26. Epilogue


1 an plus tard

Léna sauta du lit lorsque le soleil doux de septembre caressa sa joue. Elle attendait ce jour avec impatience. Et pourtant, elle le redoutait tout autant. Ils avaient rendez-vous à neuf heures à la mairie, son père devait les y rejoindre. Il avait pris un vol dans la nuit pour être là à temps, même si abandonner ses affaires new-yorkaises ne l'enchantait guère.

— Matt.

— Hmm...

— Lève-toi. On va être en retard. Et tu sais comment est mon père.

— Con ?

La jeune femme leva les yeux au ciel. Matthias et Sergueï ne s'étaient jamais entendus, mais la rivalité entre les deux hommes n'étaient que plus importante depuis la dernière opération de Léna. Son père ne semblait pas prendre la mesure de ce qu'elle avait subi et s'était permis quelques remarques cinglantes à l'égart de son beau-fils. Le ton était monté et il avait fallu que Léna s'interpose pour qu'ils n'en viennent pas aux mains.

— Allez... Dépêche-toi.

— On a rendez-vous dans une heure, calme-toi. Reviens au lit avec moi... minauda-t-il, un sourire au coin des lèvres.

— Je n'ai pas le temps pour tes bêtises. Il faut que je me prépare.

— T'as besoin de te détendre un peu. Et je connais un très bon moyen pour ça, ajouta-t-il, fier de lui.

Léna pouffa de rire quand il tira doucement sur sa main pour l'attirer vers lui. Ses lèvres au creux de son cou lui firent oublier l'horloge fixée au mur. Et elle s'abandonna quelques minutes délectables au plaisir charnel qui les unit.

— Cette fois-ci, on va vraiment être en retard, souffla-t-elle alors que Matthias embrassait son cou avec la tendresse qui le caractérisait.

— C'est pas grave... De toute façon, on y va juste pour signer un papier et c'est terminé.

— C'est d'un romantisme, ironisa-t-elle.

— Avoue que tu vas être contente de payer moins d'impôts grâce à mon salaire de misère.

Léna éclata de rire. Il fallait dire que c'était avant tout pour une question d'argent qu'ils avaient décidé de franchir ce cap, mais ça n'allait pas changer grand-chose à son taux d'imposition. Elle donna une petite tape sur la cuisse du brun et s'empressa de rejoindre la salle de bain, en lui rappelant qu'il ne lui restait que quinze minutes pour se préparer.

— Tu m'aides à faire mon nœud de cravate ? demanda-t-il, à la dernière seconde.

— Il va falloir m'expliquer pourquoi, vous les hommes, vous ne savez pas faire ça, alors que c'est vous qui les portez. Regarde sur internet, je n'ai jamais porté de cravate, moi. Sinon, tu demanderas à mon père.

— Plutôt crever. Il en profiterait pour m'étrangler.

Léna ricana et se dépêcha d'enfiler ses escarpins. L'employé de mairie ne les attendrait pas indéfiniment, ils n'allaient pas devoir trainer sur le chemin de leur avenir.

Quand ils arrivèrent enfin l'imposant porche en pierres de taille de la mairie du septième arrondissement de Paris, tout le monde les attendait. Leurs amis s'étaient joints à leurs parents, même s'il n'y aurait pas vraiment de cérémonie. Ils avaient tous décidé de fêter l'événement, même si, étant donné l'heure matinale, ce serait autour d'un café et de quelques croissants. Lorsque Sergueï aperçut sa fille, il lui adressa un discret signe de main. Andrea et Emilie félicitèrent Matthias pour cette nouvelle étape dans sa vie de couple. Anis, Ilyes et Ben riaient à quelques mètres et s'empressaient de terminer leur cigarette avant d'entrer dans le somptueux bâtiment. Seul Christophe, le père de Matthias et Emilie, n'était pas de la partie. Il n'avait même pas fait le déplacement. Il fallait dire que les deux hommes ne s'étaient plus jamais adressé la parole depuis la disparition de Calypso.

— Vous nous attendez là ? demanda Léna à ses proches.

— Ouaip. Dépêchez-vous, je meurs de faim, j'ai pas mangé ce matin, râla Ben.

— T'as qu'à manger les grains de riz que t'as planqué dans tes poches, railla Ilyes.

— Oh non ! On avait dit "pas de riz", râla Léna. Vous aviez promis de ne pas en faire tout un plat.

— Vous allez vous marier, tu crois quand même pas qu'on va rater cette occasion ? s'indigna Ben, une main plaquée sur son torse d'un air outré.

— On ne va pas se marier. Combien de fois, il va falloir te le répéter. Il a jamais été question de mariage, le contra Matthias.

Léna était contre l'idée d'union éternelle. Passer devant le maire ou le prêtre pour se jurer amour et fidélité était stupide, selon ses dires. Elle n'avait pas besoin de témoins et de cérémonie pour savoir qu'elle voulait passer le restant de ses jours avec Matthias. Ils en avaient souvent parlé, depuis qu'ils avaient décidé de signer ces papiers, ils ne se marieraient jamais. Tous deux n'en voyaient pas l'intérêt. Les deux amants s'éloignèrent de leurs amis, de leur famille, main dans la main, impatients d'en finir avec ces démarches administratives longues et fastidieuses. Cela faisait près de trois mois qu'ils avaient décidé de sauter le pas et qu'à chaque fois qu'ils se déplaçaient pour déposer leur demande au service État civil, il manquait toujours une pièce au dossier de PACS qu'ils avaient monté. Mais cette fois-ci, ils y étaient. Il ne leur restait plus qu'à officialiser leur situation.

Ils arrivèrent devant un homme bedonnant à la moustache si épaisse que sa bouche disparaissait qui les fit asseoir et leur demanda leurs pièces d'identité respectives. Il leur servit un court discours, leur rappelant les effets du contrat qu'ils avaient signé quelques jours plus tôt, passa la feuille dans une machine qui la tamponna et leur tendit un exemplaire, avant d'en ranger un autre dans un tiroir. Et c'était fini. Cinq minutes. C'était tout le temps que ça avait pris. Ils s'attendaient à plus, même s'ils savaient qu'il ne s'agissait pas d'une longue cérémonie de mariage devant la maire. Si bien que quand ils ressortirent, presque aussitôt après être entrés, leurs proches crurent qu'ils n'avaient pu officialiser leur PACS.

— Alors, c'est bon ? demanda Andrea, étonnée.

Matthias hocha la tête et passa un bras sur les épaules de sa copine, sous les applaudissements et les exclamations de joie de leurs amis.

— Et vive les mariés ! s'écria Ben.

— Ben ! râlèrent-ils ensemble. On n'est pas mariés.

— Roooo ça va, vous pouvez jouer le jeu, pour me faire plaisir.

Anis et Ilyes éclatèrent de rire, avant de lui mettre chacun une grande tape dans le dos. Depuis que Léna allait mieux, il flottait un vent de bonheur sur le groupe d'amis, le poids de la tristesse semblait s'être allégé. Même Caly n'était plus qu'un vague souvenir, du moins, elle ne les hantait plus.

Pourtant, quand la famille Desartes arriva devant l'immeuble où habitaient Andrea et son mari, leur joie s'évapora aussitôt. Face à la porte en verre opaque, se tenait une jeune femme à l'allure chétive, squelettique. Vêtue d'un pull bien trop grand pour elle et d'un jean qui collait à ses jambes maigrichonnes, elle pressait le pavé du code d'entrée d'une main tremblante. Elle leur sembla aussitôt familière. Peut-être était-elle une voisine qu'ils avaient souvent croisée dans l'ascenseur ou dans le hall. Mais il y avait quelque chose en plus. Quelque chose qui faisait battre le cœur de Matthias à tout rompre et grimacer de douleur Léna, lorsqu'il resserra sa prise sur sa main. Ce n'était pas qu'une impression. Il la connaissait, c'était une intuition, un instinct. La boule d'angoisse qui ne le quittait plus depuis des années, coincée au creux de son estomac, opprimant son cœur, se dissipa. Elle n'était plus. Parce qu'elle était là. Il avait retrouvé son âme, entière. Ses deux morceaux étaient enfin réunis. Le regard noisette qui se posa sur lui, qui accrocha le sien, de la même couleur, ne fit que lui confirmer.

Caly.

FIN

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