Chapitre 7 - Thérapie
Le soleil brille déjà haut dans le ciel lorsque j'ouvre les yeux. J'ignore depuis combien de temps Olga est réveillée, je ne l'ai même pas entendue quitter le lit. Cela fait bon nombre d'années que je n'ai pas dormi autant d'heures d'une seule traite.
J'amorce le mouvement de me lever, quand Olga entre dans la chambre et s'approche de moi, vêtue d'un simple déshabillé. Un "bonjour" se dessine sur ses lèvres, mais elle n'a pas le temps d'émettre le moindre son, je l'attrape par la taille pour l'attirer sur le lit. Nous nous lèverons plus tard.
Après notre petit-déjeuner tardif, Olga m'annonce :
- Je ne peux pas rester avec toi, aujourd'hui, j'ai un déjeuner d'affaires que je ne pouvais pas décaler. Mais si tu t'ennuies, je te suggère une occupation pour le restant de la journée, ajoute-t-elle en se dirigeant vers la sortie de la suite.
Je me précipite devant elle pour lui ouvrir la porte par galanterie, et je me retrouve face à deux grosses paires de seins. Je relève les yeux vers la propriétaire de la première, au carré plongeant roux carotte, qui remue des hanches pour mieux mettre en valeur son ventre dénudé. La seconde, moulée dans une mini-robe asymétrique rose fuchsia, appartient à une jolie brune aux yeux bleus rieurs.
Je jette un coup d'œil en biais vers Olga, qui m'explique en désignant les deux filles :
- Je te présente Iulia et Francesca. Elles sont à ton service toute la journée, si tu as besoin de quoi que ce soit.
Et elle ajoute avec un clin d'œil :
- Je pense qu'elles seront à ton goût.
- Non, mais, Olga, attends...
Trop tard. Elle a déjà filé dans l'escalier, Magda sur ses talons. Et mes deux occupations qui se sont chacune suspendue à un de mes bras n'ont manifestement pas l'intention de me laisser lui courir après.
Je regarde les deux filles avec un sourire en coin. J'avais potentiellement d'autres plans pour l'après-midi, mais maintenant qu'Olga me les a collées dans les jambes, il serait inconvenant de les planter là.
- Alors, toi, c'est... Iulia ? je demande à la rouquine.
- Oui, minaude-t-elle en se collant contre moi.
- Et moi, Francesca, complète la deuxième, pour être sûre que je ne l'oublie pas. Tu es à nous pour toute la journée, alors ?
Olga m'a plutôt vendu la situation inverse, mais ça me convient aussi. Tout ce que je trouve à leur répondre est un "euh..." un peu dépassé, et elles pouffent d'un rire complice.
Je me laisse conduire le long du couloir de l'étage jusqu'à une chambre avec vue sur la forêt alentours, et je m'assieds sur un sofa près du lit, une fille de chaque côté.
- Tu n'es pas d'ici, entame Francesca en levant vers moi ses beaux yeux entourés d'eyeliner noir. D'où est-ce que tu viens ?
J'explique un peu, et elles posent des dizaines de questions, mais jamais indiscrètes. Mes mains s'évadent sur leurs cuisses, mes yeux dans la poitrine de Iulia retenue par son haut vert kaki. Je me demande où est Olga.
Quand Iulia commence à détacher les boutons de ma chemise, je la repousse machinalement. Dans ma tête, il n'y a qu'Olga. Et aussi, un vague souvenir de l'excentrique Tina. Je ne me suis pas retrouvé avec deux filles en même temps depuis que j'ai quitté la côte.
Iulia prend en note mon refus, elle se lève et rejoint Francesca de l'autre côté du sofa pour défaire la fermeture à glissière de sa robe. La jolie brune lui répond en la prenant par la taille pour la cambrer davantage contre elle, puis lécher subtilement ses lèvres de la pointe de sa langue. Iulia tire sur le nœud qui maintient son petit haut, libérant ses seins, puis les caressant de ses doigts aux ongles peints en noir.
- Mettez-vous plutôt sur le lit, que je voie mieux.
Ravies d'avoir enfin capté mon attention, elles s'exécutent gaiement. Je m'installe confortablement dans le sofa, spectateur. Iulia va titiller les tétons de Francesca, de ses doigts, puis les entoure de la pointe de sa langue. Leurs corps se rapprochent avec des soupirs, s'enlacent, s'embrassent. Francesca saisit les fesses de sa partenaire, collant leurs hanches entre elles, entrecroisant leurs cuisses fines. Dehors, le soleil monte vers son zénith. Quel est le propos du déjeuner d'affaires d'Olga ? Est-ce que c'est vraiment juste un déjeuner ?
Les gémissements de Iulia maintenant allongée sur le dos me ramènent à l'action dans la pièce. Francesca a passé une main sous sa petite culotte de dentelle noire pour la caresser avec savoir-faire.
- Enlève-la-lui.
La chatte mouillée de Iulia se dévoile devant mes yeux, et je commence à me dire qu'Olga fait bien ce qu'elle veut, et que je suis peut-être précisément à l'endroit où je dois être en cet instant présent.
Après ses doigts, Francesca entreprend de donner du plaisir à sa copine avec sa bouche. À chacun de ses mouvements de tête pour lécher Iulia, son collier tressaute sur sa poitrine encore prisonnière d'un soutien-gorge pigeonnant. Et si je profitais de son absence pour acheter un bijou à Olga ? Il y a un certain nombre de bijouteries en ville, je devrais trouver quelque chose qui me plaît.
Les halètements de Iulia deviennent des petits cris alors que Francesca la rapproche de l'extase.
- Échangez, dis-je un brin sadique, en accompagnant mon ordre d'un geste de la main.
À l'époque, si j'avais osé dire ça à Tina sur le point de jouir, elle m'aurait certainement répondu par un doigt d'honneur. Mais ces deux-là sont dociles et inversent les rôles immédiatement. Francesca se met à quatre pattes et derrière elle, Iulia use à son tour de ses doigts et de sa langue pour mon plus grand plaisir visuel. Entre deux couinements un peu trop exagérés, Francesca plante brusquement ses yeux dans les miens :
- Baise-moi !
C'est tentant, mais c'est moi qui commande.
- Suce-moi, je réponds en ouvrant mon jean.
Elle revient vers moi pour obéir à ma demande. Mes deux mains dans les boucles brunes de Francesca qui descend sa bouche le long de mon sexe, je valide totalement le choix d'Olga. Restée en arrière, Iulia se caresse seule avec ardeur. Je lui fais signe d'approcher, si elle veut des doigts, je peux m'en occuper.
Elles se passent le relais sans que j'aie à le réclamer. La langue tonique de Iulia me suce au rythme des mouvements saccadés de sa tête. Les yeux clos, je chasse dans un souffle l'envie de jouir dans sa bouche. Cette villa a quelque chose de dangereusement enchanteur qui fait oublier la notion du temps qui passe. On pourrait aisément s'y perdre, en oubliant de vivre. Tout parait si facile, quand il n'y a rien à conquérir. Plus de combats, plus de craintes. Peut-être qu'un jour, l'ennui finit par briser l'hypnose, mais le temps perdu pourrait se compter en années.
J'écarte Iulia de moi et je prends d'abord Francesca à quatre pattes au bord du lit, avec ses courbes généreuses, ses hanches larges qui remplissent les mains. Elle pousse un petit cri, arc-boutant ses bras tendus à chaque fois que j'entre en elle. Puis je prends Iulia, plus menue, plus serrée, avec ses cheveux roux qui me rappellent sans cesse Olga et son dos cambré qui tend ses fesses vers moi. Puis encore Francesca, et Iulia, jusqu'à ce que le jeu me lasse et que je garde Iulia toute seule.
Alors que je termine de reboutonner ma chemise pour partir, Francesca retient mon avant-bras.
- Qu'est-ce qu'il veut dire, ton tatouage ? demande-elle.
Ses doigts aux ongles rose vif serpentent le long de mon bras, ses yeux bleu océan suivent attentivement les lignes noires qui s'entrelacent.
Je ne voulais pas de ce tatouage. L'inesthétisme d'une cicatrice m'importe peu et je ne vois pas l'intérêt de ces décorations qui révèlent l'histoire de leur porteur. Inscrire un évènement de ma vie dans ma peau pour l'éternité ne m'attire pas, je préfère que le passé reste à sa place. Mais dans ce cas précis, j'avais déjà gravé des cicatrices indélébiles, alors sous l'insistance de Spyke - et Spyke peut se montrer vraiment très insistant -, j'avais fini par accepter qu'il les recouvre d'encre. Libre à lui de choisir le motif, je m'en moquais complètement. Il m'avait dessiné un fil barbelé parfaitement détaillé, enroulé autour de mon bras, épousant impeccablement les deux coupures presque parallèles.
Pourtant, je n'avais pas été un très bon client. Rester assis pendant une demi-journée à se faire colorier le bras m'apparaît comme l'occupation la plus ennuyante qui soit. Spyke n'avait pas manqué de me charrier pendant un certain temps en racontant partout à quel point j'avais été incapable de tenir en place. Je lui rappelais alors qu'il était incapable de faire silence plus de cinq minutes lorsqu'il m'accompagnait à la chasse. Il peut rester assis à dessiner pendant des heures, je peux attendre un animal à l'affut pendant des heures, chacun ses préférences.
D'ordinaire, lorsqu'on me pose cette question, je réponds que c'est simplement décoratif. Elle émane toujours d'une personne à la curiosité déplacée mais que la réponse n'intéresse pas réellement, ou bien d'une fille qui trouve que c'est un moyen facile de commencer une conversation, ou encore d'un gars qui lance ce sujet pour finalement exposer tous ses propres tatouages. Mais Francesca, elle, m'écoute vraiment, sans intérêt déguisé.
Alors je raconte. Je parle de toutes ces terres que j'ai failli posséder, de la trahison de Marie-Jeanne et du désespoir quand on réalise que tout ce qu'on a entrepris n'a fait que nous mener droit dans l'impasse. Du désespoir quand on a mis toutes ses tripes dans un seul et unique but, et que lorsqu'il s'écroule, on n'a plus rien à cause d'avoir trop négligé le reste. Et quand le désespoir fricote de trop près avec le whisky, il vous donne l'idée stupide de vous trancher les veines, mais sans la lucidité pour le faire correctement.
À force de tirer sur le fil de mes pensées, c'est toute la pelote qui se déroule d'un coup, dans le désordre le plus total. Parce que le désespoir appelle l'espoir, même quand je ne m'y attendais plus. Alors je parle de Cheyenne, qui était quand même revenue. Après tout ce que j'avais tenté, il avait fallu que je sois presque mort pour qu'elle arrête de me fuir. Et elle était revenue dans une telle détresse que j'avais passé des nuits entières à interroger des bouteilles de whisky sur les solutions potentielles.
Je sais que je n'ai pas été parfait pour elle, mais je ne méritais quand même pas qu'elle me tire dessus. Quelle quantité de haine faut-il pour tirer sur quelqu'un qui ferait n'importe quoi pour vous ? Pour moi, ce n'était pas une balle dans le bras, c'était une balle dans le cœur. Pourtant, tout était de ma faute. J'ai voulu jouer avec le feu, et quand le feu s'appelle Johanna, il brûle, et il détruit tout.
Ou peut-être que ça remonte plus loin encore, que dès le début, j'ai eu tort. Je suis parti de chez moi pour emmener Cheyenne, pour qu'elle soit à moi et à moi seul, parce que dans notre village, nous n'aurions jamais pu être ensemble, elle qui était fille de chef, et moi qui étais pire que rien.
Je sais que la version convaincante qui affirme que je me suis enfui pour échapper à la violence de Falco n'est pas l'entière vérité. Sa violence était aussi la mienne, mon univers, qui me définissait et qui me rendait fier. Peut-être qu'il est mort, aujourd'hui, Falco, crevé dans son propre alcoolisme. Cette idée me fait sourire. Pourtant, avec le recul, j'admets que prendre des coups avant d'en donner est formateur. Ceux comme Spyke qui ont eu l'habitude d'être toujours les plus forts ont du mal à surmonter les échecs.
Est-ce que j'aurais dû laisser Cheyenne partir quand elle rêvait de quelqu'un d'autre que moi ? Bien sûr que Francesca n'en sait rien. Mais elle m'affirme quand même que non d'un air choqué, comme si je venais de détruire le mélodrame romantique qu'elle était en train de jouer dans sa tête. Elle m'assure que j'ai eu raison de m'accrocher puisque c'était l'amour de ma vie et qu'elle m'aimait forcément vu toutes mes qualités.
Je la regarde fixement. Quelles qualités ? L'égoïsme de la vouloir pour moi sans tenir compte de ses désirs ? La certitude que j'étais le seul à pouvoir la rendre heureuse, ou à défaut, de l'empêcher d'être malheureuse ? Finalement, ces autres prétendants n'auraient pas fait pire que moi. Au moins, elle ne serait pas morte.
J'en voulais toujours plus, pour en offrir toujours plus à Cheyenne, pour qu'elle soit fière d'être ma femme, pour l'époustoufler, pour qu'elle ne voie que moi. Je n'ai pas su comprendre que cette vie était trop mouvementée pour elle, qu'elle aspirait à la paix plutôt qu'au prestige. J'aurais peut-être dû rester dans la tranquillité des Montagnes du Nord, j'aurais pu me calmer, j'aurais pu me ranger, travailler honnêtement, et l'épouser.
Je regarde rarement en arrière, mais à chaque fois que le fais, je me demande à quel moment ça a merdé. Je sais qu'elle ne m'a jamais aimé autant que moi je l'aimais. En fait, je l'ai toujours su, mais je ne voulais pas le voir. J'ai essayé de me rendre indispensable à ses yeux, d'être son seul point de repère, et ça a fonctionné, mais elle m'en détestait d'autant plus.
Je sais que j'ai fait des choses qui ne s'effacent pas. Je ne peux pas raconter cela à Iulia et à Francesca, mais de toute manière, elles le savent déjà. Elles lisent dans nos âmes, Olga les choisit ainsi. Est-ce qu'elles lisent aussi la vérité de mes demi-mensonges ? Est-ce que j'ai menti à Olga en disant que je n'avais pas d'enfant ?
Je n'aurais jamais pu former une famille avec Sydney. Elle a rejeté toutes les fautes sur moi, elle m'a érigé en diable dans son esprit, libre à elle si ça lui permet de le vivre mieux, je peux supporter ça. Mais il m'était impossible de composer avec sa fierté personnelle, qui méprise et qui se défie toujours tant que l'autre ne se plie pas à sa vision du monde. Et si finalement elle parvient à formater l'autre, elle réalise qu'il n'était pas ce qu'elle cherchait et elle s'en désintéresse. Elle a beau me traiter de monstre, qui de nous deux s'est le plus servi de l'autre ? Elle a réussi là où j'ai échoué, elle est devenue Reine du Territoire du Faucon, et elle est bien contente que je sois là pour y faire régner l'ordre. Elle m'a tout de même couvert, plusieurs fois où elle aurait pu me faire tomber. À combien de personnes est-ce-que je dois la vie, si on fait les comptes ?
À Sergueï en premier lieu, qui m'a appris tant de choses, qui a façonné une grande partie de ce que je suis aujourd'hui. Je ne sais pas si je m'en serais sorti sans lui. Et comme j'en reviens toujours à la source, penser à Sergueï me ramène à Olga. Je parle sans la nommer de l'époque où je l'ai rencontrée, et Iulia et Francesca me regardent de nouveau avec un air rêveur, elles ont retrouvé le fil de leur film romantique.
Je me demande si elles vont retenir le moindre mot de tout ce que je suis en train de leur raconter. Aujourd'hui, elles ont la patience infinie de garder les yeux rivés sur mes lèvres pendant que je parle, demain, elles écouteront un autre homme raconter son histoire.
Et puis, au milieu du foutoir emberlificoté de mes souvenirs, un détail me revient. Un nom.
- Les filles, vous connaissez un type qui s'appelle Radek Ivanov ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top