16. Irresistible

Hello,

Étant donné que j'ai été très longtemps absente sans donner la moindre nouvelle, je vais profiter du peu de temps que j'ai pour publier toute la fin de l'histoire. C'est pour cette raison que les chapitres seront bien plus long, car je n'ai pas le temps de les découper en plusieurs parties comme je le faisais avant. 

J'espère que vous allez bien et que l'histoire vous plait toujours, 

Bisous et poutous,

Elo 🥰 ❤


***

Durant les deux jours qui suivirent la soirée du Nouvel An, Matthias et Léna ne se donnèrent aucune nouvelle. Tous deux ruminaient de leur côté la façon dont elle s'était terminée. Ils mouraient d'envie de se revoir. Pourtant, aucun d'eux ne céda. Ces deux jours leur avaient ouvert les yeux. Ce baiser était une énorme erreur, une délicieuse erreur, qui ne devait plus jamais arriver. Ils se rassuraient tant bien que mal : s'ils ne s'embrassaient plus jamais, il n'y aurait plus aucune ébauche de sentiment, plus aucune peur à voir Léna partir ou à faire souffrir Matthias. L'affaire était réglée, la page tournée.

— Aïe ! rugit Léna, en se coupant le bout du doigt avec un dérouleur de scotch.

D'une humeur massacrante, elle s'était réfugiée dans la décoration de son appartement. Tous les meubles changèrent de place, certains furent même remplacés. Au moins, elle ne pensait plus à Matthias. Elle avait essayé de se plonger dans le travail, mais tout ne la ramenait toujours qu'au doctorant et aux longues discussions animées qu'ils pouvaient avoir.

Le jeune homme, de son côté, ressassait en boucle la soirée du nouvel an. La sensation de picotement sur ses lèvres s'estompait. Il oubliait la caresse des lèvres de Léna et la remplaçait par une profonde déprime. Il s'en voulait. Tout était de sa faute. Il n'aurait jamais dû baisser sa garde. Enfermé dans sa chambre, il restait muet face à toutes les questions de sa petite sœur, qui le harcelait pour savoir comment s'était terminée la nuit du premier janvier. Il tripotait nerveusement le cordon du sweat que Léna lui avait prêté. Un jour, il allait devoir la revoir. Serait-il capable d'agir normalement ?

— Bon, tu vas te décider à me dire ce qu'il s'est passé ? s'agaça Émilie, en se laissant tomber sur son matelas.

Elle le poussa un peu pour se faire une place contre le mur. Il grogna et enfouit sa tête dans l'oreiller. L'interrogatoire allait débuter et il n'était pas certain des réponses qu'il pourrait lui donner, sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas ignorer ses questions bien longtemps. Émilie savait se montrer persuasive. Alors, que répondre quand la question fatidique serait lancée ? Lui avouerait-il qu'il avait tout détruit parce qu'il était incapable d'envoyer valser ses peurs les plus profondes.

— Elle t'a mis un râteau ? insista-t-elle. Bon sang, j'étais persuadée qu'il y avait un truc entre vous.

— Nan, c'est pas ça.

— Bon, bah puisque tu veux pas me dire, je demanderai à Léna. Elle arrive dans cinq minutes. Si j'étais toi je me bougerais pour avoir l'air à peu près présentable. T'es vraiment moche, là.

Matthias lâcha l'oreiller derrière lequel il se cachait, la bouche grande ouverte. Elle n'avait tout de même pas osé faire ça ? Si ? C'était bien son genre. Elle allait gâcher tous les efforts qu'il faisait pour ne pas céder. Des heures à se persuader qu'il avait pris la bonne décision en quittant cet appartement Pourtant, un fourmillement inarrêtable remonta son ventre pour se loger dans son thorax. Il n'avait plus le choix. Alors, il sauta de son lit et partit à la recherche de vêtements propres dans son armoire. Tandis qu'il se débattait pour enfiler un jean, il s'arrêta net, en équilibre sur une jambe. Émilie éclata de rire.

— Elle vient pas, c'est ça ? soupira-t-il, quand il réalisa qu'elle se moquait de lui.

La brune rejeta la tête en arrière, plaqua une main sur sa bouche, d'un air innocent et bondit hors du lit à toute vitesse. Matthias voulut s'élancer à sa poursuite, mais trébucha sur son pantalon et s'écrasa sur le tapis. Il y resta allongé deux bonnes minutes avant qu'Émilie ne revienne à la charge. Dépité et vaincu, il boutonna son jean et rejoignit sa sœur sur son lit, non sans soupirer plus que de raison.

— Bon, alors, tu me racontes ? minauda Émilie.

— Tu vas te foutre de moi, râla-t-il.

— Promis, je ne dirais rien. Ça avait l'air de plutôt bien se passer entre vous. Comment ça a pu merder ?

— C'est de ma faute. J'ai paniqué. Je l'ai embrassée et... c'était bon, vraiment bon, mais j'ai paniqué. J'aurais jamais dû m'intéresser à elle. Elle est trop dangereuse pour moi... Mais j'arrête pas de penser à elle et j'ai qu'une envie, c'est retourner la voir et envoyer balader toutes mes peurs débiles.

— Et pourquoi tu ne les envoies pas balader, tes peurs débiles ? l'interrogea Émilie, d'une voix plus douce.

Elle s'appuya contre lui et fit tourner sa gourmette entre ses doigts. Matthias frissonna. Quelques jours plus tôt, c'était ceux de Léna qui effleuraient sa peau quand ils se lovaient l'un contre l'autre dans son canapé.

— Si je te le dis, tu promets de ne pas le répéter ? Léna me tuera si...

— Promis. Mais parle-moi, s'il te plait... Je t'ai jamais vu avoir autant le béguin pour une fille et...

— Elle est malade, couina-t-il. Un truc au cœur. Elle m'a expliqué ce que c'est, mais j'ai pas tout compris.

— Ilyes me l'a dit. Mais elle est guérie. Ce n'est pas pour ça qu'elle prend tous ces médicaments ? Parce qu'elle a été greffée ?

— Nan, elle l'est pas, gémit-il. Si on est parti l'autre fois, c'est pas parce qu'on voulait... C'était pas pour être seuls... Elle a fait un malaise. Et elle a eu vraiment du mal à s'en remettre. J'aurais jamais dû l'emmener dans cette boite, c'était sûr que ça finirait mal. C'est de ma faute, putain.

— Mais elle...

— Son frère est mort de cette maladie. Sa mère est en train d'en mourir aussi. Y a pas de traitement efficace. Elle va mourir, déglutit-il. Elle le montre pas, mais je suis sûr qu'elle est terrorisée par tout ça. Mais moi... Moi, je suis pas prêt à vivre ça, à la perdre. Elle me plait, vraiment, comme aucune meuf avant elle, mais elle m'abandonnera. Peut-être dans six mois, peut-être dans cinq ans, mais je souffrirai de la perdre.

— Oh Matty, je suis désolée, murmura Émilie.

— Ouais... moi aussi, souffla-t-il.

Émilie se tut quelques secondes. Les lèvres pincées, les sourcils froncés, elle tentait de trouver les bons mots.

— Matty, ça fait presque dix ans que tu es malheureux, que tu te retiens de vivre et d'aimer par peur d'être abandonné. Je comprends, avec ce qu'il s'est passé avec Caly, avec Agathe qui t'a trompé... C'est difficile pour toi. Mais Léna n'est pas comme Agathe et Caly n'a rien à voir dans tes relations amoureuses. Tu ne devrais pas laisser cette histoire t'empêcher d'être heureux.

— Mais même si je m'accordais un peu de répit, même si je tentais le coup avec Léna, ça n'enlève rien au fait qu'elle va mourir. C'est certain, elle m'abandonnera. Et il n'y aura aucun espoir de la retrouver.

— Personne n'est éternel. Toute relation est vouée à se terminer un jour. Même si elle n'était pas malade, même si vous viviez le grand amour jusqu'à être très très vieux, l'un de vous partirait avant l'autre aussi.

— Mais là, on est pas très très vieux, justement. J'aurai encore des années à vivre en me rappelant que j'ai perdu ma copine et que...

Émilie serra Matthias dans ses bras et embrassa sa joue. Après un long silence, elle reprit, avec plus de vigueur, pleine d'espoir :

— Je trouve ça triste de t'empêcher de vivre à cause des risques. C'est le risque qui rend la vie si palpitante. Toute ta vie, tu auras des regrets si tu ne vis pas cette histoire avec Léna. Peu importe combien de temps ça dure, durant le temps qui lui reste à vivre, vous vivrez peut-être une histoire d'amour de folie, ou peut-être que vous ne resterez qu'amis, mais tu ne peux pas le savoir si tu restes enfermé dans ta chambre. Tu comprends ?

Le silence retomba. Émilie se dandinait, gênée par le mutisme de son frère, mais il ne bougea pas. Le regard perdu dans la nuit, il pesait le pour et le contre. Léna avait tous les "pour" de son côté. Mais l'épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête les tranchait tous, un par un. Un dilemme sans réponse lui tiraillait le cœur. Se retrouver face à elle lui apporterait peut-être la solution. De toute façon, il devrait bien sortir de sa cachette un jour. Ben, Anis et Ilyes ne tarderaient pas à rentrer à Paris, ils voudraient fêter leur retour et Léna serait de la partie. Mieux valait qu'il la voie d'abord seul.

— Si elle... si elle meurt, tu seras toujours là, toi, hein ?

— Je ne compte aller nulle part. Je t'aime trop pour partir, mon vieux. Et puis qui te donnerait des leçons de vie si je n'étais plus là, franchement ? C'est pas sur les gars qu'il faut compter pour te raisonner. En deux mois, Léna a fait mieux qu'eux en sept ans.

— Je vais y aller...

Émilie sourit, ravie d'avoir réussi à le convaincre. Mais alors qu'il sortait déjà de sa chambre, elle le retint par le bras et le poussa dans la salle de bain.

— Je te jure, brosse-toi les dents et prends une douche, tu sens le chacal. Léna va claquer si tu l'embrasses avec cette haleine de cendrier. Puis sérieux, faut que t'arrête de cloper dans ta chambre, ça pue la mort. Je dis ça pour toi, hein. Maintenant que t'as une meuf à épater...

— Toi, je vais te tuer un jour, de mes propres mains, râla-t-il, avant de lui sourire, reconnaissant.

Prenant son courage à deux mains, Matthias sortit enfin de chez lui. Il n'avait aucune idée de ce qu'il dirait, de ce qu'il ferait, mais il lui restait encore vingt minutes de marche pour y penser. Il traversa à toute vitesse le Champ de Mars, couvert de bancs de brouillards. L'air saturé d'humidité le fit tousser lorsqu'il se mit à courir, mais il ne ralentit pas sa course pour autant. Les rues étaient désertes, les touristes avaient abandonné le quartier et s'agglutinaient dans les restaurants et les brasseries, à l'abri de la pluie fine qui détrempait la capitale depuis deux jours. À croire que la météo s'était accordée à son humeur massacrante.

Le cœur battant et sans avoir aucune idée de la suite des événements, il arriva enfin devant le bel immeuble haussmannien. La façade avait été refaite neuf mois plus tôt, d'après Léna ; c'était pour cette raison qu'il se détachait tant des autres, plus ternes. Il se dressait là, devant lui, pâle dans la nuit. On ne voyait que lui, comme un phare en plein océan. Il jeta un œil aux fenêtres du deuxième étage. Une faible lueur traversait les rideaux transparents, quelques ombres déambulaient dans le grand salon. Elle n'était pas seule. Une silhouette se dessina sur le balcon, une cigarette entre les lèvres. Un homme, aux épaules larges. Ben.

Matthias se renfrogna. Il arrivait trop tard. Ben avait retrouvé sa place auprès d'elle. Et si tout ce qui était arrivé durant ces deux semaines de vacances disparaissait avec son retour ? Alors, déçu, il fit demi-tour et traîna les pieds vers la Tour Eiffel. Il arriva devant la dame de fer, qui scintillait à toute vitesse. Les reflets de ses ampoules incandescentes dans les flaques d'eau lui donnèrent l'impression d'être entouré d'un champ de lucioles. Caly aurait adoré voir ça, il en était sûr. Mais elle n'était pas là. Et tout à coup, il se demanda s'il allait se faire ce genre de réflexion au sujet de Léna un jour, quand il regarderait un vieux film des années cinquante et que la petite blonde ne serait plus là pour rire avec lui. S'il n'en profitait pas, comme il n'avait pas profité de Caly, il serait bientôt trop tard. Son regard dévia vers la rue Saint-Dominique. Il était à deux pas de l'appartement de Léna. Il n'était pas trop tard pour rebrousser chemin.

Léna n'était pas en reste. Le regard perdu, la jeune femme, serrait un coussin sur sa poitrine et observait Ben d'un air triste. À peine rentré de Toulon, le grand brun était venu la voir. Elle lui avait tant manqué. Et il avait besoin de la retrouver, de lui exposer les doutes que ces fêtes en famille avaient fait naître en lui. Il venait d'arriver quand il crut apercevoir Matthias dans la rue. Les sourcils froncés, il l'avait fixé durant quelques secondes, puis le passant était parti. Peut-être n'était-ce pas lui, finalement.

— Tu vas finir par la trouver, la femme de ta vie, lui dit Léna, après un long silence. Tu es un homme bon, Ben. Tu la trouveras.

— Hmm. Et si je l'avais trouvé, mais qu'elle voulait juste qu'on reste amis ? demanda-t-il, d'un air innocent.

Il jeta son mégot dans le vide et se retourna vers elle. Il savait déjà ce qu'elle lui répondrait. Mais il en était certain, c'était Matthias qu'il avait vu dehors et après la semaine qu'ils avaient passé ensemble à Paris, il redoutait que le charme de Léna n'ait aussi opéré sur le doctorant.

— Ben, soupira-t-elle. Tu ne vas pas recommencer, tout de même.

— Il s'est passé quoi avec Matt, pendant que j'étais pas là ?

Léna grimaça. Elle se doutait bien qu'il finirait par le lui demander. Que pouvait-elle répondre ? Elle n'avait pas envie de lui mentir, mais Matthias ne semblait pas vouloir reparler de ce malheureux incident. Ce baiser qu'elle regrettait. Son silence suffit à Ben. Il n'aurait jamais dû partir, il le savait. Avant son départ, il avait bien remarqué la tension qui régnait entre ses deux amis, les regards aussi. Et désormais, c'était Matthias que Léna avait dans la tête et lui se retrouvait encore et toujours seul. Il commençait à désespérer. Non pas qu'il n'aimait pas prendre du bon temps avec les quelques femmes qu'il rencontrait çà et là, mais il sentait de plus en plus naître une envie sourde en lui : celle de fonder une famille. Et ça ne serait pas avec une de ses conquêtes qu'il pourrait l'envisager. Pas avec Léna non plus, ceci dit.

— Pourquoi Matt ? l'interrogea-t-il. J'veux dire, t'as vu comme il s'est comporté avec toi ?

— Il s'est excusé, bredouilla-t-elle, déçue par la réaction du grand brun. Ben, s'il te plait... Ne rends pas les choses plus compliquées qu'elles ne le sont déjà. J'ai été claire avec toi dès le début, tu ne peux pas me reprocher de...

— De quoi ? De vouloir te faire mon meilleur pote et pas...

— Ben ! s'exclama Léna, outrée.

— C'est bon, pardon... Mais Matt, quoi ! ajouta-t-il. Tu sais autant que moi que... Ça va pas marcher.

— Tu n'en sais rien. Et de toute façon, nous ne nous sommes pas vus depuis quelques jours. Je ne sais même pas ce que voulait dire ce baiser.

Ben soupira. Lui, il savait. Quand Matthias succombait au charme d'une femme, il paniquait, c'était pour cette raison qu'il n'avait donné aucune nouvelle. Et quand il avait peur, cela signifiait que cette relation comptait pour lui, qu'il avait peur de la perdre et d'être à nouveau abandonné. Avec Léna, l'issue était connue. Il ne comprenait pas pourquoi Matthias ne la fuyait pas. 


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