Chapitre 8.

Salem, jeudi 27 ami 2021
12h, appartement de Riley

Comme prévu, Gordon a sonné cinq minutes après la vision de Sidney. La première chose qu'a fait le commandant c'est bien sûr de s'inquiéter de la santé de son poulain. C'est sincère bien sûr, mais Sidney aurait préféré que ce soit la seule raison de la visite. Il comprend les enjeux de l'enquête, cependant, il aimerait qu'on laisse son mari récupérer. Ils ont beau être tous les deux en arrêt, ils ne pourront pas s'empêcher d'aider.

La preuve en est, Sidney lit les rapports en même temps qu'Alistair. Il reconnaît les noms et les visages des chasseurs que lui ont montré les esprits. Ces gens, s'il peut les qualifier ainsi, ont commis des atrocités. Les charges sont assez accablantes pour que Sidney n'ait pas besoin d'intervenir. Seulement, en voyant tous les documents exposés devant lui, une information surgit.

- Le chef n'est pas parmi eux, dit-il attirant l'attention des deux hommes sur lui.

- Comme ça ?, répond Alistair.

- En gros, il manque l'alpha et il ne viendra pas sauver ses bêtas, non il va diriger une autre meute.

- Ça c'est le comportement d'un chef, souligne Gordon pince-sans-rire.

- Je suppose que c'est ce qu'il faut attendre des chasseurs. Ils n'ont pas d'honneur.

La personne qui dirigeait ce groupe, tire les ficelles de loin. Elle ne prendra pas le risque de griller sa couverture pour des gens qui se sont fait arrêter et qui sont perdus. Dans sa lâcheté et son manque de courage, le chef n'a pas pris en compte qu'un shaman pourrait l'identifier. Sidney se lève et va récupérer une feuille blanche ainsi qu'un stylo. Sous le regard de son mari, il commence à reproduire les traits du dirigeant des chasseurs. Sa main gauche s'active pendant de longues minutes. Les flics ne pourront pas arrêter ce malade psychopathe, mais au moins, ils auront son visage.

Pendant ce temps-là, Alistair signe sa déposition, après l'avoir relu. Il ne précise pas à voix haute qu'il aura une petite discussion avec ces enfoirés demain. Sidney finit par poser son crayon, puis donne le papier à son mari. Le tribunal surnaturel ne peut pas condamner quelqu'un pour seul motif la vision d'un shaman. En revanche, les unités spéciales dispersées dans tout le pays, peuvent le surveiller.

- Tu n'es pas censé être en arrêt ?, lui fait remarquer Gordon.

- Ces gens-là ont torturé mon mari, je ne vais pas rester assis sans rien faire, expose Sidney, les dents serrées de colère.

Sa jambe se met à remuer sous la fureur. Alistair pose une main sur sa cuisse et la caresse tendrement, dans le but de le calmer. Ce que peu de gens savent, c'est que la rage des shamans peut être aussi redoutable que celle de n'importe quelle créature. Il est dans l'intérêt de tout le monde ne pas le découvrir. Il faudrait être stupide pour sous-estimer un shaman.

- Je vais donner ce portrait à mes confrères, merci Sidney, dit Gordon en mettant la feuille dans le dossier.

- Le chasseur que nous avons arrêté, il les connaît ?, questionne Ali.

- Non, répond Sidney. Spencer est un solitaire, il n'a pas de relation avec ce groupe de chasseur.

- Spencer ?, s'étonne son mari. Parce que maintenant, tu appelles ce connard par son prénom ?

Sidney agite les lèvres afin de retenir le sourire qui le démange. Voir son mari jaloux est très satisfaisant et le remplit de joie. Plus tard, le moment venu, il avouera à Alistair pourquoi il se permet cette familiarité et d'autres secrets qu'il dissimule. Mais pas tout de suite, les événements doivent s'enchaîner suivant un ordre bien précis. C'est trop tôt pour en révéler certains.

Au lieu de laisser jaillir son amusement, il lance un regard blasé au noiraud. Même si celui-ci peut entendre son coeur battre. En 28 ans, Alistair n'a jamais eu de raisons d'être jaloux et ce n'est pas aujourd'hui que cela va commencer.

- Bref, soupire Sidney. Vous ne tirerez rien de lui, il ne pourra pas vous aider.

- Peu importe, nous avons déjà tout ce dont nous avons besoin, réplique Ali presque en grognant.

- Eux aussi, tu vas les menaces sur plusieurs générations ?, questionne Gordon.

Le shaman tourne la tête vers le patron d'Alistair. Le sourire qui borde ses lèvres répond à sa place. Il ne va pas se contenter de les menacer, mais il va bien les hanter pour le reste de leur vie. À un point si poussé qu'ils auront eu raison de craindre les créatures surnaturelles. Ce n'est pas son arrêt maladie qui va l'empêcher de venger son mari. Ce sera sa punition personnelle.

- Tu as une contestation à faire là-dessus ?, demande Sidney.

- Absolument aucune, je pourrais même  trouver ça amusant, lui répond Gordon.

- Moi aussi, renchérit Alistair.

Sidney échange un regard complice et bourré d'affection avec son mari. Leurs doigts s'entrelacent sur la cuisse du blond. Une chaleur traverse son corps, sa nuque le picote. Il secoue la tête afin de chasser ce sentiment. Les deux loups-garous peuvent percevoir son aura, son pouls qui s'accélère, à cause de son désir envers Alistair. C'est au summum de la gêne.

- Quand à lieu le procès ?, demande son mari, le sauvant de cette situation.

- Dans deux semaines, l'informe Gordon, comme si de rien n'était. La procureur bosse déjà dessus, elle les fera condamner, sans l'ombre d'un doute.

- Oui, confirme-t-il.

Sidney surprend un échange de regard entre son mari et Gordon. Ils communiquent silencieusement, mais le shaman devine sans mal les aboutissants. Il ne peut pas dire qu'il est surpris, après tout, Alistair reste un alpha. Aujourd'hui, c'est un alpha blessé dans sa fierté, qui souhaite se venger de l'humiliation subit. Sidney le comprend et le soutien.

Lors du procès, Ali va devoir témoigner devant des gens, dont certains qu'il connaît et raconter ses tortures. Sa dignité va être de nouveau mise à rude épreuve. Il a donc besoin de savoir qu'il a rendu la monnaie de leur pièce aux chasseurs. Après ça, il pourra tourner la page de cet affreux épisode.

- C'est terminé maintenant ?, demande Sidney. Mon mari va pouvoir se reposer ?

- Malheureusement, avec notre boulot, ce ne sera jamais terminé, répond Gordon. Mais pour aujourd'hui oui.

- Parfait, du coup...

- Jefferson est inquiet pour toi, le coupe l'alpha suprême.

- Je suis en arrêt depuis quoi, trois heures !

Jefferson est le médecin légiste titulaire du commissariat et le mentor de Sidney. C'est avec lui qu'il a fait son stage de fin d'étude, qui l'a aidé durant toutes ses études, grâce à lui qu'il a validé son doctorat. Il a le plus grand respect pour cet homme qui lui a tout appris, c'est d'ailleurs pour cette raison que c'est la première personne qu'il a appelée en sortant du cabinet. Encore un homme qu'il déçoit, trahi. Il n'est bon qu'à cela ces derniers temps.

Un voile de tristesse s'empare de lui, suivi d'auto-flagellation. Son mari, qui évidemment ressent ses émotions, agrippe ses doigts plus fort. Il sait ce qu'Ali pense, qu'il ne déçoit personne, mais lui, sait que c'est faux. Des larmes emplissent ses yeux. Il ravale un sanglot. Ce n'était pas nécessaire que Gordon rajoute une couche à sa culpabilité déjà immense. Car cela ne fait pas que trois heures qu'il inquiète son patron, mais des semaines. Il le laisse tomber lui aussi.

- Bon, je vais vous laisser, annonce Gordon mal à l'aise.

Le flic se lève, en rassemblant les papiers. Alistair lâche la main de Sidney et imite son patron. Le shaman s'en veut d'avoir plombé l'ambiance. Mais ces temps-ci, c'est plus fort que lui. Il gâche tout, même les réunions familiales chez Virginia. Sa meilleure amie l'évite. Il n'est de bonne compagnie pour personne.

Alistair raccompagne son patron, Sidney les entend chuchoter sans parvenir à déterminer les paroles. S'il écoute sa paranoïa habituelle, elle lui dit qu'ils parlent de lui. Mais le peu de clairvoyance qui lui reste, lui souffle que ça n'a rien à voir avec lui. Lorsque son mari revient, il triture ses doigts sous la table. Il n'y a pas que l'ambiance qu'il a alourdie, également son état d'esprit.

- Pourquoi est-ce que tu culpabilises ?, lui demande Alistair.

- Parce que je me sens nul, avoue-t-il dans un murmure à peine audible pour les humains.

Troublé et peiné par cette confession, Ali s'accroupit face à Sidney, il lui prend les mains, les serres fort dans les siennes. Le menton du shaman se met à trembler, tandis que ses yeux se remplissent d'eau. Il ne parvient pas à retenir ses larmes. Alistair l'attire contre lui et le berce. Sa dépression grandit chaque jour un peu plus, elle prend le dessus sur tout.

Tendrement, son mari embrasse son front, mais Sidney ne se sent pas digne de ce baiser. Il ne mérite pas cette gentillesse. Lorsque le noiraud lui demande pourquoi il se perçoit ainsi, Sidney décide d'être honnête.

- Si je n'étais pas un shaman, je serais complètement inutile.

- C'est faux !, s'exclame Alistair outré.

- Tu sais que j'ai raison. Les gens ne m'appellent jamais pour prendre de mes nouvelles ou discuter, mais parce qu'ils ont besoin de mon pouvoir.

L'instincts de protection envers son âme-soeur se rebiffe et est prêt à protester. Seulement, Sidney a raison. Autre que leur entourage proche, les personnes qui le contactent, le font par intérêt. Ses derniers temps, c'était encore pire. Ces collègues de l'unité 1 ne lui parlaient que des chasseurs, son clan uniquement de la façon d'aider Leighton.

Parfois, il se demande si c'est vrai ou si ce n'est pas juste dans sa tête à cause de sa mélancolie. Se rendent-ils comptent que des questions sur leur avenir, lancées avec humour, peuvent blesser à la longue ? Apparemment non. Il en revient toujours au point de départ, le seul qui s'intéressait à lui, est son mari. Celui qu'il a repoussé.

Alistair, dont ce triste constat à affligé, ne sait pas quoi répondre. Il se contente d'étreindre Sidney. Aux yeux du shaman, c'est déjà assez. L'odeur de son mari fait frétiller ses narines et remue ses tripes. Il arrive au bout de sa retenue. Il désire si fort Alistair, que cela lui sert la poitrine, le faisait souffrir.

- Sidney, grogne le noiraud, de sa voix rauque et terriblement sexy.

Le blond gémit en se coulant instinctivement contre son mari. Il peut résister, lutter envers beaucoup de choses, mais pas contre ce timbre de voix. Malgré le fait que Sidney ne soit pas un loup-garou, et donc théoriquement pas réceptif à l'intonation des alphas, il n'est pas moins l'âme-soeur de l'un d'eux. Comme tout le monde, il a ses faiblesses. Ce ton autoritaire, mais bourré de luxure, en fait partie. Alistair le rend si sensible, il frétille à chaque geste, chaque parole.

Son corps se met à trembler d'envie, il fait glisser son nez sur la nuque de son mari. Il se tortille dans l'espoir que le noiraud réponde à sa demande sous-jacent. Il a besoin qu'Ali le touche, autant que de l'air pour respirer. Il perçoit les battements effrénés du coeur d'Ali, ainsi que sa respiration s'affoler.

- Il faut que je m'éloigne, prévient le loup-garou en grognant.

- Pourquoi ?, s'insurge-t-il plaintif.

- Pendant qu'il me reste un peu de self-contrôle et assez de force morale pour prendre mes distances.

- Non, je refuse.

Sidney encercle le bassin de son mari et le serre, le retenant de reculer. Il ne supportera pas de le voir partir. La mâchoire d'Ali se contracte, de même que tous ses membres. Si vraiment il refuse, Sidney obtempèrera. Il n'obligera pas son époux à franchir la barrière qu'ils avaient délimitée.

Au fur et à mesure que les secondes s'écoulent, sa lucidité diminue. En son fort intérieur, il sait pertinemment que ce n'est pas une bonne idée. Il a à peine mis des mots sur le mal qui le ronge depuis des mois, qu'il saute sur son mari. Il brûle les étapes. Il s'était promis de se soigner, de répondre à ses interrogations, avant de partager un moment charnel avec Ali. Ils ont remis un semblant de relation il y a peu, elle reste fragile.

- Bébé écoute, murmure le noiraud en prenant son visage en coupe. J'ai terriblement envie de faire l'amour avec toi, je t'assure, mais je ne le ferais pas,  temps que tu ne sauras pas ce que tu attends de moi et que tu ne me seras pas revenu entièrement.

- Je... je..., bégaye Sidney.

- Même si c'est atroce et insupportable de lutter, tu sais que j'ai raison et que c'est la meilleure chose à faire.

Sidney abdique. Il se sent humilié par le refus d'Alistair, surtout ridicule à vrai dire. Il comprend les réticences de son mari, ainsi que sa demande. Elle est d'ailleurs justifiée. Il n'a pas à être vexé du rejet, mais il devrait la voir comme une autre preuve que son mari est un homme exceptionnel et généreux. Il ne l'en aime que davantage. Il retire ses mains et bascule la tête sur l'épaule d'Ali. Il inspire pour refouler les larmes qui menacent de jaillir.

- Tu as raison, pardon. J'ai été bête, dit-il attristé malgré tout.

- Sidney, tu...

- Je t'aime, tu le sais, n'est-ce pas ? C'est le merdier dans ma tête, mais la seule chose que je peux affirmer, c'est que je t'aime.

- Je le sais bébé et je t'aime aussi, sois-en sûr, répond Alistair.

Le blond relève la tête et esquisse un petit sourire. Son érection est totalement retombée, en même temps que son désir. Maintenant, il a une bonne raison, une motivation supplémentaire pour se reconstruire. Dès demain, il va se secouer et sortir de sa torpeur.

Son souffle se coupe à l'instant où les lèvres de son mari recouvrent les siennes. Son monde est instantanément plus beau.

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