Hinata avait dix ans la première fois qu'elle vit deux femmes s'embrasser. Son souffle s'était coupé sous l'effet de la surprise, sous la réalisation de l'acte presque interdit. Pourtant, une part d'elle avait apprécié le spectacle. Son esprit s'était, d'ailleurs, amusé à lui rappeler, l'image des deux corps pantelants sous le clair de lune ayant hanté ses nuits.

Pendant des mois, elle ne put regarder son père dans les yeux, craignant qu'il ne voit le péché briller derrière ses yeux lavandes.

Toutefois, ce lui prit des années à réaliser que peut-être elle aurait aimé être une des deux femmes. Ce lui prit la vision de Sakura coupant ses cheveux pour échapper à la grippe d'une kunoichi. Ce lui prit un contact visuel avec des yeux verts.

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Sakura savait qu'elle n'était pas comme Ino. Comment pouvait-elle l'ignorer ? Ino rêvait d'embrasser Sasuke. Sakura rêvait d'embrasser Ino. Néanmoins, elle était une fillette brillante, peut-être trop, et elle savait ce qu'on faisait aux gens comme elle. La nuit, elle lisait ses romances homosexuelles à la lueur d'une bougie, imaginant un monde où elle ne devait pas acheter ses romans en cachette. Alors quand Ino lui présenta une occasion d'être perçue comme normale, elle s'en empara.

Quand Naruto embrassa Sasuke par accident, Sakura se figea. La peur l'envahit, l'étouffant presque. Ses mains se mirent à trembler incontrôlablement. Les gens prirent ces tremblements pour de la colère. Sakura remercia son ange gardien, car ses camarades ne pouvaient pas savoir qu'elle était bleue de peur à l'idée que les deux garçons se fassent massacrer. Peut-être parce qu'elle était trop curieuse, elle savait ce que les nuits cachaient dans leur ombre. Ses camarades ne le savaient pas, à part peut-être une autre malheureuse tombée sous le joug du charme féminin.

Sakura ne réussit pas à cacher son dégoût face à la confession de Lee. Dès que les mots lui échappèrent, elle les regretta parce qu'une fille normale n'aurait jamais laissé autant de venin contaminer sa phrase.

-Elle aime déjà Sasuke-teme, gros sourcil, s'exclama Naruto au travers du hall.

Les yeux de la fille se fermèrent sur des larmes retenues. Elle ne pourrait jamais repayer Ino pour la chance qu'elle lui avait donnée. Même si leur amitié avait explosé en morceaux et que Sakura avait cru que son coeur arrêterait de battre, elle était reconnaissante à la blonde. Ino lui permettait de vivre sans que quelqu'un ne borde son sang sur ses mains.

Les yeux verts croisèrent des prunelles lavandes. Cette fois, le cœur de Sakura s'arrêta réellement de battre, manquant une pulsation. Elle voyait le reflet de ses propres orbes torturés. Elle voulait se plonger plus longuement dans ces yeux qui ressemblaient tant aux siens, mais les grognements de ses coéquipiers la ramenèrent sur Terre. Sakura ne vivait pas dans un de ses romans, c'était Konoha où l'homosexualité était punie par la population. Toutefois, pendant un infime lapse de temps, elle se permit de rêver avant de s'enfuir avec Naruto et Sasuke loin de ces prunelles semblables.

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Hinata vit la façon dont la poitrine de Sakura cessa son mouvement pendant deux secondes. Un bouillonnement emplit son ventre alors que le regard de la ninja ne quittait pas le sien. Elle fut sûre qu'une rougeur couvrit ses joues, mais la kunoichi ne le vit pas, s'étant déjà retournée pour partir. Hinata observa les mèches inégales de la fille s'éloigner. Le désir de passer sa main dans la chevelure tandis que la lune brillait sur le visage délicat de Sakura effaça toutes pensées cohérentes. Quand la capacité de réfléchir lui revint, les larmes s'accumulèrent dans ses orbites.

Hinata observa Sakura remonter lentement les marches après sa victoire contre Ino. Le silence planait à la suite au match. La kunoichi passa devant l'Hyuga pour rejoindre son équipe. Un arôme épicé parvint aux narines de la princesse. Le bouillonnement reprit dans son ventre. Un lourd bruit retentit et pendant un instant, Hinata crut que l'explosion de chaleur dans ses intestins en était la cause. Elle le crut jusqu'à ce que son regard tomba sur un livre s'étant échappé de la poche de Sakura. Les senseis de Konoha rirent, car qu'attendre de mieux de l'élève de Kakashi. Hinata ne rit pas. Elle ne pouvait pas quand la couverture du livre était deux femmes s'embrassant.

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Sakura se retourna, appréhensive. Elle savait qu'il aurait été utopique d'espérer qu'Hinata n'ait pas vu la couverture. La ninja s'attendait à ce qu'Hinata arbore une expression pincée. Tous l'auraient fait. Toutefois, des joues rougies et des yeux fuyants accueillirent ses prunelles effrayées. Sakura se rappelait de l'expression de l'héritière dans la forêt, mais son esprit logique avait exclu la possibilité que la fille soit comme elle. Pourtant, dans la façon dont la paume tremblante couvrait l'image, Sakura était presque sûre qu'Hinata avait succombé à ce péché qu'était l'homosexualité.

-Tu peux le garder, murmura l'Haruno.

La violette secoua rigoureusement la tête.

-Paie-moi une visite quand tu l'auras fini, chuchota presque conspiracieusement Sakura.

Lavande et vert se rencontrèrent. Hinata finit par abdiquer doucement. Leur interaction sembla durer une éternité, elle dura à peine quelques secondes. Leur anormalité semblait être une malédiction. Pourtant, alors que leur regard échangeait ce qu'elles ne pourraient jamais dire à voix haute, ce sembla, pendant une milliseconde, une formidable différence.

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Hinata laissa son index parcourir le papier. Son esprit absorbait chaque mot avec délectation. La flamme oscillante d'une petite bougie éclairait avec difficulté l'encre. Les pages voyageaient entre ses doigts. Elle dévorait chaque phrase avec l'avidité d'un homme déshydraté. L'adolescente lisait ce livre comme si sa vie en dépendait. L'ouvrage interdit pesait lourd entre ses mains. Son âme était déjà rongée par la honte, qu'était-ce d'y ajouter la fantaisie de ce monde contenu entre ces pages.

Cette nuit-là, après avoir rempli son esprit d'espoir futile, elle rêva de mèches roses inégales entre ses doigts.

Le soir suivant, ses doigts fins plièrent du papier. Ses phalanges se colorèrent, tachées de violet. Son souffle assécha les sillons. Sa paume aplatit le livre sur l'origami.

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Les doigts s'enroulèrent délicatement autour du poignet d'Hinata. Sakura les entraîna dans sa chambre. Elle pouvait sentir le sang de la fille pulser sous sa paume. Une chaleur s'étendit à ses joues tandis qu'elle referma la porte derrière elle.

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Hinata suivit tant bien que mal l'autre fille. Son ventre bouillonnait. Sa peau la piquait là où Sakura la touchait. Elle aurait voulu que Sakura ne lâche jamais sa main. Dès que cette pensée lui traversa l'esprit, elle sut qu'il n'y avait plus de retour possible.

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Hinata était partie depuis plusieurs heures avec un nouveau roman, lorsque Sakura ouvrit le livre que la fille lui avait rendu. Une fleur en papier tourbillonna vers le sol. Une violette. Des perles d'eau teintèrent l'origami aplati.

«La violette rassure qu'un secret est bien gardé.»

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La prochaine fois qu'Hinata rapporta un livre, Sakura lui offrit une pivoine. Le visage de l'héritière vira au rose tandis que ses yeux s'adoucirent. Elle s'enfuit par la fenêtre, un bouquin et une fleur en papier à la main.

«La pivoine exprime un désir de protection et de fidélité.»

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La lune observa Hinata transformer une simple feuille en magnifique origami. Des vers d'une poétesse qu'elle avait étudiés à l'Académie couvraient le papier. Son cœur battait fortement pour la première fois depuis qu'elle avait vu ces deux femmes. Elle se fichait qu'elles risquaient de couvrir une ruelle de leur sang à chaque nouvelle fleur échangée. Hinata donnerait tout pour voir le visage de Sakura s'illuminer parce qu'à la fin de la journée, c'était la seule qu'elle ne regrettait pas dans sa vie.

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Un matin, Sakura arriva à l'entraînement de l'équipe 7 avec une magnolia insérée dans sa queue de cheval. Des promesses sous forme de poèmes couvraient le papier. La fleur résumait tous ces vers. Ses coéquipiers ne connaissaient pas la force des promesses contenues dans ce simple bout de parchemin. Elle en profita. Elle profita de leur innocence pour afficher un amour interdit.

«Force de la nature, le magnolia assure respect et fidélité dans la durée.»

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Kakashi observait son étudiante fabriquer une fleur. Il savait à la fleur dans ses cheveux et son sourire que son cœur battait pour quelqu'un d'autre, que seulement elle-même. Le jonin ressentit une mélancolie en regardant les doigts plier et plier encore. Il savait ce qu'elle cachait dans le fond de son âme. Il l'avait vue les yeux rêveurs à la lueur d'une bougie et il ferait tout pour que ces prunelles continuent de voir le monde plutôt que de voir la faucheuse.

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Hinata était assise sur le lit de Sakura quand cette dernière lui offrit un gardénia. L'héritière tourna cramoisi. Le sang pulsait dans ses veines douloureusement et le bouillonnement de son ventre s'était tellement intensifié, qu'elle croyait que de la fumée s'échappait de ses oreilles. Une main saisit son menton et la chaleur augmenta encore. Lorsque des lèvres se posèrent sur les siennes, toute la pression accumulée se libéra en la faisant voir des étoiles. Toutes ces nuits à repasser en boucle les deux femmes. Maintenant, elles étaient celles dans la noirceur de la nuit à s'échanger des baisers proscrits.

«Le gardénia sublime la beauté féminine.»

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La prochaine fois qu'Hinata rejoignit Sakura dans sa chambre pour lui remettre un livre, elle lui transmit un lys et un bleuet. Des lèvres traversèrent sa mâchoire. Elles vivaient dans une bulle où seulement le contact de l'autre importait. Les mains de la princesse se faufilaient entre les mèches roses, cherchant une solution à leur problème dont elles n'étaient pas sûres de vouloir. Tant qu'elles avaient la chaleur de l'autre, elles se pardonnaient de s'adonner à leurs plaisirs coupables.

«Associé à la poésie et la délicatesse, le bleuet illustre la timidité.»

«Le lys exprime la pureté et la grandeur des sentiments.»

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Pendant quelques mois, le couple oublia qu'il vivait dans Konoha. Pendant quelques mois, elles se perdirent dans leur fantaisie. La réalité leur revint vite dans le visage.

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Le sang collait à la tignasse de Sakura. Respirer lui était douloureux. Ses yeux parvenaient à peine à saisir la furie que son père était devenu après avoir découvert la collection de livres de sa fille. Elle inspira en sifflant. Le bruit attira son attention. La ninja sentit les mains de son géniteur empoigner sa tête avant de la fracasser au sol. La douleur l'aveugla. Elle savait qu'elle allait mourir. Sakura était brillante, peut-être un peu trop pour son bien.

Ses mains s'activèrent dans un dernier geste de reconnaissance, de remerciement, d'amour.

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Kakashi se réveilla en sursaut. Il pouvait sentir le sang imbiber l'air.

L'odeur devint insupportable quand il arriva pour voir son étudiante dans sa flaque de sang. Les yeux de 12 ans étaient révulsés et Kakashi eut une forte envie de vomir, encore plus lorsqu'il aperçut une anémone formée de cheveux roses flotter sur la rivière carmin.

«L'anémone soigne les douleurs et les chagrins.»

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Hinata embrassa une dernière fois cette main. Les couvertures blanches couvraient le corps maigre de Sakura. Le familier bruit du ventilateur s'arrêterait dans quelques minutes. Ça faisait deux ans qu'il battait à la place du cœur de l'Haruno. C'était le temps de la laisser partir. Elle le savait. Elle n'avait juste pas pu s'y résoudre. Le désespoir l'engouffrait. Elle se levait le matin seulement pour venir la voir. Elle ne s'habillait que dans l'espoir que des yeux verts détaillent sa silhouette. Elle était perdue depuis cet événement. Elle était une boussole sans son nord.

Le bruit strident du moniteur cardiaque retentit dans la chambre vide. Au milieu, une enfant couverte de fleurs blanches, roses et bleues en papier.

«Symbole du souvenir, le myosotis est la fleur de l'absence et de la séparation.»

***Je corrige demain sans faute ! (Le jeu de mot, mdr). Bref, merci d'avoir lu et j'espère que vous aurez apprécié.***

Source: https://www.interflora.fr/langage-des-fleurs-le-guide