VIII

/Quelques phrases du chap précédent #7 ~

« Ne t'inquiète pas, je ne suis pas de leur côté, reprit la voix. Je suis comme toi. Une prisonnière. »

Oui. Elle avait raison. A présent, j'étais une prisonnière. Mais... qui était-elle ?/

__________

Accrochée aux barreaux, je n'avais pas bougée d'un poil, cherchant dans cette obscurité la personne qui s'était adressée à moi. Je perçus alors une respiration faible mais quelque peu rauque. Puis, il y eut un mouvement léger sur ma gauche. Je fronçai les sourcils pour y voir plus précisément. Je distinguai de faibles lueurs dans le noir de la cellule : de petits yeux me fixaient de loin.

« N'aies pas peur de moi, je t'en prie, supplia la voix de jeune fille. On est... dans la même situation toutes les deux. »

Elle toussa alors. Une toux grasse. Elle était malade, certainement. Cependant, elle expira cet air pendant de longues secondes.

« Ça ne va pas ?, demandais-je alors, prenant presque peur.

-Non, ça... »

Elle toussa encore.

« Ça va aller. »

Je me détachai des barreaux, me relevant pour aller plus près d'elle. Plus je m'avançai, plus je la distinguai. Quand je fus à moins de deux mètres d'elle, je m'assis, m'adossant contre le mur, moi aussi.

« Tu es Élie, c'est bien ça ?, me demanda-t-elle, souriante.

-Oui, exactement. »

Ses traits étaient fatigués. Elle ne devait pas dormir beaucoup. Elle avait de superbes cheveux ambrés qui ondulaient légèrement sur ses épaules nues. Pour simple vêtement, elle portait un très long T-shirt blanc, trop large pour elle, et dont les manches courtes retombaient sur ses bras tellement il était grand. Elle portait aussi une paire de chaussettes blanches, salie par le sol crasseux.

« Moi, c'est Lyna. Enchantée, Élie. »

Ses yeux gris clairs ne cessaient de me regarder, d'un air attendrit et heureux. Ils étaient magnifiques. Cette fille était splendide, vraiment.

« Comment me connais-tu ?

-Je ne te connais pas, me répondit-elle simplement.

-Alors, pourquoi as-tu prononcé mon prénom à l'instant ?

-Parce qu'ils parlent tout le temps de toi depuis je ne sais plus combien de temps, me répliqua Lyna en faisant référence à Nilson et sa bande.

-Tout le temps ?, fis-je, éberluée.

-Oui. Tout le temps.

-Mais, je ne les connais pas. Comment eux me connaissent-ils ? Et depuis combien de temps ? »

Elle haussa les épaules, avec un sourire.

« Depuis trop longtemps. Tu n'imagines pas...

-Comment ça ?

-Je vais tout t'expliquer. »

Elle prit une inspiration et souffla alors.

« Ces mecs-là sont complètements dérangés. Et je ne plaisante pas. »

Lyna tourna sa tête de nouveau vers moi, ses yeux gris me scrutant.

« Pour être honnête, ça fait tellement longtemps qu'ils parlent de toi, que je ne me souviens plus exactement depuis combien de temps ça fait.

-Vraiment ?

-Oui, vraiment. »

Elle regarda alors face à elle, la noirceur de la pièce.

« Sais-tu pourquoi tu es ici ?

-Tu ne m'as pas répondu.

-Je vais tout te raconter, rétorqua-t-elle. De A à Z. Alors je commence par le début, ce serait pas mal, non ? »

J'acquiesçai. Elle avait raison. Je n'avais rien compris à ce qu'il se tramait ici, alors je voulais avoir des réponses.

« Donc, ils ne t'ont pas dit pourquoi tu étais ici ?, reprit Lyna.

-Non.

-Haha... J'en étais sûre. »

Je levai un sourcil en l'air, ne comprenant pas.

« Ils veulent te faire peur, expliqua-t-elle. Ils veulent la ressentir. »

Elle toussa un coup, la main devant la bouche.

« Ce sont des kidnappeurs. Ceux qui ont enlevé ces quatre dernières années, plus de cinquante ou soixante personnes, hommes, femmes, enfants compris.

-Ce sont les... »

Elle hocha la tête. Je serrai mes dents, ne voulant pas penser que c'était possible. Que c'était faux.

« Oui, ce sont eux. Les Rôdeurs, comme les appellent si bien les gendarmes du pays.

-Mais, je croyais qu'il y avait moins de trente personnes qui avaient disparues !, remarquais-je.

-Les policiers ne disent pas tout. Ils se sont bien gardés de révéler que depuis près de deux ans, le nombre de personnes enlevées avaient presque doublé.

-C'est...horrible..., murmurais-je, terrifiée.

-Je sais... »

Elle ne parla soudainement plus. J'attendais qu'elle m'en dise plus, mais je n'avais pas l'impression qu'elle allait continuer.

« Lyna ? Tu m'as dit que tu me raconterais. »

Elle tourna la tête.

« Je t'en prie ! Je suis morte de peur ! J'ai vu des choses affreuses aujourd'hui ! Je ... Je veux savoir pourquoi... »

Lyna souffla. Pas d'énervement. Mais de désespoir. Elle se cala dans l'angle de la cellule, la tête penchée, ne m'adressant pas un regard.

« Alors comme ça, tu as déjà vu de quoi ils sont capables ? Eh bien, ils ne perdent pas leur temps dis-moi ! En tout cas, je suis désolée pour toi. Je sais que c'est abominable, ce qu'ils leur font... »

Elle inspira profondément, déterminée à me dire ce qu'elle savait.

« Voilà ce que je sais. En premier, commença-t-elle alors, ce sont Jaden et Yael qui recherchent les proies. Soit de manière aléatoire, soit sous les critères de Nilson. Pour arriver à leur fin, ils piratent des caméras de surveillance avec l'aide de U.R pour les repérer dans les magasins, les rues, etc... Ils piratent même les dossiers des mairies pour avoir des infos précises, des fois mêmes, directement dans les ordinateurs de leurs proies. Ou bien, ils peuvent croiser quelqu'un dans la rue et le recherche dans les heures qui suivent. »

Elle laissa un silence.

« Après, ils ne lâchent pas leur proie pendant des jours, des semaines, des mois. Ils cherchent tous sur elle : leur prénom, leur nom de famille, l'âge, la profession, ce qu'elle aime, ce qu'elle déteste, la famille, les amis, tout. Ils cherchent tout et savent tout de leur proie.

-Tout, tout ?, demandais-je, apeurée.

-Vraiment tout. Dans les moindres détails de la vie. Lieu de naissance, lieu d'habitation, habitudes, tout de chez tout. »

Impossible. C'était impossible. Ils n'avaient pas pu faire cela pour moi. Je m'en serais rendue compte, je n'étais pas si naïve que ça, si ?

« Pendant des mois, ils surveillent tous les mouvements de leur proie, ils repèrent les lieux pour pouvoir agir. Puis, le moment venu, ils passent à l'action. Comment ça s'est passé pour toi ? »

Je me souvins du concierge, violemment assommé et tombé au sol, ayant perdu connaissance.

« Si... Si tu n'as pas envie de me le dire, je pourrais comprendre... C'est pas facile ce que tu as vécu... », me fit Lyna, la tête baissée.

Je fermai les yeux, les ongles raclant le sol crasseux.

« Je voulais retourner chez moi, dans mon immeuble parce que j'avais oublié l'appareil photo d'une amie, commençais-je. Et c'est là qu'ils ont surgi. Ils étaient quatre je crois bien. Ils m'ont immobilisé et fait renifler une drôle d'odeur dans un mouchoir. Puis...

-Tu t'es retrouvée attachée, bâillonnée, ligotée et tout ça. Comme tout le monde », finit-elle.

« Comme tout le monde ». Un nombre important de personnes ont été dans la même situation que moi, que Lyna. Mais pourquoi ? Je...ne comprenais toujours pas.

La jeune fille ne bougeait pas, continuant de fixer le sol, d'un regard vide.

« Je sais comment ça se passe. Je suis déjà passée par là, moi aussi. »

Je n'osais pas. Mais je voulais savoir, ce qu'il lui était arrivé, à elle. Mon regard se posa sur le sol, l'hésitation me prenant.

« Lyna... Je... »

Elle ne bougea pas.

« Tu veux savoir comment ils s'y sont pris ? Pour moi ? »

La jeune fille eut un sourire et continua.

« Je vivais encore chez mes parents quand ils m'ont enlevé. Ils étaient partis pour faire une course, et ce jour-là j'avais encore beaucoup de devoirs. J'avais invité ma meilleure amie Alice pour qu'on travaille ensemble. Et puis, quelqu'un était entré chez moi par effraction. C'était eux. Les Rôdeurs. Ils étaient passés à l'action. Il y avait 3 agresseurs, mais c'était largement suffisant pour me kidnapper. L'un d'eux m'a menacé de son arme à feu et un autre est monté dans ma chambre pour assommer Alice. Puis, ils m'ont saisi, dans le salon, avant de me faire sentir ce truc dans le mouchoir. Comme toi. Et, depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais revu ni ma meilleure amie, ni ma famille, plus personne. Je n'ai jamais eu de nouvelles d'eux, rien. »

Je pouvais entendre, lorsqu'elle me racontait son histoire, un sanglot dans sa voix. Elle ne savait pas comment allaient ses parents et son amie, ce qu'ils lui avaient fait, si elle était encore en vie... La pauvre Lyna... J'en eus des frissons et presque les larmes aux yeux. Comment ces mecs-la pouvaient-ils commettre des actes si horribles ? Ils n'avaient donc vraiment pas de cur ? Ils étaient prêts à tous pour arriver à leur fin ?

Lyna tourna sa tête dans ma direction, essuyant de sa paume les larmes qui perlaient au creux de ses yeux.

« Bon, arrêtons de parler de ce qu'il m'est arrivé. Si ça ne te gêne pas. »

Je fis signe de la tête que non.

« Merci, Élie. »

Elle me sourit, replongeant ensuite son regard face à elle, la tête plaquée contre le mur.

« Lyna, je voudrais savoir une dernière chose. »

La jeune fille se tourna vers moi, attendant que je parle.

« Qu'est ce qu'il se passe, une fois qu'on se retrouve...ici ?, demandais-je, prudemment.

-Trop de choses horribles. »

Je me mordis la lèvre inférieure.

« C'est-à-dire ?

-En fait, nous ne sommes pas toutes seules à être dans le même cas que nous deux.

-Vraiment ? Mais, on est combien alors ?

-Pour ce que je sais, c'est que, si je te compte maintenant, on est cinq. Toutes des filles.

-Cinq filles ? Il n'y a pas de garçons ?, supposais-je étonnée.

-Je...Je ne sais plus bien... Je ne me souviens plus..., chuchota Lyna, se tenant la tête. Ce que je sais, c'est que tu as eu de la chance de tomber dans le même cas que moi et des trois autres filles. D'être ici quoi. »

Je fronçai mes sourcils, ne comprenant pas vraiment.

« Attends, je ne saisis pas... J'ai de la chance d'être ici ? C'est une blague j'espère ?

-Non, tu as vraiment beaucoup de chance. Écoute, tu fais... Comment dire... Partie de ceux qui ne vont pas mourir. Du moins, pas tout de suite.

-Hein ?

-Tu n'as pas été enlevée pour être comme la personne que tu as du voir attachée ou je ne sais quoi. Pour mourir en gros. Non, quand tu te retrouves ici et que vas recevoir une chambre, qu'on te présente les membres de la bande des Rôdeurs, tout ça, c'est que tu vas pouvoir vivre. »

Je ne comprenais pas bien. Enfin, je ne comprenais rien même. Lyna le voyait à ma tête dubitative. Elle tourna tout son corps vers moi, plongeant son regard dans le mien.

« En gros, ils ne te feront pas autant de mal qu'aux autres personnes enlevées.

-Mais pourquoi on est ici alors ?

-Pour ... les aider.

-Pour les aider ?, répétais-je presque hors de moi. En fait, tu te paies ma tête ? Ils vont me forcer à coopérer avec eux ? Alors là, c'est hors de question !

-Non, c'est pas ce que je voulais dire... »

Elle souffla lentement, cherchant ses mots.

« Nous sommes des cobayes, Élie.

-Des...

-Oui, des cobayes. Nous sommes là pour les expériences scientifiques de leur médecin. Enfin, de Kyron si tu préfères. Mais, ce ne sont pas des expériences comme celles que pratiquent Yael, ou... ou les autres. Non, elles, elles ont un but scientifique.

-Comment ça un but scientifique ?

-Kyron est un chercheur à ses heures perdues. Avec nos corps, il teste toutes sortes de produits qui pourraient les aider à se sentir mieux, expliqua Lyna.

-Attends... à se sentir mieux de quoi ?

-Tu le sauras bientôt, Élie. Tu t'en rendras compte toute seule. Seulement, fais attention à toi. Ils semblent être gentils, mais rappelle toi bien de qui on parle... »

Je le saurais bientôt... Qu'est ce que ça voulait dire exactement ?

« Et puis, avec un peu de chance, Kyron ne te prendra pas comme cobaye.

-Et je servirai à quoi, sinon ? »

La jeune fille pinça ses lèvres. Je le vis tendre son bras vers moi, le tournant vers l'intérieur, de façon à ce que sa paume soit face au plafond. Je m'approchai prudemment, et remarquai des cicatrices, des marques bleutées.

« C'est eux qui t'ont fait ça ? », lui demandais-je, inquiète.

Elle hocha la tête.

« Je ne fais pas partie de leurs cobayes. Je suis seulement Lyna, celle qu'ils utilisent quand ils vont mal. »

Je suivais de moins en moins. « Celle qu'ils utilisent » ?

« Tu peux parler plus clairement ? Qu'est ce qu'ils te font, ces mecs-la ?

-Ils me frappent.

-Qu...quoi ?

-Ils me frappent, répéta-t-elle. Quand ils vont mal.

-Mais pourquoi tu ne te défends pas ?

-Parce que je ne veux pas mourir. »

Un silence se fit dans la cellule. Je me reculai, plaquant mon dos contre le mur. Lyna me fixait toujours aussi fermement.

« Ici, c'est bien la dernière chose à faire, se défendre ou résister. On est obligé de se laisser faire si on ne veut pas mourir. Si je dois me faire frapper tous les jours, jusqu'à saigner, et bien je m'abstiendrai de me débattre parce que je veux rester en vie ! Je sais pertinemment que je ne ressortirai jamais de cet endroit et que je ne reverrai jamais le monde extérieur, alors je ferme ma gueule et je me laisse faire ! », hurla-t-elle.

Les larmes coulèrent vivement le long de ses joues pâles. Le corps entier collé contre le mur, j'avais prit peur. Ses yeux remplis de larmes étaient menaçants à présent, un peu comme ceux de Yael quand il s'en était pris à moi, un peu plus tôt. En même temps, je pouvais comprendre sa réaction : je n'étais pas la meilleure pour déduire les choses rapidement. J'étais à la fois effrayée par ce qui allait se suivre, et à la fois, j'aurais voulu lui dire à quel point j'étais désolée, que je serai là pour elle maintenant que je m'étais retrouvée dans le même pétrin qu'elle. Mais, je ne pouvais pas. Au fond de moi, quelque chose me disait de ne pas bouger, de la laisser tranquille.

Elle ne voulait pas mourir. Alors elle préférait subir en silence ce qu'on lui infligeait, plutôt que leur tenir tête et finir comme Jainee : attachée à une table d'opération et avoir les entrailles saignantes pendant par terre. Plus j'y pensais, plus je me rendais compte que j'allais devenir comme Lyna, une prisonnière de ces malades, dont le destin était déjà tout tracé : se taire ou mourir. Cette pensée me fit frissonner. Mon avenir était donc entre leurs mains. J'avais envie de pleurer. Comment, du jour au lendemain, je m'étais retrouvée ici ? Si on m'avait dit ça les jours d'avant, j'aurais ri aux éclats.

« Ne prends rien à la légère, ici, Élie. Rien. Sinon... »

Sa bouche entrouverte était tremblante, tout autant que sa voix. Son regard c'était adouci mais il restait toujours aussi vif.

L'émotion la submergeant, elle se détourna, éclatant en sanglots. Je ne savais pas quoi faire : la consoler ou la laisser pleurer. C'est vrai, je ne la connaissais pas beaucoup, mais on se ressemblait. D'une certaine manière, bien sur.

« Je ne veux plus perdre mes amies... », déclara Lyna, pleurant.

Prenant mon courage à deux mains, je me relevai et m'approchai plus près d'elle, portant ma main à son dos froid à moitié nu pour le caresser lentement.

« Je ne veux pas te perdre, toi aussi, me fit Lyna en tournant sa tête vers moi. Même si je ne te connais que très peu, je sais que tu ne mérites pas de mourir. Personne ne le mérite pour eux.

-Lyna..., murmurais-je, touchée.

-Ils en ont trop tués. Je ne veux pas qu'ils le fassent pour nous, pour les autres, ceux qu'il reste.

-On va se serrer les coudes, toutes ensembles, lui assurais-je. Je ne sais pas à quoi ressemble la vie ici, mais tant qu'on ne restera pas très loin l'une de l'autre, il ne nous arrivera rien. Il faut juste tenir le coup. »

La jeune fille hocha la tête, un sourire se formant aux coins de ses lèvres, reprenant le dessus sur la détresse.

Je me rendis alors compte d'une chose étonnante chez Lyna. Elle semblait si jeune malgré la fatigue qui la prenait.

« Dis-moi, Lyna, commençais-je en changeant de sujet. Quel âge as-tu exactement ? Tu as l'air ... plus jeune, que moi en tout cas. »

Je la sentais hésitante. Elle baissa la tête pour la relever, encrant ses yeux gris dans les miens.

« J'ai eu 15 ans il y trois mois environ. »

Un choc. Un immense choc. Comme une crise cardiaque rapide.

« 15 ans ?, m'écriais-je. C'est pour rire, n'est ce pas ?

-Je savais que tu allais réagir comme ça. »

Elle ria simplement.

« J'ai bien 15 ans. Je ne te mens pas, Élie. Je ne peux pas mentir, ça se voit dans mes yeux que je mens. Est-ce que tu vois quelque chose ? »

J'observai attentivement.

« Non. Je ne vois rien de suspect, souriais-je.

-Tu vois.

-Mais alors, tu t'es faite enlevée il n'y a pas si longtemps que ça, vu ton âge.»

Lyna se mordit la lèvre supérieure. Mon souffle s'entrecoupa.

« Ils m'ont kidnappés il y a plus de 2 ans environ. Je ne compte plus vraiment, tu sais. Avec le temps qui passe, on se lasse vite. »

Je voulus parler mais aucun mot ne pu sortir. Bloqués au fond de ma gorge, au fond de moi-même. J'étais tellement choquée. 15 ans. 15 ans quoi ! Comment ces mecs-la avaient-ils pu enlever une gamine ? Ils étaient encore plus malades que je ne le pensais...

« Ils t'ont kidnappé à... 13 ans ?

-Oui, c'est ça. 13 ans. »

Ils étaient inhumains. Non, sans blague. A 13 ans, se retrouver sans ses parents, sans personne que l'on connait, enfermé dans un bâtiment on se sait où, avec des gros pervers comme seule compagnie ? J'avais envie d'aller leur péter leurs faces, à ces pédophiles. Raaaahhh ! Je bouillonnai intérieurement d'une manière impressionnante. Pour moi, on ne devait pas s'en prendre aux enfants. Ils étaient inconscients du danger et tellement sensibles ! A mon âge, bon d'accord, je savais que c'était encore jeune, 18 ans, mais on avait plus conscience de la gravité des faits ! Et puis, on était plus mature, responsable... Même si ça n'empêchait pas qu'enlever des gens restait un truc pour les personnes dérangées !

Lyna se racla la gorge. Le regard vide, fixé sur le sol.

« Tu sais, je ne sais même pas ce que c'est, de vivre vraiment. Je ne m'en souviens pas, avoua-t-elle. Pour moi, ma vie, c'est ça. Tout ça. Les Rôdeurs, les prisonniers exécutés tous les jours, les autres filles avec moi... Les moments où l'on me frappe... C'est ça, pour moi, le quotidien. Vivre vraiment.

-Mais, Lyna... Tu n'as passé que deux ans ici... », fis-je, rapidement.

La jeune fille tourna la tête férocement vers moi, les yeux fatigués, les traits encore plus marqués que tout à l'heure, les dents serrées.

« Que deux ans ? Que deux ans ??, répéta-t-elle, de plus en plus fort. Tu crois vraiment que ce n'est pas important ? Que deux années, ce n'est rien ?? Écoute-moi, bien, Élie, s'énerva-t-elle en se mettant debout. Tu ne sais pas ce qu'est la vie ici ! Tu ne sais pas, tu ne sais rien !! Deux ans, ça ne passe pas vite ! Certes, on fait avec, puisqu'on n'a pas le choix, mais être ici, enfermée entre tous ces murs avec des malades comme seule compagnie, ce n'est pas ce que j'appelle une vie, moi !!! Je ne peux pas aller dehors, manger ce que je veux, aller au collège pour étudier, apprendre des choses, voir mes amis, mes parents, tous ceux à qui je tiens !!! Je ne suis plus libre, Élie ! Personne n'est libre, dès qu'on franchit ces foutus murs ! Dès qu'on s'est fait repéré par ces mecs ! On est prisonnier et n'en sortira jamais ! Je ne découvrirai jamais la vie extérieure, les joies qu'une simple ado peut avoir en mettant simplement le bout du nez dehors ! Non, jamais je ne saurais ce que ça fait, jamais ! Parce que je suis condamnée ! On est condamnée ! Jusqu'à ce que l'on meurt ! Mais toi, bien sur, tu ne peux pas savoir, tu viens d'arriver ! Hahahaha... Tu es naïve, mais plus pour longtemps ! Ils vont te montrer... Et tu vas enfin savoir ce que je vis, en étant enfermée ici, avec eux... »

Elle se tenait droite devant moi. Son visage se crispa, laissant couler sur ses joues de nouvelles larmes, tombant de temps à autre au sol. Ses jambes tremblaient, comme si elle n'avait pas été debout depuis longtemps. Je ne disais rien. J'étais simplement bouche bée. Comment avais-je pus lui dire ça ? J'étais vraiment idiote, ou bien ? Je n'avais fait que renforcer son sentiment d'impuissance... Mais quelle gourde !

La jeune fille continuait de me fixer de ses yeux gris, que la lumière du couloir, en dehors de la cellule, éclairait. Ils étaient submergés par ses pleurs. Mon cur se serra, comprenant que je lui avais vraiment fait du mal. Elle entrouvrit alors les lèvres.

« Tu vas souffrir autant que moi... C'est ce que je souhaite... »

__________

Voici le chapitre 8 des Rôdeurs :) (un peu long cette fois désolé...). Commencez-vous à comprendre ce qu'il se passe ici, ou est-ce totalement flou ?

N'hésitez pas à commenter pour donner votre avis ^^

Bisous de Laughtie ~

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