LVII
/Quelques phrases du chap précédent #56 ~
« Attends...
-Hm ?
-Tu... Tu ne veux pas rester avec moi encore un peu ? »
Heryk me fixa avec de grands yeux étonnés.
« S'il te plait... »
Je savais que mes yeux reflétaient une petite lueur de tristesse. Je pense que c'était grâce à cela qu'il accepta avec un petit sourire et qu'il s'était rassis en me tenant la main.
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Mes doigts serrent doucement la faïence du lavabo blanc. Si froid et rigide. Un peu comme moi par moment.
Mes cheveux me tombaient sur les yeux, alors je relevais la tête pour ensuite m'observer dans le miroir fissuré. Des cernes étaient dessinées sous mes yeux, faisant des poches de couleur violacée. Depuis combien de temps n'avais-je pas dormi plus de quatre heures ?
Le crâne douloureux, je faisais rouler ma tête en cercle et faisais craquer ma nuque. Ma peau devenait boutonneuse. Ça faisait un moment que je n'en avais pas eu. Mes yeux luisants étaient parsemés de vaisseaux sanguins qui étaient prêts à éclater. Je n'en pouvais plus.
L'eau coulait dans le lavabo, imitant le bruit d'un cours d'eau agité. Je passai mes mains sous le liquide et me baissai pour arroser mon visage. Une fois. Deux fois.
J'attrapai une serviette pour m'essuyer et passai une main dans mes cheveux de cuivre.
En trainant des pieds, je sortis de la salle de bain pour m'engouffrer dans la chambre sombre.
Je vins alors m'assoir sur le rebord de mon lit et sourit un peu en voyant que mon ami était réveillé.
« Tu sens la menthe.
-Je viens de me laver les dents. »
Je jetai un œil à l'assiette posée sur la table.
« Tu n'y as pas touché ?
-Je n'ai pas faim. Et puis j'ai peur de revoir des choses moi...
-Taleb, c'est fini. Regarde, je suis avec toi. »
Le jeune homme avait un gant d'eau froide sur le front pour faire descendre la température. Il avait les yeux endormis et la bouche pâteuse. Je sentais qu'il avait peur que ses hallucinations ne se reproduisent. Ce n'était pas la première fois que ça lui faisait ça, mais ce matin, ça avait été terrible. La pire fois de toutes.
Il m'avait fait très peur. Vraiment. Je ne l'avais jamais vu ainsi.
Quand on a entendu les trois filles crier, nous n'étions pas bien loin, alors on a rappliqué très vite. Moi en premier. Et quand je l'ai vu en boule, dans son coin, entrain de perdre la tête, je me suis senti tellement mal. Comme si ça avait été ma faute.
Ses yeux étaient exorbités, ses veines bleues ressortaient de toutes parts et ses membres tremblaient sans se stopper.
Et puis avec ce qu'il s'était passé avec Iris n'avait rien arrangé. Il avait vu le signe dessiné avec le sang sur le mur, en face du corps de la rousse. Mais avant tout ça. C'était exactement le même. Et je savais que ce n'était pas une coïncidence. Ça ne se pouvait pas. Mais je savais aussi qu'il n'avait rien fait. Il avait eu une sorte de vision, je dirais.
J'eus un petit soupir et tourna la tête vers la télé en face de mon lit.
« Merci de t'occuper de moi, mon p'tit frère. »
Mes yeux retournèrent sur le visage peu éclairé de Taleb et penchai ma tête sur le côté.
« Tu t'es toujours occupé de moi quand on était plus jeunes, et même aujourd'hui. C'est à mon tour maintenant.
-Mon Keithounet.
-Ta'. »
Je m'installai au près de lui. Comme avant. Comme au bon vieux temps, à l'orphelinat. Quand il y avait des orages. Ou même quand j'avais peur du monstre sous mon lit.
Ses bras vinrent me serrer un peu plus contre lui. Mon oreille était collée contre son torse dénudé, je pouvais entendre son cœur qui battait rapidement.
Son souffle chaud venait buter contre mes cheveux, ça me faisait des chatouilles. Il racla sa gorge et murmura :
« Je t'aime, sale mioche.
-Moi aussi, tête de bite. »
Nous ricanâmes quelques instants puis je me sortis de ses bras.
« Dors bien, et appelle moi si tu as besoin. J'suis au dessus. Je prends ta place. »
Il hocha la tête et fixa les lattes du lit au dessus de lui. Je grimpai lentement à l'échelle et m'installai dans le lit de Taleb, avant de sortir mon téléphone. Je regardai l'heure : 01h23. Demain allait être une nouvelle journée mouvementée.
Je fus sorti de mon lit vers environ 6h. Taleb n'avait pas bien dormi et n'avait pas cessé de bouger, et parfois d'halluciner. J'étais venu le rassurer comme je pouvais, il se calmait une heure puis tout recommençait.
J'avais pris ma douche et faisait attention à mon bandage au bras et au flanc. J'avais été blessé il y a deux jours alors qu'on revenait de mission tous ensembles –juste avant que Jaden ne pète un câble-. Je devais passer voir Kyron assez tôt pour qu'il me désinfecte la plaie.
Habillé comme tous les jours d'un pantalon serré et d'un tee-shirt clair, je pus alors sortir sans bruit de la chambre pour ne pas réveiller Taleb qui avait réussi à s'endormir, tout en attrapant ma veste en jean au passage.
Tout le monde semblait dormir. Sauf Nilson, bien sûr, qui se levait tout le temps à 5h du matin pour faire ses papiers. Pour le chef supérieur.
Ce mec-là, on ne l'a jamais vu. A part Nilson, une fois je crois. C'était lui qui nous guidait. Il était bien au dessus de Nils. Ce mec était un génie, parait-il. Grâce à lui, on avait tout l'immense bâtiment avec toutes ces pièces, tous ces meubles, et puis l'électricité, l'eau courante, les armes, tout quoi. Rien que pour ça, je le vénérais.
Mes pas résonnaient alors que je me rendais chez Kyron. Clive semblait ne pas être endormi non plus. Wino, pareil. Je l'entendais parler tout seul. Enfin, gueuler tout seul.
Posté devant la porte en acier, je donnai trois coups et le médecin me fit entrer.
Comme d'habitude, je retirai mon haut pour m'allonger, mais Kyron me fit un signe négatif de la tête.
« Je ne peux pas te prendre maintenant. Je suis en pleine expérience. Mais attends ici si tu veux. »
Je m'avançai dans les couloirs de son cabinet et vit l'un de ses cobayes, Milan, allongé sur la table, des perfusions partout sur le corps.
« Sérieusement ? Tu m'as fait me lever pour rien !
-Ecoute Keith, ce n'était pas prévu. Mais Nilson m'a demandé ça hier soir pour régler les problèmes de la maladie au plus vite. Il faut que je trouve un remède rapidement, pendant que les autres cherchent... Ceux qui ont égorgés Iris.
-Ouais... Bah t'aurais pu me prévenir.
-Ne commence pas à me casser les pieds, je te préviens. MOI, je n'ai pas dormi. MOI, je suis resté debout toute la nuit, du repas d'hier soir à maintenant pour trouver un remède qui va les guérir, alors ne me chauffe pas et attends patiemment.
-Et c'est toi qui t'occupe de Taleb ? Hein ? Et de ses hallucinations ? Je ne crois pas. Tu lui as juste dit de se reposer, mais ça ne va pas mieux. Tu ne lui as rien donné, rien !
-Keith...
-Mais c'est vrai ! Vas le voir bordel ! Il a plus besoin d'aide que quiconque en ce moment !
-Keith, répéta-t-il.
-Quoi Keith ?! TU ne t'es pas levé toutes les heures pour le rassurer ! TU n'es pas resté avec lui pour qu'il se persuade qu'il n'y avait pas le feu, ni un ouragan, ni un monstre qui viendrait le buter quand il aurait les yeux fermés ! TU n'étais pas là non plus pour lui assurer que le médecin des Rôdeurs allait venir pour que son mal-être disparaisse ! TU N'ÉTAIS PAS LÀ ! »
Le cœur battant et les mains moites, je fixais le médecin aux lunettes. Celui-ci avait la mâchoire serrée. Je voyais bien qu'il s'en voulait pour Taleb.
« Tu le laisse tout seul, sans le soigner.
-Je sais. Mais je n'ai pas le choix, Keith. Repasse plus tard, s'il te plait.
-Kyron ! »
Il se tourna alors, un trémolo dans la voix, et mit sur ses épaules sa blouse qu'il avait enlevée. Il disparut dans ses couloirs.
« TU N'ES VRAIMENT QU'UN... Qu'un... OH PUIS MERDE ! »
Je rouvris la porte en acier, puis la claqua bien fortement.
Changement de PDV
Le silence était morbide dans la chambre. Il n'y avait aucune lumière qui ne sortait d'aucune pièce autour de moi.
Les yeux fixés aux lattes du lit supérieur, je ne bougeais pas. A l'affut. De quoi ? De n'importe quoi. Je sentais qu'il y avait quelqu'un qui nous observait. On nous voulait du mal. Parce que l'on faisait des choses qui étaient mal. Je le savais très bien. On voulait ma mort d'abord.
Mes doigts agrippèrent plus fermement la couette qui recouvrait mon corps flageolant. Puis un bruit. Comme un râle. Mon regard virait dans tous les sens, essayant de trouver l'origine du bruit. Il était là. Ils, plutôt. Ils étaient là. Tout prêt.
Je pouvais percevoir mes pupilles se rétrécirent lorsque je pus voir une chose au plafond. Mon cœur s'emballait.
Ses yeux jaunes m'observaient avec une certaine volonté de me faire peur. La chose était accrochée au plafond, juste au dessus de la télévision.
Je la voyais bouger lentement, pencher sa tête sur le côté. Elle allait me sauter dessus. Me tuer. Elle faisait parti de leur clan. Elle était avec eux. Elle allait les aider à nous tuer.
Sous la couverture, j'avais gardé l'un de mes poignards. Je pus le saisir mais un autre bruit me fit tourner la tête vers la porte qui donnait sur le couloir. La lumière s'infiltrait de dessous celle-ci.
Puis je vis des pas. Quelqu'un se stoppa. A peine avais-je le temps d'avaler ma salive qu'on ouvrit la porte.
Je me raidis d'un coup et m'assis dans mon lit, le poignard à la main. Je vis une sorte d'immense araignée me sauter dessus en arrachant un cri puissant.
Dans un hurlement venant de ma part, je me retrouvais plaqué contre le matelas, les muscles tendus et tremblants.
Mais il y eut une voix tout de suite après. On me parlait. Pour me rassurer, on dirait. J'étais encore plus angoissé. J'allais mourir. Je me sentais étouffer.
« Taleb ! Taleb, c'est moi ! Calme-toi ! »
J'ouvris alors mes yeux en grand et vis Keith juste au dessus de ma tête, l'air encore plus paniqué que moi.
« Tout va bien, ce n'est que moi ! Que moi...
-Keithounet..., soufflais-je.
-Tout va bien... »
Il posa une main sur mon front et une autre sur mon crâne pour me détendre.
« Tu es bouillant, déclara-t-il avec une grimace. Tu as encore plus de fièvre que tout à l'heure. »
Il se baissa et ramassa le gant d'eau que j'avais du faire tomber. Immédiatement, mon regard se plaça sur le plafond, au dessus de la télé.
« Keithie... Est-ce que... quelqu'un est sorti avant que tu ne rentres ?
-Pourquoi ? Il devrait ? », fit-il depuis la salle de bain.
Il n'y avait plus rien là-haut. La chose avait disparu.
« Ta' ? Tu as vu autre chose, c'est ça ?
-Je deviens fou. »
Je m'assis dans mon lit et passai mes mains sur mon visage. Je transpirais comme une truie. Je voyais des choses insensées, j'allais complètement disjoncter si ça continuait.
« Dis pas ça..., soupira Keith en se rapprochant.
-Si. Je le dis.
-Ta'...
-C'est la vérité. Regarde-moi ! Regarde à quoi je ressemble ! C'est horrible... Je vois des choses délirantes. Et je deviens fou. »
Je le fixais avec mes yeux exorbités. Il vint s'assoir à mes côtés et prit une tête un peu dépité.
« Regarde mes yeux Keithie. Ils sont rouges, défoncés, inhabituels. Je ne dors presque plus, je ne mange presque plus non plus, de peur qu'on ait mis des choses dedans pour que je meurs. Je... Kyron va arriver bientôt ?
-Il est occupé. Il n'a même pas pu me voir ce matin. Je suis désolé...
-Il ne fera rien de toute manière. C'était déjà comme ça avant.
-Tu prends pourtant ton comprimé comme avant non ?
-Oui... Oui... Toujours. Je dois le prendre d'ailleurs. »
Il se leva et alla le chercher. Il revint avec un verre d'eau de la salle de bain.
« Tiens, tu as changé tes comprimés ?
-Kyron a dit que c'était le chef supérieur qui en avait donné des plus efficaces. Mais ça n'a pas l'air de bien marché... Sauf sur Juan et Nilson.
-Je demanderai à Kyron si tu peux reprendre ceux d'avant.
-Merci...
-Aller, rallonge-toi. On va se mater une série. »
J'eus un léger sourire et frottai mes yeux rapidement. En me rallongeant, Keith mit la télé en marche pour que nous puissions regarder une série, à 8 heures du matin.
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N°57~
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