LIV

/Quelques phrases du chap précédent #53~






Mon corps s'effondra d'un seul coup et une douleur me prit. Tout me parut alors si flou et lointain. Elie et Jaden s'étaient éloignés. J'étais à terre, le front gonflé par le coup.









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Nous remontâmes les escaliers rapidement. Toutes ces traces de sang au sol... Beurk. L'odeur acre et celle du renfermé me donnaient mal à la tête.



Il me semblait avoir vu Shey ici une fois. Près des escaliers. Le jour de la fête pour mes six mois d'enfermement ici. Il y a quoi... Deux mois. Juste avant la mort de Lyna.



Hyunsu aussi était souvent près de cette pièce qui donnait sur l'escalier. Et puis, il y avait des traces de pas dans la poussière qui menait jusqu'aux escaliers. À mon avis, les Rôdeurs –ou du moins certains d'entre eux- faisaient des activités plutôt glauques ici.



Les mains sur mes bras, je me rendis avec Jaden en cuisine pour reprendre nos tartes aux fraises et aux pommes. Alma était allée voir la machine à laver qu'elle devait réparer. La lumière enfin revenue grâce à notre découverte du compteur électrique, nous pûmes continuer.



J'équeutais de nouvelles fraises. Les Rôdeurs étaient de gros mangeurs et puis, on était nombreux à manger dans leur repère.



Jaden faisait la préparation d'une nouvelle pâte. Tout se passait en silence cette fois.



Il mit les premières tartes au four avec un sourire.






« Tu te débrouilles bien, Elie.

-Merci. Tu sais, je n'ai jamais beaucoup cuisiné dans ma vie. Mes parents ne sont pas de grands cuisiniers, tu comprends.

-Tout à fait. Tout le monde a ses préoccupations. »






Il était face à moi, de l'autre côté du plan de travail central. Son sourire doux éclairait son visage, ses cheveux retombaient légèrement sur son front. C'était un homme grand et imposant, aux larges épaules.



Il malaxait la pâte avec tendresse entre ses mains.






« Jaden ?

-Hm ?

-Ta vie d'avant ne te manque pas trop ?

-Ma vie d'avant ? »






Il ne releva pas la tête vers moi mais il souriait de plus en plus.






« Ma vie d'avant les Rôdeurs, tu veux dire ?

-Ouais.

-Un peu, par moment. Je me dis que... J'aurai peut-être pas du merdé.

-Heryk m'avait raconté un peu de ton passé... Avec ton chef cuisinier. Pourquoi l'as-tu tué ?

-Je m'étais emporté. Il me parlait mal. De plus en plus. Et puis, j'avais quelques problèmes à ce moment-là.

-Je suis désolée. Je suis sûre que tu aurais fait un grand cuistot.

-Certainement. Mais je suis un grand cuistot ici, avec les Rôdeurs. »






J'eus un petit sourire.






« Je rends ces gars heureux avec mon expérience derrière les fourneaux. Et c'est tout ce dont j'ai rêvé étant plus jeune. Rendre les gens heureux. Même si je sais que ce que nous faisons n'est pas bien. Je m'en fous. Les Rôdeurs, c'est ma famille maintenant. »






Il semblait être sincère. Au fond de moi, j'arrivais à comprendre son ressenti. Tous les autres avaient aussi commis des choses irréparables. Ils sentaient qu'ils appartenaient à une même famille, et ils se comprenaient entre eux.






« Tu avais de la famille avant ?

-Comme tout le monde, je crois. Mes parents, je préfère ne pas en parler. On a toujours été en très mauvais terme. Aujourd'hui, ils pensent que je suis porté disparu à cause des Rôdeurs.

-Comme beaucoup d'entre vous, non ?

-Exactement.

-Et... Tu avais quelqu'un avant ? Je veux dire... Euh...

-Tu deviens rouge, Elie. »






Jaden me regardait avec des petits yeux amusés. Effectivement, je devenais rouge. Je secouais la tête et il reprit.






« Oui, si tu veux savoir. J'avais quelqu'un. C'était une femme très belle, très intelligente. Elle adorait ma cuisine et me supportait toujours.

-Tu l'as laissé ?

-Non, fit-il sèchement en découpant des pommes. C'est elle qui m'a laissé. Elle m'a trompé.

-Oh... Je suis... Pardon, je ne savais pas.

-Elle m'a trompé, dans mon propre appartement, dans mon propre lit. Je devais rentrer d'un stage professionnel de cuisine quelques jours après, mais j'étais malade, je suis revenu plus tôt. Et je les ai vus. »






Il coupait avec hargne les pommes. J'avais arrêté de couper les fraises.






« J'ai chassé ce mec. J'ai balancé ses affaires par la fenêtre. Elle m'a dit qu'elle était désolée, qu'elle n'avait pas voulu. Mon cul, ouais !

-Jaden... Je...

-Je devenais fou. Mais je ne criais pas. J'ai fermé à clé toutes les issues. Et je l'ai tué. Avec mon couteau de cuisine. Je l'ai étranglée et je l'ai poignardée avec haine. Je défoulais toute ma colère sur elle. Quand elle est morte, elle avait les yeux grands ouverts, me fixant. »






Je ne disais rien et ne faisais rien paraitre sur mon visage. J'avais maintenant tellement l'habitude d'entendre ce genre de récit.






« Et tu sais ce que j'en ai fait, de son corps ? Je l'ai découpé. Comme j'avais l'habitude de découper un bon gros rosbif. Les membres, uns à uns. J'ai retiré plusieurs morceaux de son corps comme ses flancs. Ses habits, je les ai déchirés et mis à la cheminée. Ses cheveux, je les ai fait bruler, mélangés avec du foin pour faire cuire de sa chair. J'ai fait bouffer de la viande à ses parents quand ils sont venus me voir. Bien sur, ils ont mangé de leur fille, ces connards. »






Il tapa du poing, avec un grand sourire malicieux aux lèvres. Puis il prit d'autres pommes pour les couper.






« J'ai effacé toutes traces d'elle. J'avais tout prévu en une seconde dans ma tête. Je lui ai fait écrire une lettre en la forçant, avant de l'étrangler. De sa main. La lettre disait qu'elle en avait marre de la vie, qu'elle m'aimait, qu'elle aimait ses parents. Et qu'elle allait se jeter d'un canyon. Affaire réglée. Cette salope était disparue. »






Il soupira et ferma les yeux, énervé.






« Et tu sais quoi, Elie ? Je déteste les femmes. Je les hais. Elles nous trahissent toujours. On a beau tout faire, elles nous délaissent.

-J-Jaden...

-A chaque fois que je regarde une femme dans les yeux, je revois cette connasse. La peur qu'elle avait. Je la vois dans les yeux de toutes les femmes qui ont peur de moi. Lyna, Alma, et même toi Elie. Je la revois en toi. »






Il leva sa tête brune vers moi. Son regard était noir, son sourire était sombre et lugubre sur son visage. Ses petites veines apparaissaient sur ses tempes et ses mains. Ce n'était pas bon signe...






« Tu... quoi ?

-Je la vois en toi Elie. Tu as peur... Hein ?

-Jaden, recule... Je t'en prie. »






Il s'approchait de moi, contournant le plan de travail lentement. Il avait gardé son couteau de cuisine en main. Je reculais, la peur au ventre.






« Tes yeux, Elie. C'est dans tes yeux que tout ce passe.

-Jaden, calme-toi... Tu as pris tes médicaments... ?

-A chaque fois, j'ai envie de tuer ces femmes. Je ne veux plus voir cette salope. »






Un cri s'échappa de ma gorge. Jaden venait de lancer le bol remplit de fraises sur moi. Je venais de l'éviter de justesse.






« Jaden ! A-Arrête ! »






Le jeune homme fit l'oreille sourde et continua d'avancer. Son regard avait changé. Cette lueur rougeâtre. Merde.



Soudain, Alma apparut dans l'encadrement de la porte qui menait au salon.






« Jaden ! Stop ! Calme-toi ! »






Je vis alors Jaden s'énerver encore plus. Il prit la planche à découper sur laquelle je venais d'équeuter des fraises et il la balança sur la femme à une vitesse folle. Le choc fut impressionnant.



Alma l'avait reçue en pleine tête, elle s'effondra au sol, un énorme hématome se formant déjà.






« Bien fait. »






Le cuisinier ricana, alors je pris ceci pour une occasion, et me mis à courir à son opposé pour lui échapper.






« Viens là, espèce de petite pute ! »






Jaden se mit à me courir après à grandes enjambées. Je me mise à hurler. Vous avez déjà ressenti cette horrible sensation d'être poursuivi et de n'avoir aucun échappatoire ? Bah je vivais ceci actuellement.













Jaden devait fou. Je courais comme je pouvais à travers le labyrinthe qu'était ce bâtiment, évitant les tables, ou même les portes ouvertes. Parfois, je fermais la porte derrière moi, mais Jaden la défonçait ou l'ouvrait avec violence.



Les larmes dévalaient mes joues.






« AU SECOURS ! AIDEZ-MOI ! »






Je priais pour que les Rôdeurs reviennent plus tôt que prévu de leur sortie en groupe. J'allais me faire buter par Jaden.



Le cuisiner criait derrière moi.






« TAIS-TOI ! JE VAIS T'ATTRAPER ! TE SAIGNER ! TE BOUFFER ! FANNY ! RESTE-LA ! BOUGE PAS COMME CA ! »






Il délirait complètement. Il me prenait pour son ancienne petite amie.






« JADEN ARRÊTE ! C'EST ÉLIE ! C'EST MOI, ÉLIE ! »






Il réussit à m'attraper le bras et tenta de me planter son couteau dans le dos, mais il ne réussit qu'à me couper un bout de ma peau. Je réussis à ce qu'il me lâche et me remis à courir, faisant tomber une table et tout ce que je pouvais de plus sur son passage.



La plaie de mon bras était béante, à l'air. Le sang ruisselait sur mon bras et la douleur était abominable.



Mais Jaden était un Rôdeur entrainé depuis plusieurs années. Il parvint à me rejoindre rapidement. Je ne pouvais pas le semer.



Il était tout proche de moi. Tellement proche que s'il tendait le bras, il pouvait m'avoir.






« ÇA NE SERRE A RIEN DE COURIR ! J'AI TOUJOURS MES PROIES ! »






Les larmes brouillant ma vision, je les essuyais et vis l'une des portes les plus résistantes au loin. C'était l'une qui donnait sur le laboratoire de Kyron. Elles étaient en acier et permettaient une meilleure résistance aux crises que les Rôdeurs pouvaient avoir. Comme Jaden maintenant.



Coup de bol, elle était entre-ouverte.



Je tournais alors brusquement sur ma droite et m'apprêtais à fermer la porte en acier, lorsque je sentis la main de Jaden saisir mes longs cheveux.



Avec force, il tirait dessus. J'hurlais plus fort encore.



Je ne savais comment, je pus fermer la porte. Mes cheveux étaient coincés dans l'encadrement et Jaden, de l'autre côté, tirait dessus.






« JE VAIS T'ARRACHER LES CHEVEUX ET TON CRÂNE VIENDRA AVEC ! »






Je sentais que certaines cheveux s'arrachaient plus il tirait. Un hurlement déchirant s'échappa du plus profond de moi. Mon cuir chevelu allait se décoller si je ne faisais rien.



J'étais perdue. Je regardais dans la salle ce qu'il y avait près de moi.



Le laboratoire de Kyron était une mine aux trésors. Miraculeusement, il y avait un plan de travail juste à mes côtés, avec un scalpel, une pince et des petites paires de ciseaux.



Je ne cessais de crier. Jaden tirait de plus en plus fort.



Sans hésiter, je me saisis des paires de ciseaux et fermai les yeux. Tremblante, je coupais mes cheveux n'importe comment pour être libérer. Le ciseau découpa chacune de mes mèches de cheveux. Peu à peu, je fus libérer.



La paire de ciseaux tomba au sol, avec quelques mèches, rejoint par les gouttes de sang qui perlaient de mon bras.



Les larmes mouillaient mon visage. Sans perdre une seconde, je courus à travers le laboratoire de Kyron.



J'entendis Jaden ouvrir la porte derrière moi. Dans un certain élan, je fermai la porte du laboratoire à clé. J'étais sortie et me remis à courir sans m'arrêter. Une autre porte au bout du couloir. Je l'ouvris et me retournai pour la fermer tout de suite. En la verrouillant, je m'appuyais sur celle-ci. Je n'en pouvais plus. Ma main passait dans mes yeux et je redoublai mes pleurs. Mes cheveux étaient si longs. A présent, ils étaient tellement courts. C'était une douleur impossible.



Cependant, je pensais être sortie d'affaire. Ce n'était pas le cas. L'embout froid d'une arme à feu était pointé contre mon crâne.



Je me raidis d'un coup, mes pleurs cessant un instant alors que mes tremblements reprirent. J'étais perdue.






« Bouge plus. »










































































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N°54~

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