon autre concours et l'oral de Paris, les publications ne vont pas être régulières cette année non plus)

En fait, ce chapitre est surtout une façon de me récompenser et de vous faire plaisir pour célébrer l'obtention de l'écrit de Paris!

Par contre, j'ai prit une décision: vu que cette année je n'aurai pas le temps de finir le livre et que l'année prochaine promet d'être tout aussi dense, je vais tout faire pour finir la rédaction des Royaux pendant l'été. Donc, comme l'été dernier, vous risquez d'avoir des updates réguliers et très nombreux entre juillet et août!

Bref, chapitre relu:

BONNE LECTURE!

***

Helena entra dans l'arène sous la clameur des Courtisans. Certains, comme la Comtesse Ailani, applaudissaient poliment et observaient chaque recoin du cercle de sable avec attention. D'autres, comme l'archiduc qui avait tenté de négocier avec Gabriel quelques jours plus tôt, s'époumonaient avec enthousiasme.

Tentant de toutes ses forces de ne pas trembler, la Corneille se dirigea vers le centre de l'arène où l'attendait déjà Killian. Le Corbeau avait eu droit à une toute nouvelle tenue de combat. Il portait à présent un pantalon noir qui avait de légers reflets métallisés, un haut à manches longues par-dessus lequel une armure de métal noir avait été placée. Le jeune ange avait également reçu une nouvelle coupe de cheveux : ils étaient à présent coupés en brosse, dégageant ses traits fins et déterminés. Killian possédait une paire de bottes en cuir noir qui montaient jusqu'à ses genoux et qui étaient manifestement flambantes neuves. Une lourde épée de métal noir et d'acier à double-tranchant pendait à son côté droit. Un bouclier rond et épais reposait à ses pieds, appuyé contre ses jambes, prêt à être saisi et utilisé.

Helena avait elle aussi reçu une épée et un bouclier. Sa lame était longue et fine avec une garde finement ciselée autour de laquelle la main de l'Elue s'enroulait parfaitement. Assez légère pour être maniable et possédant un double-tranchant mortel, l'arme en elle-même semblait parfaite.

Toujours en essayant de se calmer, la belle brune se mit à chercher les deux héritiers des yeux. Et son regard croisa immédiatement celui d'Ambre.

La loge Royale était, contrairement à toutes les autres, éclairée, de sorte à ce que les membres de la famille souveraine soient visibles de tous.

Ambre Ischys était naturellement belle mais à cet instant, Helena sentit clairement son souffle se couper. La reine portait une robe entièrement noire composée d'un bustier droit et d'une jupe faite de nombreuses couches de tissu de soie noire. Ses cheveux habituellement soigneusement attachés étaient aujourd'hui lâchés et ondulaient librement sur ses épaules. Ses yeux avaient été maquillés avec un fard à paupières noir garni de reflets violets que la Corneille pouvait apercevoir grâce à ses sens nouvellement surdéveloppés. Autour du cou, Ambre portait un collier monumental dont la taille n'avait d'égal que la beauté. Le pendentif était une fleur de lys en or, décorée de minuscules améthystes. Visiblement, les anges, comme les humains, considéraient que le lys était la fleur royale. Sur ses poignets et ses longs doigts fins se trouvaient de nombreux bijoux de cristal, nyx et jaspe. L'ensemble était complété par la lourde couronne d'or et de diamants qui avait été déposée sur le crâne de la reine. Une énorme améthyste avait été incrustée dans l'or, juste au-dessus du front.

Helena ne l'avait appris que très récemment, mais la couleur de la famille Ischys était le violet améthyste, car il s'agissait de la couleur de l'aura du créateur de la dynastie Royale. Ambre ne semblait visiblement pas apprécier l'ironie de la chose.

Son regard se porta ensuite sur Jules Ischys, qui trônait fièrement aux côtés de sa femme. Le roi était lui aussi élégamment habillé, arborant un costume d'aspect militaire et officiel d'un violet si foncé qu'il en paraissait noir. Ses cheveux blancs avaient été coiffés et plaqués en arrière avec application et de nombreuses bagues d'or et d'améthystes étaient visibles sur ses doigts. Sur sa tête se trouvait aussi une lourde couronne entièrement en or sur laquelle avaient été gravés les évènements les plus mémorables de l'histoire des Ischys.

Légèrement en retrait derrière ses parents se tenait Gabriel. Le prince portait un simple costume noir qui était cependant ceinturé et taillé à la perfection. Il ne portait pas de cravates et avait détaché les premiers boutons de son col, non pas par souci d'esthétique, mais bien parce que son anxiété était en train de l'étouffer littéralement. Le prince portait un diadème argenté, anneau précieux qui encerclait son crâne. Le bijou était orné à intervalles réguliers d'améthystes polies et ovales.

Juste à côté de Gabriel, il y avait Ethan. Le Combattant portait ses vêtements de cérémonie : un ensemble noir et argent, mélange à la fois surprenant et harmonieux de métal et de tissu. Ses épaulettes argentée ressemblaient à celles qui composaient les armures d'Helena et Killian tandis que son pantalon droit et sobre semblait sortir d'une boutique de luxe. Un cercle argenté semblable à celui de Gabriel enserrait son front, mais les pierres qui étaient apposées sur le métal n'étaient pas des améthystes : il s'agissait de rubis dont la couleur variait entre le violet et le rouge. De ce qu'Helena savait, le violine était la couleur des Belladone, la famille maternelle d'Ethan.

Helena n'avait jamais rencontré Katharine Belladone mais elle en avait assez entendu parler pour comprendre que la femme qui se tenait aux côtés du Combattant était la fameuse Dirigeante.

Katharine Belladone resplendissait. Ses cheveux étaient teints de plusieurs couleurs variant entre le rose foncé et le violet, créant un ensemble qui était identique aux pierres sur la couronne d'Ethan. De là où elle se tenait, la Corneille pouvait constater que le regard gris flamboyant de la Courtisane était identique à celui de son fils, même si les pupilles de la veuve étaient trop dilatées pour être naturelles. Sa robe était magnifique : le bustier était un merveilleux enchevêtrement de pierreries noires, rouges et violettes, le tout créant des motifs floraux le long du monumental bustier en losange de Katharine. Le jupon restait quant à lui très sobre : une longue jupe noire qui traînait par terre autour des chevilles de la Dirigeante.

Lorsqu'elle eut fini d'observer les Royaux, Helena tenta de se reconcentrer sur le présent. En face d'elle, Killian avait déjà la main sur son épée. La Corneille n'eut pas le temps de se demander si elle devait faire de même : la voix d'Ambre retentissait dans l'arène, probablement ensorcelée. Le silence se fit dans la seconde, tandis que tous les regards se portaient vers la souveraine.

-Chers Courtisans, nous sommes réunis ici aujourd'hui pour célébrer un évènement qui, à défaut d'être unique, est sans aucun doute hors du commun ! s'exclama-t-elle en écartant les bras.

Le discours d'Ambre ressemblait trop au genre de chose que l'on pourrait entendre à un mariage pour qu'Helena l'apprécie. Elle n'allait pas se marier, elle allait se battre. Et elle allait vaincre.

-Comme vous le savez sans doute, l'Epreuve est une série de trois tests que doivent passer des anges se trouvant dans des situations particulières. Le dernier ange à être passé par l'Epreuve n'était autre que Sysy Uirtus, dernière Ange Noire mais aujourd'hui plus connue sous le titre de Traîtresse au Royaume.

Helena absorbait toutes les informations sur sa mère qu'elle trouvait depuis qu'elle était arrivée à Skylar, mais une question ne cessait de tourner en rond dans son esprit. Qu'est-ce que Sysy avait bien pu faire pour se faire lyncher ainsi, même après sa mort ? Cependant, et malgré les nombreuses interrogations qui ne cessaient de la tarauder, Helena ne passa pas à côté du nom de sa mère : Uirtus. Soit « excellence » en latin. Le destin avait un certain sens de l'humour, il fallait bien le reconnaître.

Des murmures commencèrent à se faire entendre dans l'arène à la mention de ce nom visiblement devenu tabou, mais la reine les fit rapidement taire en reprenant la parole :

-Aujourd'hui, l'ange que nous testons dit s'appeler Helena Parsons, fille de Sysy Uirtus. Elle devra affronter Jessy Parsons, fils légitime de la dernière Ange Noire pour faire ses preuves en matière de magie.

Le regard bleu flamboyant d'Ambre se planta directement dans celui d'Helena. La Corneille ne bougea pas d'un pouce, trop heureuse que la reine n'ait pas vu son tressaillement. Comment osait-elle prétendre que seul Jessy était le fils de Sysy ?

-Ce jeune Corbeau de Première Année a hérité de l'excellence de sa mère dans tous les domaines sauf un : lui sait où sa loyauté doit aller.

Cette fois-ci, ce furent les rires qui fusèrent à travers l'arène. Helena sentait la colère bouillir dans ses veines. Plus le discours d'Ambre évoluait, plus elle se rendait compte que beaucoup (trop) de Courtisans se préoccupaient plus de l'opinion des Royaux que de sauver une vie, ce qui les pousseraient à suivre les ordres implicites des souverains : tuer l'intruse. Heureusement pour Helena, d'autres Courtisans cherchaient à rester dans les bonnes grâces des deux héritiers et voteraient donc en sa faveur. Finalement, ce mensonge comme quoi l'Ange de Destinée avait choisi pour compagne la soi-disant fille de Sysy Uirtus était une bonne idée...

-Pour ce qui est du combat, Helena va se battre contre Killian Sullivan, Corbeau de Deuxième Année et remarquable soldat sélectionné par mes soins.

Bien évidemment, Ambre se garda de préciser que si elle avait choisi ce Corbeau en particulier, ce n'était pas par hasard.

-Ceci n'est pas un combat à mort. Le premier des deux combattants à immobiliser l'autre pendant plus de dix secondes ou à le mener à l'inconscience gagne.

Les murmures s'intensifièrent : quel combat excitant ce serait si un des deux Corbeaux faisait perdre conscience à l'autre !

-Une fois qu'elle aura défié ces deux Corbeaux, elle devra effectué un vol afin de nous montrer ce dont elle est capable. C'est à ce moment-là que vous, Courtisans, pourrez voter. C'est à vous de décider si Helena Parsons est bel et bien la fille de Sysy Uirtus et si elle mérite de devenir la Première Corneille que notre Armée ai vu depuis de nombreuses années... Ou si elle doit retourner vivre parmi les humains, ce qui équivaudrait probablement à sa mort.

Il était évident à son ton qu'Ambre préférait la seconde option, mais Helena était bien déterminée à rester à Skylar.

-Si Helena sort perdante d'un des trois tests, elle est éliminée et le vote ne sera plus nécessaire : elle sera exilée de Skylar.

Leurs regards se rencontrèrent une dernière fois avant qu'un sourire mauvais ne se dessine sur les lèvres de la souveraine.

Elle claqua des mains une fois. Killian fonça vers Helena, épée au clair et pointée directement sur son cœur.

***

Il n'avait pas été ensorcelé par la reine, Helena en était convaincue. Elle s'y connaissait à présent assez en magie pour reconnaître un enchantement de compulsion, et il était clair que Killian n'en était pas victime. Ses yeux n'avaient pas changé de couleur, ses gestes n'étaient pas automatiques et le rictus féroce qui déformait ses traits était trop humain pour être de nature magique.

Néanmoins, le Corbeau attaquait avec rapidité et sauvagerie et Helena passait plus de temps à esquiver sa lame qu'à attaquer. Leur manège dura quelques minutes, jusqu'à ce qu'elle se rende compte que Killian était bien plus rapide qu'elle ne l'avait pensé et qu'elle ne tarderait pas à s'épuiser si elle se contentait d'esquiver. Elle devait attaquer à son tour pour déstabiliser son adversaire et avoir une chance de prendre le dessus.

Son bras tenant le bouclier affreusement endolori à cause de tous les coups qu'il recevait, Helena tenta d'asséner quelques coups mineurs à Killian afin de pouvoir reculer de plusieurs pas. Avec les attaques en traître d'Ethan, elle avait pris l'habitude de prendre du recul lors du combat afin de conserver un ensemble objectif.

Au bout de quelques secondes, la Corneille finit par trouver un certain schéma dans les mouvements de Killian : il l'attaquait, plantait son épée sur le bouclier puis, lorsqu'il retirait la lame, profitait de son élan pour effectuer un moulinet.

Helena tournoya sur elle-même, interceptant le coup du Corbeau avec sa propre arme au lieu d'utiliser son bouclier. Le bruit du métal crissant contre du métal la fit grincer des dents mais elle ne relâcha pas la pression qu'elle exerçait. Les yeux gris de son ami d'enfance se plantèrent soudain dans les siens.

Laisse-moi faire, semblaient-ils dire.

Il était à présent évident que Killian n'était absolument pas ensorcelé, mais Helena n'eut pas le temps de se poser plus de questions : il avait séparé leurs deux lames, la forçant à se baisser à la dernière seconde pour conserver sa tête. Les coups fatals n'étaient pas acceptés par le règlement de l'Epreuve, mais la Corneille n'était pas dupe : Ambre ne se plaindrait pas si Killian la tuait par « accident ».

Pirouettes et feintes s'enchaînaient à une vitesse folle, empêchant les spectateurs de prendre en compte tous les mouvements. Les cris des deux guerriers emplissaient l'arène à présent horriblement silencieuse.

Helena sentait son bras gauche s'engourdir au fil des coups reçus sur le bouclier mais sa main droite, elle, restait intacte. Au bout d'une dizaine de minutes elle n'avait toujours pas réussi à atteindre Killian.

Soudain, le Corbeau jeta son bouclier à terre et saisit son épée à deux mains, un nouveau rictus déformant ses traits habituellement si délicats. La jeune Elue, au départ déconcertée par ce changement, se reprit rapidement. L'occasion parfaite d'attaquer Killian venait de se présenter. Avantage : l'attaque serait plus facile sans bouclier ; inconvénient : elle devrait se débarrasser de son propre bouclier si elle voulait profiter d'une certaine liberté de mouvement.

Au départ hésitante, elle finit par se décider lorsque le soldat revint à la charge : elle n'avait pas le choix. Avec un grognement, Helena libéra son bras, laissant tomber l'épais cercle de métal sur le sable avec un bruit sourd. Les paroles d'Ethan lui revinrent en mémoire alors qu'elle s'élançait à toutes jambes vers Killian :

Le combat, c'est comme une danse. Plus tu restes dans le rythme plus tu as de chances de rester debout à la fin. Le combat à l'épée requiert un équilibre parfait. Tu es légère, rapide et agile. Ne saisis pas ton épée à deux mains en t'attendant à obtenir plus de stabilité. Il faut que tu restes véloce et imprévisible. Ne te bats pas, danse. Bouge, écoutes ton corps et fais en sorte de rester debout tout du long. Et sache que si la musique s'arrête, c'est que tu es morte.

Alors qu'elle repensait aux conseils de son mentor, Helena avait asséné un coup puissant du plat de sa lame sur l'épaule de Killian, lui faisant ainsi perdre l'équilibre pendant une fraction de seconde. Le Corbeau profitait déjà de son élan pour effectuer un nouveau moulinet.

Sauf que l'Elue avait anticipé son coup. En tournoyant sur elle-même pendant un quart de tour, elle avait réussi à placer son épée là où celle de Killian atterrirait quelques millisecondes avant qu'elle ne le fasse. Le métal tinta mais aucun des deux combattants ne cilla. Leurs yeux se rencontrèrent une nouvelle fois et Helena y revit le même message. Mais elle n'avait ni le temps, l'envie ou le besoin de comprendre et d'interpréter cet avertissement.

Avec un cri de frustration et de fatigue, elle fit glisser sa lame contre celle du soldat sur quelques centimètres, juste assez pour qu'il croit à sa feinte. Sauf qu'Helena ne voulait pas séparer leurs lames, bien au contraire.

Alors que Killian se préparait déjà à recevoir un nouveau coup, la Corneille s'empara de la garde de son épée avec sa main libre. Il tenta de se résister, mais l'élément de surprise et la légère impulsion déjà acquise grâce à la feinte d'Helena l'empêchèrent de faire grand-chose. Son épée lui échappa et son adversaire avait deux armes en main.

Elle laissa un sourire triomphant apparaître sur son visage plein de sable et de sueur. En un simple mouvement fluide et rapide, elle plaça la pointe de sa propre arme contre la gorge de Killian et positionna le tranchant de l'épée de ce dernier contre sa nuque.

Le stade explosa en applaudissements et cris de joie. Helena avait gagné.

Le souffle court et les poumons en feu, la jeune Elue se mit à compter les secondes.

Un, Killian paraissait perdu, ses yeux étaient incapables de trouver un point fixe.

Deux, visiblement, il avait une idée derrière la tête et la paralysie imposée par Helena représentait un obstacle.

Trois, soudain les regards respectifs des deux amis d'enfance se rencontrèrent.

Quatre, le message avait changé.

Cinq, à présent Killian semblait vouloir dire « je ne sais pas quoi faire ».

Six, Helena ne comprenait plus rien. N'était-ce pas ce qu'il voulait ? Qu'elle gagne ?

Sept, ce qu'elle ne savait pas, c'était que même si la reine n'avait pas ensorcelé le Corbeau, elle l'avait bel et bien menacé : il pouvait perdre le combat, mais pas sans avoir affaibli Helena au préalable.

Huit, or, la Corneille était encore en pleine forme et pas une seule égratignure ne venait déformer son beau visage.

Neuf, la solution était simple. Alors il s'exécuta.

Alors que le silence était retombé et que seules les respirations des deux adversaires semblaient le briser, alors qu'une simple et unique seconde séparait Helena de la victoire, Killian s'élança.

Sa main gauche, protégée par un épais gant de cuir, alla cueillir l'épée apposée sur sa nuque. La lame trancha l'air avec un léger sifflement tandis qu'il reculait et pointait le bout de l'arme sur le cou d'Helena. Il s'était coupé la nuque en récupérant son arme et le sang coulait entre ses omoplates, mais l'adrénaline qui parcourait son organisme l'empêchait de sentir la douleur cuisante.

L'ensemble des Courtisans poussa une exclamation de surprise face à ce retournement de situation. Du coin de l'œil, la Corneille remarqua le regard triomphant d'Ambre. Les mains de la reine agrippaient les accoudoirs de son siège de velours avec tant de force que ses ongles avaient déjà déchiré le tissu.

Son attention se reporta sur Killian lorsque son épée effleura la gorge de l'Elue. Une douleur subite arracha une grimace à cette dernière tandis qu'une goutte de sang coulait le long de son cou.

Dans les tribunes, Gabriel se leva brusquement, les yeux écarquillés. Les choses allaient beaucoup trop loin. Il avait peur.

-Qu'est-ce que tu fais, Killian ?! s'exclama Helena, de plus en plus désorientée.

-Je n'ai pas le choix, Hel'. Je dois me battre. Et tu ne vas pas aimer ça.

Et, avant que la jeune fille ne puisse répondre ou tenter de comprendre, il avait fait un nouveau moulinet. Sauf que cette fois-ci, la Corneille ne vit pas arriver le coup et que la lame de son opposant vint se planter tout droit dans son épaule gauche, enfoncée de un ou deux centimètres dans la chair, déchirant la maille de métal qui était censée la protéger.

Le cri déchirant que poussa Helena fit frissonner toute l'audience. D'excitation ou d'horreur, difficile à dire.

D'un coup sec, Killian retira sa lame, déchirant encore plus la chair, accentuant la douleur. Helena ne savait pas ce qui était pire : le déchirement du muscle lorsque l'épée l'avait frappée, ou sentir le tranchant la blesser une nouvelle fois lorsque le Corbeau la retira. Le sang coulait à flots et teintait déjà le sable. Le bras gauche de l'armure argentée était à présent couvert de vermeil, teintant l'acier d'une couleur de rouille.

Helena lança un regard à la fois haineux et pitoyable à Killian avant de décider que la rage était la meilleure option.

Dans un nouveau cri, elle s'élança vers lui et balança sa lame dans sa direction. Les deux épées entrèrent à nouveau en contact.

Les mouvements s'enchainèrent à nouveau. Saisissant brièvement son épée à deux mains et contrant la douleur de son mieux, Helena érafla l'abdomen de Killian, mais la blessure n'était que superficielle, contrairement à la sienne.

Le schéma utilisé par le Corbeau avait changé : il attaquait puis tournait sur lui-même pour profiter de son élan et ne pas se fatiguer trop vite.

A nouveau, la voix d'Ethan résonna dans l'esprit d'Helena :

Danse et reste debout.

Soudain, tout sembla aller plus lentement. Elle ferma les yeux et inspira lentement, ignorant pendant une fraction de seconde l'épée de Killian qui fonçait vers elle. Helena savait qu'elle perdait trop de sang, elle savait qu'elle ne tiendrait pas longtemps à ce rythme. Il fallait qu'elle en finisse, vite.

Elle rouvrit les yeux et leva les bras au moment parfait, retenant la lame de Killian, qu'elle dégagea d'un simple mouvement.

Ne tenant son arme plus qu'à une main, le Corneille écarta les bras et fit un moulinet parfait avec son bras armé puis avança de quelques pas. En un geste vif et brusque, la lame atterrit en plein dans la main de son adversaire, la perçant de part en part.

Ce fut au tour de Killian de hurler. Mais la victoire fut trop brève.

Ignorant le sang qui poissait sa main droite et la douleur qui remontait le long de ses nerfs, le Corbeau s'avança à son tour.

Seuls quelques centimètres séparaient à présent les deux combattants.

Helena, épuisée, endolorie et désespérée, attaqua à nouveau. Elle tenta un coup franc, ciblé sur le flanc gauche de Killian, dont le but était de le blesser et de l'immobiliser suffisamment longtemps pour obtenir la victoire.

Sauf que la jeune ange n'eut même pas le temps de lever son arme.

Elle entendit un cri, presque comme un sanglot bestial, puis aperçut un éclair d'argent foncer vers elle.

La douleur fut immédiate et se répandit dans tout son corps en quelques secondes. Helena en fut même incapable de déterminer quelle partie de son corps avait été touchée.

Un bourdonnement emplit ses oreilles, mais elle entendit tout de même les hurlements furieux de l'audience.

Ses muscles se relâchèrent, sa vision se troubla et elle sentit son corps heurter le sol avec force. La douleur s'intensifia lorsque sa tempe entra en contact avec le sable.

Elle remarqua qu'il n'était plus violet, mais noir. Gorgé de sang.

La dernière pensée d'Helena lui donna envie de pleurer, mais elle n'en avait même plus la force.

Elle avait perdu. Elle était morte.

***

A son réveil, Helena était dans un lit immaculé, une compresse froide sur le front et des points de suture à l'épaule.

Elle n'eut aucun mal à identifier son environnement : elle se trouvait à l'infirmerie, dans le même lit où elle avait été déposée vingt jours plus tôt. Les murs de pierres blanches réfléchissaient la lumière du soleil couchant.

Combien de temps avait-elle dormi ? Combien de temps serait-elle autorisée à rester dans ce lit avant qu'Ambre ne vienne la prendre par la peau du cou pour la jeter hors du Royaume ?

Son rythme cardiaque augmenta immédiatement à la pensée de sa défaite face à Killian. En revoyant les yeux gris de son ami d'enfance, Helena sentit une bouffée de colère l'emplir.

Comment avait-il osé ? Toute la semaine, il n'avait cessé de lui dire qu'il préférait mourir plutôt que de la blesser et pourtant... Il l'avait blessée et cette blessure lui coûterait peut-être la vie. Y avait-il encore une lueur d'espoir pour Helena ? Elle avait tout de même survécu deux ans parmi les humains sans pour autant ressentir les effets de la Marque. Peut-être son retour chez les Hommes ne signerait-il pas son arrêt de mort... ? Mais il fallait se rendre à l'évidence : ce serait tout comme. Maintenant qu'elle avait découvert la magie, le pouvoir, le vol et le combat... Elle ne pourrait plus s'en passer. C'était comme si, toute sa vie, Helena n'avait fait qu'attendre. Attendre le jour où ses pieds fouleraient le sol de Skylar. De plus, elle avait tout de même entreprit ce voyage en terre angélique pour retrouver son petit frère. Si elle se faisait exiler, et même si elle survivait, sa vie ne serait plus jamais la même...

Un mouvement à sa droite tira la Corneille de ses pensées cauchemardesques. Elle tenta de se redresser dans ses couvertures mais une atroce douleur à la tête la paralysa immédiatement.

-Ne te lève pas, dit Gabriel en venant s'assoir aux côtés de son Elue.

Leurs regards se trouvèrent immédiatement mais Helena repoussa la main offerte par son amant. Le toucher lui ferait trop de mal en sachant que ce serait la dernière fois.

-Combien de temps avant que je doive m'en aller ? murmura-t-elle au bord des larmes.

Les sourcils froncés face à l'éloignement soudain de la jeune brune, Gabriel mit quelques secondes à comprendre ce que ses paroles impliquaient.

-Tu ne pars pas, Helena. Tu as gagné.

Ce fut au tour de la jeune fille de froncer les sourcils. Quoi ?

-Comment ça ? J'ai perdu le combat contre Killian. Les règles sont claires : je suis exilée si je perd un des trois tests...

-Oui, les règles sont claires, dit le prince avec un léger sourire. Et les coup bas sont bannis. Pas de coups à la tête. Or, Killian t'a ouvert crâne avec la garde de son épée. Tu es tombée comme une masse mais c'est incontestable : tu es la gagnante du duel. En plus, en étant tout à fait honnête envers toi, triche ou pas, je pense que tu aurais fini par le vaincre. J'ai vu la façon dont tu tenais ton arme : tu allais le toucher, et tu allais gagner.

Helena laissa quelques secondes aux paroles de Gabriel pour qu'elles s'impriment dans son système nerveux. Killian avait triché. Elle gagnait et passait à l'étape suivante.

Un sourire lumineux se dessina sur ses traits. Sans prendre en compte la douleur, la jeune fille se redressa et colla sa bouche contre celle de l'héritier, qui ne se fit pas prier pour répondre au baiser fougueux de son Elue.

Un raclement de gorge les fit s'arrêter immédiatement. A quelques mètres du lit se tenait Ethan, son habituel sourire en coin plaqué sur les lèvres.

-Je sais que vous êtes censés être un couple pour les Courtisans mais je suis à peu près certain qu'aucun d'entre eux ne se trouve ici en ce moment...

Bien sûr, si le Combattant n'avait pas réussi à apercevoir la relation entre son cousin et son Elue au départ, il avait fini par les percer à jour et les voir s'embrasser n'était pas vraiment une surprise.

-Quand vais-je affronter Jessy ? demanda Helena, les joues empourprées par la gêne.

-Demain à l'aube. Ambre a fait tout ce qui était en son pouvoir pour te faire sortir de l'infirmerie le plus tôt possible. L'entaille sur ton bras est très profonde mais tes pouvoirs vont te faire guérir plus rapidement. Quant au coup que tu as reçu à la tête, il a déclenché une commotion cérébrale dont nous nous sommes déjà occupés. Tu vas avoir mal pendant quelques jours mais rien d'ingérable.

Helena hocha la tête. Demain à l'aube... serait-elle prête à affronter son frère ?

-Tu t'es remarquablement bien battu, dit Ethan en plantant son regard dans celui de la jeune ange. Ta technique était très bonne et tes mouvements étaient d'une fluidité parfaite. J'ose penser que mon enseignement a joué là-dedans...

-« Danse et restes debout tout du long », répliqua-t-elle en lui renvoyant son sourire. Tu m'as sauvé la vie, Ethan, je ne l'oublierai pas. Ais-je tord en pensant que tu es heureux de me voir en vie ?

-Non, tu n'as pas tord. Je t'aime bien, Parsons. Et la vie au Palais serait d'un ennui total sans toi et tes scandales.

Helena laissa un éclat de rire lui échapper. Son amitié avec le Combattant était chaotique et souvent bizarre mais elle l'appréciait vraiment. Finalement, son plan conçu pour obtenir la confiance des deux héritiers s'était retourné contre elle. Mais elle n'en avait pas grand-chose à faire.

Gabriel se leva et se plaça aux côtés de son cousin, s'accordant quelques secondes pour observer Helena. Elle était vêtue d'une nuisette de soie blanche et d'un peignoir de la même couleur, couverte d'un drap immaculé qui laissait deviner les formes délicates de son corps. Ses cheveux avaient été soigneusement tressés et son visage nettoyé du sang, du sable et de la sueur. Elle ne portait pas de maquillage et sa tempe était encore enflée et mauve, mais le prince la trouva belle.

Il ne se souvenait pas d'un seul jour où la jeune fille lui était apparue disgracieuse...

-Repose-toi. Nous nous reverrons demain, ordonna Ethan en se dirigeant vers la sortie de l'infirmerie.

L'Elue hocha la tête, se rendant compte que, en effet, elle était épuisée.

Elle posa la tête sur les oreillers qui l'encerclaient et ferma instantanément les yeux, se laissant porter par le sourire d'Ethan et les lèvres de Gabriel.

***

Jade marchait dans les couloirs silencieux du Palais, ses sandales à talons noires claquant sur le marbre précieux comme à leur habitude.

Les pans de sa longue robe noire tourbillonnant autour de ses cuisses, en cet instant, la suivante ressemblait plus à une Courtisane en furie qu'à une simple et docile servante.

Les paroles de sa mère, Courtisane à l'influence montante, ne cessaient de résonner dans son esprit :

Tu dois agir plus vite, Jade ! Tu m'avais pourtant dit qu'Helena Parsons mourrait dans cette arène ! Il ne s'est rien passé ! C'est le Corbeau qui a fait tout le travail et elle n'est pas morte ! Ton père est à Cunis Ignis pour le moment, mais la Révolution ne peut plus attendre bien longtemps ! Fais quelque chose et fais-le vite. C'est un ordre.

Elle avait pourtant fait tout ce qu'il fallait. Elle avait désenchanté l'armure d'Helena pour qu'elle ne la protège pas, elle avait envoyé une menace avec le sceau de la reine à Killian pour qu'il blesse intentionnellement l'Elue... Elle le savait, l'Epreuve était l'occasion parfaite pour porter préjudice à Helena sans se faire repérer.

Un accident est si vite arrivé.

Jade ne disposait plus que de quelques jours pour remplir sa mission. Elle avait vu comment Helena et Ethan s'étaient regardés à l'infirmerie lorsqu'elle les avaient espionné. Avec un peu de chance, en profitant de la mort de la Corneille, elle pourrait encore se rapprocher du Combattant et obtenir les informations dont elle avait besoin...

La jeune suivante pénétra dans le placard à balais où elle avait eu son premier rendez-vous avec Noémie dix jours plus tôt. L'Ange de Sang s'y trouvait déjà, également vêtue d'une robe noire. Son vêtement à elle était fait d'un tissu épais et droit, resserré à la taille et fendu le long de la cuisse gauche, révélant avec aisance l'intégralité de la jambe de la jeune ange. Des bijoux d'onyx et de diamants venaient compléter l'ensemble. Les deux suivantes avaient bouclé leurs longs cheveux mais Jade y avait en plus placé quelques pierres noires qui faisaient scintiller sa crinière acajou.

-Tu es en retard, nota Noémie lorsque son alliée s'assit en face d'elle sur un seau renversé.

-Je sais, désolée. Je suis restée à l'infirmerie pour tenter de glaner quelques informations en plus. Mais je n'ai rien trouvé...

-Il nous faut agir plus vite. Le temps presse ! J'ai reçu un message de la part de mon père : il veut que la Résistance soit mise en place d'ici le gala de Sélection. Il compte attaquer le Palais le lendemain à l'aube, lorsque tout le monde dormira.

-Quoi ! s'écria Jade, estomaquée. Mais c'est la semaine prochaine !

-Je sais. C'est pour ça qu'il faut agir plus vite. J'ai réfléchi. Tuer Helena reste une bonne idée, mais il nous faut quelque chose d'autre. Jessy ne m'est d'aucune utilité : il ne sait rien et passe ses journées à l'arène. Il faut que nous commencions à rallier des Courtisans à notre cause.

Un silence s'installa. Une semaine ! C'était un délai bien trop court mais Jade savait qu'Eric Caedis n'en avait pas grand-chose à faire. Elle l'avait rencontré des années plus tôt, alors que l'alliance entre sa famille et les Anges de Sang était encore en négociations. Lorsqu'elle repensait à cette visite, la servante se demandait comment elle n'avait pas remarqué les similitudes entre Noémie et son père plus tôt... Elle se souvenait de l'inflexibilité de cet ange, qui, aux yeux de Jade, avait toutes les qualités pour faire un leader digne de ce nom : déterminé, fort et à l'écoute. Mais un bon chef savait aussi quand il fallait ménager ses troupes et quand il fallait les rendre plus efficaces. Or, en cet instant, ses troupes, avaient pour seul effectif Noémie et Jade. Et elles manquaient d'efficacité.

-Très bien, reprit-elle en inspirant profondément. Une semaine... Nous devons nous organiser. Laisse tomber Jessy Parsons. S'il ne quitte pas l'arène alors il ne doit pas en savoir beaucoup. Quant à moi, je vais continuer à approfondir mon alliance avec le Combattant. Je suis sûre que je peux en tirer quelque chose de plus. Toi, tu vas aller voir les Courtisans à même de se joindre à nous. J'ai déjà dressé une liste des membres les plus prometteurs. Qu'en penses-tu ?

-Je peux faire ça. Mais dis-moi : qu'est-ce que tu sais déjà à propos d'Ethan Ischys ? Je suis sûre que ces semaines de collaboration ont bien dû t'apporter quelque chose, non ?

Jade hocha la tête en repensant aux paroles d'Ethan lorsqu'il lui avait avoué que la Course n'était qu'une belle mascarade.

Ce que je vais te dire est un secret qui a été gardé pendant près de quarante ans par deux personnes seulement.

Depuis le début, il lui avait fait confiance et depuis le début, elle n'avait cessé de rompre cette confiance. Les remords qui l'empêchaient de dormir la nuit étaient nouveaux pour elle et Jade ne savait pas comment faire face à ces soudains élans de sympathie. Elle savait qu'elle devait tout dire à Noémie qui était, après tout, sa Princesse, mais les mots refusaient presque de quitter sa bouche. Presque.

-Il m'a révélé que, contrairement à ce qu'ils ont fait croire à la Cour pendant près de quarante ans, les deux héritiers ne sont pas en conflit. Ils sont comme des frères. Ce sont leurs parents qui les forcent à se battre sans cesse. Ethan m'a avoué que c'est sa mère qui l'a forcé à entrer dans la Course car elle est convaincue que le pouvoir l'aidera à découvrir qui a tué son mari il y a trente six ans.

Noémie écarquilla les yeux. Elle était impressionnée par la quantité d'informations que Jade était parvenu à réunir. Mais le ton misérable utilisé par la belle brune laissait deviner qu'elle pensait à tout autre chose que son but en cet instant.

-Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu sais quelque chose à ce sujet ?

-Parce que c'est le cas, murmura Jade, espérant presque que l'héritière ne l'entende pas. Et toi aussi, tu en sais quelque chose.

-Dis-moi tout.

C'était la première fois que Noémie donnait un ordre à Jade, et celle-ci en fut surprise. Elle avait du mal à voir en Noémie une puissante héritière et encore moins une puissante héritière sanguinaire. Voir la timide jeune fille profiter de ses droits de naissance était pour le moins déconcertant.

-Je sais qui a tué Hugo Ischys. Sa mort faisait partie de notre alliance.

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-Je veux dire que le frère du roi avait découvert l'alliance entre les Anges de Sang et ma famille. Alors mon père l'a tué. C'est ma famille qui a ruiné la vie du Combattant.

***

Alors!!???

Que pensez-vous de ce début d'Epreuve? Et du secret de Jade?

J'ai hâte de voir tous vos comms et j'espère qu'ils seront longs!!

Pareil pour le média et vos théories capilotracktées: EXPRIMEZ-VOUS!

Autre nouvelle: vu que j'ai eu du temps pour penser aux Royaux (faute de pouvoir écrire), j'ai remis en perspective plusieurs points de l'histoire qui, s'ils me paraissaient importants au début, n'ont pas été correctement dévoloppés au cours des chapitres. Je tiens simplement à vous prévenir que, si vous recevez des notifs de mise à jour de chapitres précédents et publiés il y a longtemps, ne vous en faite pas. J'enverrai des messages à tous mes abonnés pour vous prévenir des changements éventuels afin que vous n'ayez pas à relire toute l'histoire pour 3 virgules. Si des gros changements ont lieu, je vous tiendrai au courant, ne vous en faite pas!

Bref, comme d'hab:

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Aller: on se voit au prochain chapitre!

The_Paula_B


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