Les indiens poussèrent des cris sourds et tentèrent de se cacher dans les fourrés. Ce fut vain. Ils semblèrent tous s'évanouir dans les airs, les uns après les autres.

Miles et Laura ne purent qu'être les témoins impuissants de ce carnage invisible et sauvage, n'entendant que les bruits déchirants des hommes et des enfants paniqués.

Finalement, une ombre noire atterrit brutalement en face d'eux.

Laura ne put que retenir un cri quand elle vit ce qu'il était advenu du héros de sa grand-mère.

L'être qui se présentait devant elle ressemblait vaguement à Peter Pan, mais il était de plus grande taille, présentait un faciès presque noble, ses joues présentant des traces évidentes de rasage. Ses habits, bien sûr étaient verts, mais ceux-ci arboraient un vert sombre, reptilien, n'étaient plus constitués de feuillages, mais bel et bien de soie, et son chapeau pointu, bien que sa célèbre plume rouge fût toujours présente, avait été troqué par une tricorne de pirate.

Miles trouva que cela lui donnait un air serpentiforme, ce fut sans compter son sourire fier, dévoilant des dents blanches, pointues, carnassières. En fin de compte, l'on aurait voulu faire d'un démon volant un roi qu'on ne s'y serait pas pris autrement.

« Et voilà donc, fit celui qui se fit connaître sous le nom de Peter Pan, d'une voix suave, l'enfant que Clochette a ramené d'Angleterre sans mon autorisation. Je suis ravi de te rencontrer. »

Il sourit de manière malaisante, puis tourna la tête vers Miles.

« Et vous devez être le renégat qui a pris la poudre d'escampette de mon navire tantôt. A cause de vous, j'ai dû trouver un nouveau contremaître.

— Peter, écoute-moi, dit Laura, au bord des larmes, tu n'es pas obligé d'agir ainsi, ce n'est pas ce que ma grand-mère m'a raconté ! Ce n'est pas censé se passer ainsi !

—Ce que QUI t'a raconté ma chère, continua Pan d'une voix suave, ferais-tu allusion à Wendy Moira Darling ? »

Laura se figea. Comment pouvait-il connaître son nom ?

« Je te sens troublée, reprit-il, comment le grand Peter Pan, le grand Capitaine Pan, sait-il ce qu'il se passe dans le Pays Imaginaire ? Pan est omniscient, Pan n'échoue jamais ! J'ai le pouvoir du crochet ! »

Il brandit alors le crochet à moitié rouillé mais néanmoins encore acéré que Miles reconnut entre mille : le crochet du capitaine James Hook. Celui que Pan avait arraché sur le cadavre d'un des plus grands pirates ayant navigué sur les flots.

« Tu es fou Pan, laissa échapper Miles en serrant les dents.

—Moi ? Fou ? J'ai fait ce qu'il fallait faire, ce que vous n'avez pas eu le courage de faire ! Crochet était une menace, il fallait le mettre hors d'état de nuire, j'ai pris mes responsabilités ! »

Laura n'en crut pas ses oreilles, comment un enfant pouvait-il parler ainsi ? Qu'était-il arrivé au Peter Pan des contes et des rêves des enfants ?

« Peter... dit-elle d'une voix larmoyante, tu ne comprends pas... Les enfants, dont moi, on besoin de quelqu'un en qui croire. Notre monde est froid, cruel. Les hommes ont séparé les peuples par un mur de pierres grises et ternes, il n'y a plus d'espoir, nulle part...

—Un mur ?! Coupa Pan, quelle... excellente idée, oui ! Un mur pour couper cette île de toute menace, pour séparer ce qui reste de ces ingrats de gamins et ces étrangers d'indiens du monde d'ordre et de sécurité de que nous représentons ! »

Il éclata alors d'un rire hystérique qui fit tomber Laura en larmes.

« Clochette ne te laissera pas faire, Pan ! Invectiva Miles avec véhémence. »

Celui-ci s'arrêta brusquement et le fixa d'un regard vide et soutenu, puis prononça machinalement :

« Je sais. »

Il sortit alors de son manteau une toile noire qu'il jeta aux pieds de Laura et Miles.

Celui qui avait été un jour un fier pirate vit son sang se glacer alors qu'il remarqua que dépassait de la toile une grande paire d'ailes translucides.