Chapitre 1 - Ô jour frabieux
nda : Bonjour à tous, je poste enfin le chapitre premier de ma fiction. J'espère que ça va vous plaire.
PS : Les éventuelles corrections sont les bienvenues, j'avoue rarement me relire. Néanmoins, soyez indulgents. Merci ^^
***
Une sonnerie stridente retentit dans l'appartement. Alix écrasa son réveil d'un air contrarié. Il rêvait de nuages parlants, de chats géants et de pigeons dévoreurs d'humains. Non, au final il cauchemardait, cet appareil infernal ne l'était pas tant que ça en fin de compte.
Il se leva et ouvrit les volets. Il faisait très chaud, plus chaud que d'habitude. Dans les terres, on atteignait facilement les cinquante degrés. Mais l'air de la mer adoucissait la température d'Apastan. Sept heures du matin, la cité s'éveillait. Alix aimait regarder la vie qui regagnait les habitations et animait les rues chaque matin.
Il se dirigea vers sa salle de bain, se débarbouilla le visage, coiffa ses cheveux blonds, les lissant au passage. Il détestait cette faculté qu'avait sa chevelure à boucler incessamment sans qu'il puisse rien n'y faire. L'eau fraîche sur son visage eut pour effet radical de le réveiller complètement. Il se remit les idées en place. On était mardi 1er janvier, la journée présageait d'être moins banale que les autres. La vingt-neuvième année de la Nouvelle Ère s'annonçait prometteuse, du moins c'est ce qu'il espérait.
Il s'habilla et prit soin d'attacher son pendentif porte-bonheur autour de son cou. Un trèfle à quatre feuilles. Espérons qu'il lui portera chance.
Aujourd'hui il se rendrait au centre administratif de recensement. Il espérait ne pas trop avoir à faire la queue. Même s'il était maintenant habitué à s'y rendre chaque année, c'était toujours aussi ennuyant. Le recensement annuel avait été imposé depuis la toute première année de la Nouvelle Ère, afin de rendre compte de la croissance de l'humanité.
Alix sortit de son appartement en vérifiant qu'il avait bien fermé la porte à clef. Il vivait seul depuis maintenant cinq ans, et n'avait que très peu de compagnie. En dehors de ses collègues de travail au chantier, il ne côtoyait personne. Il n'allait plus à l'école. L'Anéantissement avait tout ravagé, l'humanité peinait à se remettre. Les enfants des familles les moins aisées devaient travailler pour rebâtir la civilisation. Son père l'avait toujours incité à se cultiver le plus possible, alors il passait son temps-libre à lire. Penser à son père lui faisait de moins en moins mal après six ans.
Alors qu'il marchait dans la rue, une colonie de mouettes se posa en travers du trottoir en ricanant. Il les chassa à grands coups de pied. Il haïssait les oiseaux. Sa mère, elle, les adorait. C'est probablement pour leur ressembler qu'elle avait sauté du vingt-quatrième étage.
- Alix !
Il se retourna et reconnut Jean, son meilleur ami au chantier. Il le rejoignit immédiatement. Ils convinrent tous deux d'aller ensemble se faire recenser. Il y avait foule au centre. Comme chaque année après tout. Néanmoins, les deux acolytes espéraient pouvoir rejoindre le chantier assez tôt. "Le temps c'est de l'argent", répétait toujours leur patron.
Alix laissa ses pensées vagabonder alors qu'il attendait sous le soleil encore tiède à cette heure matinale. De nombreuses décennies avaient passées depuis l'Anéantissement. Combien exactement ? Nul ne le savait. La guerre et la maladie occupait bien trop les esprits à l'époque pour que l'on s'embête à compter.
Quand leur tour vint enfin, il était presque midi. L'estomac d'Alix commençait à gronder dangereusement, ce qui amusa Jean. Une femme à l'air apathique regardait fixement le jeune blondinet, assise au bureau de recensement, attendant visiblement qu'il débite les informations requises.
- Nom, prénom, âge, date de naissance, dit-elle d'un air las, ennuyée de répéter la même phrase depuis les aurores.
- Wilkerson Alix, 16 ans, 28 août de la douzième année, débita-t-il d'un ton neutre comme chaque année.
La femme nota les informations, le remercia et s'enquit du suivant. Alors qu'il se dirigeait vers la sortie, un souvenir amusant le fit sourire. Le premier recensement dont il se souvenait. Il devait avoir 4 ou 5 ans, il était si surexcité qu'il en avait oublié sa date de naissance. Cela avait beaucoup fait rire ses parents et l'employé d'administration.
Jean le sortit de ses pensées en déboulant par derrière. Il devait se dépêcher de retourner au chantier. Mais quelque chose attira leur regard au même instant : il s'agissait d'une affiche de taille standard aux couleurs neutres, un simple camaïeu de gris, pas de quoi s'étonner. Mais l'inscription qui y figurait avait le mérite d'être intéressante.
"Recherche jeunes orphelins entre 13 et 20 ans, sans distinction de sexe, pour participer à un programme scientifique. Recrutement sur examen intellectuel et physique. Merci de vous présenter aux laboratoires Renart le 2 janvier à 8h00 avec une pièce d'identité."
- Tu devrais y aller, dit Jean.
Alix fit non de la tête. Pourquoi perdre une journée de travail à passer un examen qu'il ne pourrait réussir ? Aucun intérêt à ses yeux.
Ils arrivèrent au chantier. Voilà plusieurs semaines déjà qu'ils construisaient ce nouvel immeuble à la sueur de leur front, transportant briques et sacs de ciment d'un bout à l'autre du chantier. Un travail ingrat mais qui plaisait assez aux deux jeunes garçons pour qu'ils ne s'en plaignent jamais.
Alors qu'ils faisaient une pause à l'ombre d'un tas de parpaings pour se désaltérer, Jean revint à la charge avec cette histoire de programme scientifique :
- Tu devrais vraiment y aller Alix ! Tu n'as rien à perdre et tout à gagner !
- Je n'ai pas les capacités.
- N'importe quoi ! éructa le brun. Tu transportes des trucs lourds toute la journée. Et tu lis beaucoup de livres.
- Peu importe, je ne vais pas à l'école, soupira-t-il.
- La plupart des orphelins n'y vont pas, répondit Jean en haussant les épaules.
Se bornant à refuser, Alix cherchait une nouvelle excuse.
- Je vais te raconter une blague, finit par dire son ami. C'est l'histoire d'un prêtre qui se retrouve enlisé dans des sables mouvants. Il n'a que les pieds mais il s'enfonce. Un camion de pompiers passe par là et propose son aide. Le prêtre refuse, déclarant que Dieu lui viendra en aide. Le camion repasse une seconde fois, puis une troisième, l'homme d'église s'obstine à refuser. Il finit par mourir. Arrivé au Paradis, il blâme Dieu de ne pas l'avoir aidé. Ce à quoi celui-ci répond qu'il lui a envoyé les pompiers par trois fois pour le sauver !
Alix pouffa de rire. Quel idiot ce prêtre.
- Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? demanda le blond.
- Que tu dois saisir l'opportunité. Arrête d'attendre que le ciel te vienne en aide pour te sortir du train-train quotidien. Tu as la chance de pouvoir changer de vie, saisis-la.
Sur ces mots, Jean se leva, laissant le blond aux yeux océaniques seul avec lui-même.
~¤~
Alix serrait son pendentif plus fort que d'habitude, comme si sa vie en dépendait. Il stressait. Il avait fini par décider de se rendre à ce fameux concours, plus pour faire plaisir à son ami que pour lui-même. Cette crise de à-quoi-bonisme l'enserrait depuis la mort de ses parents, peut-être que cette opportunité l'aiderait à en sortir.
Il ignorait la raison d'un tel stress. C'était un simple concours, rien de bien méchant, pas de conséquences en cas d'échecs. Pourtant, il ne pouvait se défaire de l'idée que quelque chose d'important allait se produire. Le premier acte d'une pièce de théâtre commençait. Restait à savoir s'il s'agissait d'une comédie, ou bien d'une tragédie.
Il poussa la porte du centre laboratorial d'Apastan. La climatisation était allumée, lui permettant d'échapper à l'étouffant air extérieur. Il était 7h30, tout le monde n'était pas encore arrivé. Une dizaine de jeunes vaquaient à leurs occupations, bullaient, ou discutaient. Que des visages inconnus...
Alix s'assit sur une chaise libre et commença à observer les adolescents qui entraient dans le laboratoire. Quand huit heures sonnèrent à l'horloge comtoise qui trônait dans la salle d'attente, quasiment une cinquantaine de jeunes envahissaient la pièce. Certains, comme Alix, restait dans leur coin, d'autres allaient allègrement parler à leurs camarades. Quelques-uns observaient les participants du coin de l'œil, comme s'ils les considéraient comme des rivaux. Après tout, ce recrutement était une porte vers une vie meilleure pour beaucoup.
Cet aspect de la situation taraudait le blond plus qu'il ne l'admettait. Il avait un travail, un logement, de quoi vivre. Passer ce concours, n'était-ce pas diminuer encore plus les chances d'enfants des rues qui en avaient besoin pour survivre ? Il hésitait à sortir du laboratoire quand un homme d'une soixantaine d'années en blouse blanche entra dans la pièce.
Le sexagénaire aux cheveux grisonnants avait attiré tous les regards par sa simple présence. Le silence s'était immédiatement imposé. Tous étaient pendus à ses lèvres. Il s'éclaircit la voix, histoire de s'assurer un silence absolu.
- Jeunes gens, je me présente, mon nom est Bertrand Vallières, sous-directeur du laboratoire et organisateur associé du projet auquel quinze d'entre vous participeront.
Des murmures parcoururent l'assistance. Quinze seulement ? La compétition s'annonçait rude. Le stress d'Alix monta d'un cran.
- La première épreuve sera un simple test de connaissances, rien de bien méchant. Veuillez me suivre.
L'homme s'en retourna, suivi de la multitude d'orphelins présents pour le concours. Le laboratoire semblait avoir tout prévu car une multitude de tables les attendaient, toutes séparées les unes des autres pour éviter la triche. Sur chaque table, un crayon, un effaceur, une copie blanche, quelques feuilles de brouillon et le sujet retourné.
Alix s'assit sur une des tables du fond. Cette place lui offrait une vue d'ensemble sur les autres participants qui rejoignaient chacun une table au hasard.
La chaise en bois sur laquelle il était assise n'aurait en aucun cas pu être qualifiée de "confortable", mais le jeune homme n'y prêta aucune attention, les pensées rivées vers le sujet retourné. Il commença à mâchouiller le bouchon du stylo mis à disposition, mauvaise habitude qu'il avait pourtant perdu en quittant les bancs de l'école.
Vallières se racla la gorge, faisant par la même occasion taire les participants.
- Très bien, il s'agit d'un questionnaire à choix multiples de vingt questions, suivi d'une vingtaine d'autres questions à réponse libre. Soit en tout quarante questions. Vous avez une heure. Vous pouvez commencer !
Un grand bruit suivi sa déclaration, mélange de froissement de feuilles et de stylos qui se débouchaient. Quelques murmures angoissés retentirent.
Alix commença par le plus simple : noter son prénom dans le coin supérieur droit de la copie. Il avait toujours procédé ainsi pour les évaluations. D'abord noter son nom. Quelque chose de simple, qui ne demande pas réflexion, afin de détendre ses neurones avant de passer aux choses sérieuses.
Il prit soin de lire chaque question du QCM avant de commencer à répondre. Principalement de la culture générale. Quelques questions sur le monde d'avant. Un peu de littérature, deux-trois équations. Ce n'était pas des choses extrêmement complexes, bien qu'il n'aurait jamais pu répondre à certaines questions avec ses simples connaissances post-scolaires. Ce test demandait un niveau lycée, endroit où peu d'orphelins allaient. Les livres qu'il lisait à ses heures perdues l'aidèrent beaucoup.
Les cinq dernières questions étaient plus personnelles, mais aussi assez étranges. Il paraissait n'y avoir aucun lien entre les questions précédentes et celles-ci.
Quelle était/est la matière où vous étiez/êtes le/la meilleur/e à l'école ?
À quel(s) jeu(x) de société savez-vous jouer ?
Lors d'un travail de groupe, coopérez-vous ou faites-vous cavalier seul ?
Savez-vous vous servir d'une arme ? Si oui, quel type ?
Quel est l'objet le plus cher à votre cœur, dont vous ne vous séparez jamais ? Répondez avec honnêteté.
Alix avait posé son stylo depuis presque un quart d'heure quand le surveillant siffla la fin du temps imparti. Plusieurs adultes passèrent dans les rangs récupérer les copies, les arrachant presque des mains de ceux qui voulaient finir leur phrase.
Des soupirs de soulagement se firent entendre çà et là. Il devait être 9h30 mais les estomacs grondaient. L'intense réflexion qu'avait demandé ce test, certains n'allant plus en cours depuis plusieurs années, avait ouvert l'appétit des participants.
Le sous-directeur les invita à le suivre afin de déjeuner avant de passer à l'épreuve suivante. Le groupe de cinquante adolescents le suivit d'un même pas, masse bruyante dénotant avec la blancheur solennelle des locaux.
Ils pénétrèrent dans une grande salle de réfectoire. Le plafond était si haut qu'Alix se demanda combien d'échelles il faudrait empiler pour espérer l'atteindre. Une délicieuse odeur de viennoiseries émanait des cuisines.
- Ne poussez pas, il y en aura pour tout le monde ! cria une des cantinières, voyant la masse d'orphelins se ruer vers les plateaux.
Alix se plaça dans la queue, salivant déjà en apercevant les croissants et pains au chocolat empilés. Il ne saurait dire depuis quand il n'avait pas eu un petit-déjeuner digne de ce nom. Il se contentait souvent d'un café au réveil, parfois accompagné d'une barre de céréales. Les viennoiseries étaient réservées aux classes supérieures. Le garçon avait du mal à comprendre pourquoi un prestigieux laboratoire dépensait autant d'argent pour de simples orphelins.
Quand arriva son tour, il se servit chichement. Il accepta avec joie le chocolat chaud que lui proposait la cantinière, se saisit de deux pains aux raisins et d'un bol de cornflakes. Il alla s'asseoir à une table encore à moitié vide. Un groupe de jeunes discutait à l'autre extrémité, ne faisant pas attention à lui. Devait-il leur parler par politesse ? Mais comment s'immiscer dans la conversation d'inconnus ? Il finit par hausser les épaules et se concentrer sur son repas. Son estomac réclamait la nourriture qui dégageait une si délicieuse odeur.
- Yo ! Je m'appelle Gregory et toi ?
Alix releva la tête vers le garçon qui venait de s'asseoir en face de lui. C'était un jeune homme aux cheveux blonds, plus foncés que les siens, et aux yeux bleu nuit. Ils devaient avoir dans les mêmes âges, l'autre était peut-être un peu plus âgé cependant.
- Je m'appelle Alix, dit-il avant d'ajouter, prudemment. Tu voulais quelque chose ?
- Juste faire connaissance, répondit Gregory en haussant les épaules. On s'ennuie comme des rats morts ici.
Alix n'était pas de cet avis. L'épreuve suivante occupait bien trop son esprit pour qu'il ait le temps de s'ennuyer. Son comparse en revanche semblait ne même pas y penser. Le blondinet ne savait pas vraiment quelle opinion se faire sur lui. Certes, il avait l'air sympathique, mais son sourire narquois et condescendant l'énervait quelque peu.
Un grand bruit fit sursauter les deux garçons. Un peu plus loin dans le réfectoire, deux orphelins avaient commencé à se battre violemment, renversant plusieurs tables dans leur bagarre.
- Chic, une baston ! s'émerveilla Gregory, visiblement intéressé.
- Je ne trouve pas ça si amusant, soupira Alix. Tu aimes te battre ?
- Hein ? Non absolument pas. Ils sont si prévisibles c'est d'un ennui, annonça-t-il en roulant des yeux comme si cela paraissait évident. Mais avoue que regarder un combat a un côté excitant, non ?
Non, il n'était pas du tout de cet avis. Mais il n'avait pas envie de polémiquer alors il détourna le regard de l'échauffourée et reporta son attention sur ses céréales. Alors que des surveillants séparaient les deux belligérants, celui aux iris indigo se tourna de nouveau vers lui. Il avait visiblement très envie de discuter. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui ?
- T'es de quelle origine dis-moi ?
- Mon père m'a dit une fois que nos ancêtres étaient américains je crois.
- Trop cool ! s'exclama Gregory, les yeux étincelants. Moi je suis anglais, ça veut dire que nos aïeux parlaient la même langue !
Alix haussa les épaules. À vrai dire, il n'était pas très calé en linguistique pré-Anéantissement. Ses parents ne connaissaient pas la langue de leurs ancêtres - l'anglais lui semblait-il - et ne lui avaient donc jamais appris. Depuis le commencement de la Nouvelle Ère, l'espéranto était la langue officielle. Si ses souvenirs de cours d'histoire étaient exacts, cette langue n'était parlée par aucun peuple auparavant. Elle avait été choisie pour sa simplicité et sa neutralité.
- Tu as l'air assez calé.
- Bof, ce sont des connaissances de base.
Son petit ton dédaigneux commençait à réellement l'agacer, aussi décida-t-il de prendre congé de l'autre. Ayant terminé son repas, il se débarrassa de son plateau et sortit de la grande salle, atteignant une cour où étaient déjà réunis la moitié des autres orphelins. Mais l'autre l'avait suivi.
- À ton avis, en quoi consiste leur programme ?
- Je ne sais pas.
Il avait répondu sèchement. Si seulement l'autre pouvait aller importuner quelqu'un d'autre. Pas qu'il était contre un peu de compagnie mais ce garçon lui tapait sur les nerfs. Il repéra un banc libre et s'y assit, attendant impatiemment la suite des opérations. La question du plus grand avait eu pour effet de le perturber. Bien qu'une telle interrogation lui avait déjà traversé l'esprit, il ne s'y était pas attardé. Néanmoins, c'était vrai, personne ne savait de quoi il en retournait vraiment.
- Qu'est-ce que tu fais ici en fait ? demanda soudain Gregory.
- Je passe un test comme toi, comme tout le monde ici en fait, répondit Alix en roulant des yeux.
- Non, je veux dire, pourquoi t'es venu ? T'as pas l'air de jouer ta vie là. Depuis ce matin j'observe bien les autres. Ils se regardent tous en chiens de faïences, pour eux c'est l'opportunité qui va les sortir du trou. Toi, t'es juste là, tu flânes, tu ne te préoccupes même pas d'eux. Alors soit t'es extrêmement sûr de toi, soit t'as pas besoin d'être sauvé de la rue.
Alix hoqueta. Il ne s'attendait pas à tant de franchise de la part d'un inconnu. Mais il avait raison. Il soupira.
- Je suis venu parce qu'un ami m'a dit de savoir saisir ma chance. Mais tu as raison, je n'en ai pas vraiment besoin... Mais je ne dois pas être le seul dans ce cas-là, si ? Toi non plus tu n'as pas l'air famélique d'un enfant des rues, ajouta-t-il en regardant l'adolescent pas plus maigre que ça.
- En effet, j'avais juste envie de me confronter aux autres. Et de les écraser.
Il avait l'air si sûr de lui. Alix se surprit à espérer le voir perdre.
- Ce serait amusant que tu te rétames après une telle déclaration.
- Je ne perds jamais, sourit l'autre avant de se lever et de prendre congé d'Alix.
Heureux de bénéficier enfin d'un peu de tranquillité, le blond ferma les yeux un instant, laissant les bruits environnants le pénétrer. L'ambiance "cour de récré" environnante lui rappelait le temps où il côtoyait encore les bancs du collège. Les rires des jeunes de son âge et l'odeur de la cantine le ramenait à son enfance, du temps où ses parents étaient encore là. Avant que son père ne meurt. Avant que sa mère ne l'abandonne.
Un bruit de cloche le fit brusquement sursauter. Une jeune femme d'une trentaine d'année en blouse blanche était montée sur une estrade, s'apprêtant visiblement à parler. Elle était vraiment très belle. Son teint était semblable à celui des anciens habitants du Moyen-Orient, sublimé par un peu de maquillage, léger, juste ce qu'il faut. Quand elle prit la parole, sa voix cristalline transcenda la cour :
- Bien le bonjour à tous, j'espère que vous avez apprécié ce petit-déjeuner. Je me nomme Djena Soulaïne, co-organisatrice du projet auquel quinze d'entre vous participeront.
Le rappel du nombre d'admis eut pour effet d'augmenter encore la tension qui résidait entre les adolescents.
- Il est 11h, annonça-t-elle en regardant sa montre à quartz, véritable rareté de nos jours. Vous allez participer à plusieurs tests physiques pour évaluer votre force et votre endurance, ainsi que vos aptitudes de combat. Veuillez me suivre.
Comme plus tôt dans la matinée, la masse compacte de jeunes s'engouffra dans le bâtiment. La femme les mena à une grande salle s'apparentant à un gymnase. L'infrastructure semblait entièrement neuve, comme si elle avait été construite dans l'unique but de ce recrutement.
Alix put apercevoir une zone de combat sur tatami, des poids à soulever, une espèce de parcours d'obstacles ainsi qu'une piste de course à l'extérieur. La foule s'était immobilisée alors que la scientifique expliquait qu'ils seraient répartis en treize groupes de quatre selon l'ordre alphabétique. Elle commença à faire l'appel.
Le blond se retrouva avec une fille et deux autres garçons. Aucun ne semblait vouloir lui adresser la parole, même si la jeune fille avait l'air plus timide que méfiante. Elle était plutôt mignonne avec ses yeux bridés et ses cheveux noirs qui contrastaient avec son teint blafard.
Le plus musclé des deux garçons le toisait froidement. Ses yeux ne semblaient dire qu'une chose : "Inutile de faire connaissance, nous sommes adversaires et je vais gagner". Cependant, rien ne leur indiquait qu'il n'y aura qu'un seul sélectionné par groupe. Un employé vint vers eux.
- Je suis Arthur, je suis chargé de noter vos résultats aux différentes épreuves, déclara-t-il d'une voix monocorde. Votre groupe commencera par une course sur 200 mètres.
Il les emmena dehors après un rapide échauffement. Un autre groupe s'apprêtait à disputer un sprint sur une centaine de mètres. Un surveillant donna le top départ. Dès lors, tous commencèrent à courir le plus vite possible. Un garçon aux cheveux d'encre se démarqua vite des autres et arriva premier, avec une confortable avance sur une distance si courte. Les autres arrivèrent ensuite, essouflés. Ils dégagèrent la piste, permettant au groupe d'Alix de se mettre en place.
Arthur se plaça sur l'arrivée, leur faisant signe de se préparer. Le blond se mit en place. Il n'avait aucune idée des capacités des autres mais il était pratiquement certain de ne pas être dernier. Le chantier l'avait gardé en bonne condition physique. L'employé chargé d'eux hurla le top départ.
Poussant sur ses jambes, Alix partit à toute vitesse. Trop vite d'ailleurs. À mi-chemin, ses poumons commencèrent à le brûler, lui faisant perdre la première place. Il parvint cependant à s'assurer la deuxième, juste derrière le baraqué. Il partait toujours trop vite et il tenait pas la distance, cela avait toujours été ainsi. Des mauvais souvenirs de ses cross de collège ressurgirent et il les chassa en vitesse.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point, se moqua la petite voix de son ex-prof de sport dans son esprit.
Peinant à reprendre son souffle, il suivit son groupe vers une seconde épreuve : le lancer de poids. Il gagna haut-la-main, habitué à soulever des objets lourds. L'autre, plus musclé, aurait pu gagner, mais il lui manquait la technique.
C'est également ce qui lui fit défaut à la lutte sur tatami. Lorsqu'Alix s'était trouvé face à lui, il avait dégluti. Il n'était pas serein, le garçon en face possédait bien plus de force. Cependant, en usant de la ruse, il était parvenu à le mettre à terre en lui fauchant les jambes.
Ainsi, le blondinet s'était assuré la première ou la deuxième place sur presque toutes les épreuves. L'autre garçon les talonnait de près. En revanche, la jeune adolescente semblait à la ramasse. Le sport n'avait pas l'air d'être son truc.
Ils eurent un rapide repas en début d'après-midi et ces genres d'olympiades continuèrent jusqu'à la fin de la journée. Lorsqu'Arthur annonça enfin la fin des tests, il soupira de soulagement, éreinté. Ils rejoignirent la cour du laboratoire. Là, Bertrand Vallières les attendait, accompagné d'un homme plus jeune, dans la force de l'âge. Celui-ci se racla la gorge avant de prendre la parole :
- Jeunes gens, je suis William Kerbereau, directeur du projet auquel certains d'entre vous participeront. Je suis vraiment ravi de voir qu'autant de jeunes prometteurs sont venus tenter leur chance. Néanmoins, le choix n'en sera que plus difficile. Une lettre sera envoyée aux quinze sélectionnés d'ici une semaine. Vous pouvez disposer. Au plaisir de vous revoir !
~¤~
Alix écrasa son réveil qui lui vrillait les tympans comme chaque matin. Il avait repris ses habitudes quotidiennes. Une semaine était passée et il n'avait reçu aucune lettre. Après tout, il ne s'était pas attendu à faire partie des gagnants, néanmoins il avait gardé un petit espoir. Il s'habilla, se disant que sa défaite avait peut-être tiré un orphelin de la misère.
La sonnette retentit dans l'appartement et Jean déboula au même instant, une enveloppe craft dans la main.
- J'ai croisé le facteur devant chez toi, c'est pour toi ! s'exclama le brun, hors d'haleine.
Le lettre était signée des laboratoires Kerbereau. Alix l'ouvrit précautionneusement. Il déplia le papier blanc et lut à haute voix.
- Monsieur Alix Wilkerson, nous avons le plaisir de vous annoncer que vous avez été sélectionné pour participer au programme spécial organisé par nos laboratoires. Veuillez vous présenter à notre porte mardi 13 janvier avec tous vos effets personnels afin d'emménager dans les locaux prévus pour. Merci et à bientôt.
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